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surface), développement de l'importance du lexique (au détriment de la composante
transformationnelle) et allègement de la composante catégorielle (grammaire X-barre).
Puis on a progressivement abandonné certaines transformations jugées ad hoc, on a
introduit la Théorie des traces, un niveau intermédiaire entre la structure profonde et la
structure de surface (la S-structure) et le niveau de la Forme Logique (représentation de
la structure sémantique des phrases). C'est ainsi que Chomsky et ses disciples ont élaboré
un modèle complexe, "aboutissement" d'une évolution constante1 et aujourd'hui très
discuté, la Théorie du Gouvernement et du Liage.
Il nous a semblé intéressant de retracer l'évolution du modèle à partir d'un
problème syntaxique donné. Il s'agira de montrer comment les versions successives de la
théorie peuvent rendre compte de certains phénomènes linguistiques, par ailleurs souvent
étudiés. Ce travail se situe donc dans une perspective d'historique de la théorie
syntaxique générative mais également dans une perspective critique, avec le souci de
tester l'efficacité des théories. En effet, chaque modèle permet d'expliquer certains
mécanismes, mais aucun ne permet de rendre compte de manière simple de tout. A cet
égard, nous tenterons de montrer comment Chomsky a progressivement intégré des idées
qui étaient déjà présentes chez d'autres grammairiens tels que Tesnière, Fillmore, ou
d'autres.
Le problème que nous avons choisi comme test des théories chomskyennes est
bien connu des grammairiens et il a déjà fait l'objet de nombreux travaux. Il s'agit du
fonctionnement des pronoms compléments clitiques en français. Il est toujours difficile
d'aborder un sujet comme celui-ci, abondamment traité dans la littérature. D'une part,
l'exhaustivité est alors hors de notre portée et, d'autre part, on ne peut s'attendre à des
découvertes exceptionnelles. Nous tenterons pourtant d'apporter quelques explications à
certains problèmes, mais surtout, de susciter une réflexion utile en mettant en regard
plusieurs points de vue différents.
On sait que les éléments qu'on regroupe sous l'appellation “pronom” constituent
une catégorie hétérogène. Aussi, avons-nous limité cette étude aux pronoms personnels
compléments clitiques qui semblent a priori former un ensemble assez homogène. Si l'on
distingue généralement les pronoms personnels des autres pronoms - tels que les relatifs
ou les interrogatifs par exemple -, il convient également de faire une partition entre les
pronoms personnels clitiques (le, lui, me, …) et les non-clitiques (moi, lui, eux, …).
Ainsi, les clitiques se caractérisent par un comportement syntaxique original. Au lieu de
1 Cf. Lamiroy 1990.