2 - Comment ça a continué.
Un beau jour, la révélation arrive, pas besoin d’aller à Amsterdam.
Je travaille à la Bulle Bleue, un E.S.A.T. artistique, je fais des spectacles avec des
acteurs professionnels en situation de handicap.
Je vois en Auriane, l’une des actrices, le visage du frère, puis j’oublie.
Quand un metteur en scène invité à venir travailler avec les acteurs me dit lors
d’une répétition qu’Auriane doit sûrement avoir le Syndrome de Williams, je
l’écoute d’une oreille distraite. Jamais entendu ce nom.
Quand François qui travaille à la Bulle Bleue fait un rapprochement avec mon
frère, je nie en bloc et répète la légende familiale : mon frère est né normal, s’est
fait opérer à 6 mois, et serait revenu de l’opération mal irrigué – enfin c’est ce qui
a été déduit après, au vu des retards accumulés.
Je me suis toujours contentée de ça. Un cerveau mal irrigué. Un enfant bleu.
Je me suis enveloppée de ça.
Le soir même je fais des recherches sur internet. A la page Syndrome de Williams,
je découvre les photos de centaines de petits frères et petites sœurs.
Je me sens soudain faire partie d’une famille innombrable.
Je pleure sans m’arrêter. Je pleure sur une révélation.
Lors de ma navigation dirigée vers la planète Williams, j’apprends qu’un mois plus
tard se tient à Montpellier, à l’Institut Génétique, la rencontre nationale annuelle
sur le Syndrome.
(…)
Tout a été confirmé par les tests génétiques. Auriane et mon frère sont atteints
tous les deux du Syndrome de Williams-Beuren, une maladie génétique rare, qui
se transmet au moment où les parents se donnent du plaisir. Un petit trou dans le
Chromosome 7 qui entraîne une série de malformations, de caractéristiques
spécifiques, de qualités et de défauts.
Un petit trou dans mes certitudes, aussi.
La première question d’Auriane quand on lui a appris qu’elle avait le syndrome
de Williams-Beuren a été : Est-ce qu’on en meurt ?