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de parts de marché menée principalement par l’Arabie saoudite se
heurte à de fortes contraintes. Certes, la production américaine
s’est réduite par rapport à son plus haut de mi-2015 et la baisse de
la production pourrait s’accélérer en 2016. Mais elle reste à un
niveau élevé. Même si certaines compagnies pétrolières
américaines connaissent actuellement de graves difficultés
financières, les gains de productivité ont été très importants dans le
secteur et ont permis de réduire significativement le point mort dans
cette industrie. Les spécificités techniques du pétrole de schiste et
la présence de compagnies privées plus réactives font que la
capacité de rebond des producteurs américains est beaucoup plus
rapide que dans les autres pays producteurs. Aux Etats-Unis, le
délai entre la décision finale d’investissement et le début de
production est inférieur à un an, tandis qu’il se situe aux environs de
quatre ans pour la majorité des pays du Moyen-Orient. Par ailleurs,
le retour sur le marché du pétrole iranien, dans un contexte de
demande mondiale manquant de dynamisme, pourrait maintenir
voire aggraver l’excédent d’offre.
Sous l’hypothèse d’un prix du Brent inférieur à 60 USD/baril en
moyenne au cours des cinq prochaines années, nous estimons que
le budget saoudien devrait rester en déficit durant cette période. De
15% du PIB estimé en 2015, le déficit budgétaire devrait
progressivement se réduire à moins de 7% du PIB d’ici 2020. A cet
horizon, le financement du déficit ne devrait pas poser de difficultés.
En 2015, le déficit a été financé aux ¾ par des retraits des réserves
du gouvernement auprès de la banque centrale (SAMA) et par des
émissions de dette sur le marché local pour le restant. A fin
novembre 2015, le montant des avoirs gouvernementaux auprès de
la SAMA s’élevait à USD 280 mds, en baisse de USD 113 mds sur
une année, tandis que l’équivalent de USD 22 mds de dette a été
émis. A fin 2015, la dette totale du gouvernement était estimée à
6% du PIB, et les avoirs du gouvernement logés à la SAMA à
environ 40% du PIB.
Selon nos projections, en supposant une baisse progressive de la
part du déficit financée par des retraits d’actifs (1/3 à partir de 2017),
la dette du gouvernement s’élèverait à 39% du PIB en 2020, tandis
que les avoirs équivaudraient à 15% du PIB. Sans nier une
dégradation très importante des comptes publics en cinq ans, la
situation n’est pas alarmante. Le gouvernement saoudien gardera
une capacité d’émission sur les marchés des capitaux à des
conditions favorables. Par ailleurs, les actifs publics en dehors de
ceux logés à la SAMA sont substantiels. Ceux détenus dans des
sociétés saoudiennes cotées sont estimés à environ USD 200 mds
(soit environ 30% du PIB de 2015), et ceux détenus dans des
sociétés non cotées, mais potentiellement privatisables, sont
supposés être significatifs.
La position extérieure du royaume ne nous semble pas en danger
d’ici 2020, même si la dégradation est sensible également. En
faisant l’hypothèse d’un rétablissement du surplus des comptes
courants d’ici 2019, les réserves de change totales (incluant la part
détenue par le gouvernement) s’élèveraient à USD 240 mds en
2020, équivalent à 15 mois d’importations.
■ Des changements structurels sont nécessaires
D’une manière récurrente, les perspectives de moyen terme restent
dominées par la double problématique de la diversification
économique et la création d’emplois pour les nationaux. Le chantier
est immense et les problématiques sont multiples : développer le
secteur privé hors hydrobarbures, inciter la population nationale à
intégrer le secteur privé, améliorer la productivité de la main
d’œuvre notamment.
L’annonce récente de la privatisation d’une partie du capital de la
compagnie pétrolière nationale Aramco peut être interprétée comme
une volonté d’accélération de la libéralisation de l’économie et
d’amélioration de la transparence des structures économiques.
Cependant, la réforme de l’économie saoudienne est un processus
lent et les évolutions récentes nous incitent à la prudence. L’Arabie
Saoudite reste peu attractive pour les investisseurs étrangers
puisque les IDE sont inférieurs à 2% du PIB en moyenne depuis
2011. Concernant l’emploi, l’entrée sur le marché du travail de 6
millions de personnes supplémentaires d’ici 2030 va nécessiter la
création accélérée et massive d’emplois dans le secteur privé. Les
contraintes dans ce domaine restent très importantes. Selon une
étude récente de McKinsey, durant la période récente de prix élevé
du pétrole (2003-13), 1,7 million d’emplois ont été créés pour les
saoudiens dont 1 million dans le secteur public. La proportion des
nationaux travaillant dans le secteur public est restée constante à
70% durant cette période. Par ailleurs, le salaire moyen dans le
secteur public est supérieur de 70% à celui du secteur privé. C’est
une forte contrainte au développement de l’emploi des nationaux
dans le secteur privé. Le programme actuel de nationalisation de
l’emploi obtient des résultats positifs mais risque rapidement
d’atteindre certaines limites (certains secteurs économiques
resteront peu attractifs pour les nationaux) et ne participe pas d’une
dynamique positive de création de nouveaux emplois dans le
secteur privé.
Même si nous estimons que les risques macro-financiers sont
maîtrisables à court-moyen terme, et malgré des déclarations
volontaristes des autorités, nous estimons que les difficultés
économiques actuelles sont porteuses de risques et ralentiront
significativement la nécessaire transformation de l’économie
saoudienne.
Pascal Devaux
pascal.devaux@bnpparibas.com
3- Avoirs et dette du gouvernement
█ Avoirs du gouvernement à la SAMA █ Dette du gouvernement
Sources : SAMA, BNP Paribas
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