Vendée en Scène Le Porteur d’histoire Ecrit et mis en scène par ALEXIS MICHALIK Fic he ressource L’artiste S’il fait ses débuts de comédien sur les planches d’un théâtre, sous la direction d’Irina Brook, dans le rôle-titre de Juliette et Roméo, c’est à la télévision qu’Alexis Michalik prend ses quartiers. On le retrouve ainsi dans divers téléfilms ou séries : Petits meurtres en famille, Terre de lumière, Kaboul Kitchen, etc. Au cinéma, il tourne avec Billy Zane, Diane Kurys, Safy Nebou, Yann Samuel, Fernando Colomo, Danièle Thompson, Alexandre Arcady, etc. Il continue de se distinguer au théâtre, dans des comédies, comme Le Dindon, mise en scène de Thomas Le Douarec, ou des pièces plus sérieuses, comme Les Fleurs Gelées, d’après Ibsen et Strindberg. Lisa lesourd Avec la compagnie Los Figaros, Alexis Michalik met en scène et signe des adaptations pour le moins déjantées, parmi lesquelles La mégère à peu près apprivoisée, ou R&J, librement inspirés des oeuvres de William Shakespeare. Le porteur d’histoire est sa première pièce en tant qu’auteur, Le cercle des illusionnistes est sa seconde. En 2014, il est récompensé pour ces deux pièces de deux Molières (auteur francophone et metteur en scène de théâtre privé), du prix Beaumarchais du Figaro et du prix Jeune Théâtre de l’Académie Française. Il est également scénariste pour la télévision et le cinéma, et réalisateur débutant. Il chante, danse. 1 Le porteur d’histoire : une pièce, deux affiches « J’ai pris un livre , machinalement. Je l’ai ouvert, au milieu. Ce n’était pas un livre , c’était un carnet manuscrit. Et là, je suis rentré dans l’Histoire .» Le Porteur d’Histoire Note d’intention du metteur en scène et auteur : Alexis Michalik Le théâtre, générateur inépuisable d’imaginaire Le Porteur d’histoire est une réflexion sur la part du récit dans nos vies et sur son importance. Comment explorer, à travers un spectacle, une multitude de modes de narration ? Pour ce faire, j’ai choisi cinq acteurs : trois hommes et deux femmes ; cinq tabourets, un plateau nu et deux portants chargés de costumes. Les cinq acteurs incarnent un nombre illimité de personnages fictionnels ou historiques. Au fil du récit, ils deviennent moteurs et instruments narratifs. En premier lieu, j’ai commencé par raconter l’histoire que j’avais en tête à chacun des acteurs, perpétuant ainsi la tradition orale du conte ou du récit. Ce faisant, j’élaborais moi-même mon histoire au fil des entrevues. Je répartis ensuite les rôles et les répétitions commencèrent. J’utilisais alors des improvisations dirigées pour élaborer des scènes fragiles et vivantes, presque toujours sur le fil. J’enregistrais à l’aide d’un dictaphone le résultat de nos journées de travail, puis rentrais réécrire la scène, enrichie de la contribution des « personnages », comme s’ils existaient pour de bon. Qu’est-ce que l’Histoire ? Qu’est-ce qu’une histoire ? Qui sommes nous ? Le porteur d’histoire est un récit foisonnant, non linéaire, qui ouvre des tiroirs narratifs et des pistes illimitées de récit, en s’appuyant sur un terreau inépuisable : notre histoire commune. J’ai l’intime conviction que seul le théâtre, générateur inépuisable d’imaginaire, permet ce voyage extraordinaire de siècles en siècles, de continents en continents, avec pour seuls moyens des comédiens, quelques costumes et des spectateurs. Alexis Michalik 2 L’histoire Une chasse au trésor littéraire Une quête vertigineuse à travers l’Histoire et les continents. Un feuilleton littéraire haletant qui nous entraîne dans un périple effréné à travers le temps. Une invitation à relire l’histoire, notre Histoire. Par une nuit pluvieuse, au fin fond des Ardennes, Martin Martin doit enterrer son père. Il est alors loin d’imaginer que la découverte d’un carnet manuscrit va l’entraîner dans une quête vertigineuse à travers l’Histoire et les continents. Quinze ans plus tard, au cœur du désert algérien, une mère