Les approches thérapeutiques non pharmacologiques des troubles

Journal Identification = PNV Article Identification = 0368 Date: December 10, 2012 Time: 10:9 am
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (4) : 427-36
Les approches thérapeutiques
non pharmacologiques des troubles
du langage dans la démence sémantique
Non-pharmacological therapies of language deficits
in semantic dementia
Karine Gravel-Laflamme1
Sonia Routhier1,2
JoËl Macoir1,2
1Département de réadaptation,
programme de maîtrise en orthophonie,
Faculté de médecine, Université Laval,
Québec, Canada
2Centre de Recherche de l’Institut
universitaire en santé mentale,
Québec, Canada
Tir´
es `
a part :
J. Macoir
Résumé. Cette revue de la littérature rapporte les études relatives aux traitements compor-
tementaux de la démence sémantique (DS), une maladie neurodégénérative caractérisée
par la présence de troubles sémantiques, d’anomie et de difficultés de compréhension des
mots. Elle aborde plus spécifiquement les approches thérapeutiques cognitives, participa-
tives et compensatoires/augmentatives proposées dans la littérature scientifique pour le
traitement des troubles du langage dans la DS. La plupart des études montrent l’efficacité
des interventions thérapeutiques, mais le maintien des acquis et la généralisation aux habi-
letés langagières non traitées restent cependant souvent très limités. D’autres études sont
nécessaires pour établir l’efficacité de méthodes thérapeutiques adaptées aux troubles du
langage et de la communication dans la DS et notamment des approches plus écologiques,
centrées sur les besoins spécifiques des personnes affectées par cette maladie.
Mots clés : thérapie, système de communication alternatif, système de communication
augmentatif, aphasie progressive primaire, démence sémantique
Abstract. Semantic dementia (SD) is a neurodegenerative condition characterised by a
progressive disorder of semantic processing, word comprehension and anomia. This lite-
rature review reports behavioural studies about language therapies for SD. More precisely,
the review presents the cognitive, participative and alternative/augmentative interventions
reported in the literature to improve language performances or to compensate for language
worsening associated with the disease. Most studies show that interventions are efficient.
However, maintenance of improvement and generalization to untreated language abilities
remain limited. Other studies are still required to establish the clinical relevance of interven-
tions for language and communication disorders in semantic dementia. In these studies,
the use of more ecological interventions focusing on the specific needs of people living
with semantic dementia should be specifically addressed.
Key words: aphasia, alternative communication system, augmentative communication
system, literature review, primary progressive aphasia, semantic dementia
On observe un accroissement important de
l’incidence des maladies neurodégénératives
directement lié au vieillissement de la population
dans les sociétés occidentales. Parmi ces maladies, les
démences sont caractérisées par une détérioration du fonc-
tionnement cérébral entraînant des déficits de la mémoire,
du langage, des praxies, des gnosies et des fonctions exé-
cutives. Selon les critères diagnostiques du DSM-IV établis
par l’American psychiatric association [1], cette détériora-
tion se répercute également de manière significative sur
le fonctionnement social et professionnel de la personne.
Parmi les diverses formes de démences, la démence fron-
totemporale, troisième forme la plus fréquente de démence
corticale après la démence de type Alzheimer et la démence
à corps de Lewy [2], est caractérisée par une dégéné-
rescence progressive des lobes frontaux et temporaux.
En 1998, Neary et al. [2] proposaient une typologie des
démences frontotemporales comprenant trois syndromes
distincts : la démence frontotemporale proprement dite,
l’aphasie progressive primaire non fluente et la démence
sémantique (DS).
