Arabie Saoudite : Austérité budgétaire nécessaire mais insuffisante

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Arabie saoudite
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Arabie saoudite
Austérité budgétaire nécessaire mais insuffisante
Après un déficit budgétaire record en 2015, le gouvernement saoudien a annoncé une série de mesures destinées à adapter les
finances publiques à une période de prix du pétrole bas. Les marges de manœuvres sont limitées, et les finances publiques
devraient continuer de se dégrader à moyen terme. La baisse des actifs nets publics et externes reste soutenable même avec des
hypothèses de prix du pétrole conservatrices. Mais le rythme des réformes structurelles destinées à diversifier l’économie et créer
de l’emploi pour les nationaux risque de ralentir sous l’effet de la mauvaise conjoncture économique. Le risque politique et social
ne peut qu’augmenter.
La forte chute des prix du pétrole et l’augmentation des tensions
géopolitiques régionales nourrissent de nombreuses interrogations
sur les perspectives économiques saoudiennes. La croissance
économique est en berne et la situation budgétaire continuera de se
dégrader.
Une flexibilité budgétaire limitée
En 2015, l’exercice budgétaire s’est soldé par un déficit record de
15% selon les estimations officielles. A ce ficit peuvent être
ajoutées des penses « hors budget » de financement de projets
estimées à environ 5% du PIB. Même si l’on considère le caractère
exceptionnel de certaines dépenses (l’intronisation du nouveau roi a
donné lieu à des dépenses exceptionnelles équivalentes à 4% du
PIB), un tel niveau de déficit est difficilement soutenable.
Le budget 2016 est basé sur un prix du pétrole (Brent) d’environ 42
USD/baril et prévoit une réduction des dépenses de 14% par
rapport à celles réalisées en 2015. Cela amènerait le déficit
budgétaire à environ 13% du PIB en 2016 selon le gouvernement.
Le ministère des Finances a annoncé des mesures d’économies
pour l’ensemble des ministères, ainsi que l’introduction de nouvelles
sources de revenu. Malgré une volonté affichée, les marges de
manœuvre budgétaires sont limitées, et une trop forte contraction
budgétaire entrerait vite en contradiction avec les objectifs de
croissance et de création d’emplois. Par conséquent, il est
vraisemblable que le déficit budgétaire saoudien restera dégradé à
moyen terme en l’absence d’un rebond du marché du pétrole.
Du côté des dépenses, une première source d’économie attendue
provient de la réduction des subventions aux produits énergétiques.
Le coût de ces dernières est estimé à environ 10% du PIB et les
autorités ont annoncé un doublement du prix de l’essence. Au-delà,
ce sont les prix de l’ensemble des combustibles, de l’eau et de
l’électricité qui devraient être concernés par une baisse des
subventions dans les prochaines années. A court terme, la
duction des subventions énergétiques devrait générer une
réduction des dépenses équivalente à environ 1,2% du PIB. Par
ailleurs, le gouvernement affiche la volonde réduire les dépenses
des ministères de l’Education (-11,7%) et du secteur socio-sanitaire
(-35%). Cela paraît difficile compte tenu de la pression
démographique soutenue et de l’urgence d’adapter le système
éducatif actuel aux réalités du marché du travail. Les dépenses
militaires et de sécurité figurent dans le budget pour la première fois.
Elles représentent 25% des dépenses budgétaires totales. Etant
donné les tensions géopolitiques régionales et la hausse structurelle
des dépenses militaires (+19% par an en moyenne depuis 2001), il
est peu probable qu’elles ralentissent.
Concernant les recettes qui dépendent à 90% des revenus du
pétrole la mise en place de taxes et d’impôts n’en est qu’à ses
débuts dans un pays il n’existe ni TVA ni impôt sur le revenu.
L’ensemble des recettes issues de taxes ou impôts était équivalent
à 1,4% du PIB en 2014. L’introduction de la TVA à un taux de 5% a
été annoncée. Selon le FMI, le produit annuel de cette taxe ne
devrait pas dépasser 1,5% du PIB.
Des perspectives budgétaires incertaines mais
soutenables à moyen terme
Les perspectives du marché pétrolier sont très incertaines et une
période prolongée de prix bas (inférieur à l’hypothèse du
gouvernement saoudien) n’est pas à exclure. La politique de gain
1- Synthèse des prévisions
f: estimations et prévisions BNP Paribas Recherche Economique Groupe
2- Croissance et dépenses budgétaires
%
Dépenses budgétaires en % du PIB non-pétrolier (é.g.)
Croissance du PIB réel.d.)
Sources : MoF, BNP Paribas
2014 2015f 2016f 2017f
PIB réel, variation annuelle, %
3,5 3,3 1,7 1,2
Inflation, IPC, v ar. annuelle, % 2,7 2,3 2,6 3,0
Solde budgétaire, % du PIB
-2,3 -15,0 -16,7 -11,1
Dette du gouv . central, % du PIB 1,6 6,2 14,0 22,0
Balance courante, % du PIB
10,3 -5,0 -17,1 -10,2
Dette ex terne, % du PIB 12,3 15,0 14,8 14,6
Réserves de change, mds USD
724 628 400 336
Réserves de change, en mois d'imports 38,0 34,0 25,0 22,0
Taux de change SAR/USD (fin d'année)
3,8 3,8 3,8 3,8
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Arabie saoudite
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de parts de marché menée principalement par l’Arabie saoudite se
heurte à de fortes contraintes. Certes, la production américaine
s’est réduite par rapport à son plus haut de mi-2015 et la baisse de
la production pourrait s’accélérer en 2016. Mais elle reste à un
niveau élevé. Même si certaines compagnies pétrolières
américaines connaissent actuellement de graves difficultés
financières, les gains de productivité ont été très importants dans le
secteur et ont permis de réduire significativement le point mort dans
cette industrie. Les spécificités techniques du pétrole de schiste et
la présence de compagnies privées plus réactives font que la
capacité de rebond des producteurs américains est beaucoup plus
rapide que dans les autres pays producteurs. Aux Etats-Unis, le
délai entre la décision finale d’investissement et le début de
production est inférieur à un an, tandis qu’il se situe aux environs de
quatre ans pour la majorité des pays du Moyen-Orient. Par ailleurs,
le retour sur le marché du trole iranien, dans un contexte de
demande mondiale manquant de dynamisme, pourrait maintenir
voire aggraver l’excédent d’offre.