et sa fille disparaissent mystérieusement. Le Porteur d’histoire est un roman, un film, un conte, une légende, un feuilleton littéraire haletant à la Dumas, qui nous entraîne dans une quête effrénée, un périple à travers le temps. Mêlant personnages célèbres et illustres inconnus, le Porteur d’Histoire nous invite à relire l’histoire, notre Histoire, à travers celle de Martin Martin, mais aussi celle d’Alia et de sa fille, d’Alexandre et d’Adélaïde, de MarieAntoinette ou du Prince de Polignac. Cinq comédiens endossent les costumes d’une myriade de personnages. Ils sont là pour nous livrer un double héritage : un amas de livres frappés d’un étrange calice et un colossal trésor accumulé à travers les âges par une légendaire société secrète. L’équipe du spectacle Comédiens : - Benjamin Brenière - Magali Genoud - Evelyne El Garby Klaï - Julien Jacob - François Raffenaud Assistante à la mise en scène : Camille Blouet Lumières & régie générale : Anaïs Souquet Costumes : Marion Rebmann Son : Clément Laruelle Musique Originale : Manuel Peskine Production Production : Mises en Capsules et Compagnie Los Figaros 3 Interview de Benjamin Brenière (Comédien) Quel est votre premier souvenir de spectacle en tant que spectateur ? J’ai vu ma première pièce très tard dans ma vie, lorsque je suis arrivé à Paris pour faire du théâtre, je n’ai donc pas d’histoire de révélation fulgurante et précoce. Il s’agissait des Caprices de Marianne, mise en scène par un de mes professeurs aux Ateliers du Sudden. J’avais trouvé cela très beau, les acteurs très bons, certains sont devenus des partenaires de scène aujourd’hui. A quel âge avez-vous commencé le théâtre ? Quelle est votre formation ? J’ai commencé pour ainsi dire à 23 ans, mais cela faisait déjà 23 ans que je faisais le pitre pour la terre entière. J’ai fait quatre ans d’étude aux Ateliers du Sudden, dirigés par Raymond Acquaviva. Quel rôle rêveriez-vous d’interpréter ? Hamlet, Richard III, Macbeth chez Shakespeare, pour ne citer qu’eux, Treplev ou Trigorine de La Mouette de Tchekhov, Ivanov, n’importe quel personnage chez Tchekhov. Caligua de Camus. J’adorerais jouer un rôle qui implique une grande transformation physique. J’adore regarder certains acteurs effectuer ce travail, que l’on voit majoritairement au cinéma. Malheureusement, c’est une pratique qui est devenue quelque peu surfaite aujourd’hui. Ah oui, je « tuerais » pour jouer le joker, ou n’importe qui avec Christopher Nolan, même une éponge ou un gant. Benjamin Brenière Art’one Qu’est-ce qui vous touche dans cette pièce ? Ce qui me touche dans cette pièce, c’est le destin de Martin. L’idée que ce type fasse un chemin vers la lumière, vers la liberté, la vraie, la liberté spirituelle. Il se découvre, fait en même temps la paix avec son passé, avec sa famille. Cette pièce a une valeur cathartique très puissante. C’est ce qui m’avait frappé et énormément ému à la première vision que j’en avais faite. J’étais ressorti de la salle avec l’envie de vivre, l’envie d’appeler les gens que j’aime pour leur dire que je les aime, et aussi avec l’envie de retravailler avec Alexis Michalik. Quelles ont été les figures marquantes de votre parcours ? Arnold Shwarzzenegger, Terminator, Sylvester Stallone, Rocky, Steven Spielberg, la majorité des films fantastiques des années 80-90, ensuite, mes professeurs. D’abord, Roch Antoine Albaladejo, qui a beaucoup de charisme, je l’admirais beaucoup, j’achetais les mêmes chaussures que lui. Lorsque j’admire quelqu’un, je fonctionne en mimétisme, peut être quelque chose de la petite enfance qui m’est resté. Il y a eu ensuite Raymond Acquaviva, notre directeur et professeur, incroyable pédagogue à la culture théâtrale immense. J’aurais pu travailler avec lui pendant toute une journée sans m’arrêter. Il savait quoi dire pour inspirer un acteur et le sortir de ses ruminations stériles et désorganisées. J’admire également énormément Alexis Michalik pour son parcours, son énergie, sa passion et son talent. Il y a aussi Robert de Niro, Léonardo Dicaprio et Ricky Gervais. 