Selon Neary et al. [2], la DS se traduit par une atro-
phie uni- ou bilatérale de la région antérieure ou médiane
du lobe temporal ainsi que des gyrus temporaux inférieur
et médian. La maladie affecte de manière spécifique la
mémoire sémantique, soit la mémoire à long terme respon-
doi:10.1684/pnv.2012.0368
Pour citer cet article : Gravel-Laflamme K, Routhier S, Macoir J. Les approches thérapeutiques non pharmacologiques des troubles du langage dans
la démence sémantique. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(4) :427-36 doi:10.1684/pnv.2012.0368 427
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Journal Identification = PNV Article Identification = 0368 Date: December 10, 2012 Time: 10:9 am
K. Gravel-Laflamme, et al.
sable de l’encodage et de la consolidation des informations
relatives au sens des mots, des concepts et des objets.
Elle se caractérise généralement par la production d’un dis-
cours fluent, produit sans effort apparent, mais marqué par
la production de mots vagues, de paraphasies sémantiques
et de circonlocutions. Le déficit sémantique peut aussi
conduire à une connaissance idiosyncrasique des concepts.
On observe également une dyslexie et une dysorthogra-
phique de surface. Les auteurs notent aussi la présence
d’agnosie associative et de prosopagnosie. L’avancement
de la maladie s’accompagne d’une réduction de l’empathie
et de la variété des intérêts que les patients peuvent mon-
trer [2].
Les études portant sur les thérapies non pharmaco-
logiques dans la DS sont encore limitées [3, 4]. Un défi
important de la thérapie réside dans la nature dégénéra-
tive de la maladie qui peut limiter l’effet d’un traitement ou
encore rendre difficilement mesurable son efficacité. Rapp
et Glucroft [5] précisent que peu d’études ont porté sur
l’efficacité des traitements, mais que la littérature existante
est prometteuse et montre que plusieurs méthodes ont per-
mis d’améliorer des composantes précises du langage chez
les personnes qui en sont atteintes. Cette revue de littéra-
ture porte sur les études publiées à ce jour sur le traitement
non pharmacologique de la DS.
Méthodologie
La recherche bibliographique a été effectuée dans les
banques de données PubMed, EbscoHost, Google Scho-
lar et PsychInfo à l’aide des mots clés suivants, utilisés
isolément et de fac¸on combinée, sans limite quant aux
dates de publication : frontotemporal dementia, primary
progressive aphasia, semantic dementia, treatment, the-
rapy, démence sémantique, aphasie progressive primaire.
De plus, les références des articles ainsi trouvés ont été
consultées afin de valider l’exhaustivité de la recherche
documentaire.
Cette recension des écrits comporte d’abord une sec-
tion relative au traitement des troubles du langage dans
la DS selon une approche cognitive de rééducation. La
section suivante porte sur les interventions participatives.
Enfin, la dernière section décrit les études dans lesquelles
ont été utilisées des méthodes compensatoires ou des
méthodes de suppléance à la communication. Le traitement
des troubles du langage et de la mémoire sémantique dans
la DS a fait l’objet de 15 publications à ce jour. Leur pré-
sentation succincte sera suivie d’une courte synthèse. Le
tableau 1 résume l’ensemble des études.
