Vous avez dit messicoles ?

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Colloque du 8 juin 2010
Vous avez dit messicoles ?
ou comment retrouver nos fleurs des champs
Un patrimoine végétal en déclin à préserver
Par Philippe Housset, responsable de l’antenne de Haute-Normandie du Conservatoire botanique
national de Bailleul
Intérêt pour la faune sauvage des jachères fleuries en comparaison
aux jachères traditionnelles et spontanées
Par Florian Millot, ingénieur à la direction de l'étude et de la recherche de l'office national de la
chasse et de la faune sauvage
Les messicoles, un patrimoine socio-culturel à partager
Par Michel Lerond, écologue-essayiste
Le plan d'action départemental : des outils et des perspectives à
mettre en place
Par Stéphanie Robinet, responsable du pôle Environnement à la Direction du développement
économique et de l'aménagement du territoire, Conseil général de l'Eure
15 ans d’expérience dans la production de semences de fleurs
sauvages d’origine Régionale
Par Pascal Colomb, entreprise Ecosem (Belgique)
Chasseurs et apiculteurs, même combat
Par Nicolas Gavard, directeur de la fédération des chasseurs de l'Eure, et Jean-Pierre Criaud,
président du syndicat des organisations apicoles de l'Eure
Mobilisation des villes et villages fleuris de l’Eure en faveur des
messicoles
Par Jean-Marc Coubé, paysagiste au CAUE de l'Eure
Le jardin du Musée des impressionnismes
Par Emmanuel Besnard, jardinier au Musée des impressionnismes Giverny
Rédacteur : Philippe HOUSSET
Actes du séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment
retrouver
nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010
UN PATRIMOINE VEGETAL EN DECLIN A PRESERVER
I – quelques définitions
Qu’entend-on par messicole et qu’est ce qui les différencie des mauvaises herbes et des
adventices des cultures.
Mauvaises herbes : désignent des plantes indésirables mais il s’agit d’une appréciation
totalement subjective
Adventice : englobe toutes plantes qui poussent dans les cultures sans y avoir été semées
Messicole : étymologiquement plante habitant dans les moissons (« messis » = moisson ;
« colere » = habiter).
D’après Aymonin (1962) et Jauzien (1997), une messicole est une « plantes annuelles
(plus rarement vivaces à bulbe) à germination hivernale ayant un cycle biologique
comparable à celui des céréales et caractéristiques des moissons (champs
moissonnés) »
II – Origine des plantes messicoles
La plupart des plantes messicoles est originaire de deux berceaux géographiques différents
situés autour
• du Proche ou du Moyen-Orient (Anatolie, Mésopotamie), région d’où seraient
également originaire les ancêtres des céréales cultivées de nos campagnes (blé,
orge, seigle) ;
• du bassin méditerranéen (au sens large).
Source : CBNPMP / J. Cambecédes
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 Globalement, elles ont du commencer à apparaître en France il y a environ 7000 ans avant
JC, au cours du néolithique lorsque l’Homme est devenu peu à peu sédentaire et agriculteurcultivateur. On peut situer cette période comme marquant la naissance de l’agriculture dans
nos régions.
Citation de Lamartine « Ce n’est pas seulement le blé qui sort de la terre labourée, c’est une
civilisation tout entière »
III – Quelques éléments succincts sur la biologie et l’écologie des
messicoles
Les messicoles présentent les caractéristiques suivantes :
•
C’est une plante annuelle : plante dont le cycle de vie, depuis la germination de la
graine jusqu’à la maturation des semences, dure moins d’un an.
•
C’est un thérophyte : plante qui survit durant la mauvaise saison sous forme de
graines ;
•
Elle présente des adaptations particulières aux milieux cultivés vis-à-vis des
contraintes d’instabilité des sols agricoles régulièrement labourés, en raison de la
présence d’organes de persistance (graines) dans les sols.
•
Ce sont des plantes pionnières qui s’installent sur des substrats nus et qui se
trouvent éliminées lorsque des plantes pérennes s’implantent.
•
La production de graines est souvent importante, voire très importante :
un pied de folle Avoine (avenua fatua) = env. 200 graines ;
un pied de Nielle des Blés (Agrostemma githago) = env. 2000 ;
un pied de grand Coquelicot (Papaver rhoeas) = jusqu’à 50 000.
•
Elle se rencontre exclusivement dans les cultures de céréales (Blé, Orge, Seigle…)
sur des sols secs à frais, limono-argileux ou sableux ou calcaires.
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 IV – Quelques éléments sur l’état des connaissances
1 / Présence et rareté en Haute-Normandie
•
La flore sauvage régionale de Haute-Normandie comporte environ 1500 plantes
(taxon) dont 45 sont des messicoles. Elles peuvent, à l’image du grand Coquelicot se
rencontrer partout dans la région.
Le grand Coquelicot (Papaver rhoeas)
Mais, on observe un noyau de biodiversité remarquable des plantes messicoles dans le sudest du département de l’Eure, constitué du pays d’Ouche, de la partie méridionale du plateau
du Neubourg, du plateau de Saint-André de l’Eure, de la vallée de la Seine bien en amont de
Rouen, de la vallée de l’Eure et le plateau de Madrie. A noter, en particulier, la vallée sèche
s’étendant du Val-David à Mérey, qui constitue le site majeur compte tenu de la diversité des
messicoles que l’on peut y rencontrées.
Quelques exemples illustrés par des cartes de distribution régionale :
Centaurée bleuet (Centaurea cyanus)
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 Miroir de Vénus (Legousia speculum-veneris)
Caucalide à fruits plats(Caucalis platycarpos)
Goutte de sang (Adonis annua)
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 2 / Statut de menace en France et Haute-Normandie
•
Situation en France
‐
103 espèces relèvent de la catégorie des messicoles (CBNMP : plan national en
faveur des messicoles, à paraître) ;
12 sont abondantes au moins pour certaines régions ;
30 sont à surveiller ;
53 sont en forte régression, disparues après 1990 de plus de la moitié des
départements dans lesquels elles étaient citées avant 1970 ;
7 disparues.