4 Pourquoi ce titre Le Porteur d’histoire ? Parce qu’elle parle à la fois d’Alexis, qui en est un lui, de Porteur d’Histoire, il porte en lui les histoires qu’il a lu durant sa vie, celles de Dumas qui l’ont passionné et dont il retranscrit l’univers à travers cette pièce. Parce qu’elle parle de nous qui portons tous une histoire, comme le dit Martin au début de la pièce : « Nous avons tous une histoire, vous venez de me la raconter, votre fille aussi sûrement a une histoire, moi, je porte une Histoire, j’ai un jour croisé la route d’une histoire tellement extraordinaire qu’elle a changé ma vie, qu’elle est devenue ma vie. » Quelle dimension vous parait-il important de développer chez un jeune ? Je dirais peut-être le goût de la littérature. Il ouvre sur les autres, sur le monde, il ouvre à une soif de connaissance qui pousse en dehors de chez soi. A une époque où tout va si vite, où les jeunes générations sont amenées à gérer plusieurs informations en même temps, à goûter sans approfondir, à essayer et jeter, la lecture a des valeurs méditatives qui recentre sur soi même, sur ses capacités à imaginer, à voir, à se centrer. Mais je parlerais surtout de l'espoir que cette pièce porte en elle, sur le fait de pouvoir, à un moment être dans la plus totale obscurité existentielle, et, au détour d'une route, trouver un chemin vers soi, à nouveau. L'idée de rédemption, que rien n'est jamais perdu et que le trésor se trouve parfois plus proche de nous que ce qu'on pourrait envisager au départ. Y a-t-il un message que vous voudriez transmettre aux jeunes collégiens ? Je ne sais pas, je dirais peut être qu'il faut rêver, et ne pas avoir peur d'être différent, ne pas forcément essayer de coller à l'image que les autres aimeraient avoir de vous, ou l'image que vous pensez que les autres aimeraient avoir de vous (vous suivez ?). Que si vous avez une passion et que vous aimeriez ne faire que ça pour gagner votre vie, c'est possible. Avant la rencontre artistique, nous vous invitons à préparer des questions à poser aux comédiens. 5 Interview de François Raffenaud (Comédien) Quel est votre premier souvenir de spectacle en tant que spectateur ? La Danse du Diable de Philippe Caubère au théâtre municipal de la Roche sur Yon. A quel âge avez-vous commencé le théâtre ? Quelle est votre formation ? J’ai commencé à 13 ans au Conservatoire de la Roche sur Yon, puis je suis parti prendre des cours à l’école Charles Dullin à Paris à 17 ans. Quel rôle rêveriez-vous d’interpréter ? Le Roi Lear, le Misanthrope. Qu’est-ce qui vous touche dans cette pièce ? Dans le Porteur d’Histoire, ce qui me touche c’est l’histoire de la fratrie et de la filiation. L’héritage n’est pas une affaire de biens ou de mode de vie identique, c’est un mode de pensée que l’on laisse à nos descendants. Henri fait le métier de son père, il est un copier/coller de son père, mais ne l’a pas compris. Le père voulait transmettre sa curiosité et son regard sur le monde et il avait senti que Martin, qui n’avait pas suivi la voix intellectuelle parce que la réussite de son frère l’avait complexé, pouvait avoir hérité de cette curiosité. Avoir envie de savoir est la source de la vie. Quelles ont été les figures marquantes de votre parcours ? Ariane Mnouchkine, Adel Hakim, Philippe Adrien et… Alexis Michalik, le dernier en date et non des moindres, puisqu’il est le premier dont j’apprécie la direction d’acteur avec une totale confiance alors qu’il est plus jeune que moi. Pourquoi ce titre Le Porteur d’histoire ? C’est comme le porteur d’eau, élément indispensable à la vie, qui se met à la disposition du public pour qu’il puisse s’abreuver à loisir. Le Porteur d’Histoire est un griot urbain qui vient réveiller ou faire fonctionner l’imaginaire de chacun. Quelle dimension vous