Le Porteur d`histoire

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Vendée en Scène
Le Porteur d’histoire
Ecrit et mis en scène par
ALEXIS MICHALIK
Fic
he ressource
L’artiste
S’il fait ses débuts de comédien sur les planches d’un théâtre, sous la direction d’Irina Brook, dans le rôle-titre
de Juliette et Roméo, c’est à la télévision qu’Alexis Michalik prend ses quartiers.
On le retrouve ainsi dans divers téléfilms ou séries : Petits
meurtres en famille, Terre de lumière, Kaboul Kitchen, etc.
Au cinéma, il tourne avec Billy Zane, Diane Kurys,
Safy Nebou, Yann Samuel, Fernando Colomo, Danièle
Thompson, Alexandre Arcady, etc.
Il continue de se distinguer au théâtre, dans des
comédies, comme Le Dindon, mise en scène de Thomas
Le Douarec, ou des pièces plus sérieuses, comme Les
Fleurs Gelées, d’après Ibsen et Strindberg.
Lisa lesourd
Avec la compagnie Los Figaros, Alexis Michalik met en
scène et signe des adaptations pour le moins déjantées,
parmi lesquelles La mégère à peu près apprivoisée,
ou R&J, librement inspirés des oeuvres de William
Shakespeare.
Le porteur d’histoire est sa première pièce en tant qu’auteur, Le cercle des illusionnistes est sa seconde.
En 2014, il est récompensé pour ces deux pièces de deux Molières (auteur francophone et metteur en scène de
théâtre privé), du prix Beaumarchais du Figaro et du prix Jeune Théâtre de l’Académie Française.
Il est également scénariste pour la télévision et le cinéma, et réalisateur débutant.
Il chante, danse.
1
Le porteur d’histoire : une pièce, deux affiches
« J’ai pris un livre ,
machinalement. Je l’ai ouvert,
au milieu. Ce n’était pas
un livre , c’était un carnet
manuscrit.
Et là, je suis rentré dans
l’Histoire .»
Le Porteur d’Histoire
Note d’intention du metteur en scène et auteur :
Alexis Michalik
Le théâtre, générateur inépuisable d’imaginaire
Le Porteur d’histoire est une réflexion sur la part du récit dans nos vies et sur son importance. Comment explorer, à travers un
spectacle, une multitude de modes de narration ?
Pour ce faire, j’ai choisi cinq acteurs : trois hommes et deux femmes ; cinq tabourets, un plateau nu et deux portants chargés de
costumes. Les cinq acteurs incarnent un nombre illimité de personnages fictionnels ou historiques. Au fil du récit, ils deviennent
moteurs et instruments narratifs.
En premier lieu, j’ai commencé par raconter l’histoire que j’avais en tête à chacun des acteurs, perpétuant ainsi la tradition
orale du conte ou du récit. Ce faisant, j’élaborais moi-même mon histoire au fil des entrevues. Je répartis ensuite les rôles et les
répétitions commencèrent. J’utilisais alors des improvisations dirigées pour élaborer des scènes fragiles et vivantes, presque
toujours sur le fil. J’enregistrais à l’aide d’un dictaphone le résultat de nos journées de travail, puis rentrais réécrire la scène,
enrichie de la contribution des « personnages », comme s’ils existaient pour de bon.
Qu’est-ce que l’Histoire ? Qu’est-ce qu’une histoire ? Qui sommes nous ? Le porteur d’histoire est un récit foisonnant, non linéaire,
qui ouvre des tiroirs narratifs et des pistes illimitées de récit, en s’appuyant sur un terreau inépuisable : notre histoire commune.
J’ai l’intime conviction que seul le théâtre, générateur inépuisable d’imaginaire, permet ce voyage extraordinaire de siècles en
siècles, de continents en continents, avec pour seuls moyens des comédiens, quelques costumes et des spectateurs.
Alexis Michalik 2
L’histoire
Une chasse au trésor littéraire
Une quête vertigineuse à travers l’Histoire et les continents. Un feuilleton littéraire haletant qui nous entraîne dans un
périple effréné à travers le temps. Une invitation à relire l’histoire, notre Histoire.
Par une nuit pluvieuse, au fin fond des Ardennes, Martin Martin doit enterrer son père. Il est alors loin d’imaginer
que la découverte d’un carnet manuscrit va l’entraîner dans une quête vertigineuse à travers l’Histoire et les
continents. Quinze ans plus tard, au cœur du désert algérien, une mère et sa fille disparaissent mystérieusement.
