Les marées dans les étoiles doubles

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Les marées dans
les étoiles doubles
Jean-Paul Zahn
Observatoire de Paris
XVIIIe Festival d’Astronomie
Fleurance, 8 août 2008
Pourquoi s’intéresser aux systèmes doubles ou multiples ?
• plus de 50% des étoiles sont dans des systèmes multiples
• les membres de systèmes multiples ont le même âge
et la même composition chimique
• les binaires serrées évoluent de manière très particulière
lorsqu’elles outrepassent leur lobe de Roche
• les novae et certaines supernovae
sont des composantes d’étoile double
Excentricité en fonction de la période
étoiles de type solaire
dans le voisinage solaire
Duquennoy & Mayor 1991
Effets de marée - les étoiles ne sont plus des points-masse
• l’étoile s’ajuste immédiatement à la force de marée
! marée d’équilibre
d
F
M
M
+!M
+!M
"2 !M
2
G"M # R &
GM
F = 2 +6 2 % (
d $d'
d
3
"M "R "g = 2 " GM 2 R % " GM % = 2" M 2 %" R %
$
' $ 2 ' $
'$ '
#
#
3
M
R
(d # R)
!
d
!
# d
g
! "g = GM
! 2 # GM 2
2
2
!
M2
# M &# d &
" GM %" M 2 %" R % 7
GM
F = 2 + cst$ 2 '$
'$ '
# R &# M &# d &
d
mouvement des apsides
!
& # R &
Evolution d’un système binaire sous l’action des marées
• le moment cinétique (MC) est conservé
(si perte de masse et effets relativistes sont négligeables)
• l’énergie cinétique (EC) est dissipée en chaleur
! le système évolue vers son état de EC minimum
• orbite circulaire (e = 0)
• axes de rotation perpendiculaires
au plan de l’orbite (i = 0)
• rotations synchronisées avec mouvement orbital
• vitesse d’évolution vers cet état :
dépend du processus physique qui dissipe l’énergie cinétique
I. La marée d’équilibre
Couple de marée
• l’étoile s’ajuste immédiatement à la force perturbatrice
! marée d’équilibre
#rot
"
couple
• lorsque la rotation n’est pas synchronisée avec le mouvt orbital
et en présence de dissipation
! la marée retarde
angle de retard : " = F (#ot - $orb)
approximation de faible dissipation :
" % (#ot - $orb)
Couple de marée - estimation grossière
"
couple
+!M
M2
M
déformation
$ GM 2 R ' $ GM ' $ M 2 '$ R ' 3
"M "R "g
#
#
= 2 & 3 ) & 2 ) = 2&
)& )
%
(
%
(
%
M
R
g
a
R
M (% a (
couple
& GM R )
" # 2$M $g Rsin % # 2$M ( 32 + Rsin %
' a *
& #rot $ % orb ) & R 3 )
sin " = (
+(
+
t diss
'
* ' GM *
!
retard
(dissipation faible)
!
!
temps de
synchronisation
!
a : demi grand axe
% M 2 ( 2 % R ( 6 % +rot $ , orb (
d+
" # $M 2 '
*R ' * '
*=I
& M ) & a) &
t diss
dt
)
1
t sync
2
6
1
d"
1 & MR 2 ) & M 2 ) & R )
=
%
+( +
(
+(
| " # $ | dt t diss ' I * ' M * ' d *
tdiss : temps de dissipation
I : moment d’inertie
Circularisation de l’orbite
La vitesse angulaire varie le long de l’orbite
& = dv/dt
rotation freinée :
la vitesse orbitale augmente
vitesse angulaire # : constante
II
couple ' % - (# - $)
I
#> &
v
#< &
III
IV
rotation accélérée:
la vitesse orbitale diminue
! l’excentricité décroît
z
Théorie des marées
M2
(
d
Potentel créé par le point-masse M2
U total
conserver seulement s
!
U marée
x
s
GM 2 # r &
="
)%$ d (' Ps (cos*)
d
=2
,% a ( 3
/
1 M2
2
2 2
= [.....] "
# orb r P2 (cos$ ) .' * cos2(v " + )1
4 M1 + M 2
-& d )
0
P2 (x) =
3 2 1
x "
2
2
!
!
d
v
puis développer en série de Fourier (limitée ici aux termes en e)
3 M2
2
U marée =
" orb
r 2 P2 (cos# ) e cos " orb t
2 M1 + M 2
2a
&
)
1
M2
e
7e
2
$
" orb
r 2 P22 (cos# ) (cos(2% $ 2" orb t) $ cos(2% $ " orb t) +
(2% $ 3" orb t)+
'
*
4 M1 + M 2
2
2
Calculer la réponse
!
P22 (x) = 3(1" x 2 )
• planètes solides : déformation élastique ! déphasage
• étoiles, planètes fluides : champ de vitesse ! couple de marée
• océans : importance énorme des limites (côtes, fonds océaniques)
Processus dissipatifs agissant sur la marée d’équilibre
Viscosité moléculaire et radiative
t diss = t visc
Amortissement radiatif
t diss = t KH
!