Recension des écrits
Approche cognitive de rééducation des troubles
du langage dans la DS
En 1999, Graham et al. [6] ont tenté d’objectiver l’effet
de l’entraînement intensif sur l’amélioration des habiletés
langagières de DM, un patient souffrant de DS. Au moment
de l’étude, DM présentait une anomie de plus en plus
importante et commenc¸ait à avoir des difficultés de compré-
hension des mots. Les lignes de base pour l’ensemble
des phases de l’étude ont été établies à l’aide de tests
sémantiques de production et de compréhension, dont le
Picture-naming test [7,8]etlePyramids and palm trees test
[9]. Avant de participer à l’étude, DM s’était créé une rou-
tine d’étude de mots problématiques, incluant la révision
de certaines sections d’un dictionnaire imagé, le Oxford
picture dictionnary (OPD), et la création d’un cahier person-
nel comprenant des définitions. Dans la première phase
du traitement, les auteurs ont cherché à objectiver l’effet
de l’étude libre à domicile des mots et effectué 4 éva-
luations sur une période de deux ans à l’aide de divers
tests de production et de compréhension. Les résultats
montraient une amélioration de la performance aux tests
de production orale (dénomination et fluence), alors qu’un
léger déclin était observé dans les tâches de compréhen-
sion. Selon les auteurs, l’amélioration en production orale
était liée au fait que tous les mots présentés dans les tests
étaient aussi inclus dans le dictionnaire et avaient donc été
travaillés à la maison de fac¸on intensive. De manière à déter-
miner si les améliorations en production observées à la
phase 1 étaient dues à l’étude quotidienne des mots, les
auteurs ont mesuré en phase 2 la différence entre les habi-
letés de fluence verbale pour des catégories sémantiques
étudiées régulièrement (n = 13) via le dictionnaire imagé
et des catégories sémantiques non étudiées (n = 13). Ils
ont observé effectivement une meilleure performance pour
les catégories travaillées que pour les catégories non tra-
vaillées. Dans la troisième étape du traitement, les auteurs
ont mesuré de manière plus structurée l’influence de la
pratique sur le réapprentissage de mots. Ils ont choisi 12
catégories sémantiques que DM n’a jamais travaillées et
pris des mesures de ligne de base. DM devait ensuite étu-
dier 4 premières catégories pendant 2 semaines à raison
de 30 minutes par jour. Après ces 2 semaines, il cessait
d’étudier les 4 premières catégories et commenc¸ait l’étude
de 4 nouvelles catégories. Les auteurs ont observé une
amélioration significative de la performance pour les caté-
gories étudiées seulement, immédiatement après les 2
semaines d’études. Ils notaient toutefois une diminution
de cette performance 10 semaines plus tard, bien qu’elle
soit toujours supérieure à celle établie à la ligne de base.
428 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n 4, décembre 2012
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Troubles du langage dans la démence sémantique
Tableau 1. Résumé des études relatives au traitement des troubles du langage dans la démence sémantique.
Table 1. Summary of the studies on therapies of language deficits in semantic dementia.
Étude Sujet Traitement Efficacité du traitement Généralisation
aux items
non traités
Maintien
Approche cognitive
Graham et al.
(1999) DM Phase1:Étudelibre à
domicile de mots par
catégorie, choisis par DM
Oui pour les tâches de
production
Non pour les tâches de
compréhension
N/D N/D
Phase2:Étudelibre à
domicile de mots par
catégorie, choisis par DM
Meilleure performance
pour les catégories
sémantiques étudiées
que pour les catégories
non étudiées
Non N/D
Phase3:Étuddomicile
de mots par catégorie,
choisis par les auteurs
et jamais étudiés par DM
Oui, pour les items
pratiqués seulement Non Déclin significatif lors de
l’arrêt de la pratique
(10 semaines plus tard)
Graham et al.
(2001) DM Tâche de fluence lexicale
catégorielle Oui : fluence lexicale
meilleure
Non : connaissances
sémantiques non rétablies
Non Non : 10 mois
post-traitement
Snowden &
Neary (2002) KB Présentation d’une image
et lecture du mot écrit
correspondant
Légère amélioration
limitée aux concepts
partiellement préservés
en mémoire sémantique
N/D Oui à 2 semaines ;
diminution après 4 mois
CR Présentation d’une image
accompagnée d’une
définition + lecture du mot
écrit + lien personnel
Oui : performance parfaite
en dénomination Maintien partiel à 6 mois
Jokel et al.
(2006) AK Dénomination d’images
suite à une étude des mots
et de leur définition
Significatif pour les items
mal dénommés en ligne
de base, qu’ils soient
encore compris ou non
(–N +C et –N –C)
Faible, dans la
dénomination
des items
contrôles
Un mois pour –N +C
Henry et al.