Le Porteur d’histoire est un roman, un film, un conte, une légende, un feuilleton littéraire haletant à la Dumas, qui
nous entraîne dans une quête effrénée, un périple à travers le temps.
Mêlant personnages célèbres et illustres inconnus, le Porteur d’Histoire nous invite à relire l’histoire, notre
Histoire, à travers celle de Martin Martin, mais aussi celle d’Alia et de sa fille, d’Alexandre et d’Adélaïde, de MarieAntoinette ou du Prince de Polignac.
Cinq comédiens endossent les costumes d’une myriade de personnages. Ils sont là pour nous livrer un double
héritage : un amas de livres frappés d’un étrange calice et un colossal trésor accumulé à travers les âges par une
légendaire société secrète.
L’équipe du spectacle
Comédiens :
- Benjamin Brenière - Magali Genoud
- Evelyne El Garby Klaï
- Julien Jacob
- François Raffenaud
Assistante à la mise en scène : Camille Blouet
Lumières & régie générale : Anaïs Souquet
Costumes : Marion Rebmann
Son : Clément Laruelle
Musique Originale : Manuel Peskine Production
Production : Mises en Capsules et Compagnie Los Figaros
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Interview de Benjamin Brenière (Comédien)
Quel est votre premier souvenir de spectacle en tant que spectateur ?
J’ai vu ma première pièce très tard dans ma vie, lorsque je suis arrivé à Paris pour faire du théâtre, je n’ai donc pas
d’histoire de révélation fulgurante et précoce. Il s’agissait des Caprices de Marianne, mise en scène par un de mes
professeurs aux Ateliers du Sudden. J’avais trouvé cela très beau, les acteurs très bons, certains sont devenus des
partenaires de scène aujourd’hui.
A quel âge avez-vous commencé le théâtre ? Quelle est votre formation ?
J’ai commencé pour ainsi dire à 23 ans, mais cela faisait déjà 23 ans que je faisais le pitre pour la terre entière. J’ai
fait quatre ans d’étude aux Ateliers du Sudden, dirigés par Raymond Acquaviva.
Quel rôle rêveriez-vous d’interpréter ?
Hamlet, Richard III, Macbeth chez Shakespeare, pour
ne citer qu’eux, Treplev ou Trigorine de La Mouette de
Tchekhov, Ivanov, n’importe quel personnage chez
Tchekhov. Caligua de Camus. J’adorerais jouer un rôle qui
implique une grande transformation physique. J’adore
regarder certains acteurs effectuer ce travail, que l’on
voit majoritairement au cinéma. Malheureusement,
c’est une pratique qui est devenue quelque peu surfaite
aujourd’hui. Ah oui, je « tuerais » pour jouer le joker, ou
n’importe qui avec Christopher Nolan, même une éponge
ou un gant.
Benjamin Brenière Art’one
Qu’est-ce qui vous touche dans cette pièce ?
Ce qui me touche dans cette pièce, c’est le destin de Martin.
L’idée que ce type fasse un chemin vers la lumière, vers la
liberté, la vraie, la liberté spirituelle. Il se découvre, fait en
même temps la paix avec son passé, avec sa famille. Cette
pièce a une valeur cathartique très puissante. C’est ce qui
m’avait frappé et énormément ému à la première vision
que j’en avais faite. J’étais ressorti de la salle avec l’envie
de vivre, l’envie d’appeler les gens que j’aime pour leur
dire que je les aime, et aussi avec l’envie de retravailler
avec Alexis Michalik.
Quelles ont été les figures marquantes de votre parcours ?
Arnold Shwarzzenegger, Terminator, Sylvester Stallone, Rocky, Steven Spielberg, la majorité des films fantastiques
des années 80-90, ensuite, mes professeurs.
D’abord, Roch Antoine Albaladejo, qui a beaucoup de charisme, je l’admirais beaucoup, j’achetais les mêmes
chaussures que lui. Lorsque j’admire quelqu’un, je fonctionne en mimétisme, peut être quelque chose de la petite
enfance qui m’est resté.
Il y a eu ensuite Raymond Acquaviva, notre directeur et professeur, incroyable pédagogue à la culture théâtrale
immense. J’aurais pu travailler avec lui pendant toute une journée sans m’arrêter. Il savait quoi dire pour inspirer
un acteur et le sortir de ses ruminations stériles et désorganisées.