R2
=
# 1012 ans
"
GM 2
=
"10 7 ans
RL
temps de Kelvin-Helmholtz
Dissipation turbulente dans les zones convectives
Cause principale de dissipation dans étoiles de type solaire
! (possédant une zone convective extérieure)
" MR 2 %1/ 3
t diss = t conv = $
' ( 1 an
L
#
&
Viscosité turbulente :
!
!
" conv # V l
V : vitesse des éléments turbulents
l : libre parcours moyen
Temps caractéristiques pour la marée d’équilibre
Synchronisation
1
t sync
!
1
d# 6 %2 2 & MR 2 )
="
=
q (
+
(# " $ ) dt t conv ' I *
& R )6
( +
' a*
Circularisation
1
t circ
$ R '8 $
1 de 3#2
*'
="
=
q(1+ q) & ) &18 "11 )
% a( %
e dt t conv
+(
a : demi grand axe, q = M 2 / M
I : moment d'inertie, t conv : temps convectif
!
Dissipation convective
!
"2
336 R
=
#
t conv
5
M
8
$ x %&
turb dx
x = r /R
Darwin 1879; Zahn 1966;
Hut 1980-81; Scharlemann 1981
Marée d’équilibre : circularisation d’une binaire synchronisée
Circularisation
1
t circ
$ R '8 $
d lne 3#2
*'
="
=
q(1+ q) & ) &18 "11 )
% a( %
dt
t conv
+(
Variation d’excentricité au bout d’un temps tage
!
$ R '8
3#2
" lne =
q(1+ q) & ) 7 t age
% a(
t conv
einitial = 0,30 , e final = 0,01 " # lne = 3,40
q = 1, $2 = 0,055, t conv = 0,4 an, t age = 5 10 9 ans
!
3e loi de Kepler (2% /P) 2 = 2GM /a 3
Période de circularisation :
!
Pcirc
# t age & 3 /16
"6 %
( jours
9
$ 5 10 ans '
P < Pcirc : orbites circulaires
P > Pcirc : orbites excentriques
Comparaison avec les observations - étoiles de type solaire
Période de circularisation
prédiction théorique :
Pcirc
# t age &
"6 %
(
9
5
10
ans
$
'
3 /16
jours
étoiles de champ, plus tardives que F8
!
P < Pcirc : orbites circulaires
P > Pcirc : orbites excentriques
(Koch & Hrivnak 1981)
Que se passe-t-il lorsque la binaire est très jeune ?
Sur la pré-séquence principale (PMS)
L’étoile d’une masse solaire
nait avec un rayon de 5 R!
Comme tcirc # R-8,
la circularisation s’opère très vite
Mais le temps convectif
varie en R2/3
! il était plus long sur la PMS
! tconv était plus long
que la période de marée
ligne de
naissance
Le problème des marées rapides
Lorsque la période P de la marée est plus courte que le temps convectif tconv
la viscosité turbulente est réduite. De combien ?
Recette # 1 (Zahn 1966)
Remplacer le libre parcours moyen
par la distance lP parcourue durant une période de marée P
" turb
$ P '
# Vconv l P = Vconv l conv &
)
% t conv (
Recette # 2 (Goldreich & Keeley 1977)
!
Conserver
seulement les éléments turbulents
dont le temps caractéristique tcar est plus court que la période de marée
" turb # Vcar l car
$ P '2
= Vconv l conv &
)
t
% conv (
! dans les 2 cas, $turb est donction de la fréquence de marée
!
Evolution Pré-Séquence
Pincipale
(Zahn & Bouchet 1989)
Période de coupure en fonction de l’âge
Melo, Covino, Alcalá, Torres 2001
en désaccord
en accord avec Zahn & Bouchet 89
Evolution Pré Séquence Principale
Circularization and synchronisation se produisent très tôt
lorsque l’étoile possède une ZC épaisse
et un grand rayon
la ZC s’amincit et le rayon diminue :
l’étoile se met à tourner plus vite
! l’étoile atteint la SP en rotation
plus rapide que synchronisée
Propriété de toutes les étoiles
ayant possédé une ZC épaisse
jusqu’à ~ 2 M!
Palla & Stahler 1993
ligne de
naissance
Evolution post-SP - binaires avec géante rouge
(Verbunt & Phinney 1995)
Données brutes (28 binaires de 12 amas ouverts)
Post MS evolution - binaries with giant components
(Verbunt & Phinney 1995)
paramètre long. mélange
prédiction théorique : circularisation
pas de circularisation
e
0
log [(-) ln e)/f ]
Verbunt & Phinney 1995
géantes supposées
en combustion
centrale de l’hélium
(AGB)
compagnons
non evolués
S1040
a : combustion H
en couche (RGB);
A, B et y ont
échangé de la
masse
compagnon
naine blanche
La confirmation :
le compagnon de S1040 est une naine blanche
Landsman, Aparicio, Bergeron, Di Stefano, Stecher 1997
Système initial :
1.24 + 0.82 Mo
P = 1.86 d
Etat actuel :
0.25 + 1.48 Mo
P = 42.1 d
Périodes de coupure pour des
amas de différents âges
Mathieu, Meibom, Dolan 2004
NGC 188
?
un autre processus
sur la série principale ?
