Rapport sur l'épreuve de D3
TRADUCTION
Le texte de la version était adapté d’un article du New Statesman du 11 décembre 2013. Il est constitué d’un
document de 307 mots. Les quatre paragraphes du texte sont distribués en 15 phrases. La longueur et la
complexité des phrases ont contraint le jury à un découpage des phrases en 11 segments. Chaque segment
constitue une unité de traduction comptant pour un certain nombre de points, sans qu’un éventuel surplus de
points faute puisse affecter l’évaluation des autres unités de traduction. Les points faute sanctionnent, en
fonction de leur gravité, les fautes d’accent et d’orthographe, les faux-sens et les maladresses, les contresens,
les fautes de temps verbaux et de détermination nominale, les barbarismes, les erreurs de construction
syntaxique, et enfin, les non-sens. Tout segment omis se voit attribué le maximum de points faute de l'unité. Les
omissions, qu’elles soient involontaires ou délibérées, doivent donc absolument être évitées par les candidats.
Nous leur conseillons de procéder à une relecture attentive de leur travail pour veiller à ne laisser aucun blanc
dans le texte d’arrivée, et à ne pas oublier de mots, voire de paragraphes, dans le texte à traduire.
L’article proposé commentait la tendance des sociétés actuelles à valoriser le travail, voire même à vouer un culte
à la productivité. L’auteur du texte évoque plusieurs exemples visant à illustrer ce phénomène, tant dans le
domaine professionnel, que dans le milieu du sport, ou encore sur Internet. me si l’article ne posait pas de
problème de compréhension majeur, de nombreux candidats ont rencontré des difficultés similaires sur certains
segments du texte dont la traduction pouvait présenter une certaine complexité. Alors que plusieurs candidats ont
bien compris qu’il fallait absolument chercher à produire un texte qui faisait sens en français, tout en gardant
l’esprit du texte d’origine, d’autres en revanche ont proposé des traductions littérales qui aboutissaient parfois à
de graves non-sens dans la langue d’arrivée. Sans prétendre à toute exhaustivité, ce rapport vise à mettre en
évidence les points qui ont été les plus problématiques dans l’épreuve de traduction de cette année, tout en
donnant quelques conseils utiles aux futurs candidats.
a) Lexique et compréhension
Certains mots ont bien souvent été mal traduits par des candidats qui n’ont certainement pas assez pris en compte
le contexte dans lequel le terme était utilisé. Par exemple, certains ont traduit le mot deal par *accord,
*compromis, *entente, ou *consentement, alors qu’il fallait plutôt chercher à traduire la locution a great deal of
dans son ensemble, et donc penser à « une grande quantité de ». De la même manière, le mot media dans
‘social’ media corporations a souvent été traduit de façon erronée par *réseaux, alors qu’il s’agissait bien de
« corporations de médias « sociaux » ». Par une curieuse association d’idées, certains candidats ont pensé que on
the Tube faisait référence au site Internet YouTube et ont donc proposé les traductions erronées suivantes : *dans
une vidéo, * sur la Toile, *sur les ondes. Le mot Tube faisait bien sûr référence au métro londonien.
Dans les segments du texte qui ont posé le plus de problèmes aux candidats, les difficultés lexicales ont parfois
abouti à de graves non-sens, ou dans certains cas, à des passages qui pouvaient laisser le lecteur perplexe :
- the rationale for this frantic grind : *le rationel de cette transformation surnaturelle. De nombreux candidats
ont traduit le mot rationale par *rationalité, *aspect rationnel*, alors que ce terme devait plutôt être traduit
par le mot « logique » ou encore « justification ». Attention aussi aux traductions fantaisistes des termes
grind (*manie, *glissement, *obligation) ou frantic (*curieux, *étrange). Nous rappelons une nouvelle fois
l’importance de l’acquisition régulière de vocabulaire afin d’éviter de tels écueils.
