Document de recherche de l’OMD n° 10
Répercussions des mesures possibles
d’atténuation des changements
climatiques et d’adaptation à ces
changements sur la douane – Examen
préliminaire
1
(Novembre 2010)
Robert Ireland
2
Résumé
Le présent document propose un examen préliminaire des répercussions théoriques et
pratiques que pourraient avoir sur le rôle de la douane certaines mesures d’atténuation des
changements climatiques et d’adaptation à ces changements. Les mesures étudiées ici sont
les suivantes : droits de douane sur le carbone importé (ex : ajustements fiscaux à la
frontière), facilitation du commerce de technologies utilisant des énergies à faible teneur en
carbone (via le Système harmonisé de codification et de désignation des marchandises),
lutte contre les irrégularités en matière d’échange de permis d’émission, dédouanement des
envois d’aide humanitaire d’urgence, reprise du commerce, et réponses apportées par la
douane à une éventuelle contraction du commerce international, provoquée par les
changements climatiques. Il est affirmé dans ce document qu’en approfondissant les
recherches sur ces sujets à l’aide de critères positifs et normatifs, on pourra examiner,
formuler et mettre en œuvre de manière plus rationnelle des politiques climatiques
pertinentes pour la douane. Une approche interdisciplinaire a été adoptée ici en ce qui
concerne la recherche de sources et l’analyse. Il est d’ailleurs recommandé d’utiliser cette
méthode de manière plus systématique pour enrichir encore les recherches sur les aspects
douaniers.
Mots clés
Douane et changements climatiques, taxes carbone, ajustements fiscaux à la frontière.
Remerciements
Cet article a été écrit par Robert Ireland, Unité Recherche et Stratégie de l’OMD, Bureau du
Secrétaire général. Il a été publié précédemment dans le World Customs Journal, réf.
Ireland, Robert (2010), “Implications for Customs of climate change mitigation and adaptation
policy options: a preliminary examination,” World Customs Journal 4, No. 2, pp. 21-36.
L’auteur tient à remercier Kunio Mikuriya, Allen Bruford, Thomas Cantens, Jae Young Choi,
Ed de Jong, Mariya Polner et Tadashi Yasui pour leurs suggestions.
Clause de non-responsabilité
La collection de documents de recherche de l’OMD diffuse les résultats des travaux en cours
afin d’encourager l’échange d’idées sur des questions douanières. Les points de vue et
opinions exprimés dans ce document sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas
nécessairement les points de vue ou les politiques de l’OMD ou de ses Membres.
Note
Tous les documents de recherche de l’OMD sont disponibles sur le site web public de
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1. Introduction
La plupart des scientifiques reconnaissent que les changements climatiques (ou le
réchauffement de la planète) représentent une menace potentiellement grave pour
l’environnement terrestre. Les pouvoirs publics distinguent généralement deux types de
mesures pour faire face à ce phénomène : l’atténuation (qui agit sur les causes) et
l’adaptation (qui agit sur les effets). Or ces deux types de mesures, aussi bien l’atténuation
que l’adaptation, ont des répercussions sur les administrations douanières. Le présent
document se propose de recenser les principaux aspects douaniers de ces mesures et d’en
effectuer une analyse préliminaire, en se basant sur la littérature spécialisée et sur d’autres
recherches, liées directement ou indirectement à ce phénomène doté de multiples facettes.
Les administrations douanières peuvent être amenées par les dirigeants politiques de leur
pays à appliquer des mesures d’atténuation des changements climatiques sous la forme de
procédures aux frontières ou d’actions de lutte contre la fraude douanière, par exemple :
droits de douane sur le carbone importé (ajustements fiscaux à la frontière, en particulier),
facilitation du commerce de technologies utilisant des énergies à faible teneur en carbone
(via la classification des marchandises) et lutte contre les irrégularités en matière d’échange
de permis d’émission.
Il peut être demandé également aux douanes de trouver des solutions d’adaptation aux
effets des changements climatiques : dédouanement des envois d’aide humanitaire, reprise
du commerce, et définition de bonnes pratiques pour faire face à une éventuelle contraction
du commerce international, due à des pertes matérielles causées par des changements
climatiques.
Ce document présente tout d’abord la science des changements climatiques car cette étude
s’inscrit dans un contexte global et ne peut pas être considérée de manière isolée. Le
consensus scientifique selon lequel l’activité de l’homme est en partie responsable des
changements climatiques, avec la probabilité de conséquences néfastes à moyen et long
terme, implique d’engager des négociations productives pour aboutir à des mesures solides.
Mais pour l’instant, les milieux politiques nationaux et internationaux traînent à apporter des
réponses politiques adéquates à cette crise mondiale. En outre, l’imbroglio de politiques sur
les changements climatiques et de principes favorables au libre-échange pur a suscité des
différends quant aux priorités.
