Dénutrition et Cancer Quelles propositions ? Pour quels patients ? LA NUTRITION ENTERALE Dr Gwénaëlle VIGNON Médecin Nutritionniste Vannes 19 octobre 2010 LA MISE EN PLACE D’UNE NUTRITION ARTIFICIELLE Alimentation par voie orale impossible ou inférieure à 2/3 des besoins Doit être considérée comme une thérapeutique active Ne se justifie pas quand l’espérance de vie est inférieure à 3 mois et indice de Karnofsky inférieur ou égal à 50% Consentement du patient QUEL TYPE DE NUTRITION ARTIFICIELLE ? Nutrition Entérale: Pratique ancienne (1789) Nutrition Parentérale: Développement dans les années 80 Avènement des solutés d’acides aminés et émulsions lipidiques Patient porteur d’un DVI : simplicité d’accès La nutrition entérale , semble , à tort plus aggressive Les recommandations sont : DONNER PRIORITE A LA NE SI LE TUBE DIGESTIF EST FONCTIONNEL POURQUOI PRIVILÉGIER LA VOIE ENTÉRALE ? Plus physiologique Maintien de l’intégrité fonctionnelle du tube digestif Prévient l’atrophie de la muqueuse intestinale et les troubles de la perméabilité intestinale: Contrôle de la flore digestive Préservation du tissu lymphoïde de l’intestin (80% du tissu immunitaire total) Stimulation du système immunitaire donc diminution du risque de translocation bactérienne et du risque d’infection Autonomie du patient Coûts moindres OBJECTIFS DE LA NUTRITION ENTERALE Mener à bien le traitement anti-cancéreux Eviter la réduction des doses de chimiothérapie et/ou radiothérapie Eviter les interruptions dans le traitement Améliorer la qualité de vie Meilleure tolérance des traitements INDICATIONS de la NUTRITION ENTERALE Dénutrition sévère ou modérée Alimentation par voie orale diminuée ou impossible Patients non dénutris mais chez qui le projet thérapeutique est menacé par une dégradation nutritionnelle: Patients sous chimiothérapie et/ou radiothérapie localisations digestives hautes ou ORL (mucite+++) En péri-opératoire d’une chirurgie carcinologique lourde et programmée (conf consensus ESPEN- SFNEP 1994) L’anorexie, quelque soit le cancer, est quasiment constante Présence tumorale sécrétion de cytokines pro inflammatoires et d’hormones anorexigènes CONTRE-INDICATIONS de la NUTRITION ENTERALE Tube digestif non fonctionnel ou inaccessible Malabsorbtion sévère Obstruction digestive Carcinose péritonéale Hémorragie digestive active Patient comateux sans protection des VAS Refus du patient LES DIFFERENTES VOIES D’ABORD SONDE NASOGASTRIQUE SONDE GASTROSTOMIE SONDE JEJUNOSTOMIE SONDE NASOGASTRIQUE NE < 1 mois CH: 7 à 12 Silicone ou polyuréthane lestée ou non SONDE GASTROSTOMIE GPE (percutanée endoscopique) CH 9 à 22 sous AG -2 opérateurs GPR (percutanée radioscopique): CH 14 à 24 geste simple sous AL-1 opérateur - sonde à ballonnet - retrait fils ancrage :2 semaines - changement sonde: 6 mois s’adresse aux patients K ORL ou digestifs hauts SONDE JEJUNOSTOMIE -Estomac non fonctionnel résequé ou obstrué ou risque élevé de pneumopathie inhalation -Pose endoscopique ou chirurgicale sous AG - silicone ou polyuréthane -NE continue avec débit < 60-80ml/h donc moins d’autonomie -Moins physiologique car post gastrique CONTRE INDICATIONS DES GASTROSTOMIES Troubles de l’hémostase Insuffisance respiratoire Ascite Interposition hépatique ou colique Pathologie gastrique Troubles des fonctions supérieures Prudence en cas d’antécédents de chirurgie abdominale LES PRODUITS DE NUTRITION ENTERALE Les mélanges d’alimentation Sous formes de poches industrielles polymériques(glucides+lipides+protéines+vitamines+oligo-eléments) Critères de choix Concentration énergétique (1 à 1.5 cal/ml) Concentration protidiques (hyperprotéique) Présence ou non de fibres Enrichissement particulier en oméga3, arginine(IMPACT) Formules spécifiques pour les diabétiques Formules à base de peptides et de TCM ( semi élémentaires) LES PRODUITS DE NUTRITION ENTERALE Critères de choix Atteindre l’objectif en terme d’énergie/24h Eviter les produits hyperprotéiques en même temps qu’une chimiothérapie à toxicité rénale En règle générale, mettre 1/3 des apports sous forme de fibres QUEL MODE D’ADMINISTRATION ? CYCLIQUE Restaure l’alternance jeune/nutrition PH gastrique Autonomie du patient 200-250 ml/h 100-120 ml/h CONTINU Obligatoire pour les sondes jéjunales Débit max: 60-80ml/h REGLES GENERALES Connaître les besoins énergétiques (calcul de la DER et DE) En cancérologie: 30-40 kcal/Kg/j NE exclusive ou en complément d’une alimentation orale Associer une hydratation (poche ou seringue) Electrolytes: supplémentation en NaCl (2g/j) Vitamines, oligo-éléments, minéraux: besoins couverts dès 1500kcal/j de NE Précautions+++ Rinçage LES COMPLICATIONS Liées à la sonde Liées à la NE Syndrome de renutrition inapproprié Pneumopathie d’inhalation Nausées-vomissements Diarrhées Constipation Obstruction Arrachage Déplacement de la sonde Incarcération de la sonde dans la muqueuse gastrique Suintement, bourgeon charnu Complications liées à la NE Syndrome de renutrition Lors d’une renutrition trop