J’admire également énormément Alexis Michalik pour son parcours, son énergie, sa passion et son talent.
Il y a aussi Robert de Niro, Léonardo Dicaprio et Ricky Gervais.
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Pourquoi ce titre Le Porteur d’histoire ?
Parce qu’elle parle à la fois d’Alexis, qui en est un lui, de Porteur d’Histoire, il porte en lui les histoires qu’il a lu durant
sa vie, celles de Dumas qui l’ont passionné et dont il retranscrit l’univers à travers cette pièce. Parce qu’elle parle de
nous qui portons tous une histoire, comme le dit Martin au début de la pièce : « Nous avons tous une histoire, vous
venez de me la raconter, votre fille aussi sûrement a une histoire, moi, je porte une Histoire, j’ai un jour croisé la route
d’une histoire tellement extraordinaire qu’elle a changé ma vie, qu’elle est devenue ma vie. »
Quelle dimension vous parait-il important de développer chez un jeune ?
Je dirais peut-être le goût de la littérature. Il ouvre sur les autres, sur le monde, il ouvre à une soif de connaissance
qui pousse en dehors de chez soi. A une époque où tout va si vite, où les jeunes générations sont amenées à
gérer plusieurs informations en même temps, à goûter sans approfondir, à essayer et jeter, la lecture a des valeurs
méditatives qui recentre sur soi même, sur ses capacités à imaginer, à voir, à se centrer.
Mais je parlerais surtout de l'espoir que cette pièce porte en elle, sur le fait de pouvoir, à un moment être dans
la plus totale obscurité existentielle, et, au détour d'une route, trouver un chemin vers soi, à nouveau. L'idée de
rédemption, que rien n'est jamais perdu et que le trésor se trouve parfois plus proche de nous que ce qu'on
pourrait envisager au départ.
Y a-t-il un message que vous voudriez transmettre aux jeunes collégiens ?
Je ne sais pas, je dirais peut être qu'il faut rêver, et ne pas avoir peur d'être différent, ne pas forcément essayer de
coller à l'image que les autres aimeraient avoir de vous, ou l'image que vous pensez que les autres aimeraient avoir
de vous (vous suivez ?). Que si vous avez une passion et que vous aimeriez ne faire que ça pour gagner votre vie,
c'est possible. Avant la rencontre artistique,
nous vous invitons à préparer des
questions à poser aux comédiens.
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Interview de François Raffenaud (Comédien)
Quel est votre premier souvenir de spectacle en tant que spectateur ?
La Danse du Diable de Philippe Caubère au théâtre municipal de la Roche sur Yon.
A quel âge avez-vous commencé le théâtre ? Quelle est votre formation ?
J’ai commencé à 13 ans au Conservatoire de la Roche sur Yon, puis je suis parti prendre des cours à l’école Charles
Dullin à Paris à 17 ans.
Quel rôle rêveriez-vous d’interpréter ?
Le Roi Lear, le Misanthrope.
Qu’est-ce qui vous touche dans cette pièce ?
Dans le Porteur d’Histoire, ce qui me touche c’est l’histoire de la fratrie et
de la filiation. L’héritage n’est pas une affaire de biens ou de mode de vie
identique, c’est un mode de pensée que l’on laisse à nos descendants.
Henri fait le métier de son père, il est un copier/coller de son père, mais
ne l’a pas compris. Le père voulait transmettre sa curiosité et son regard
sur le monde et il avait senti que Martin, qui n’avait pas suivi la voix
intellectuelle parce que la réussite de son frère l’avait complexé, pouvait
avoir hérité de cette curiosité. Avoir envie de savoir est la source de la vie.
Quelles ont été les figures marquantes de votre parcours ?
Ariane Mnouchkine, Adel Hakim, Philippe Adrien et… Alexis Michalik, le dernier en date et non des moindres,
puisqu’il est le premier dont j’apprécie la direction d’acteur avec une totale confiance alors qu’il est plus jeune que
moi.
Pourquoi ce titre Le Porteur d’histoire ?
C’est comme le porteur d’eau, élément indispensable à la vie, qui se met à la disposition du public pour qu’il puisse
s’abreuver à loisir. Le Porteur d’Histoire est un griot urbain qui vient réveiller ou faire fonctionner l’imaginaire de
chacun.
Quelle dimension vous parait-il important de développer chez un jeune ?