parait-il important de développer chez un jeune ? La curiosité du monde, l’envie de savoir, de comprendre et la joie de prendre des chemins de traverse, de se tromper, sans sentiment d’échec. Une représentation avec des jeunes est-elle différente d’une représentation avec des adultes ? Oui, les réactions sont plus entières. La notion de jeu, la part d’enfance de notre métier d’acteur, parvient plus clairement à ceux qui ont encore leurs pieds dans l’enfance. L’ennui les gagne aussi très vite et nous nous devons de répondre présent par notre ludisme et notre énergie. Y a-t-il un message que vous voudriez transmettre aux jeunes collégiens ? Croyez en vous, vous êtes le présent et l’avenir. 6 Prologue : « Le Porteur d’Histoire » Ci-dessous deux textes, extraits de la pièce « Le Porteur d’Histoire ». Nous vous invitons à en prendre connaissance. Le jour J, découvrez comment les artistes les ont mis en scène ! L’HOMME Nous allons vous raconter une histoire. Mais auparavant, nous allons nous interroger un instant sur le fait même de raconter une histoire, sur l’importance qu’on accorde à un récit, et sur les frontières qui séparent la réalité de la fiction. D’abord qu’est-ce que l’Histoire ? Avec un grand H ? L’Histoire, c’est notre mémoire commune, notre identité. C’est ce qui nous définit en tant qu’êtres humains. Pour nous tous, l’Histoire est concrète, écrite, immuable. Il y a des dates ou des évènements dont on est parfaitement sûr. On les a apprises, à l’école, ou dans un livre, et on sait, on en mettrait littéralement sa main à couper, que ces dates sont exactes. Comme par exemple, Marignan ? 1515. La prise de la Bastille, 1789. Christophe Colomb en Amérique, 1492. Robespierre, Galilée, Ravaillac. La guerre de cent ans, La guerre de Crimée, La guerre d’Algérie… En Algérie, les Français débarquent en 1830 et repartent en 1962. 132 ans d’occupation. Et pendant 132 ans, les petits Algériens ont appris à l’école « Nos ancêtres les Gaulois… » Souvent, presque toujours, le récit du vainqueur est celui que l’on retient. Et dans tout récit historique, il y a, comme son nom l’indique, une part de récit. Chaque historien, même s’il tâche d’être le plus intègre possible, s’inscrit dans une époque, traversée par des courants de pensée qui sont directement liés aux moyens d’information disponibles. Chaque historien est avant tout un homme. L’Histoire ne peut donc pas être absolument objective, Elle est mouvante, elle évolue, s’estompe et s’enrichit. Notre identité, notre passé, Tout ce qui nous définit n’est qu’un récit. ALIA Tout notre passé est une fiction. L’HOMME Ensuite, qu’est-ce qu’une histoire ? Une petite histoire. Ce sont des mots, du vent, de l’air en vibration. Ce n’est rien du tout. Prenons une religion, au hasard : Le christianisme… qui repose sur le judaïsme, d’ailleurs, par l’intermédiaire de la Bible. Et qu’est-ce que la Bible, sinon le plus formidable réservoir d’histoires qui soit ! L’arche de Noé, le jardin d’Eden, la multiplication des pains, la résurrection de Lazare, la Pentecôte : des histoires ! …sur lesquelles s’appuie une pensée philosophique et spirituelle, mais des histoires ! Et une conviction religieuse, une foi, au nom de laquelle des millions de croyants, chrétiens, protestants, musulmans ou bouddhistes, se sont entretués au cours des siècles, dans le seul but de défendre… leur histoire. Alors, je repose la question : qu’est-ce qu’une histoire ? 