OANA-AURELIA GENCĂRĂU
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familles de langues différentes, les recherches contrastives ayant prédominé
ces dernières années. Quantitativement mais aussi qualitativement, les
contributions2 que Marek Gawełko consacre à ce sujet situent le linguiste polonais
parmi ceux qui ont manifesté une préoccupation constante quant à l’infinitif dans
l’aire romane; ainsi que le confirme l’ordre des titres, il part, dans ses recherches,
des propriétés de ce mode verbal en roumain, et la perspective qu’il propose
semble s’imposer dans la bibliographie actuelle des études romanes3.
Sa démarche, principalement statistique et comparative, le conduit à
énoncer des conclusions qui convergent, dans une bonne mesure, avec celles que
certains linguistes roumains4 avaient déjà formulées auparavant. En fait, dans une
optique évolutive, de l’indo-européen vers les langues romanes, Gawelko
considère que:
a) dans le groupe des langues romanes, l’infinitif situe le roumain à côté
du français du fait que dans les deux langues les occurrences du sujet
syntaxique de l’infinitif5 sont rares;
b) la fréquence du sujet syntaxique pronominal est très faible en français,
un peu plus élevée en roumain6;
c) par rapport aux langues ibéro-romanes, où le sujet de l’infinitif passé a
une position privilégiée, le roumain occupe, lui aussi, une position
particulière de par le petit nombre d’exemples7 qu’il fournit;
d) l’italien ne semble pas avoir un sujet de l’infinitif passif; le roumain offre,
selon les sources qui servent à ses observations, un seul exemple8.
Le trait distinctif le plus important de l’infinitif roumain se manifeste,
d’après Gawelko, au niveau de la subordination. Relativement bien représenté
dans la fonction de complément du nom, il est plutôt faible dans la position de
complément du verbe où le roumain lui préfère le « conjunctiv »9.
Ce processus, considéré comme un des éléments représentatifs de
l’individualité du roumain au sein des langues romanes10, a d’abord été interprété
comme une tendance syntaxique de remplacement11 dans la subordination d’un
2 Voir Gawełko: 2003, 2004a, 2004b et 2005a, 2005b.
3 Voir Pei-Ying Chen, La négation de l’infinitif en français classique. Etude de morpho-syntaxe
variationelle, Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Limoges, 2010, p. 15-17.
4 Mais différentes de celles de C. Frîncu (1969) et surtout de celles de I. Diaconescu (1977).
5 Selon Gawełko, 2005a, p. 19: Les exemples du roumain et plus du francais sont sporadiques.
6 Ibidem, p. 9, où la richesse de l’infinitif roumain comparativement au français s’établit par des exemples
roumains tels: Spre a trăi eu fericit, trebuia ca făpturile alese de mine să nu trăiască deloc./ pour vivre
(moi) heureux (pour que je vive heureux), il fallait que les êtres choisis par moi ne vivent pas du tout.
7 Ibidem, p. 14.
8 Ibidem, p. 15 : […] m-ai cunoscut înainte de a fi lumea şi mai înainte de a fi venit eu pe lume/
[...] tu m’avais connu avant d’être le monde (avant que le monde existe/soit) et avant d’être
venu moi au monde (avant que je sois venu au monde).
9 Nous utilisons le terme consacré dans les grammaires roumaines pour désigner le
correspondant roumain du subjonctif français.
10 Voir Niculescu, 1978, p. 272.
11 Voir Copceag, 1961, Frîncu, 1969 e.a.