La curiosité du monde, l’envie de savoir, de comprendre et la joie de prendre des chemins de traverse, de se
tromper, sans sentiment d’échec.
Une représentation avec des jeunes est-elle différente d’une représentation avec des adultes ?
Oui, les réactions sont plus entières. La notion de jeu, la part d’enfance de notre métier d’acteur, parvient plus
clairement à ceux qui ont encore leurs pieds dans l’enfance. L’ennui les gagne aussi très vite et nous nous devons
de répondre présent par notre ludisme et notre énergie.
Y a-t-il un message que vous voudriez transmettre aux jeunes collégiens ?
Croyez en vous, vous êtes le présent et l’avenir.
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Prologue : « Le Porteur d’Histoire »
Ci-dessous deux textes, extraits de la pièce « Le Porteur d’Histoire ».
Nous vous invitons à en prendre connaissance. Le jour J, découvrez comment les artistes les ont mis
en scène !
L’HOMME
Nous allons vous raconter une histoire.
Mais auparavant, nous allons nous interroger un instant sur le fait même de raconter une
histoire, sur l’importance qu’on accorde à un récit, et sur les frontières qui séparent la
réalité de la fiction.
D’abord qu’est-ce que l’Histoire ? Avec un grand H ?
L’Histoire, c’est notre mémoire commune, notre identité.
C’est ce qui nous définit en tant qu’êtres humains.
Pour nous tous, l’Histoire est concrète, écrite, immuable.
Il y a des dates ou des évènements dont on est parfaitement sûr.
On les a apprises, à l’école, ou dans un livre, et on sait, on en mettrait littéralement sa main
à couper, que ces dates sont exactes.
Comme par exemple, Marignan ? 1515.
La prise de la Bastille, 1789.
Christophe Colomb en Amérique, 1492.
Robespierre, Galilée, Ravaillac.
La guerre de cent ans,
La guerre de Crimée,
La guerre d’Algérie…
En Algérie, les Français débarquent en 1830 et repartent en 1962.
132 ans d’occupation.
Et pendant 132 ans, les petits Algériens ont appris à l’école « Nos ancêtres les Gaulois… »
Souvent, presque toujours, le récit du vainqueur est celui que l’on retient. Et dans tout récit
historique, il y a, comme son nom l’indique, une part de récit.
Chaque historien, même s’il tâche d’être le plus intègre possible, s’inscrit dans une époque,
traversée par des courants de pensée qui sont directement liés aux moyens d’information
disponibles.
Chaque historien est avant tout un homme.
L’Histoire ne peut donc pas être absolument objective,
Elle est mouvante, elle évolue, s’estompe et s’enrichit.
Notre identité, notre passé,
Tout ce qui nous définit n’est qu’un récit.
ALIA
Tout notre passé est une fiction.
L’HOMME
Ensuite, qu’est-ce qu’une histoire ?
Une petite histoire.
Ce sont des mots, du vent, de l’air en vibration.
Ce n’est rien du tout.
Prenons une religion, au hasard :
Le christianisme… qui repose sur le judaïsme, d’ailleurs, par l’intermédiaire de la Bible.
Et qu’est-ce que la Bible, sinon le plus formidable réservoir d’histoires qui soit ! L’arche de Noé, le jardin d’Eden,
la multiplication des pains, la résurrection de Lazare, la Pentecôte : des histoires ! …sur lesquelles s’appuie une
pensée philosophique et spirituelle, mais des histoires !
Et une conviction religieuse, une foi, au nom de laquelle des millions de croyants, chrétiens, protestants, musulmans
ou bouddhistes, se sont entretués au cours des siècles, dans le seul but de défendre… leur histoire.
Alors, je repose la question : qu’est-ce qu’une histoire ?
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JEANNE
C’est un fait divers,
Daté du 14 juin 2001,
Dans un grand quotidien algérien.
ALIA
« Une mère et sa fille disparaissent mystérieusement à Mechta Layadat. »
ALEXANDRE
« Dans ce petit village du nord, c’est la perplexité qui règne. »
MARTIN
« Cela fait maintenant un mois que Alia Ben Mahmoud, 34 ans, et sa fille Jeanne, 15 ans, ont disparu. »
ALEXANDRE
« Le 17 mai 2001, au matin, un voisin les croise toutes les deux. Elles ne semblent pas inquiètes. »
L’HOMME
« C’est la dernière fois qu’on les voit. »
JEANNE
« Le 23 mai, une commerçante passe chez elle pour livrer des courses et ne trouve personne.