- breakfast meetings: *rencontres chronométrées, *réunions du petit-déjeuner, *pauses-déjeuner (pour « petits-
déjeuners de travail »)
- de-fry your burnt brain: *dé-frire ton cerveau brûlé, *burnout (on pouvait penser à « refroidir un cerveau en
surchauffe »)
- Productivity will set you free : *la productivité s’est posée en vous gratuitement (au lieu de « la productivité
vous rendra libre/vous libèrera »)
- A corporate guru : *un gourou incorporé, *un gourou corporatiste, *un gourou businessman (pour « gourou
d’entreprise »)
- a great deal of Taylorised labour is available on the net: *un brillant complot de travail taylorisé, *le travail
industriel au clic (on pouvait par exemple traduire ce segment par « le travail à la chaîne ne manque
assurément pas sur Internet » ou « ce n’est assurément pas … »)
Alors que certains termes ont été sous-traduits (*occupés et *fatigués pour busy et exhausted), quelques
candidats ont fourni des étoffements inutiles, ou bien ont ajouté des explications qui n’avaient pas leur place
dans cet exercice (par exemple, pour « work ethic », certains ont rédigé une phrase entière pour commenter
cette référence en expliquant l’allusion aux travaux de Max Weber et notamment à son ouvrage The
Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism). Nous rappelons donc que la traduction n’est ni une
explication de texte (inutile donc de fournir de note explicative entre parenthèses), ni une dissertation (les
commentaires personnels ou les reformulations trop éloignées du texte de départ ne sont absolument pas les
bienvenus).
Par ailleurs, il est important de veiller à ce que la traduction dans la langue d’arrivée conserve la spécificité
lexicale et stylistique du texte de départ. Par exemple, les répétitions lexicales du texte d’origine auraient
être conservées, comme eagerly, boast, working/doing work. Ce type de subtilités n’a pas été compris par
certains candidats, tandis que quelques faux-amis n’ont pas été identifiés (par exemple, certainly ne devait
pas être traduit pas *certainement, mais plutôt par « sans conteste », ou « assurément »).
Attention également aux calques lexicaux qui sont à éviter absolument: extremity (*extrémité), a species of
work (*une espèce de travail), in the phrase (*dans la phrase), of our age (*de notre âge). D’autre part, les
prépositions ont parfois été elles-aussi calquées de l’anglais vers le français, ce qui aboutissait, au mieux, à
de lourdes maladresses : propos de comment (on how), *pour plus longtemps (for longer), *durant notre
temps libre (in our leisure time), *dans ces temps extrêmes (in these extreme times), *dans la grille de fer,
*au sein de la grille de fer (into the iron gate).
b) Problèmes syntaxiques et grammaticaux :
D’un point de vue lexical comme syntaxique, on attend des candidats qu’ils produisent une traduction aussi
fidèle que possible au texte de départ. Même si la version est un exercice de style, il n’est pas justifié de
changer l’ordre des phrases. Or, trop de candidats se sont permis quelques libertés, parfois par facilité, voire
même sans raisons apparentes. Attention donc à respecter la syntaxe du texte d’origine.
Sur le plan syntaxique, on a également pu relever des problèmes de portée. Attention par exemple aux
conjonctions de coordination : football coaches and commentators (football étant en facteur commun, il
fallait donc penser à « les entraîneurs et commentateurs de football ») ; on how to […] or engineer
(beaucoup de candidats ont accordé le deuxième verbe au lieu de comprendre qu’il s’agissait d’un infinitif:
to engineer était sous-entendu).
Nous attirons aussi l’attention des candidats sur les divers problèmes de cohérence dans l’utilisation des
pronoms dans leur texte. Dans le segment A corporate guru will even teach you […] you are an extremist, il
fallait bien veiller à conserver le même pronom (soit « vous », soit « nous ») dans l’ensemble du texte
d’arrivée. De même, pour traduire even when we’re not at work, we must be doing work, l’emploi des
pronoms devait également être cohérent (il ne fallait donc pas traduire le premier we par « nous » pour
ensuite proposer « on » pour le second we de la phrase).