‐
‐
‐
‐
Ö 1 messicole sur 2 est en forte régression
Exemple de la Nielle des blés qui jusque dans le années 1970 était alors une plante
largement répartie sur le territoire national, qui a vu ses populations s’effondrer en vingt ans.
Source : Aboucaya et al . 2000.
Cette plante était en effet très commune sur le territoire national comme en témoigne cet
extrait de la revue national du Ministère de l’Agriculture datant de 1938
« La Nielle des blés est une plante bien connue qui attire toujours le regard par sa grande
taille et ses fleurs roses. Quant à la graine, il n’existe à peu près aucun échantillon de blé
qui n’en contienne et parfois en grande abondance »
•
Situation en Haute-Normandie
‐
45 espèces messicoles recensées (CBNMP : plan national en faveur des messicoles,
à paraître) ;
10 sont abondantes ;
1 est à surveiller ;
14 sont en forte régression, disparition à moyen ou court terme ;
‐
‐
‐
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 ‐
20 sont disparues (non revues depuis 1990) ;
Expression des différentes catégories de menace en %
•
•
1 messicole sur 2 a disparue en HN depuis 1990
Un tiers des messicoles est menacé de disparition à moyen ou à court terme
Il est donc constaté :
•
•
un très fort appauvrissement régional ;
une situation d’urgence visant à la conservation des messicoles dans leur
milieu
V – Quels sont les causes de régression ?
Ce tableau qui met en relation les plantes sauvages disparues de Haute-Normandie depuis
1990 en lien avec les activités humaines permet de visualiser que se sont les messicoles qui
payent le plus lourd tribu et représentent près de 15% des disparitions.
Les causes de cette régression aussi bien sur le territoire national qu’en Haute-Normandie
sont bien connues. Elles sont liées à un ensemble de facteurs consécutifs à l’intensification
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 des pratiques agraires afin d’atteindre, au lendemain de la seconde guerre mondiale,
l’autosuffisance alimentaire et de garantir une sécurité alimentaire.
Les plantes messicoles sont en régression surtout depuis la seconde moitié du XX e siècle
pour les raisons suivantes (non exhaustives) :
• amélioration du tri des semences ;
• utilisation généralisée des herbicides ;
• changement de pratiques de travail du sol :
‐
labours profonds enfouissant les graines ;
‐
abandon des cultures sur sols pauvres
‐
déchaumage précoce qui nuit au développement complet du cycle de vie des
plantes messicoles… ;
• modification des conditions physico-chimiques du milieu cultivé:
‐
amendements calciques, apports d’engrais ;
• remembrement ;
• compétition accrue des variétés sélectionnées….
V – Pourquoi les préserver ?
Intérêt éthique et culturel
•
•
Pour le grand public, symbole des campagnes « naturelles et préservées »
Attachement populaire qui se retrouve dans l’artisanat pour l’ornement (tapisserie,
assiettes, poteries...)
• Témoignage de l’histoire de l’agriculture
• Expression artistique / peinture (Monet, Van Gogh, Klimt…) / poésie et littérature
« Demoiselle à l’ombrelle » C. MONET
« Les Coquelicots – Argenteuil » C. MONET
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien.
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, heureux comme avec une femme.
Arthur Rimbaud, mars 1870
Intérêt économique
• Elles sont utilisées en pharmacopée (ex : Coquelicot employer contre la toux…),
comme plantes ornementales (Tulipe…), et de manière plus anecdotique comme
aliment.
Intérêt biologique et écologique
• Grande valeur patrimoniale : diversité génétique (ressource) / aire de répartition
restreint (rareté) ;
• Indicateurs de végétations anthropiques remarquables ;
• A la base des chaînes trophiques des agrosystèmes / élément fonctionnel pour la
biodiversité animale – ressource alimentaire et refuge (insectes, avifaune des
cultures…).
Intérêt agronomique
• Rôle visant à favoriser le développement du blé (ex : Nielle des blés) ;
• Pâturage des chaumes / valeur fourragère pour certaines plantes messicoles /
apport de matière organique au sol.
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 VI – Quels les moyens pour la conservation ?
Quelques informations générales
Protection réglementaire portant sur les espèces végétales
Une seule plante messicole est protégée régionalement : Arnoséride naine (Arnoseris
minima)
Conservation ex situ : mission du Conservatoire botanique national de Bailleul
Cette mission (commune à tous les Conservatoires botaniques nationaux) consiste à assurer
une mesure sécuritaire et d’urgence pour la sauvegarde des plantes sauvages en récoltant
sur les populations sauvages soit des graines ou du matériel vivant afin de programmer
ultérieurement un renfort ou une réintroduction des populations dans le milieu naturel.
Nous assurons le conditionnement et la conservation des graines à froid ou la culture en
jardin conservatoire. Par ces biais, nous conservons actuellement 34 plantes messicoles
provenant soit de Haute-Normandie de Picardie ou du Nord-Pas-de-Calais, qui représentent
230 lots récoltés. Cependant, nous observons une forte variabilité du nombre de graines
récoltées par lot, compris entre 2 à 60 000 graines.
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 Conservation ex situ : action de gestion visant la préservation des messicoles dans
leur milieu naturel
On peut noter quelques actions entreprises par le Conservatoire des sites naturels de HauteNormandie qui restent ponctuelles. Des expérimentations de réintroduction de plantes
messicoles à partir de lots de semences conservés au Conservatoire de Bailleul on été
effectuées dans des cultures en Picardie et en Nord-Pas-de-Calais. Ces interventions sont
pour l’instant marginales.
Plans d’action conservatoire à grande échelle :
• L’initiative du Conseil général de l’Eure dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan
d’action conservatoire messicole dans le département de l’Eure
•
Le projet de plan national d’action en faveur des messicoles coordonné par le
Conservatoire botanique national des Pyrénées et Midi-Pyrénées faisant suite aux
grenelles
de
l’environnement.
(http://www.developpementdurable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=12569
http://www.cdrflorac.fr/Messicoles/wakka.php?wiki=PagePrincipale)
et
Quelques documents récents à consulter :
•
Aboucaya A et al., 2000. Plan National d'Action pour la conservation des plantes
messicoles. Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement
•
Conservatoire des sites naturels de Haute-Normandie – 2008 - Eléments pour un
plan d’action : Plantes messicoles et compagnes remarquables des cultures du
département de l’Eure – Conseil général de l’Eure.
