Prédication 14ème dimanche après la Trinité 05 septembre 2010

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Message pour le 14ème dimanche après la Trinité:
Romains 8/12-17
Chers amis, ce matin, je voudrais commencer par vous présenter mes excuses. Non pas
pour ce que j'ai fait, mais pour ce que je vais faire. En effet, je vais tricher. Je sais, ce
n'est pas beau de tricher, encore que tricher, cela ne paraisse pas dans les
commandements divins. Je vais donc tricher. Tricher pieusement, mais tricher tout de
même. Je vais jouer avec les mots, plutôt avec un mot, et lui faire dire en français, ce
qu'il ne dit pas forcément en grec ou en hébreu. Donc, je pars du principe que faute
avouée est à moitié pardonnée. Je vais donc essayer de me faire pardonner l'autre
moitié en vous expliquant comment je comprends le mot de reconnaissance, ce mot
qui se retrouve dans le thème du dimanche qui est celui du Samaritain reconnaissant.
Mais avant d'entrer dans la triche, dans le jeu de mot, je voudrais aussi partager avec
vous le texte qui est prévu pour nous aujourd'hui, à savoir un passage de la lettre de
Paul aux chrétiens de Rome. Ecoutez donc ce que Paul écrit au chapitre 8 :
C’est pourquoi, frères et sœurs, nous avons une dette. Ce n’est pas envers nos désirs
humains que nous avons une dette : nous ne devons pas vivre comme ils le demandent.
Si vous vivez en suivant ces désirs, vous mourrez. Au contraire, si, avec l’aide de l’Esprit
Saint, vous faites disparaître vos façons de faire égoïstes, vous vivrez.
En effet, tous ceux que l’Esprit de Dieu conduit sont enfants de Dieu. Et l’Esprit que vous
avez reçu ne fait pas de vous des esclaves qui ont encore peur, mais il fait de vous des
enfants de Dieu. Et par cet Esprit, nous crions vers Dieu en lui disant : "Abba ! Père !"
L’Esprit Saint lui–même nous donne ce témoignage : nous sommes enfants de Dieu.
Alors, si nous sommes enfants de Dieu, nous recevrons en partage les biens promis par
Dieu à son peuple, et ces biens, nous les recevrons avec le Christ. Oui, si nous
participons à ses souffrances, nous participerons aussi à sa gloire.
Je vous propose donc de réfléchir au concept de la reconnaissance, et je vous propose
de décortiquer ce mot petit à petit pour essayer de savoir ce qu'il recouvre vraiment.
Personnellement je vous propose une démarche en trois temps. Le premier temps sera
celui de la connaissance, le second, celui de la naissance, et pour finir celui de la
reconnaissance. Peut-être serons-nous un peu plus avancés dans une dizaine de
minutes ? Connaitre, naître, reconnaitre, voilà donc les trois verbes qui nous
intéressent ce matin.
Connaitre, la connaissance. Je me souviens de mes premiers catéchismes où mon
pasteur essayait de nous faire comprendre le sens de la création. Et je me souviens
avoir été très troublé dans mon esprit d'enfant par l'utilisation du verbe connaitre. Il
apparait dès la chute, quand le couple primordial enfreint la règle divine qui consistait
à ne pas se servir sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Mais quelques
lignes plus loin, il apparait sous un autre sens, et c'est plutôt celui-là qui troublait mon
esprit : Adam connut Eve, sa femme ; elle conçut, et enfanta Caïn. Les traductions
modernes n'utilisent plus ce verbe connaître à cet endroit-là. On traduit plutôt par :
L’homme s’unit à Ève, sa femme. Elle devient enceinte et elle met au monde Caïn. Cette
manière de traduire me plait bien. Le verbe connaître était utilisé dans le récit de la
Genèse surtout pour parler des relations sexuelles qu'avait un couple pour donner
naissance à un enfant. Bon, je me lance encore dans un jeu de mots, avec vos excuses :
mais je pense qu'il est tout de même utile de connaître l'autre avant de se lancer dans
l'aventure d'une relation intime, n'est-ce pas ? Pourtant, derrière cette utilisation de ce
verbe connaître, il y a une grande profondeur. Parce que le verbe connaître est formé
de deux parties : naître et co-, naître, tout le monde sait ce que cela recouvre. Le
préfixe co induit toujours quelque chose qui se fait avec… Collaboration = travail avec,
copropriété = propriété avec, colocation = location avec, covoiturage = voiture avec.
Donc le sens du verbe connaître est celui de naître avec, naître ensemble. La Genèse
l'exprime d'une belle manière quand elle nous dit : C’est pourquoi l’homme quittera
son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. De
l'union nait une nouvelle entité, de la co-naissance nait un couple.