Elle s’inquiète et alerte l’antenne de police locale, qui vient perquisitionner.
Ils ne trouvent aucune trace de violence, aucune marque d’effraction.
Les deux femmes ont disparu.
De la nourriture reste dans le frigo, et, plus étonnant encore, la voiture d’Alia Ben Mahmoud est toujours là, tout à
fait fonctionnelle. »
L’HOMME
Bonsoir !
JEANNE
« Leur maison se trouvait isolée, à 15 kilomètres de toute autre habitation. »
L’HOMME
Il y a quelqu’un ?
JEANNE
« Une battue a été effectuée, sans succès. »
ALEXANDRE
… Mais parlez, quelle est donc cette histoire ?
ADELAIDE
C’est la mienne.
Alexandre suspendu à ses lèvres. Elle inspire profondément, et commence son récit.
ADELAIDE lentement
Je suis née le 17 mai 1792.
Le 25 avril avait eu lieu la première exécution à la guillotine. On murmure que son invention fut financée par les
ennemis de ma famille.
A ma naissance, on me fit évader. Je fus remise à une nourrice et à un maitre d’armes, qui me portèrent à cheval
jusqu’à un petit castillon, caché dans les collines de la forêt ardennaise. En cas d’invasion, il était prévu de me faire
passer au royaume de Prusse. Mais personne ne vint nous chercher. Je grandis dans ce château, élevée par les
livres et pas la nature.
ALEXANDRE
Quelle est donc votre famille ?
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ADELAIDE
Une famille aussi noble qu’illustre, un nom qui aujourd’hui ne résonne plus aux oreilles des
gens que dans les légendes et les chansons.
Je suis Adélaïde Edmonde de Saxe de Bourville, dernière descendante vivante des Saxe de Bourville.
ALEXANDRE
Permettez-moi d’en douter…
ADELAIDE
Doutez si vous voulez, doutez tout votre saoul, mais gardez votre langue.
C’est pour moi un tel soulagement de pouvoir le dire enfin : ma famille a vécu, ma famille a existé, mon père, ma
mère, ma tante, mes cousins. Ils ont tous été guillotinés et jetés dans une fosse commune, et toute trace d’eux a été
détruite, mais ils avaient vécu, et préservé l’’essentiel, du moins je l’espère… J’ai grandi dans ce château, j’ai lu les
innombrables livres de ma famille, un patrimoine littéraire sans réelle concurrence dans le monde, et lorsque j’ai
fini de lire ces livres, je les ai relus. Et relus. Et relus. Mon maitre d’armes est mort le premier. Ma nourrice est morte
il y a trois jours. Je l’ai enterrée au bourg le plus proche, et me voilà en route pour Paris. J’ai 30 ans aujourd’hui, et
aujourd’hui commence ma vie.
ALEXANDRE
Adélaïde Edmonde de Saxe de Bourville…
ADELAIDE
Ne dites plus ce nom.
Lorsque je poserai le pied hors de cette voiture, je serai devenue quelqu’un d’autre. Il me faut un autre nom,
monsieur le romancier.
Le prénom, je le garde, c’était celui de ma mère etde la mère de ma mère. Le nom, je vous laisse l’inventer.
ALEXANDRE se prêtant au jeu
Il vous faut un nom simple, un nom d’aventurière…
ADELAIDE
Oui
ALEXANDRE
Un nom italien, peut-être ? ADELAIDE
Non, l’Italie ne me tente pas, je n’ai pas l’air d’une italienne, je suis trop brute.
ALEXANDRE
Espagnol, alors ?
ADELAIDE
Mieux.
ALEXANDRE
Ferrara, Montoya… Montès…
ADELAIDE
Plus simple encore…
ALEXANDRE
Antès.
ADELAIDE
Antès ?
ALEXANDRE
Antès, A.N.T.E.S.
9
LE COCHER off
On arrive à Paris !
ADELAIDE
Adélaïde Antès.
ALEXANDRE
Vous devriez l’écrire, vous savez. Cette histoire.
Votre histoire.
ADELAIDE
Mon passé ne m’appartient plus.
ALEXANDRE
Alors écrivez l’avenir. Ecrivez-moi.
ADELAIDE
Je ne sais pas. Je ne peux rien vous promettre.
ALEXANDRE
Ne promettez rien. Je travaille chez maître Monneceaux, rue de Wagram, Paris.