•
FRIED, G. - 2009 – Les plantes messicoles et les plantes remarquables des cultures
en Alsace : Atlas écologique et floristique – Société botanique d’Alsace.
Séminaire « Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs de champs / Giverny / 8 juin 2010 Intérêt pour la faune sauvage des jachères fleuries en
comparaison aux jachères traditionnelles et spontanées
Dans les plaines cultivées d’Europe le déclin des oiseaux a été corrélé avec la diminution de
l’abondance en insectes, elle-même reliée à l’évolution de l’agriculture (Benton et al, 2002).
Par ailleurs les phasianidés de plaine (perdrix grise, faisan, caille des blés) se nourrissent
presque exclusivement d’invertébrés durant leurs 2-3 premières semaines de vie (Bro et
Ponce-Boutin, 2004). L’implantation de couverts riches en insectes est donc une des
préconisations de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) pour
aménager l’habitat en faveur de la faune de plaine.
A partir de 1992 le gel d’une partie des terres cultivées rendu obligatoire (jusqu’en 2008) par
la Politique Agricole Commune européenne (PAC) avait offert aux gestionnaires de la nature,
chasseurs et agriculteurs une opportunité d’implanter des couverts riches en invertébrés par le
biais des jachères « environnement faune sauvage ». En 1997 à l’initiative de la chambre
d’agriculture de Picardie les premières jachères fleuries sont apparues. Puis à partir de 1999
ce type de jachère est arrivé dans le Loir-et-Cher par la fédération départementale des
chasseurs. La semence de ce type de jachères étant composée de mélanges de variétés de
fleurs horticoles il était important de connaître la valeur pour la conservation de la
biodiversité entomologique de ces jachères et de ce fait leur intérêt pour le petit gibier de
plaine.
Dans ce but une étude fruit d’un partenariat entre la fédération départementale des chasseurs
du Loir-et-Cher, l’Université d’Orléans et l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la
Faune Sauvage) a été menée dans 4 stations de la région de Vendôme (Loir-et-Cher).Un suivi
entomologique a été réalisé dans des jachères luzerne-dactyle, des friches fauchées, des
friches non-fauchées, des jachères avoine-sarrasin et des jachères fleuries. Les arthropodes ont
été principalement capturés par la technique des pièges Barber (simples pots pièges mis en
terre) mais d’autres méthodes de captures ont aussi été utilisées (assiettes jaunes, fauchage,
piège lumineux, tente malaise).
Les principaux résultats sur ces différents types de jachères font apparaître que (voir Vala et
al, 2004) :
1- Les jachères fleuries présentent une biodiversité entomologique assez remarquable et
qui est plus importante que dans les milieux cultivés. Ces jachères peuvent donc
contribuer efficacement à l’apport de ressources alimentaires pour les poussins de
phasianidés.
2- Au même titre que les jachères « faune sauvage » ou traditionnelles, les jachères
fleuries jouent un rôle de réservoirs et de refuges à insectes. Ce rôle est accru lorsque
les milieux à proximité (parcelles cultivées) sont soumis à certaines perturbations
(récoltes, utilisation de produits phytosanitaires). Les jachères fleuries peuvent donc
être un réservoir momentané supplémentaire d’auxiliaires en agriculture et donc être
incorporées dans des systèmes de lutte intégrée. Par leur rôle de refuges à insectes
elles pourraient permettre une recolonisation rapide des parcelles cultivées par les
auxiliaires.
3- Les jachères fleuries permettent de rompre la monotonie des paysages des plaines
cultivées (embellissement du paysage) et sont très bien perçues du grand public.
Bibliographie
Benton, T.G., Bryant, D.M., Cole L & H.Q.P. Crick 2002. Linking agricultural practice to insect and
bird populations : a historical study over three decades. Journ. of Appl. Ecol. 39 : 673-687.
Bro, E. & F. Ponce-Boutin 2004. Régime alimentaire des phasianidés en plaine de grandes cultures et
aménagement de leur habitat. Faune Sauvage 263 : 4-12.
Vala, J.-C., Pineau X. & E. Bro 2006. Discrimination entomologique des types de jachères. Actes des
troisièmes rencontres entomologiques du Centre. Symbioses 17 : 1-10.
Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs des champs?
Séminaire du 8 juin 2010 à Giverny
LES MESSICOLES,
UN PATRIMOINE SOCIO-CULTUREL A PARTAGER
Michel LEROND, écologue et essayiste
Dans notre monde sophistiqué, mondialisé, informatisé, financiarisé, quelle est la
place de la nature sauvage ? Acceptons-nous encore le « sauvage » dans un espace de plus en
plus dualisé qui sépare méthodiquement lieux de résidence et de travail, villes et villages,
grandes infrastructures et chemins vicinaux, agriculture intensive et friches à l’abandon. Peuton imaginer de retrouver une certaine porosité entre ces différents territoires spécialisés, une
multifonctionnalité des espaces agricoles, urbains et naturels ? Il s’agit bien là d’une réflexion
qui concerne, à la fois, les domaines de la biologie, de l’aménagement et du culturel.
L’HOMME ET LA NATURE, UNE RELATION CAHOTIQUE
Si l’on redécouvre l'histoire humaine avec un regard d'écologue, l'histoire des relations
de l'homme avec la nature apparaît bien chaotique.
Si l’on s’attache à l'histoire des hommes, apparus il y a environ 3 millions d'années,
ou un peu plus, on peut diviser cette histoire humaine, de l'origine à nos jours, en quatre
grandes périodes, quant à nos relations avec la nature, de moins en moins longues en fonction
des progrès de la civilisation et de l'accélération de l'histoire.
La première période va de l'apparition de l'homme à -1800, c'est la préhistoire, l'ère de
la cueillette. La seconde période, de -1800 à 1789, c'est l'ère de l'agriculture. Puis, vient
pendant deux siècles, de 1789 à 1969, l'ère industrielle. Enfin, la quatrième période est la
nôtre, jusque vers 2050, l'ère de la communication. Analysons d'un peu plus près ces grandes
étapes.
