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Homélie de Frère Franck DUBOIS, O.P.
Messe de la paix, nuit du 1er janvier 2017
Cathédrale Notre-Dame de la Treille
LITURGIE DE LA PAROLE
1ère lecture du livre des Nombres, 6, 22-27
Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras : Voici en
quels termes vous bénirez les fils d’Israël : “Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le
Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne
vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !” Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils
d’Israël, et moi, je les bénirai. »
Psaume 66, « Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse ! »
2ème lecture de la lettre de saint Paul aux Galates 4, 4-7
Frères, lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme
et soumis à la loi de Moïse, afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous
soyons adoptés comme fils. Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit
de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! Ainsi tu n’es
plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu.
Evangile de Jésus Christ selon saint Luc, 2, 16-21
En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et
Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu ils racontèrent ce qui
leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce
que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les
méditait dans son cœur. Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce
qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé. Quand fut arrivé le huitième
jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait
donné avant sa conception.
Pour beaucoup d’entre nous cette entrée en 2017 a été marquée par cette
veillée de prière que nous venons de vivre ensemble ici, une veillée pour le moins
silencieuse, recueillie, qui contraste peut-être avec l’agitation de la ville. Nous
préparons ce soir un écrin de silence au cœur de la cité et nous espérons que le
Seigneur veuille bien nous reposer pour nous instruire quelque temps au milieu de
la nuit.
2016 vient de se refermer et nous pourrions peut-être dire que cette année
parmi tant d’années était une année marquée par trop de mots, par beaucoup de
mensonges, de discours faux ou creux. Nous pourrions dire plus justement 2016
peut-être une année marquée par trop de bruit, mais pas assez de parole, pas
assez de verbe.
Des « paroles » nous n’en avons peut-être pas assez entendu cette année
écoulée, des « paroles » c’est-à-dire des mots qui ne sont pas en l’air, mais des
mots lestés par le poids d’une signification, des paroles pesées, à l’aune de la
vérité qu’elles proclament et qu’elles contiennent.
2016, une année dont on a dit qu’elle était marquée par l’atroce réalité d’une
vérité post-vérité, d’un discours qui pouvait, peut-être se passer de la vérité.
Alors le silence en ce début d’année fait du bien, mais il y aurait un refus à se
complaire dans ce silence, à répondre au bruit par notre silence. Je crois plutôt
qu’il faut envisager 2017 comme une année non pas de bruit, mais du « verbe » et
de la « parole ». Une année où la parole pourrait retrouver tout son crédit, où les
mots pourraient retrouver tout leur sens. Cela, frères et sœurs, est
certainement de notre responsabilité, ne croyons pas que cette tâche ne nous
incombe pas.
On pourrait dire bien sûr que c’est au Christ, le Verbe fait chair, c’est à lui de
parler. On pourrait dire sinon que c’est au moins à sa mère que nous célébrons
aujourd’hui, à Joseph, aux anges, aux saints, que sais-je… Pourtant dans l’évangile
que nous venons d’entendre le verbe se tait et Marie médite toutes choses en
son cœur. Les seuls qui parlent ce sont ceux dont nous pouvons peut-être nous
situer à la hauteur, les bergers, des hommes sans instruction, des hommes qui ne
peuvent pas prendre pour excuse qu’ils sont trop petits ou trop peu instruits, des
hommes qui osent dire la « parole », la parole qui leur a été remise, par le Verbe
qu’ils viennent de rencontrer. De simples bergers nous apprendrons cette année à
parler.
Et puisque Dieu est notre premier maître en toutes choses, avec ces lectures
que nous venons d’entendre, il nous apprend comment le faire. La première chose
à faire pour parler, c’est obéir à Dieu et à son commandement, et en son nom,
bénir nos frères. Accueillir l’Esprit Saint pour bénir ! Commencer tous nos
discours par une parole de bénédiction, en son nom.
Prier ! Ouvrir notre cœur pour que l’Esprit saint vienne en nous proclamer que
Dieu est Père ; ensuite, alors, pardonner : prêcher et annoncer ce que nous avons
vu et entendu au sujet du Christ, et enfin louer Dieu pour ce qu’on aura entendu
et vu parce que notre témoignage aura porté du fruit.
Bénir, prier Dieu, raconter ce que d’autres nous ont dit du Christ, louer Dieu
pour ce qu’on aura vu de sa parole puissante. Bénir, prier, prêcher, louer. Voilà
tout un programme pour cette année nouvelle, un programme sur les traces du
Verbe, qui pourra répondre au bruit par la parole, qui nous fera répondre à
l’intolérable silence de l’injustice que personne ne dénonce, par un verbe
touchant, un verbe juste, un verbe aussi qui pourra porter sur nos lèvres la
parole que le monde attend, celle de la bénédiction, celle de la réconciliation,
celle de la consolation.
Frères et sœurs, que nous osions cette année prendre la parole, celle que Dieu
nous donne, et que nous recevons maintenant au creux de nos mains !
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