LE REGIME INTERNATIONAL DU CHANGEMENT CLIMATIQUE :
DESSEIN INSTITUTIONNEL ET REDDITION DE COMPTE
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article, on se penchera sur la définition de l’accountability et de ses
principales fonctions. La deuxième partie sera consacrée aux arrangements
de l’accountability et au régime international du changement climatique.
1. Accountability : définition et fonctions
Hormis le remarquable effet rhétorique qui accompagne son usage,
l’accountability possède un noyau dur conceptuel lié à deux éléments : d’une
part, il y a l’agent doté d’un pouvoir de prendre des décisions (power-
holder) ; d’autre part, il y a ceux qui en subissent les effets ou ceux qui ont
des intérêts légitimes par rapport aux décisions du premier (account-holder)3.
Mais l’accountability n’existe que dans les rapports où (i) l’agent qui prend
des décisions doit en rendre compte et (ii) les agents qui en subissent les
effets ou sont légitimement intéressés ont le droit de demander une
justification publique et éventuellement, le pouvoir de sanctionner celui qui a
pris la décision4. Par conséquent, lorsqu’on parle d’accountability il y a une
relation de pouvoir en jeu. Le power-holder dispose du pouvoir de prendre la
décision mais il est – ou il a le sentiment de l’être – contraint de justifier sa
décision, tandis que l’account-holder subira ses effets ou s’intéressera à la
décision prise, mais dispose en revanche du pouvoir d’exiger une motivation
de la décision ou même, dans certains cas, de sanctionner le power-holder.
Cependant, cette définition n’est pas à la hauteur des demandes en faveur de
plus d’accountability sur le plan mondial. Lorsqu’un individu revendique
l’intégration de mécanismes d’accountability dans son processus décisionnel,
il demande bien plus que la création d’une simple formalité capable de
mettre en lien celui qui prend la décision et celui qui aura à souffrir de ses
conséquences. Dépourvue d’un certain contenu qui signale une direction, soit
une sorte de directive, cette revendication risque d’être vide et sans aucun
sens5. Il lui faut un nord, une valeur sous-jacente. Ainsi, la question plus
souvent soulevée par la littérature, celle de savoir si l’accountability existe
3 On reprend ici le concept d’accountability mis au point par D. Rached, “The
International Law of Climate Change and Accountability”, Thèse de doctorat,
Université d’Édimbourg, 2013.
4 Voir O. O’Neill, Rethinking Informed Consent in Bioethics, Cambridge University
Press, 2007, p. 167, R. Stewart “Accountability, Participation, and the Problem of
Disregard in Global Regulatory Governance”, NYU, IILJ Colloquium, 2008 et R.
Keohane et R. Grant, “Accountability and Abuses of Power in World Politics”,
American Political Science Review, 99, 1, 2005, p. 29-30.
5 Voir M. Philp, “Delimiting Democratic Accountability”, Political Studies, 57, 2009, p.
47 et N. Krisch, “The Pluralism of Global Administrative Law”, European Journal of
International Law, 17, 1, 2006, p. 250-251.
Extrait de l'ouvrage :
Développement rurable : mutations ou métamorphoses de la responsabilité
Sous la dir. de Kathia MARTIN-CHENUT, René DE QUENAUDON.
EAN : 978-2-233-00785-8
éditions A.Pedone 2016
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