L’ère de la cueillette
On peut discuter les dates bien sûr, selon les critères retenus, mais ce sont les grandes
tendances qui nous intéressent et non pas le choix des limites à définir.
La technologie est évidemment rudimentaire pendant cette ère, mais va permettre tout
de même à l'homme d'imprimer ses premières empreintes sur son milieu, notamment avec la
découverte du feu. Dès lors, l'homme est un prédateur, occasionnant des méfaits très
modestes puisqu'il ne dispose guère comme outils que de galets aménagés dans un premier
temps, puis d’épieux en bois durcis au feu. L'évolution se poursuit avec la technique de taille
des silex, puis le travail de l'os et du bois, etc. Le chasseur nomade va devenir agriculteur
sédentaire.
L'ère de la cueillette est marquée par les premières altérations de
l'environnement, bien légères encore, mais réelles toutefois.
L’ère de l’agriculture
La Révolution française marque un tournant dans le monde de l'époque. Les progrès
de la technologie, encore timides, sont marqués par des événements de première grandeur
quant à leur répercussion sur l'environnement.
1
C'est bien du point de vue de l'exploitation du sol que les faits sont les plus
significatifs. Des progrès technologiques, secondaires en apparence parfois, déterminent une
emprise de plus en plus forte de l'homme sur son milieu naturel. Nos ancêtres les Gaulois
disposent déjà de charrues à deux roues et munies d'un soc en fer. Les inventions du collier
de cheval ou des fers, au 9ème siècle, vont accroître l'efficacité des travaux des champs,
permettant que s'ouvre alors l'ère des grands défrichements en Europe. Il faut pénétrer la
forêt, faire reculer l'arbre et c'est l'ouverture du paysage qui commence. C'est dès le 11ème
siècle qu'une région française couverte de bois, la Beauce, devient une terre ouverte. C'est à
ce moment qu'on assèche les marais, dès le 12ème siècle. C'est aussi l'époque où naît le bocage
dans l'ouest français, transformation positive cette fois du paysage.
Le Moyen Age voit ainsi se transformer le paysage en profondeur, il voit aussi
apparaître, déjà et pour de bon... la pollution. Par exemple la Bièvre, en région parisienne, est
alors une rivière très polluée. Plus étonnant encore, les riverains protestent dès cette époque
contre les corroyeurs dont le travail du cuir détruit les poissons par les pollutions qu'il
occasionne.
Ainsi, apparaissent en plein Moyen Age des atteintes fortes sur le milieu naturel et ici
et là des contestations que l'on qualifierait maintenant d'écologistes. La rupture entre
l'homme et la nature est déjà réelle.
L’ère de l'agriculture se caractérise par le recul des forêts et plus généralement
par la transformation des paysages naturels en paysages élaborés, construits. L'ère de
l'agriculture, c'est aussi celle des débuts de la pollution, liée à l'artisanat et à
l'urbanisation.
L’ère industrielle
C'est le débarquement d'Apollo XI sur la Lune qui, pour nous, marque la césure en
1969. C'est un événement considérable, dans la mesure où pour la première fois, des hommes
voient la terre depuis l'espace, le pied posé sur un autre astre.
Cette ère industrielle se caractérise par une véritable explosion technologique, à tel
point qu'il est souvent difficile de hiérarchiser les inventions et découvertes dans tous les
domaines. Cette ère est bien celle de l'industrie avec l'apparition des premières machines, des
premières manufactures, mais aussi des premières matières synthétiques. Pour produire
toujours plus, l'industrie exploite le sous-sol pour y trouver les matières premières et les
sources d'énergie nécessaires.
Face à ce développement industriel dans tous les domaines, c’est en 1866 que le
biologiste allemand Ernst Haekel invente le mot écologie et la science nouvelle qui étudie les
relations des êtres vivants avec leur milieu. Parallèlement, l'idée de conservation de la nature
se forge en réaction aux multiples atteintes à l'environnement. On peut synthétiser les
impacts de l'ère industrielle en deux points essentiels :
- 1. La réduction de la diversité des êtres vivants.
- 2. La modification des cycles de la matière et des flux d'énergie.
Devant cette situation, ni l'opinion publique, ni les décideurs ne sont restés sans
réaction, et ceci depuis des temps très reculés, même si on l'a un peu oublié. Se souvient-on
que le premier congrès de protection de la nature en France s'est tenu en 1923…
L'ère industrielle est celle de la pollution, de la transformation en profondeur
des paysages, du recul de la vie d'une façon générale. Mais c'est aussi l'ère de la montée
d'une prise de conscience et de la volonté d'agir, débouchant parfois sur des mesures de
protection réelles.
2
L’ère de la communication
Cette fois encore, c'est la conquête de l'espace, donc de notre environnement, qui nous
guide. En effet, l'horizon 2050 est celui où l'homme devrait se poser sur Mars. Ce voyage va
marquer le début d'une présence permanente de l'homme dans son environnement sidéral.
Du point de vue technologique, le début de cette ère de la communication s'appuie sur
le développement très rapide de l'informatique, de la génétique et, sous diverses formes de la
communication matérielle (autoroutes, TGV) et immatérielle (internet).
L'ère de la communication, en faisant de la mondialisation des problèmes une
réalité quotidienne, a aussi fait évoluer le concept de protection de la nature. Celui-ci
suscite un débat éminemment philosophique, simple en apparence puisqu'il revient à choisir
parfois entre l'homme et les espèces « sauvages », mais est-ce vraiment si simple ?
On le sent bien, cette ère de la communication risque fort d'être décisive tant les
enjeux sont colossaux et les réponses à apporter urgentes. Alors que faire ? Beaucoup de
choses peuvent, doivent être tentées, à l'échelle qui convient et d'abord au plan local.
Nous l'avons vu, la prise de conscience d’une disjonction entre l’homme et la nature,
prend ses racines dans un passé bien plus lointain qu'on l'imagine souvent, dès le Moyen Age
parfois, à la fin du 19ème siècle plus largement. Mais c'est surtout depuis une cinquantaine
d'années, sous la double poussée de l'acuité des problèmes et de la sensibilité de l'opinion,
que ce courant de pensée s'est généralisé.
