Frédéric Torterat, Sylviane Montredon et Florence Hyjazi, 2006-2007
ANALYSE DE PRODUCTION D'ELEVE, QUI POURRAIT INTEGRER
UN THEME DE GRAMMAIRE OU UNE QUESTION COMPLEMENTAIRE
(CRPE, ACADEMIE DE NICE)
Vous analyserez, dans le document ci-dessous, les problèmes posés par l'emploi des temps verbaux.
Ce document reproduit une page de cahier d'élève de CE 2, en milieu d'année. La consigne est la
suivante : écris la suite et la fin de cette histoire (Il était une fois une petite fille qui s'appelait Aurélie. Elle
vivait avec ses parents dans un village au bord de la mer. Un jour, sa maman lui prépara un flan au
chocolat et le plaça sur le rebord de la fenêtre pour le laisser refroidir. Aurélie jouait tranquillement dans sa
chambre quand, soudain, elle entendit sa mère crier : « Viens vite, Aurélie, le flan a disparu ! »).
Aurélie et le flan au chocolat
La maman d'Aurélie demande à Aurélie de cherché le voleur qui à volé le flan au chocolat. Elle
commenca par allé à la plage et elle voit une personn
et (graphie peu lisible)
qui mange un flan à
la vanille, la personne qui s'appelle Olivier ne mange que du flan à la vanille, Aurélie dit « vous
mangez des flans au chocolat ?
– Non répond Olivier »
Aurélie continue sont chemin vers la digue et elle rencontre un chien qui mangeun os. Aurélie
lui demanda : Vous avez vu le voleur qui a mangé le flan au chocolat de maman ?
Oui, répond le chien, c'est un chat »
Le chien amène Aurélie au chat qui mange un flan au chocolat. Aurélie reprend le flan et
repart à la maison et mange avec sa maman le flan au chocolat.
Frédéric Torterat, Sylviane Montredon et Florence Hyjazi, 2006-2007
Corrigé de l'APE (avec quelques indications) :
On notera tout de suite que la problématique des temps verbaux, et qui plus est celle du temps
(linguistique, verbal) en général, est l'une des plus difficiles à traiter en termes d'enseignement /
apprentissage de la langue française. Comme l'indique Marc Wilmet dans sa Grammaire critique du
français (1998), le temps verbal est l'une des manières d'indiquer les références temporelles dans un
texte, notamment dans une production d'écrit d'élève. Rien que les affixes rattachés au verbe
permettent de le faire de manière variée et plurivoque : les préfixes, tels que le re de la répétition et
de la réduplication (redire, refaire), les infixes comme ceux de pleuviner et de criailler (lesquels
impliquent une durée et une itération), mais aussi le r du futur (déclareRai / parleRait), ainsi, bien
sûr, que cette gamme de suffixes qu'on appelle les désinences verbales (flexionnelles), grosso modo
les terminaisons.
En termes d'instructions officielles, les Programmes de 2002 du cycle 3 invitent effectivement les
enseignants à faire « rédiger, à partir d’une liste ordonnée d’informations, un texte à dominante
narrative (entre autres), seul ou à plusieurs, dans le cadre d'un projet d'écriture relevant de l'un des
grands domaines disciplinaires du cycle, à partir des outils élaborés par la classe ».
Les élèves sont aussi amenés à « construire le présent, le passé composé, l’imparfait, le passé
simple, le futur (de l'indicatif), le conditionnel et le présent du subjonctif des verbes les plus
fréquents », ainsi qu'à « utiliser les temps verbaux du passé dans une narration (en particulier en
utilisant à bon escient l’opposition entre imparfait et passé simple) ». Les Instructions ne le
formulent pas explicitement, mais le fait de considérer le conditionnel (présent et passé) comme
faisant partie de l'indicatif ne pose aucun inconvénient, surtout dans les cas celui-ci renvoie au
futur du passé (je fus alors certaine qu'il partirait). En outre, il est tout de même conseillé de cerner
l'impératif dans ses grandes lignes, tout en montrant sa proximité avec le subjonctif (qu'ils
viennent), et en illustrant en quoi il est défectif (toutes les personnes n'y sont pas représentées).