Sous l’hypothèse d’un prix du Brent inférieur à 60 USD/baril en
moyenne au cours des cinq prochaines années, nous estimons que
le budget saoudien devrait rester en déficit durant cette période. De
15% du PIB estimé en 2015, le déficit budgétaire devrait
progressivement se réduire à moins de 7% du PIB d’ici 2020. A cet
horizon, le financement du déficit ne devrait pas poser de difficultés.
En 2015, le déficit a été financé aux ¾ par des retraits des réserves
du gouvernement auprès de la banque centrale (SAMA) et par des
émissions de dette sur le marché local pour le restant. A fin
novembre 2015, le montant des avoirs gouvernementaux auprès de
la SAMA s’élevait à USD 280 mds, en baisse de USD 113 mds sur
une année, tandis que l’équivalent de USD 22 mds de dette a été
émis. A fin 2015, la dette totale du gouvernement était estimée à
6% du PIB, et les avoirs du gouvernement logés à la SAMA à
environ 40% du PIB.
Selon nos projections, en supposant une baisse progressive de la
part du déficit financée par des retraits d’actifs (1/3 à partir de 2017),
la dette du gouvernement s’élèverait à 39% du PIB en 2020, tandis
que les avoirs équivaudraient à 15% du PIB. Sans nier une
dégradation très importante des comptes publics en cinq ans, la
situation n’est pas alarmante. Le gouvernement saoudien gardera
une capacité d’émission sur les marchés des capitaux à des
conditions favorables. Par ailleurs, les actifs publics en dehors de
ceux logés à la SAMA sont substantiels. Ceux détenus dans des
sociétés saoudiennes cotées sont estimés à environ USD 200 mds
(soit environ 30% du PIB de 2015), et ceux détenus dans des
sociétés non cotées, mais potentiellement privatisables, sont
supposés être significatifs.
La position extérieure du royaume ne nous semble pas en danger
d’ici 2020, même si la dégradation est sensible également. En
faisant l’hypothèse d’un rétablissement du surplus des comptes
courants d’ici 2019, les réserves de change totales (incluant la part
détenue par le gouvernement) s’élèveraient à USD 240 mds en
2020, équivalent à 15 mois d’importations.
Des changements structurels sont nécessaires
D’une manière récurrente, les perspectives de moyen terme restent
dominées par la double problématique de la diversification
économique et la création d’emplois pour les nationaux. Le chantier
est immense et les problématiques sont multiples : développer le
secteur privé hors hydrobarbures, inciter la population nationale à
intégrer le secteur privé, améliorer la productivité de la main
d’œuvre notamment.
L’annonce récente de la privatisation d’une partie du capital de la
compagnie pétrolière nationale Aramco peut être interprétée comme
une volonté d’accélération de la libéralisation de l’économie et
d’amélioration de la transparence des structures économiques.
Cependant, la réforme de l’économie saoudienne est un processus
lent et les évolutions récentes nous incitent à la prudence. L’Arabie
Saoudite reste peu attractive pour les investisseurs étrangers
puisque les IDE sont inférieurs à 2% du PIB en moyenne depuis
2011. Concernant l’emploi, l’entrée sur le marché du travail de 6
millions de personnes supplémentaires d’ici 2030 va nécessiter la
création accélérée et massive demplois dans le secteur privé. Les
contraintes dans ce domaine restent très importantes. Selon une
étude récente de McKinsey, durant la période récente de prix élevé
du pétrole (2003-13), 1,7 million d’emplois ont été créés pour les
saoudiens dont 1 million dans le secteur public. La proportion des
nationaux travaillant dans le secteur public est restée constante à
70% durant cette période. Par ailleurs, le salaire moyen dans le
secteur public est supérieur de 70% à celui du secteur privé. C’est
une forte contrainte au veloppement de l’emploi des nationaux
dans le secteur privé. Le programme actuel de nationalisation de
l’emploi obtient des résultats positifs mais risque rapidement
d’atteindre certaines limites (certains secteurs économiques
resteront peu attractifs pour les nationaux) et ne participe pas d’une
dynamique positive de création de nouveaux emplois dans le
secteur privé.
Même si nous estimons que les risques macro-financiers sont
maîtrisables à court-moyen terme, et malgré des déclarations
volontaristes des autorités, nous estimons que les difficultés
économiques actuelles sont porteuses de risques et ralentiront
significativement la nécessaire transformation de l’économie
saoudienne.
Pascal Devaux
pascal.devaux@bnpparibas.com
3- Avoirs et dette du gouvernement
% du PIB
Avoirs du gouvernement à la SAMA Dette du gouvernement
Sources : SAMA, BNP Paribas
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