(2008) P1 Tâches sémantiques (ex.
classement d’images par
catégories, identification
d’attributs, dénomination)
Surtout pour les catégories
traitées Oui, mais faible 4 mois pour les
catégories traitées et
3 semaines pour les
catégories non traitées
P2 Faible Non Non
Heredia et al.
(2009) CUB Dénomination orale
d’images à domicile Oui Oui : à d’autres
images
représentant
le même mot
1 mois et 6 mois
Funnell (1995) Mme P Enseignement explicite
de 9 noms de concepts Oui : 6/9 bien dénommés Non Maintien de 3/6
neuf mois plus tard
Bier et al.
(2009) TBo Thérapie sémantique
avec récupération espacée
ou répétition
Oui : dénomination orale
et production d’attributs
spécifiques
Non Cinq semaines
(dénomination)
Dressel et al.
(2010) BF Dénomination orale
d’image avec hiérarchie
d’indices sémantiques
ou phonologiques
Oui Non Deux mois
Newhart et al.
(2009) N/D Dénomination d’images
avec indices hiérarchisée Oui Non N/D
Rapp &
Glucroft (2009) CB Traitement de la dysgraphie
en trois phases Effet modeste
Amélioration significative
en phase 1 seulement
Non Persistance de peu d’effet
à six mois
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K. Gravel-Laflamme, et al.
Tableau 1. (Suite)
Table 1. (Continued)
Étude Sujet Traitement Efficacité du traitement Généralisation
aux items
non traités
Maintien
Jokel et al.
(2010) CS MossTalk Words
(apprentissage sans erreur) Oui Test de
dénomination Un et trois mois
Frattali (2004) N/D Discussion à propos
d’images suivie de
dénomination orale
(apprentissage sans erreur)
Oui Non Non
Approche participative
Wong et al.
(2009) BV Activités de conversation Oui N/D Deux ans
Approche compensatoire
Routhier et al.
(sous presse) ND Utilisation d’un téléphone
intelligent Oui N/D Oui
Dans cette phase, aucune généralisation à la production
d’items non travaillés, mais appartenant aux catégories
entraînées, n’a été observée. À chacune des étapes, les
auteurs observaient également que DM dénommait les
items selon l’ordre dans lequel il les avait appris, ce qui sug-
gère que les résultats de l’étude étaient directement liés à
l’entraînement.
En 2001, les mêmes auteurs ont publié une étude
[10], également menée auprès de DM, visant à vérifier si
l’entraînement cognitif permettait de construire une trace
en mémoire sémantique. Pour ce faire, une tâche de fluence
catégorielle a été administrée à sept reprises à DM sur une
période de quatre ans. Tout au long de l’étude, le patient
était libre d’effectuer à la maison des tâches de fluence
lexicale en s’aidant du dictionnaire. Les auteurs ont obser
une amélioration notable de la performance en production
à chacune des sept mesures, mais un retour à la perfor-
mance obtenue avant le traitement après une période de
10 mois sans entraînement. Ils notaient aussi une difficulté
évidente à générer de l’information sémantique lorsque
DM était invité à décrire certains items produits dans la
bonne catégorie. De plus, les auteurs ont relevé que cer-
tains items produits par le patient n’appartenaient pas à la
catégorie demandée. Ces deux éléments suggéraient que
DM n’avait pas rétabli les représentations sémantiques des
items travaillés, mais qu’il les avait plutôt appris par cœur
en s’appuyant sur ses capacités préservées de mémoire
épisodique.
Snowden et Neary [11] ont rapporté une étude por-
tant sur un traitement lexico-sémantique administré à deux
patientes, KB et CR. La ligne de base était établie à l’aide de
diverses tâches (ex., dénomination orale d’images, associa-
tion mot écrit-image) visant à identifier les concepts altérés
en mémoire sémantique. Dix des 20 images sélectionnées
pour KB correspondaient à des concepts non dénommés
pour lesquels elle connaissait encore certaines informa-
tions sémantiques. Les 10 autres correspondaient à des
concepts non dénommés pour lesquels elle ne pouvait plus
fournir d’informations sémantiques. Le traitement consis-
tait à lire le mot écrit correspondant à l’image présentée.