Mais attardons-nous un peu sur le verbe naître et le mot naissance. La naissance, c'est
le moment magique où un être nouveau voit le jour. Il est le fruit de la "connaissance"
de ses parents. Quelque chose de nouveau commence, quelque chose de nouveau
prend forme et prend son envol dans la vie. Un petit homme, une petite femme, une
petite part de nous-mêmes qui est appelée à grandir et à connaître un jour aussi. Les
sages-femmes vous le diront, mais les papas et les mamans aussi, une naissance est
toujours quelque chose de merveilleux, un événement essentiel, fondamental dans
une vie, dans une vie de couple. En fait, dans chaque naissance, se revit la création
originelle. Comme Dieu a créée la vie sur la terre, les êtres humains perpétuent ce
geste créateur à travers la naissance, à travers la connaissance qu'ils ont l'un de l'autre,
l'un avec l'autre. La connaissance est créatrice, elle est féconde, elle est fertile car elle
donne la vie. Naitre avec, c'est faire naitre quelque chose de neuf.
Prenons maintenant ensemble le troisième terme qui nous préoccupe, qui est même le
thème de notre dimanche. Penchons-nous maintenant sur la reconnaissance. Tout
d'un coup, il prend une autre connotation. Naitre, naitre avec, renaitre avec… on est
toujours dans des histoires de naissance, de nouvelle naissance, de naissance de
quelque chose qui était mort, ou du moins très affaibli. Et je ne peux m'empêcher de
penser à l'entretien que Jésus a eu avec Nicodème qui était venu le voir à la nuit
tombée : Personne ne peut voir le Royaume de Dieu, s’il ne naît pas de nouveau. Paul
ne dit pas autre chose dans la lettre aux Romains : Tous ceux que l’Esprit de Dieu
conduit sont enfants de Dieu. Et l’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des
esclaves qui ont encore peur, mais il fait de vous des enfants de Dieu. Et par cet Esprit,
nous crions vers Dieu en lui disant : "Abba ! Père !"
Dans l'angle qui nous intéresse, la reconnaissance est donc cet acte de prendre
conscience de la grâce, de la bonté et de l'amour de Dieu pour moi, pour nous. L'acte
aussi de se tourner vers Dieu pour lui dire que nous avons reconnu sa main dans notre
vie, que nous avons reconnu ses bénédictions dans notre existence. De cette
reconnaissance, peut naître, ou renaître, une nouvelle relation avec, une relation avec
le Seigneur. C'est ce que Jésus appelle "naitre de nouveau" dans l'entretien clandestin
avec Nicodème. C'est aussi le constat que fait le lépreux samaritain, quand il rebrousse
chemin pour rendre gloire à Dieu. Il a reconnu la main de Dieu dans sa guérison. Il est
né de nouveau, physiquement de sa maladie dans un premier temps, spirituellement
dans un deuxième temps, quand Jésus lui dit que sa foi l'a sauvé.
Dans certains milieux chrétiens, on se leurre cependant sur cette nouvelle naissance :
en effet, certains ont la conviction que l'Esprit-Saint est un don immuable, inaltérable,
pour toute une vie. Naitre de nouveau, il faut que je le fasse tous les jours de ma vie,
parfois le matin et parfois aussi le soir, plusieurs fois par jour s'il le faut. Parce que
notre nature humaine prend souvent le dessus et nous entraine souvent sur des
chemins qui nous éloignent de Dieu. Parce que personne n'est à l'abri de ces dérives. Il
se trouve que notre Père est bon, extrêmement bon avec nous. Il nous aime. Ainsi, il
n'est pas avare de cet Esprit Saint qui nos fait naitre et renaitre à nouveau. Il n'est pas
avare de cet Esprit qui fait de nous des enfants, des enfants de Dieu, comme l'exprime
si bien l'apôtre Paul.
Devant autant de bonté, autant d'amour, la seule réponse peut être celle de la foi.
Reconnaitre la présence de Dieu dans ma vie et le lui dire. C'est exactement la
démarche du lépreux. Alors seulement, et uniquement à partir de là, débute la vraie
naissance, la vraie renaissance. Comme la connaissance créé la naissance, ainsi la
reconnaissance permet la renaissance. Hier matin, lors du culte à l'Ermitage, je disais à
une dame en déambulateur que ce serait un beau miracle de pouvoir se passer de cet
instrument. Elle m'a répondu qu'elle n'y pense pas, mais qu'elle est reconnaissante
d'avoir pu s'en passer pendant la plus grande partie de sa vie. Cette dame, malgré son
âge et son déambulateur, est prêt pour une nouvelle naissance, parce qu'elle sait être
reconnaissante.
Une dernière chose : si vous avez été troublé par ces jeux de mots la reconnaissance,
j'en suis désolé. Mais je dois avouer qu'au fond de moi-même je suis assez content, et
je suis reconnaissant à Dieu d'avoir pu susciter en vous des questions et des
interrogations à propos de la reconnaissance, de la naissance et de la nouvelle
naissance.
Et, pour votre patience, votre bienveillance et votre tolérance, je tiens à vous exprimer
à tous ma reconnaissance.
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