2. Science des changements climatiques
Même si la science des changements climatiques, de manière spécifique, dépasse le cadre
de ce document, il convient de se pencher sur quatre aspects scientifiques pour déterminer
s’il est nécessaire d’appliquer des politiques nationales et mondiales en faveur du climat et si
la douane a un rôle à jouer. Ces quatre aspects sont les suivants : les concentrations de
dioxyde de carbone (CO2) sont-elles en augmentation dans l’atmosphère ? Si oui, cette
tendance est-elle de nature anthropique (due à l’activité humaine) ? Dans quelle mesure le
climat sur Terre est-il sensible à une hausse des concentrations atmosphériques de CO2 ?
Enfin, les changements climatiques ont-ils des conséquences graves pour notre planète ?
L’essentiel de ce que l’on sait sur les changements climatiques figure dans des évaluations
scientifiques, synthèses des principales connaissances scientifiques accessibles à des non-
4
spécialistes, notamment aux décideurs politiques (Dessler & Parson 2006, p. 43-45).1
Comme le montrent les évaluations scientifiques fondées sur des preuves empiriques et sur
la littérature revue par les pairs, il est reconnu que le climat connaît actuellement des
changements qui sont en majorité anthropiques. La déforestation et la combustion de
combustibles fossiles (charbon et pétrole en particulier) augmentent la concentration de CO2
et d’autres gaz à effet de serre (GES)2 dans l’atmosphère. Le CO2 présent dans
l’atmosphère absorbe l’énergie émise par le soleil et renvoie moins de rayonnement dans
l’espace, ce qui réchauffe la planète. Autrement dit, le CO2 présent dans l’atmosphère
fonctionne comme une couverture qui emmagasine la chaleur pour la surface qui se trouve
en dessous. Sans CO2 atmosphérique, la Terre serait trop froide pour être habitée par
l’homme. À l’inverse, trop de CO2 ferait de notre planète un brasier infernal.
L’histoire des changements climatiques anthropiques remonte aux débuts de la révolution
industrielle, au dix-huitième siècle, où l’on a commencé à faire appel à des combustibles
fossiles et à la déforestation pour des besoins industriels. En effet, ces activités provoquent
des émissions de CO2 qui se nichent dans les océans, dans des puits terrestres et dans
l’atmosphère. Ces phénomènes ont suscité l’inquiétude de certains scientifiques, redoutant
une fragilisation de l’équilibre climatique de la Terre. En 1957, l’océanographe Roger Revelle
et le chimiste Hans Suess ont publié un article célèbre selon lequel, d’ici quelques siècles,
nous renverrons dans l’atmosphère et dans les océans le carbone organique stocké dans
des roches sédimentaires depuis des centaines de millions d’années (Revelle et Suess
1957).
Revelle s’est prononcé en faveur d’une initiative visant à recueillir des données pour mesurer
la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Pour ce projet, son employeur, la Scripps
Institution of Oceanography de Californie, a engagé le chimiste Charles Keeling. À partir de
1958 et pendant les décennies qui ont suivi, Keeling et ses collègues ont recueilli des
données sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère à l’observatoire de Mauna Loa,
Hawaï et sur d’autres sites (Weart 2008, p. 34-37).
L’ensemble de données Scripps, connu sous le nom de courbe de Keeling, est devenu le
symbole du changement climatique et révèle incontestablement une augmentation
inexorable de la concentration atmosphérique de CO2. Le volume de carbone présent dans
l’atmosphère en parties par million (ppm) est passé de 280 ppm pendant l’ère pré-industrielle
à 315 ppm en 1958, pour atteindre 392 ppm en avril 2010 (GIEC 2007b ; Scripps 2009 ;
NOAA 2010). La concentration actuelle de CO2 en ppm est au plus haut niveau depuis au
moins 650 000 ans et probablement 20 millions d’années. D’autre part, l’augmentation
annuelle moyenne du CO2 atmosphérique entre 2000 et 2006 était de 1,93 ppm, soit la plus
élevée depuis le début des mesures avec la courbe de Keeling (Canadell et al. 2007).
1 L’évaluation scientifique par excellence dans ce domaine est celle réalisée par le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), consortium international de scientifiques créé
par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique
mondiale (OMM) en 1988, lorsque les changements climatiques sont devenus une préoccupation
majeure pour les politiques publiques. Jusqu’à présent, le GIEC a publié des études en 1990, 1996,
2001 et 2007.
2 Le GES le plus présent dans l’atmosphère en volume est le CO2. Les autres GES sont le méthane,
le carbone noir, les hydrocarbures halogénés, l’oxyde nitreux, le monoxyde de carbone et les
composés organiques volatils. CO2 est donc une synecdoque de GES et les deux termes sont souvent
interchangeables ; plus précisément, tous les gaz à effet de serre peuvent être traduits en équivalent
dioxyde de carbone ou CO2e.
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