À la fin de chaque séance, KB était invitée à nommer cha-
cune des 20 images. Une amélioration de la performance
post-traitement a été observée pour 6 des 20 images
traitées, correspondant toutes à des concepts pour les-
quels KB possédait de l’information résiduelle en mémoire
sémantique. Ces résultats suggèrent donc qu’une exposi-
tion répétée à des concepts est insuffisante pour restaurer
la mémoire sémantique, contrairement à ce qui avait été
obtenu auprès de DM [6, 10]. Snowden et Neary [11] ont
émis l’hypothèse que c’était la présence d’informations
résiduelles en mémoire sémantique qui permettait aux
sujets souffrant de DS de réapprendre des mots, du moins
pour une courte période de temps. Chez le second patient,
CR, les auteurs ont exploré l’importance de l’expérience
personnelle pour le réapprentissage des concepts. Ils ont
sélectionné 20 stimuli (mots écrits et photos) pour lesquels
CR ne possédait plus aucune représentation sémantique.
Le traitement consistait à présenter à CR une photo accom-
pagnée d’une définition du concept représenté et à lui
demander de lire le mot correspondant en se concentrant
sur l’image. De plus, pour chaque stimulus, un lien person-
nel était établi entre l’image et des objets appartenant à CR
ou des expériences personnelles qu’elle avait vécues. Par
exemple, pour l’image du canard, il lui était précisé que ce
canard était du même type que son propre canard en por-
celaine et que les canards qu’elle voyait régulièrement sur
l’étang. Suite à cette séance de pratique, CR a été invitée
à étudier à la maison les mots correspondant aux stimuli,
430 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n 4, décembre 2012
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Troubles du langage dans la démence sémantique
à raison de 20 minutes par jour pendant 3 semaines. Elle
a obtenu une performance parfaite en dénomination après
le traitement. Six mois après le traitement, les auteurs ont
toutefois observé une diminution des capacités de déno-
mination des stimuli (13/20), davantage marquée pour les
photos correspondant à des objets non liés à l’expérience
de CR. Ces résultats suggèrent que la nature familière des
concepts favorise l’apprentissage et le maintien à plus long
terme de la trace en mémoire sémantique.
Jokel et al. [12] ont présenté une étude visant le traite-
ment de l’anomie chez AK. La thérapie proposée consistait
en la dénomination d’un ensemble d’images choisies par
la participante. Pendant les 6 jours précédant le début de
la thérapie, AK étudiait à la maison le nom de stimuli ima-
gés (n = 230) qui allaient être utilisés en thérapie. Elle tentait
aussi d’apprendre une description de ces items, incluant un
lien personnel avec l’objet. Suite à cette période d’étude,
les stimuli imagés étaient répartis en trois ensembles de
30 stimuli (+N +C ; -N +C ; -N -C) selon que la compré-
hension du concept était préservée (+C) ou non préservée
(-C) et que la patiente était capable (+N) ou non (-N) de
dénommer l’image correspondante. Lors de la thérapie, AK
était invitée à dénommer sans aide les stimuli travaillés à
la maison. Après un traitement de trois semaines, à rai-
son de 30 minutes par jour, des effets positifs pour les
ensembles contenant des items compris (+C) ou non (-
C) ont été observés. Cependant, l’effet de généralisation à
des items non entraînés s’avérait minime. Un mois après la
thérapie, AK pouvait encore dénommer les deux tiers des
items des listes -N +C et -N –C. Six mois plus tard, elle
pouvait encore dénommer la moitié de l’ensemble -N +C
et le tiers de l’ensemble -N -C. Le maintien à long terme
des effets positifs de la thérapie, surtout pour les items
que AK pouvait comprendre, soutient l’hypothèse selon
laquelle les concepts préservés ou partiellement préservés
en mémoire sémantique facilitent le réapprentissage des
mots correspondants.