RECREER DES CONDITIONS D’EQUILIBRE ENTRE L’HOMME ET LA NATURE
Nous venons de rappeler brièvement que depuis l’apparition de l’homme sur terre, ses
relations avec la nature ont souvent été conflictuelles. La nature impose ses lois et contraint
l’homme à se soumettre ou pour le moins se protéger des intempéries et cataclysmes. En
retour, par le développement de ses activités, l’homme a contraint la nature, l’a remodelée, l’a
parfois éradiquée. Rares sont les sociétés qui ont su parvenir à un équilibre avec la nature, et
ce sont toujours des sociétés peu développées.
Retrouver cet état d’équilibre ne signifie pas pour autant que l’on soit contraint de
remonter le temps. Bien au contraire, c’est par une projection lucide et intelligente vers
l’avenir que nous pourrons permettre que s’épanouissent notre vie culturelle et nos
technologies. Cela suppose parfois des modifications radicales de nos comportements, mais
des pistes existent qui doivent être explorées, expérimentées, évaluées pour permettre à
l’homme de dépasser sa relation primitive avec la nature.
Mais alors quelles sont ces pistes possibles ? Nous ne retiendrons ici que quelques
orientations à privilégier. La nature, ce n’est pas seulement « les petites fleurs et les petites
bêtes », c’est aussi… notre nourriture et notre milieu de vie. Sans cesse, nous « consommons
de la biodiversité » pour notre alimentation, mais aussi pour nos vêtements, meubles,
médicaments, cosmétiques.
La préservation d’une espèce menacée ne va pas de soi et la difficulté est souvent
grande de préserver la biodiversité sur le long terme face à des intérêts économiques de courts
termes concernant une petite population. Ainsi, les modifications climatiques, dont on
commence à percevoir les conséquences avec un peu plus de précision, pourraient bien nous
poser des questions que l’on pensait résolues. Qu’adviendra-t-il, en effet, des variétés de
cultures très sélectionnées et peu adaptables, lors d’épisodes climatiques aléatoires ?
Comment peut évoluer la production alimentaire et ne risque-t-on pas de passer de la
surproduction agricole à un déficit productif ? Ainsi l’agriculture devrait retrouver sa
multifonctionnalité d’origine : production alimentaire d’abord, mais aussi préservation des
ressources naturelles et des paysages, prévention des risques naturels et de la qualité de l’eau.
3
A cet égard, l’agriculture va se trouver au centre des préoccupations nouvelles et va devoir
sans doute s’adapter à des besoins différents dont la société entière devra financer les coûts.
A titre d’exemples, nous évoquons trois cas particuliers que sont l’agriculture, la ville
et la route qui les relie.
L’AGRICULTURE
Il nous semble urgent de redécouvrir « l’agro-écologie », afin de prendre en compte
les processus écologiques dans le système agricole, comme le faisaient les paysans
d’autrefois. C’est du coup redonner de l’importance aux « petits paysans » que les grandes
exploitations et un système productif intensif ont littéralement laminés. Les femmes ont un
rôle à jouer dans ce secteur, comme beaucoup d’autres, plus sensibles qu’elles sont à la
diversification et la protection de l’environnement.
Il nous semble urgent de faire évoluer l’agriculture vers une priorité des politiques
publiques afin d’assurer le besoin primaire de nourriture, en soutenant notamment la petite
agriculture familiale. C’est en effet la petite exploitation qui nourrit d’abord ses gestionnaires,
qui s’adapte le mieux à la demande locale et crée des emplois stables. Il faut aussi que les
consommateurs fassent leur propre révolution en privilégiant les produits locaux de saison et
en ne faisant plus de l’expression « paysan » une injure, mais un compliment.
Mais quel est le bilan réel de l’agriculture française ? Quel bilan écologique, quand le
recours aux intrants et aux pesticides est très important avec ses conséquences sur la qualité
de l’eau, des sols et la santé ; quand les pratiques intensives conduisent à l’érosion des terres
et parfois aux inondations. Quel bilan économique quand la production agricole est rémunérée
davantage par le contribuable que par le consommateur ; quand les « dégâts collatéraux » sont
pris en charge par la collectivité et non par leurs auteurs. Combien coûte et combien rapporte
l’agriculture à l’environnement et à l’économie (parce qu’il y a bien sûr aussi des apports
positifs) ? La question est simple, la réponse beaucoup moins. C’est toujours la même
difficulté lorsqu’il s’agit de faire évaluer, par un observateur indépendant, avec la
participation des citoyens, une activité aux facettes aussi diversifiées, en considérant toute la
chaîne et pas seulement le maillon qui nous convient.
L’agriculture française est en crise inavouée, mais réelle et profonde. Son
productivisme et sa standardisation la rendent de plus en plus préjudiciable à la nature. Du
même coup, par effet boomerang, elle se fragilise avec l’appauvrissement et l’érosion des
sols, la raréfaction d’animaux prédateurs, la diminution des insectes pollinisateurs, etc.
Les modifications climatiques, encore modestes, peuvent compromettre fortement les
rendements de plantes hyper sélectionnées, comme on l’a vu récemment pour le blé en
Australie ou les pommes de terre aux Etats-Unis. Si l’on ajoute à cela une marchandisation
abusive des semences et variétés, le potentiel de choix de cultures se réduit.
C’est récemment, à cause des « émeutes de la faim », que l’on a re-découvert
l’importance stratégique de l’agriculture vivrière. Celle-ci ne sera possible que si l’on dispose
d’un potentiel de variétés important afin de pouvoir s’adapter en permanence à des exigences
climatiques dures.
LA VILLE
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Longtemps on a opposé le monde urbain au monde rural, comme par ailleurs la nature
à la culture. Avec un rien de condescendance, la ville (la culture), était au-dessus de la
campagne (la nature). Fort heureusement cette opposition est devenue assez désuète, d’autant
plus que les agriculteurs, longtemps les principaux acteurs du monde rural, sont maintenant
très minoritaires en nombre et que ruraux et citadins vivent de la même façon, avec les mêmes
besoins.