rapide chez un patient très dénutri (perte de poids>20%) Apports caloriques trop rapides Sécrétion d’insuline importante Hypokaliémie-hypophosphorémiehypomagnésémie Défaillance cardio-vasculaire Apports caloriques progressifs Surveillance clinique et biologique Complémentation éventuelle Complications liées à la NE Pneumopathie d’inhalation Risque identique avec SNG et gastrostomie Respecter la position demi-assise (30° à 45°) Vérifier le positionnement de la sonde systématiquement avant le branchement Débuter progressivement la NE Complications liées à la NE Reflux, nausées, vomissements Position trop allongée pendant le passage des produits Trop grand débit SNG insuffisamment enfoncée Sonde de gastrostomie à ballonnet trop enfoncée Ralentir le débit (20 ml/h) Vérifier le marquage Complications liées à la NE Diarrhée Favorisée par - Un trop grand débit - Un produit mal toléré ou trop concentré - Une sonde de gastrostomie trop enfoncée Vérifier l’absence de fécalome Coproculture à la recherche de Clostridum Difficilae Complications liées à la NE Constipation Peut être favorisée par certains médicaments Prescription d’apports de fibres et apports hydriques Mesures physiques (marche…) Lavements, laxatifs Gomme de guar (efficacité sur traitement et prévention des diarrhées en NE) Complications de toute voies d’abord Obstruction Fréquent d’autant plus que le calibre est petit (SNG, jéjunostomie) Prévention Rinçage avec 10 à 60 ml d’eau avant et après la NE et les médicaments Rincer pendant la NE si NE continue à faible débit Eviter d’instiller des médicaments ou choisir forme adaptée Traitement Injection-aspiration avec seringue d’au moins 10 ml Eau tiède, bicarbonates 14%O, papaïne, cola… Complications de toute voies d’abord Arrachage accidentel ou volontaire/chute de la sonde SNG: risque d’inhalation Stomie : fermeture très rapide de l’orifice en 4 à 8h Prévention Expliquer et écouter le patient Evaluer la tolérance psychique Fixation Pour les SNG Reposer la sonde 6h après le passage de la NE Pour les gastrostomies Sonde en place depuis moins de 8 jours Adresser immédiatement le patient dans le service qui a réalisé la pose Risque de péritonite+++ Sonde en place depuis plus de 8 jours Remettre une sonde (de Foley) pour maintenir la perméabilité Adresser le patient dans le service qui a effectué la pose (sonde de remplacement notifiée sur ordonnance initiale) Complications des sondes nasales Epistaxis, otite, sinusite, pharyngite, oesophagite Ulcération nasale Privilégier sonde siliconée ou polyuréthane Surveillance quotidienne Fixation en bonne position sans appui ou traction excessive Soins locaux quotidiens Changement Complications de toute gastrostomie Dégonflage du ballonnet(GPR) Nécrose pariétale Incarcération de la sonde (GPE) à la muqueuse gastrique Tension non excessive de la sonde Desserrage régulier des collerettes Arrêter la NE Vérifier l’absence de fuite intra-péritonéale Mobilisation régulière de la sonde du dehors en dedans Complications des gastrostomies Ecoulement Peu abondant, il peut être normal Nettoyage au sérum physiologique ou eau stérile Si abondant: risque de brûlures cutanées Lésions non érosives non suintantes Lésions érosives suintantes Protéger la peau avec crème type Aloplastine®, Mitosyl® ou Bépanthène® Compresse sèche ou carrée absorbant type Métalline® Tulle neutre type Jelonet® ou alginate type Algostéril® compresse à changer tous les jours ou tous les deux jours (prescription) Complications des gastrostomies Bourgeon charnu (hyperplasique) Prolifération de tissu conjonctif hypervascularisé Bourgeon de petite taille Crayon de nitrate d’argent /2j Protéger la peau saine avec crème type Aloplastine®, Mitosyl® ou Bépanthène® Bourgeon de grande taille Antiseptique Corticoïde local (Dermoval® ou Betneval ®1% + tulle neutre /2j pendant 8 jours Complications des gastrostomies Migration de la sonde (passage du pylore) Sondes à ballonnet Vomissements Douleurs abdominales Vérifier régulièrement la bonne position: repère, mesure de la longueur externe Vérifier la fixation LES MEDICAMENTS PAR LA SONDE Galénique compatible avec le passage par la sonde -formes liquides -gélules à ouvrir -comprimés simples à écraser Forme à libération prolongée Comprimés enrobés gastro-résistants (IPP) Médicaments risquant de boucher la sonde Chimiothérapie orale (toxicité lors de la manipulation) CONCLUSION Améliorer l’acceptabilité de la NE Par les soignants Amélioration de la connaissance de la technique (pose, type de sonde, choix du site) Solutions nutritives Soins, prévention et gestion des complications Par les patients Expliquer les bénéfices attendus Intégrer la NE dans le schéma thérapeutique Améliorer la tolérance de la NE Quelle que soit la technique qui sera adoptée, l’efficacité de l’intervention nutritionnelle doit régulièrement être……… évaluée suivie en ambulatoire Décret de novembre 2009: obligation d’une première prescription pour 15 j puis renouvellement pour 3 mois max MERCI!