Henry et al. [13] ont proposé une thérapie sémantique
qui visait à soutenir la récupération des concepts par des
tâches sémantiques telles que le classement d’images
par catégories, l’identification d’attributs sémantiques, la
comparaison entre items et la dénomination orale d’images
appartenant à la même catégorie. Les deux participants
(P1 et P2) bénéficiaient de 12 séances de 90 minutes au
cours desquelles six catégories sémantiques étaient tra-
vaillées. Ce traitement était également intégré à domicile
afin d’optimiser la génération de nouveaux items, d’éviter
un simple apprentissage d’une série d’items et de favoriser
la généralisation. Pour ce faire, les auteurs encourageaient
les participants à produire des items non traités pouvant
appartenir aux catégories traitées. Les auteurs ont établi la
ligne de base et mesuré les effets de la thérapie à l’aide
d’une tâche de fluence lexicale d’une durée d’une minute
pour chaque catégorie. À la fin du traitement, les auteurs
ont observé chez P1 une forte amélioration de la perfor-
mance, un petit effet de généralisation ainsi qu’un maintien
des acquis quatre mois post-traitement, surtout pour les
items traités en thérapie, suggérant ainsi un effet protec-
teur de la thérapie. La thérapie était toutefois peu efficace
chez P2, sauf pour la catégorie “chiens”, et aucun effet
de généralisation ou de maintien n’a été observé chez lui.
Selon les auteurs, l’amélioration limitée à cette catégorie
résulterait de l’intérêt personnel de P2 pour cette catégorie
ou du maintien d’information résiduelle pour ces concepts
en mémoire sémantique. Selon eux, le déficit sémantique
plus important chez P2 que chez P1 permettrait peut-être
aussi d’expliquer la différence dans les effets du traitement
chez les deux patients.
Heredia et al. [14] ont rapporté les résultats d’une thé-
rapie constituée d’une tâche de dénomination orale d’un
ensemble de 28 images que la participante (CUB) ne pou-
vait dénommer en phase de pré-traitement. Quand CUB ne
pouvait dénommer une image, elle était invitée à lire le mot
écrit correspondant. Cette méthode était pratiquée à la mai-
son une fois par jour pendant un mois. Après le traitement,
on a observé une performance parfaite en dénomination
des items entraînés, un maintien des acquis pendant six
mois, mais une faible généralisation des acquis. Selon les
auteurs, l’intensité de la pratique, le moins grand nombre
d’items à réapprendre, le format simple de la thérapie et
l’inclusion d’items facilement utilisables dans le discours
quotidien sont des éléments susceptibles d’expliquer l’effet
positif de la thérapie.
Funnell [15] a tenté une méthode de réapprentissage
simple, en une seule séance, chez Mme P. L’auteur a
sélectionné six légumes que la patiente ne pouvait nom-
mer lors de l’établissement de la ligne de base et lui
demandait simplement de les nommer. En cas d’échec, la
réponse était immédiatement corrigée. Afin d’éviter que la
patiente n’apprenne la séquence de dénomination par cœur,
la séquence de présentation était constamment modifiée.
Cette procédure a été répétée dix fois au cours de la
même séance. Immédiatement après cette séance, dix
mesures ont été réalisées au cours desquelles la partici-
pante a réussi à nommer les six items, neuf fois sur dix. De
plus, sa performance était parfaite suite à une semaine de
pratique à domicile de la dénomination orale des mêmes
six légumes. On observait des effets neuf mois plus tard
alors qu’elle pouvait encore nommer correctement trois
des six légumes. Aucune généralisation n’a cependant été
observée, probablement en raison du faible nombre d’items
travaillés en thérapie.
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