Toutefois, il est des aspects spécifiques tout à fait paradoxaux, ainsi pour les
plantations ou les pollutions de l’air. En effet, dans les années 1970-80, d’abord en relation
avec la construction de grands ensembles, puis dans les centres urbains eux-mêmes, de
nombreuses plantations d’espaces verts, ou d’arbres d’alignement, ont été opérées pour verdir
les villes. La réussite a été variable, mais dans le même temps, on assistait à des dégradations
très importantes en milieu rural, sous l’emprise notamment des remembrements agricoles. De
même en ce qui concerne les pollutions de l’air, plusieurs études récentes témoignent de la
baisse significative des niveaux en milieu urbain, du fait des efforts conduits par les
industriels et de la réduction de la circulation automobile dans bien des centres villes au profit
des transports en commun. Par contre, en milieu rural, les quelques rares études menées sur
les pesticides montrent que les campagnes sont largement contaminées. Certes il ne s’agit pas
obligatoirement des mêmes types de pollutions, mais le renversement de situation est bien là.
Les efforts accomplis en ville ne compensent pas les dégradations du milieu rural,
mais on constate cet apparent paradoxe qui résulte d’une sensibilisation plus forte des citadins
et de le pression qu’ils exercent sur les décideurs, alors que les ruraux réagissent moins, ou
moins vite, à l’appauvrissement biologique de leur milieu de vie. Maintenant que la
sensibilisation du public et des décideurs urbains a atteint un bon niveau, on constate le
réaménagement de quartiers avec des espaces verts significatifs ou la restitution de l’espace
aux piétons. Même si cette nouvelle approche urbaine a encore de gros progrès à faire, les
avancées sont indéniables. Dans le même temps, les campagnes connaissent bien des
difficultés pour respecter les zones Natura 2000 ou simplement pour prendre conscience des
pollutions des rivières ou des dégradations engendrées par l’agriculture industrielle. Demain,
le brassage des populations urbaines et rurales peut faire avancer la sensibilisation vers un
meilleur équilibre.
ENTRE LES DEUX, LA ROUTE
Les plantations au bord des routes datent d’une période très ancienne puisque la
première ordonnance en la matière fut celle, semble-t-il, de 1522. Ces plantations répondaient
à plusieurs utilités comme la séparation des domaines public et privé, l’assèchement des
voies, l’apport de bois et aussi… une recherche de beauté. Aujourd’hui ces alignements
d’arbres ne conservent plus que des fonctions paysagères et sont, de plus en plus souvent,
coupés pour élargir les voies ou prévenir des accidents, compte-tenu de l’évolution du trafic.
Ce fut le cas encore cet hiver, pour les alignements de la RN13 dans la traversée du
département de l’Eure. Certes, les plantations ne doivent pas constituer un danger pour les
usagers de la route, mais alors pourquoi ne pas repenser totalement la conception des
infrastructures.
Si l’on considère la route, non seulement comme une infrastructure de déplacement,
mais aussi comme une infrastructure d’aménagement du territoire, alors on peut lui attribuer
des fonctions paysagères (esthétique du tracé routier et insertion dans le paysage traversé), des
fonctions économiques (régulation de l’hydraulique de surface, alimentation des filières bois-
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énergie), des fonctions environnementales (biodiversité pour les oiseaux, insectes et chauvesouris particulièrement ; absorption des polluants dus à l’automobile), etc.
Cette façon de voir suppose une conception différente des plantations, pour passer
d’alignements simples à de véritables corridors écologiques qui nécessitent une emprise plus
importante. Cela n’est pas possible partout pour le réseau existant, mais ce peut être le cas
dans la traversée de plaines de cultures ou de voies neuves. L’emprise se ferait quasiment
toujours aux dépens des surfaces agricoles, c’est vrai, mais ce serait aussi une façon pour
l’agriculture de « rendre les fonctions » qu’elle ne remplit plus… et d’y retrouver son compte
(prévention de l’érosion des terres agricoles, inondations, biodiversité des prédateurs
d’insectes, etc.).
CONCLUSION
L’homme et la nature ont sans doute vécu en harmonie aux débuts de l’humanité, mais
l’évolution de cette relation oblige à la repenser pour la pérenniser. Comment ne pas suivre la
voie ouverte par Edgar Morin, le sociologue, qui préconise une métamorphose.
Il nous faut surtout, dans notre monde, repenser les lisières, favoriser l’intégration du
« sauvage » dans le « trop propre ». Les propositions de trame verte en milieu rural, de
prairies fleuries dans les espaces verts urbains, de délaissés d’accueil pour les insectes
pollinisateurs sont autant de pistes simples et efficaces.
Les plantes messicoles sont emblématiques de cette métamorphose à faire. Je
voudrais, pour terminer, paraphraser un homme politique régional d’un passé récent, André
Béthencourt, qui disait « je ne donnerais pas cher d’un monde sans papillons », je ne
donnerais pas cher non plus d’un monde sans plantes messicoles.
Lien vers le blog de Michel Lerond :
http://www.michel-lerond.com/
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Le plan d'action départemental : des outils et des
perspectives à mettre en place
Stéphanie Robinet,
Responsable du pôle Environnement à la Direction du développement économique et de l'aménagement du
territoire – Conseil général de l'Eure
On l'a vu, le patrimoine lié aux plantes messicoles est intimement lié à l'homme. Aussi, sa
pérennité nous incombe particulièrement.
C'est ce constat qui a conduit le Département à porter un plan d'action d'envergure (pas
d'équivalent en France) sur le territoire départemental. Constat d'ailleurs repris, Philippe
Housset en a parlé, dans le Grenelle II et la volonté affirmée de définir un plan d'action
national relatif aux messicoles dans les prochaines années.
L'objet de cette après midi est de :
ƒpartager les pistes opérationnelles décrites dans ce plan d'action,
ƒdécrire les actions d'ores et déjà menées tout ou partie,
ƒenvisager les perspectives d'actions pour celles pour lesquelles nous devons aujourd'hui
passer de la théorie à la pratique.
Le plan d'action départemental comporte trois domaines d'intervention
1. La communication, la sensibilisation et l'information des publics et des acteurs
2. La recherche scientifique sur la biologie des espèces et les moyens et méthodes favorables
à leur pérennité, ainsi que sur la répartition des espèces dans le département.
