
la douleur" (terme qu’employait volontiers le Dr. Sterling Bunnell pour qualifier les kinés), j’ai appliqué ce que
j’avais appris sur la main Hémiplégique. Cela a tellement bien marché que le Dr. Frère lui-même a commencé à
m’envoyer des cas difficiles…
Je me rappelle d’un patient dont la main avait été écrasée sans fracture importante ni lésion tendineuse mais qui
présentait des adhérences des fléchisseurs. D3, D4, D5 se présentaient en griffe. Ce patient avait déjà
"bénéficié" de séances de rééducation, cela depuis deux ans et avait consulté plusieurs chirurgiens pour avis
préopératoire. Il a suffit d’une séance, sur ce patient motivé pour faire "sauter les adhérences". "Crac, crac et
extension retrouvée des doigts". Personne ne s’y attendait, ni le patient, ni moi-même, ni le Dr. Frère. C’est
ainsi que progressivement j’ai développé la mobilisation électro-active et la cartographie des points moteurs des
muscles de la main.
Utilisiez-vous déjà des attelles ?
Pas systématiquement, mais je me suis vite rendu compte du besoin complémentaire et indispensable que
représente les attelles. A l’époque la France était sous influence totale des écoles parisienne, nancéenne et
strasbourgeoise. C'est-à-dire extension globale, non sélective, par "lame de Levame" et flexion globale très peu
sélective par bande biflex. En quelque sorte, sans les dénigrer, c’étaient des attelles très basiques.
Les gantelets et autres supports étaient confectionnés en Verplex ou en Polysar, rarement en Orthoplast, les seuls
matériaux thermoplastiques connus à l’époque. Par la suite, il y a eu l’X-lite, encore couramment utilisé dans
l’est de la France.
Antoine Baiada eut la gentillesse de me consacrer un samedi après-midi dans son cabinet de Marseille pour me
montrer ce qu’il faisait et qui était très Franco-Français.
Claude Voirin de formation nancéenne était très "Levame" (L’hôpital de Grenoble reste sous sa lancée et
influence). Cependant Cl. Voirin était d’un esprit ouvert et avait lu le livre du Dr. Whynn Parry : Rehabilitation
of the hand. Il s’essayait entre autre à la confection de "Capener".
Afin d’élargir nos horizons, avec J.-F. Dedieu nous sommes allés visiter le centre de rééducation de Chessington,
au sud de Londres, d’où émanait le livre du Dr. Whynn Parry. Ce centre appartient à la R.A.F. (Royal Air Force).
La conclusion était claire, l’"attelle de Levame" n’apportait pas la réponse à tout…
Cette visite combinée avec la lecture de divers ouvrages anglo-saxons me souligna l’intérêt de la technique
"Lively Splints" à cadre métallique que j’utilise couramment. De plus nous fîmes la connaissance de Maureen
Salter (ex-kiné du Dr. Whynn Parry), une femme remarquable, auteur, entre autre, du livre Hand Therapy, pour
lequel par la suite, j’ai écrit deux chapitres en 2000.
Le Docteur Frère a été votre premier "patron" à Grenoble. C’est lui qui le premier vous a fait confiance
et vous a confié des mains à rééduquer. Avez-vous quelques mots à nous dire sur lui ?
Le Docteur Georges Frère était un "timide compensé". Il avait un complexe d’infériorité vis-à-vis des grands
chirurgiens et sortait peu de Grenoble. Il lisait beaucoup, était d’une grande conscience professionnelle, visitant
ses patients en amenant sa famille même les dimanches soirs. Cependant il n’osait pas directement demander ou
voir ce que faisaient les autres chirurgiens français ou étrangers. Il s’est formé quasiment en autodidacte.
N’ayant pas d’audience auprès des Chirurgiens, sachant qu’il n’aurait jamais le titre de Professeur d’Université,
il se rattrapait auprès des Kinésithérapeutes. Il croyait fermement en la rééducation.
A partir de 1977, tous les lundis soirs il organisa des réunions pour définir les protocoles de rééducation de la
main auxquels participaient les internes, assistants, kinésithérapeutes et ergothérapeutes de son service. Les
seuls kinésithérapeutes "étrangers au service" étant Bruno Vial du centre de rééducation Rocheplane et moi-
même. Ces réunions ont donné naissance aux fiches de rééducation de la main (réactualisées en 2008) et
indirectement au livre Rééducation et appareillage de la main traumatique, publié en 1988 après la mort du Dr.
Frère par le Pr. F. Moutet et al.