Pour comparer regardons les états européens. Que de livres ont été écrits pour expliquer que la
modernité a été adoptée par les Eglises chrétiennes, et que laïcité et religion vont bien
ensemble. Il y a donc bien compatibilité entre la religion, la démocratie et l'état de droit
moderne. Cela ne vaudrait il pas aussi pour l'Islam?
On a beau se plonger dans les livres saints, consulter les exégètes, rassembler des arguments,
il y aura toujours des interprétations différentes, contradictoires. On ne trouvera pas là une
réponse satisfaisante.
Le texte n’agit sur les réalités du monde que par le biais de notre regard. Lequel s’arrête à
chaque époque sur certaines phrases et glisse sur d’autres sans les voir. Pour cette raison, il ne
sert à rien, semble-t-il, de s’interroger sur « ce que permet vraiment» le Christianisme, l’Islam,
ou n'importe quelle autre religion.
Le Christianisme est-il tolérant, respectueux des libertés, porte sur la démocratie? Tout au long
des vingt derniers siècles, on a torturé, persécuté et massacré au nom de la religion, des
croyants se sont accommodés de l'esclavage, de la subordination des femmes, des pires
dictatures.
Cela veut-il dire que le Christianisme est, par essence, despotique, raciste, rétrograde et
intolérant?
Il suffit de regarder autour de soi pour constater qu’il fait aujourd’hui bon ménage avec la
liberté d’expression, les droits de l’Homme et la démocratie.
Tout a été une évolution de la société des êtres humains et la connaissance du monde et notre
histoire mondiale; la confrontation aux autres cultures et coutumes ont rendu les peuples plus
modestes.
Pour revenir au propos de départ: on donne souvent trop de place à l’influence des religions sur
les peuples et sur leur histoire, et pas assez à l’influence des peuples et de leur histoire sur les
religions.
L’influence est réciproque; la société façonne la religion qui à son tour, façonne la société.
Pour L'Islam, la question sur l'adaptation à la modernité est déjà donnée dans plusieurs pays et
sociétés : la Turquie, l'Indonésie et dans tant d'autres sociétés où la religion de l'Islam est
dominante, on trouve déjà une grande variété des pratiques démocratiques et le respect pour
les droits de l'Homme.
En ce qui concerne les pays du Maghreb, n'a-t-on pas dès leur indépendance cherché à mettre
en place des sociétés modernes et la mise en place d'un Etat de droit, même si ces règles ont
été ensuite perverties par les dictatures?
Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est la démocratie; le débat entre conservateurs et
progressistes.
La question qui se pose, plutôt que de savoir comment l'Islam influencera l'Etat de droit en
Tunisie, c'est comment cette démocratie en Tunisie donnera sa place aux demandes des
croyants conservateurs de l'Islam.
Je cite pour conclure un autre héros de la révolution tunisienne, M. Yadh Ben Achour qui a dit
dans son livre Politique, Religion et Droit: "La démocratie et la modernité ne signifie rien d'autre
que la fin des absolus, y compris les leurs. La démocratie est née pour convaincre bien, plutôt
que pour gouverner".
Je vous souhaite un bon séminaire!