Ce premier point fait d'ores et déjà l'objet d'études portées par le conservatoire botanique
national de Bailleul et le Conservatoire des sites naturels de Haute Normandie avec qui le
Département a un partenariat privilégié sur ce plan d'action, comme sur sa politique relative
aux milieux naturels en général.
Par ailleurs, et sur la question de la meilleure connaissance de la répartition de ces espèces sur
le territoire départemental, l'atlas botanique porté par le conservatoire botanique, en cours de
finalisation nous donne un premier aperçu à l'échelle de la commune. Il pourra utilement être
complété par un réseau d'observateurs départemental via le groupe google créé à cet effet
http://groups.google.fr/group/messicoles-de-haute-normandie?hl=fr
3. la conservation concrète des messicoles comprend une gestion in situ et des actions ex
situ à mettre en place. Le point commun reste la culture qu'elle soit en plein champ, en bande
herbeuse, en parcelle expérimentale ou en culture à visée uniquement de production de
graines. Et pour ça nous avons besoin, outre la connaissance scientifique déjà évoquée : de
graines, de surfaces, et d'une culture partagée sur les bonnes pratiques. C'est l'objet de la
deuxième partie de cet après midi de travail.
Les graines : aujourd'hui force est de constater que les graines que nous trouvons facilement
sur le marché sont des graines de variétés ornementales, qui par croisement génétique peuvent
faire pire que mieux, c'est-à-dire participer à la fragilisation des populations sauvages de
messicoles encore présentes. Il nous semble impératif donc, dans le cadre de ce plan d'action,
d'initier une filière de production de graines sauvages.
Les surfaces : le potentiel est d'ores et déjà important. Aujourd'hui, nombre d'acteurs sèment
déjà des fleurs. Il s'agit de travailler ensemble à l’amélioration ces compositions florales pour
qu'elles remplissent au mieux ce pourquoi elles sont implantées : recréer des espaces
fonctionnels de biodiversité. Pour ce faire, et dans l'attente d'une filière organisée de
production de graines sauvages, nous proposons de semer du pur ornemental, afin d'éviter
autant que faire ce peut les croisements génétiques antres espèces ornementales et espèces
sauvages (au détriment de ces dernières).
Les bonnes pratiques : sur la base du volontariat et de l'identification des parcelles recélant
une flore messicole variée, ou possédant un fort potentiel du fait de la nature du sol, un réseau
de sites pilotes pourrait être initié afin de déterminer les pratiques les plus adéquates à la
préservation de ce patrimoine, et faire école à l'échelle de l'Eure.
ECOSEM sprl 15 ans d’expérience dans la production de semences de fleurs sauvages d’origine régionale. En 1995, Pascal Colomb, Licencié en Sciences Botaniques, et David Becker, Gradué en Agronomie, ont mis en place, au sein du Laboratoire d’Ecologie des Prairies de l’Université catholique de Louvain, un programme de récoltes de semences et de plantes de fleurs sauvages d’origine régionale (Belgique et Nord de la France). Ce programme a reçu, pendant cinq ans le soutien de la Direction de la Conservation de la Nature et des Espaces Verts du Ministère de la Région wallonne. Cette aide a donc permis la récolte et la mise en culture de collection d’une soixantaine de plantes herbacées, essentiellement prairiales. Le but étant de répondre à une demande de mélanges « prairies fleuries » qui commençait à se préciser. Très vite, la recherche s’est également orientée vers les plantes messicoles dont le statut en Belgique est peu glorieux. Chaque espèce a été étudiée en matière de comportement de germination, de culture et de récolte. C’est en 2001 que Pascal Colomb et David Becker décidèrent de créer la société ECOSEM sprl. La philosophie est restée la même. L’entreprise produit des semences et des plantes d’origine régionale et cultivées dans ces mêmes régions. La zone de commercialisation est également limitée pour garder une logique de conservation. La société poursuit la récolte de nouvelles espèces de fleurs sauvages et passe des contrats de production avec des agriculteurs de la région. Ainsi, aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 15 HA de cultures de fleurs sauvages que se partagent 3 agriculteurs partenaires. Les agriculteurs ont en charge le semis et l’entretien des parcelles. Ecosem assure un suivi régulier des cultures et s’occupe de la récolte, de séchage et du triage des semences. En outre, les cultures les plus difficiles (récoltes manuelles) sont assurées entièrement par la société. Chaque année, tous les lots anciens et nouveaux font l’objet de test de germination pour assurer une qualité optimale des semences vendues. Ecosem assure également un rôle d’expertises pour l’aménagement et la gestion de sites, publics ou privés, en faveur de la nature. Elle intervient également dans l’aménagement et la gestion de terrains (espaces verts et réserves naturelles) en faveur de la biodiversité. En 2009, la société a été retenue pour assurer des récoltes de semences dans des prairies semi‐naturelles (Projet Life Papillons) en Wallonie. Les lots récoltés sont ensuite séchés, triés et rendus aux promoteurs du projet pour une réimplantation locale. Plus d’infos : http://www.ecosem.be RESUME INTERVENTION AU SEMINAIRE MESSICOLES
Nicolas GAVARD, directeur de la fédération des chasseurs de l’Eure.
Jean-Pierre CRIAUD, président du syndicat d’apiculture de l’Eure.
- Environ 50% des apiculteurs adhérents aux organisations apicoles soit prés de
300 adhérents. Ils détiennent en moyenne chacun 10 ruches.
*- Quels sont les besoins d’une colonie d’abeilles ?
Pour assurer l’élevage des jeunes abeilles, la colonie produit 70 à 100 kgs de
miel dans l’année.
Elle doit aussi récolter 30 à 40 kgs de pollen, principale source de protéines pour
l’élevage des jeunes larves. Une étude réalisée en Belgique montre que l’origine
florale du pollen est déterminante pour la durée de vie de l’abeille. Ainsi, la
durée de vie d’une abeille consommant sirop + pollen de pin est de 1 jour. S’il
s’agit de pollen de pissenlit la durée de vie sera de 11 jours. Avec du pollen de
pommier, elle sera de 18 jours. Et le pollen de fraisier permettra une durée de
vie de 28 jours. Mais le mélange de tous ces pollens assure une durée de vie de
27 jours.
*- Quels sont les besoins du petit gibier ?