Voici, d'autre part, les grandes lignes du programme dans le domaine qui nous intéresse ici :
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On identifie le verbe dans une phrase en observant les modifications qui peuvent l'affecter
(temps, personne, nombre) ou les éléments qui peuvent l'entourer (négation, nom ou pronom sujet). Il
n'y a pas de procédure automatique, simplement des critères convergents plus ou moins nombreux :
- on met en évidence les variations morphologiques en fonction du temps et du mode en opérant
chaque fois sur plusieurs registres temporels hier…, aujourd’hui…, demain et non en se
contentant d’un imparfait. C'est en particulier le cas lorsque le verbe est à un temps composé j'ai
man seul le passage au présent ou au futur aujourd'hui je mange, demain, je mangerai permet
d'éviter que dans j'avais mangé, l'élève identifie le verbe comme étant avoir et non manger.
L’objectif est de parvenir à une comphension des régularis du système des désinences qui
permette d'écrire correctement des formes verbales dont la réalisation écrite comporte des variations
qui souvent ne se marquent pas à l'oral.
Les verbes en français comprennent deux éléments, le radical (ou base) et la terminaison (ou
désinence/flexion). Le radical est l’élément lexical qui apporte le sens quelles que soient les
variations en temps, mode, personne et nombre. La terminaison apporte les informations de
nature grammaticale : temps, mode, personne et nombre.
Ces informations peuvent être successives comme dans nous aimons, le radical aim- est suivi de
la désinence -ons, pour la 1ère personne du pluriel, à comparer à nous aimerons, le -r vient
marquer le futur. Elles peuvent aussi être rassemblées en une réalité unique : je suis.
On peut dégager les régularités suivantes dans les terminaisons grammaticales :
- les marques de temps précèdent les marques de personne et de nombre : je retourne-r-ai, nous
ven-i-ons ;
- limparfait se forme avec « -ai » pour les personnes du singulier (je ven-ai- s, il mange- ai- t) et i pour les
personnes du pluriel (vous pren-i-ez) ;
- le futur de l'indicatif et le conditionnel se forment avec -r : nous prend-r-ons, vous retourne-r-ez, ils
commence-r-aient
La présentation des verbes français en "tables de conjugaison" et en "trois groupes" est la façon
classique en grammaire scolaire d'aborder l'organisation du système morphologique.
Cette organisation traditionnelle en trois groupes repose sur l'identification des terminaisons des
infinitifs. Apparemment simple, elle ne permet pas d'engendrer des formes verbales appropriées
puisqu'un même verbe peut avoir plus d'un radical (exemple, coudre : comment aller de je cousais
à nous coudrons ?).
Notons par ailleurs que pour marquer le temps autrement que par le verbe, on relèvera donc
certains affixes (un ex-ministre appartient au passé) rattachés par exemple au nom, les prépositions
(depuis, avant de), les adverbes (demain, constamment), les conjonctions (quand, alors que), certaines
constructions grammaticales (comme la coordination, laquelle, dans la copie présentée ci-dessus,
est particulièrement présente dans la dernière phrase pour marquer la concaténation des
événements, et donc l'énumération des faits), et même les termes ou locutions en eux-mêmes (ceux
de va et vient ou de précédent le font explicitement).
Pour information, nous reportons ci-après un tableau qui ne correspond pas aux tableaux de
conjugaisons courants – sur lequel ne porte aucune controverse chez les grammairiens :
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MODES
PROPREMENT
INDISCUTABLES
FORMES VERBALES
APPARENTEES A
DES MODES
FORMES VERBALES, NON PERSONNELLES ETNON
TEMPORELLES, DONT LA CLASSIFICATION DANS LA
CATEGORIE DES MODES EST DISCUTABLE
indicatif
subjonctif
(impératif)
conditionnel
gérondif
infinitif
participes (présent, passé)1
Pour ce qui nous concerne donc ici, il s'agit d'une production d'élève de milieu d'année de CE 2,
et par conséquent de début de cycle 3. Une copie assez convenable, malgré les erreurs de
ponctuation, de graphie et d'organisation des temps verbaux. Nous relèverons donc les problèmes
posés par l'emploi spécifique des temps verbaux, dont nous établirons un classement sommaire
simultanément.
1. L'appropriation des consignes d'écriture portant sur les marques du temps
Cette copie montre que l'élève ne s'est approprié qu'une partie des consignes d'écriture : il a bien
saisi qu'il s'agissait de poursuivre le récit l'histoire ») et de le prolonger jusqu'à une situation
finale. Par ailleurs, le thème général, le cadre de l'action, les personnages principaux, l'insertion des
propos rapportés (surtout du discours direct, mais le discours indirect est également représenté
dans la copie), la trame narrative et la vraisemblance de la fiction ont bien été intégrés. Les
problèmes rencontrés consistent donc surtout dans deux points : d'une part, l'absence d'emplois
d'autres marqueurs temporels (que les désinences verbales), tels que les adverbes (par exemple
soudain), les expressions nominales (notamment un jour) ou encore les conjonctions (quand),
présents dans le texte d'appui ; d'autre part, l'emploi irrégulier du passé simple et corollairement
du plus-que-parfait et de l'imparfait de l'indicatif.