Quelques problèmes d’accords entre le sujet et le verbe ont aussi été constatés dans certaines copies. Si l’on
décidait de traduire playing sport or doing exercise needs par « pratiquer un sport ou faire de l’exercice », il
fallait ensuite penser à employer un verbe au pluriel car il y a bien deux sujets. En revanche, si l’on
choisissait de traduire par « faire du sport ou de l’exercice », on devait ici conjuguer le verbe au singulier car
celui-ci s’accorde avec un seul sujet. Par ailleurs, l’énumération de sujets « sharing, » « liking » and
updating profiles est certes considérée en anglais comme un ensemble, ce qui implique que le verbe
constitutes soit au singulier. Cependant, contrairement à l’anglais, le français voit plutôt trois actions, ce qui
nous amène à accorder le verbe avec le sujet pluriel.
Attention aussi à la concordance des temps. Nous rappelons que la locution « l’idée que » est suivie du
subjonctif en français, et non de l’indicatif. Il fallait donc bien traduire The idea that playing sport or doing
exercise needs to be justified par « L’idée que faire du sport ou s’entretenir nécessite d’être justifiée » ou
encore « L’idée qu’il faille justifier l’activité sportive ou l’exercice physique ».
Enfin, dans A corporate guru will even teach you, il fallait être vigilant et veiller à bien analyser la valeur du
modal will. Il ne s’agissait pas d’un futur (valeur radicale) mais d’une certitude (valeur épistémique). On
attendait donc une traduction du type : « Les gourous de l’entreprise peuvent même vous apprendre à
devenir […] » (et non *vous apprendra, *va vous apprendre). On a également accepté les tournures adroites
comme « il se trouvera bien des gourous d’entreprise qui […] »).
c) Remarques diverses :
On peut regretter les diverses fautes apparemment moins graves, telles que les erreurs de ponctuation
(guillemets parfois ajoutés sans raison, ou omis comme dans la « productivité »), de majuscules manquantes
dans *t-shirt, *internet, ou encore, ajoutées inutilement comme pour *Taylorisé ou *Geek), d’accent
(*entraineur, sans accent circonflexe), mais aussi d’orthographe (*vertues, *se pleind, *profiles). Attention
néanmoins aux fautes d’orthographe qui en deviennent des fautes de vocabulaire (censés/sensés) ou de
grammaire, car ces erreurs aboutissent parfois au changement de la nature du mot (en train/entrain, a/à).
Nous rappelons une fois de plus que l’objectif de l’exercice de la version est de tendre vers un maximum
d’idiomatisme. Nous déplorons donc le fait que plusieurs candidats ne se soucient apparemment pas du
caractère intelligible de leur production en français : *s’enorgeuillent, *une idéologie qui argue. Il faut donc
absolument veiller à la correction de la langue du texte d’arrivée afin d’employer un vocabulaire et des
constructions correctes en français : *on nous enjoint de (au lieu de « on nous enjoint à »), *arborant un T-
shirt, *un slogan qui lisait, *je fais du travail.
Malgré tout, nous souhaitons féliciter les candidats qui ont su habilement affronter la complexité de certains
segments en proposant des traductions de grande qualité, comme par exemple « montre à quel point »,
« traduit » ou « est symptomatique de » pour illustrates, « gagner du terrain » pour all-pervasive,
« l’abomination des » pour horror, ou encore « la productivité, c’est la liberté » pour productivity will set
you free. Ces bonnes trouvailles, parmi d’autres, ont été récompensées par des points bonus. Nous
encourageons donc les futurs candidats à faire l’effort de chercher le mot juste en français afin de produire
un texte le plus idiomatique possible à l’arrivée.
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