II. La marée dynamique
La marée dynamique :
Les modes d’oscillation de l‘étoile sont excités
par le potentiel de marée périodique
fréquences de marée
2#
modes inertiels
modes gravito-inertiels
(en zone radiative seulement)
NBrunt-Väisälä
*Lamb
*
modes acoustiques
Marée dynamique
avec amortissement radiatif
dissipation près de la surface
excitation près du cœur convectif
L’amortissement radiatif varie comme
(nb. de nœuds radiaux)2
Il augmente vers la surface
Étoile de 5 Mso
ZAMS
Goldreich & Nicholson 1989
Marée dynamique avec amortissement radiatif
10
dynamical tide
tidal response
1
résonances
Etoile avec
zone radiative externe
(étoile massive sur la SP)
0,1
0,01
0,001
0,0001
1
t sync
1
!
t circ
d 2(# " $ )
="
dt
$
"5 / 3
3
4
6
7
8
9 10
period
20
2
% GM (1/ 2 2
% R (17 / 2
5 / 6 MR
= 5 ' 3 * q (1+ q)
E2 ' *
& R )
& a)
I
1/ 2
17 / 2
#
&
d lne 21 # GM &
R
="
= % 3 ( q(1+ q)11/ 6 E 2 % (
$ a'
dt
2$ R '
E2 : dépend de la structure
!
5
(taille du cœur convectif)
rotation
ignorée
Zahn 1975; Rocca 1987, 89
Circularisation des étoiles massives
Prédiction théorique :
(R /a) circ = 0,255
!
Pcirc " 1# 2,5 jours
Giuricin et al. 1984
Catalogue Batten et al. 1978
e
R/a
Circularisation des étoiles massives dans les Nuages de Magellan
Prédiction théorique :
(R /a) circ = 0,255
!
Pcirc " 1# 2,5 jours
e
North & Zahn 2003
e
LMC - OGGLE
SMC - OGGLE
R/a
R/a
Pourquoi tant de binaires sont circularisées pour P > Pcirc ?
• orbite circulaire à l’origine?
• le compagnon est-il une étoile
de type solaire ?
North 2004
• existe-t-il un autre mécanisme
de dissipation qui opère
dans certaines étoiles,
et pas dans les autres?
Rôle des résonnances dans la marée dynamique ?
Spectre de fréquences dune étoile de 10 M! en rotation
(traitement numérique 2D)
(Witte & Savonije 1999)
Marée dynamique dans
une étoile massive
effet des résonannces?
(Witte & Savonije 1999)
Piègeage dans
une résonnance :
se produit ou non,
dépendant de #initial
(Witte & Savonije 1999)
Synchronisation des binaires massives
Prédiction théorique :
(R /a) sync = 0,15
Psync " 2 # 4 jours
Bon accord, mais beaucoup de binaires sont synchronisées pour P > Psync
!
Log Veq/VKepler
Giuricin et al. 1984
R/a
Pourquoi tant de binaires massives sont-elles synchronisées pour
P > Psync ?
Raison :
les ondes de gravité (ou gravito-inertielles) excitées près du cœur
sont amorties près de la surface, où la dissipation radiative est la plus forte
+ les régions superficielles sont synchronisées en premier
Ando 1983, Zahn 1984
Mécanisme élucidé entièrement par Goldreich et Nicholson (1989) :
les ondes sont dissipées lorsqu’elles approchent le niveau de co-rotation,
c.à.d. lorsque la fréquence de marée tend vers zéro :
" marée = 2[#rot (r) $ % orb ] & 0
!
Marée dynamique dans
la zone radiative
d’une étoile de type solaire
(Terquem, Papaloizou, Nelson & Lin 1998;
Goodman & Dickson 1998)
! nettement moins efficace
que la marée d’équilibre
mais rotation supposée uniforme
,r
,h
r/R
r/R
Marée dynamique
dans la zone radiative
d’une étoile de type slaire
#i=2$per
avec résonances piègeantes
(Witte & Savonije 2002)
! le résultat dépend fortment
de la rotation initiale
Pi = 100 jours
Binaires de
type solaire
Comparaison de l’efficacité
des marées
d’équilibre et dynamique *
* avec piègeage
OK avec Pi=100d
mais irréaliste !
PMS
Eql
Que nous enseigne
l’évolution dynamique des systèmes binaires ?
Propriétés physiques des intérieurs stellaires :
étendue des régions convectives
processus de transport dans les zones radiatives
etc.
Historique du système
Identification de son état d’évolution
Conclusion - ce qui reste à faire
• Améliorer le traitement de la dissipation turbulente
- simulations numériques du forçage de la marée
sur une zone convective (A.S. Brun)
• Modéliser le couplage entre surface (ou ZC) et intérieur
- transport de moment cinétique dans ZR (S. Mathis)
• Explorer davantage le piègeage dans résonances
(avec rotation différentielle)
• Etudier d’autres processus de dissipation (M. Rieutord)
• Modéliser couplage avec disque d’accrétion durant PMS
• Obtenir davantage de données observationnelles
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