Pour le jeune gibier, perdrix, faisans, la problématique est identique. Les besoins
en protéines sont importants dés les premiers jours. La présence de nombreux
insectes, moucherons, pucerons, est donc indispensable dans l’environnement
des jeunes. Ces pucerons, éliminés dans les cultures agricoles trouvent dans les
jachères un environnement protégé.
*- Nos actions.
Fort de ce constat, chasseurs et apiculteurs, avec l’aide financière du Conseil
Général de l’Eure ont uni leurs efforts pour proposer des semences de mélanges
floraux.
Les agriculteurs ont répondu favorablement, et selon les années, 60 à 130
hectares de fleurs ont été implantés chaque année dans le département depuis
2006.
Puis les municipalités se sont montrées intéressées. En 2010, 80 mairies nous
ont sollicités pour fournir des semences. Soit une surface d’environ 20ha.
Les mélanges floraux proposés sont d’origine horticole. La présence de
centaurées horticoles peut « polluer » les centaurées « naturelles » présentes sur
certains secteurs, répertoriés par le Conservatoire des sites naturels. Mais par
quoi remplacer les centaurées horticoles ? La question est posée.
Vous avez dit messicoles ? Ou comment retrouver nos fleurs des champs ? INTERVENTION CAUE 27 Jean‐Marc COUBÉ, paysagiste conseil TITRE MOBILISATION DES VILLES ET VILLAGES FLEURIS DE L’EURE EN FAVEUR DES MESSICOLES SYNTHÈSE DE L’INTERVENTION 1) un contexte départemental favorable En 2005, la volonté du Conseil général de l’Eure est de donner une nouvelle impulsion au concours des Villes et Villages Fleuris avec deux objectifs majeurs. Le premier est, d’intéresser plus de communes et notamment les communes rurales. Aujourd’hui, près d’un tiers des communes de l’Eure participe à la campagne départementale de fleurissement. Le second objectif de réforme est la promotion des modes durables de fleurissement de l’espace public. Le fleurissement par prairie fleurie est ainsi valorisé dans la grille d’évaluation des communes V.V.F. créée à l’intention des membres des jurys : ‐ ‐ ‐ en terme de valorisation de la technicité des équipes techniques municipales (critère 1, SAVOIR‐FAIRE) en terme de pratiques de fleurissement peu consommatrices en eau, (critère 4, MODES CULTURAUX RESPECTUEUX DE L’ENVIRONNEMENT) en terme de pratiques favorable à la prise en compte du milieu naturel. (critère 8, EXISTENCE D’ESPACES PUBLIQUES RÉCRÉATIFS) 2) la prairie fleurie, un motif de fleurissement déjà adopté par les communes Spontanément, les communes ont testé et développé un fleurissement par prairie fleurie. L’esthétique « champêtre » séduit particulièrement les communes urbaines. Elle apporte un contrepoint apprécié à un environnement minéral que l’on souhaite rendre moins présent. Les facilités de mise en œuvre s’accordent, elles, aux conditions de fleurissement des communes rurales. Un coût d’investissement modique adapté aux budgets des petites communes et une mise en œuvre qui peut être réalisée avec le concours d’un agriculteur local. Dans le cadre de partenariats avec le monde agricole, la fédération de chasse ou le syndicat apicole de l’Eure, la prise de conscience environnementale constitue souvent l’argument majeur de mise en œuvre. 3) renforcer l’alliance de l’environnemental et de l’ornemental Un premier élément de sensibilisation sera apporté lors de la journée de lancement de la campagne départementale 2010 par la création d’une après‐midi technique sur le thème des plus‐values environnementale des prairies fleuries. Cette manifestation se tiendra le 28 juin à Beaumesnil. A ce stade, les objectifs sont : ‐ consacrer la prairie fleurie comme un motif de fleurissement à part entière, différent, complémentaire, mais d’intérêt égal aux compositions horticoles plus élaborée, ‐ inciter plus de communes à acquérir les savoir‐faire relatifs à leur mise en œuvre, ‐ sensibiliser à l’intérêt qu’elle représente pour la faune sauvage (mélanges du commerce pour oiseaux, abeilles, papillons…). L’intérêt des prairies fleuries pour la biodiversité végétale sera développé ultérieurement sitôt la mise en place de circuits opérationnels de fourniture de mélanges de graines certifiés « messicoles ». Il s’agira alors de proposer aux communes les conditions favorables permettant de remplacer une partie de leurs prairies fleuries en prairies de fleurs messicoles. Le jardin du Musée des impressionnismes
Par Emmanuel Besnard
La prairie fleurie du Musée des Impressionnismes, Giverny se doit d’abord être un hommage aux
artistes impressionnistes qui ont peint les champs de culture du temps de Claude Monet. Composé
majoritairement de coquelicots, cet espace convient également à d’autres plantes messicoles
beaucoup moins connues.
Dans le but de prolonger la période de floraison et d’avoir d’autres couleurs, cette prairie a été
enrichie, entre 2001 et 2006, de graines achetées à une entreprise de Gap. Les espèces fournies
appartenaient plus à la catégorie « ornementale » ou « horticole » que « sauvage ».
Considérant, depuis, que ce type d'importation pouvait menacer le patrimoine génétique d'espèces
indigènes, dont certaines sont menacées, il a été décidé désormais de ne semer que des graines
récoltées dans la région, en collaboration notamment avec la Société des Amis des Sciences et du
Museum de Rouen.
Aujourd'hui, le site produit encore un mélange de plantes importées et indigènes; c'est pourquoi, pour
éviter des croisements intempestifs, les graines récoltées et distribuées cette année par le
Conservatoire des Sites Naturels de Haute-Normandie ont été semées dans le jardin du Hameau, une
des Propriétés de la Fondation Terra. Malgré l'avantage de ne pas avoir été "pollué" par des plantes
messicoles exogènes ou horticoles, ce lieu n'a pas forcément toutes les conditions de culture idéales
pour ce type de plantes: semis au printemps avec un simple griffage au milieu de plantes vivaces
alors qu'une prairie messicole fonctionne mieux avec un retournement du sol à l'automne.
Malgré leurs différences historiques et techniques, les deux sites constituent néanmoins des lieux
importants pour la conservation et l’étude des plantes messicoles.
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