2. Concernant les marques flexionnelles du verbe
L'élève semble tout à fait capable de marquer les désinences verbales les plus courantes. Il a
toutefois des difficultés encore à distinguer le participe passé de l'infinitif des verbes du premier
1 Le conditionnel est de plus en plus intégré dans le cadre de l'indicatif, pour des raisons à la fois de
signification (un futur du passé) et de morphologie (le R du futur) ; l'impératif, lequel est défectif (il
n'apparaît qu'à certaines personnes), est souvent rattaché au subjonctif, le gérondif (en disant, en
parlant) renvoie dans bien des cas au participe présent dont il se distingue par la présence de la
préposition en. Quant à l'infinitif, il ne profite d'aucune désinence propre, et réclame des données
contextuelles pour un rattachement aux marques de personne et de temps, tout comme les participes, qui
sont appelés ainsi parce qu'ils participent à la fois à la catégorie verbale et adjectivale (ils se comportent
comme des adjectifs, mais conservent généralement les prérogatives verbales, comme celle qui consiste à
recevoir un complément d'objet ou des compléments circonstanciels).
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groupe (cherché, allé), lesquels constituent des homophones. Quelques séances de remédiation, à
l'appui de modifications habituelles telles que la substitution des verbes du premier groupe par
des verbes du deuxième ou troisième groupe, seront sans doute profitables.
3. Conduite du récit et organisation des temps verbaux
On notera avant tout que l'emploi des temps verbaux dans les discours directs de la copie
d'élève ne pose aucune difficulté (présents de l'indicatif dans mangez, (c')est, passés composés avec
avez vu, a mangé).
La concordance des temps est bien marquée dans la première phrase (La maman d'Aurélie
demande à Aurélie (...) le voleur qui a volé le flan au chocolat), dans la deuxième partie de la deuxième
phrase (qui s'appelle Olivier, ne mange que (...), éventuellement Aurélie dit, et notamment répond),
dans le paragraphe intermédiaire entre les deux discours directs (de Aurélie continue (...) à de
maman ?), ainsi que dans le dernier petit paragraphe et l'incise (répond (le chien) ) qui apparaît dans
le discours direct intervenu juste avant. En revanche, si le paragraphe intermédiaire dont nous
avons parlé ne formait qu'une seule phrase, la concordance des temps serait erronnée.
C'est donc surtout l'emploi des temps du passé qui pose difficulté. L'élève, quand il tente de
recourir la première fois au passé simple (Elle commença (...), dans la deuxième phrase), ne parvient
pas à rétablir la concordance des temps : on aurait attendu à sa suite le pas simple (elle vit) et
l'imparfait de l'indicatif (qui mangeait), de même que par la suite. Peut-être l'emploi d'un tel temps
du récit provoque-t-il une surcharge cognitive pour l'élève, qui l'utilise de manière sporadique et
très aléatoire. Quand il n'y a pas de concordance à respecter, l'emploi du passé simple (dans sa
seconde occurrence : Aurélie lui demanda) est approprié, de sorte qu'on peut se demander si le verbe
dire de la troisième phrase (Aurélie dit suivi du discours direct) est conjugué au passé simple ou au
présent de l'indicatif, qui constituent deux homonymes.
Cette hypothèse de surcharge cognitive est corroborée par deux faits : d'une part, l'emploi du
passé simple avec demanda déclenche l'oubli d'une partie de la ponctuation caractéristique du
discours direct (ici les premiers guillemets et le tiret de l'interlocution) ; d'autre part, l'emploi
surabondant de la conjonction et dans la dernière phrase en multicoordination, sans doute à
une certaine fatigue physique de l'écriture.
On aurait attendu, avec un récit sans erreur dans l'emploi du passé simple, la présence du plus-
que-parfait (qui avait volé le flan au chocolat), et de l'imparfait (qui mangeait, qui s'appelait, ne
mangeait, qui mangeait un os, au chat qui mangeait un flan au chocolat) de l'indicatif (n'oublions pas que
ces deux temps sont aussi représentés dans le subjonctif). Le passé simple, enfin, aurait être
représenté dans demander (La maman d'Aurélie demanda), voir (elle vit une personne), répondre
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