J’attendrai de vos nouvelles, Adélaïde Antès !
ADELAIDE
Et votre nom, à vous ?
ALEXANDRE
Alexandre. Alexandre Dumas.
Sonnerie de téléphone
ADELAIDE
Alexandre Dumas…
10
La presse et les professionnels en parlent
« Des histoires à applaudir debout, Roméo et Juliette, c’était lui. « La Mégère à peu près apprivoisée », encore lui. Le
brillant Alexis Michalik débarque avec une création : « le Porteur d’histoire ». Récit tourbillonnant inspiré des traditions
orales, ce vertigineux voyage réveille l’imaginaire. Il enchante.
Brodées, fabriquées de toutes pièces, tissées, les belles histoires sont les histoires saisies sur le fil. Alexis Michalik l’a bien
compris, lui qui monte un magistral récit choral, nouant les liens entre les siècles, entre l’Histoire et les récits de famille,
entre les anonymes et les plus célèbres. Ils sont cinq, armés de tabourets-de-fonction et d’un portant où pendent les peaux
de leurs personnages, qu’ils enfilent plus vite que leur ombre. Une lumière changée, un accent, et aussitôt une nouvelle
histoire est née, qui s’ajoute aux autres, l’enrichissant, la déroutant. Tout à la fois racine et arbre, rhizome et ramage, cette
fable touffue plonge dans le passé – Moyen Âge, Révolution, XIXe siècle florissant — pour aller de l’avant. Elle s’inspire en
cela des traditions orales – des histoires passées écrites au présent, pour l’avenir – augmentées et anoblies par chacun
de leurs passeurs.Et quels passeurs, ces cinq acteurs éblouissants de rigueur et d’aisance ! Éric Herson-Macarel, le porteur
d’histoire principal, narrateur en chef, exerce un pouvoir quasi hypnotique, entraînant dans sa course folle quiconque
aura tendu l’oreille. Le grain de sa voix et la force de son regard le rendent maître en conviction : un conteur hors pair.
Il amorce l’histoire, comme d’autres mettent le feu aux poudres : aventurier égaré un soir et accueilli dans un foyer au
Maghreb, par une heureuse panne de voiture, il quitte la route pour sillonner d’autres pistes, balisées par l’histoire de
cette famille qui recèle un trésor : une bibliothèque riche de volumes anciens. L’un d’eux s’ouvre et d’entre ses pages
surgissent une kyrielle d’historiettes ou de récits glorieux, d’anecdotes et d’évènements, des dizaines de personnages que
les comédiens endossent avec brio.Ce jeu de piste qu’ils tricotent sans répit ravive nos désirs d’enfants avides d’histoires,
mais ravit aussi nos fantasmes d’hommes heureusement inaboutis, en quête de racines, d’une identité. Rassurant. Grâce
à un enchaînement cinématographique – fait de courtes séquences et de fondus élégants – néanmoins très littéraire,
fondé sur un jeu d’associations, de dérivations, d’errements féconds, la joyeuse équipée agence une mosaïque de récits
contre les idées reçues. La joliesse de la fable réside en deux enseignements : l’identité n’a jamais lieu, c’est une histoire
sans fin, un palimpseste ; toute vie est une narration, nous ne sommes jamais tout à fait enracinés, ni jamais tout à fait
vierges de toute histoire, il revient à chacun de se choisir ses enracinements. Porteur d’espoir. »
Les Trois Coups - Cédric Enjalbert
« Le jeune artiste qui monte Alexis Michalik en a remporté trois également : Molière de la mise en scène, de l’Auteur
francophone vivant pour ses deux spectacles enchantés, mêlant conte, histoire et magie : « Le Porteur d’Histoire » et « Le
Cercle des illusionnistes. »
LES ECHOS - Philippe Chevilley
« [...] Le spectacle est plein d’une folie jubilatoire qui nous parle avec énergies des pouvoirs de l’imaginaire et du livre. »
TELERAMA - Sylviane Bernard-Gresh
Pour aller plus loin
Le Porteur d’Histoire. Mises en Capsules : http://www.leporteurdhistoire.com/
Une présentation du spectacle par Alexis Michalik :
L’homme qui portait des histoires in Entrée libre. France 5 : http://www.youtube.com/watch?v=DbZwnfPw-E
Alexis Michalik. Le porteur d’Histoire. Les Cygnes (les inédits du 13), 2012.
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