7 JEANNE C’est un fait divers, Daté du 14 juin 2001, Dans un grand quotidien algérien. ALIA « Une mère et sa fille disparaissent mystérieusement à Mechta Layadat. » ALEXANDRE « Dans ce petit village du nord, c’est la perplexité qui règne. » MARTIN « Cela fait maintenant un mois que Alia Ben Mahmoud, 34 ans, et sa fille Jeanne, 15 ans, ont disparu. » ALEXANDRE « Le 17 mai 2001, au matin, un voisin les croise toutes les deux. Elles ne semblent pas inquiètes. » L’HOMME « C’est la dernière fois qu’on les voit. » JEANNE « Le 23 mai, une commerçante passe chez elle pour livrer des courses et ne trouve personne. Elle s’inquiète et alerte l’antenne de police locale, qui vient perquisitionner. Ils ne trouvent aucune trace de violence, aucune marque d’effraction. Les deux femmes ont disparu. De la nourriture reste dans le frigo, et, plus étonnant encore, la voiture d’Alia Ben Mahmoud est toujours là, tout à fait fonctionnelle. » L’HOMME Bonsoir ! JEANNE « Leur maison se trouvait isolée, à 15 kilomètres de toute autre habitation. » L’HOMME Il y a quelqu’un ? JEANNE « Une battue a été effectuée, sans succès. » ALEXANDRE … Mais parlez, quelle est donc cette histoire ? ADELAIDE C’est la mienne. Alexandre suspendu à ses lèvres. Elle inspire profondément, et commence son récit. ADELAIDE lentement Je suis née le 17 mai 1792. Le 25 avril avait eu lieu la première exécution à la guillotine. On murmure que son invention fut financée par les ennemis de ma famille. A ma naissance, on me fit évader. Je fus remise à une nourrice et à un maitre d’armes, qui me portèrent à cheval jusqu’à un petit castillon, caché dans les collines de la forêt ardennaise. En cas d’invasion, il était prévu de me faire passer au royaume de Prusse. Mais personne ne vint nous chercher. Je grandis dans ce château, élevée par les livres et pas la nature. ALEXANDRE Quelle est donc votre famille ? 8 ADELAIDE Une famille aussi noble qu’illustre, un nom qui aujourd’hui ne résonne plus aux oreilles des gens que dans les légendes et les chansons. Je suis Adélaïde Edmonde de Saxe de Bourville, dernière descendante vivante des Saxe de Bourville. ALEXANDRE Permettez-moi d’en douter… ADELAIDE Doutez si vous voulez, doutez tout votre saoul, mais gardez votre langue. C’est pour moi un tel soulagement de pouvoir le dire enfin : ma famille a vécu, ma famille a existé, mon père, ma mère, ma tante, mes cousins. Ils ont tous été guillotinés et jetés dans une fosse commune, et toute trace d’eux a été détruite, mais ils avaient vécu, et préservé l’’essentiel, du moins je l’espère… J’ai grandi dans ce château, j’ai lu les innombrables livres de ma famille, un patrimoine littéraire sans réelle concurrence dans le monde, et lorsque j’ai fini de lire ces livres, je les ai relus. Et relus. Et relus. Mon maitre d’armes est mort le premier. Ma nourrice est morte il y a trois jours. Je l’ai enterrée au bourg le plus proche, et me voilà en route pour Paris. J’ai 30 ans aujourd’hui, et aujourd’hui commence ma vie. ALEXANDRE Adélaïde Edmonde de Saxe de Bourville… ADELAIDE Ne dites plus ce nom. Lorsque je poserai le pied hors de cette voiture, je serai devenue quelqu’un d’autre. Il me faut un autre nom, monsieur le romancier. Le prénom, je le garde, c’était celui de ma mère etde la mère de ma mère. Le nom, je vous laisse l’inventer. ALEXANDRE se prêtant au jeu Il vous faut un nom simple, un nom d’aventurière… ADELAIDE Oui ALEXANDRE Un nom italien, peut-être ? ADELAIDE Non, l’Italie ne me tente pas, je n’ai pas l’air d’une italienne, je suis trop brute. ALEXANDRE Espagnol, alors ? ADELAIDE Mieux. ALEXANDRE Ferrara, Montoya… Montès… ADELAIDE Plus simple encore… ALEXANDRE Antès. ADELAIDE Antès ? ALEXANDRE Antès, A.N.T.E.S. 9 LE COCHER off On arrive à Paris ! ADELAIDE Adélaïde Antès. ALEXANDRE Vous devriez l’écrire, vous savez. Cette histoire. Votre histoire. ADELAIDE Mon passé ne m’appartient plus. ALEXANDRE Alors écrivez l’avenir. Ecrivez-moi. ADELAIDE Je ne sais pas. Je ne peux rien vous promettre. ALEXANDRE Ne promettez rien. Je travaille chez maître Monneceaux, rue de Wagram, Paris. J’attendrai de vos nouvelles, Adélaïde Antès ! ADELAIDE Et votre nom, à vous ? ALEXANDRE Alexandre. Alexandre Dumas. Sonnerie de téléphone ADELAIDE Alexandre Dumas… 10 La presse et les professionnels en parlent « Des histoires à applaudir debout, Roméo et Juliette, c’était lui. « La Mégère à peu près apprivoisée », encore lui. Le brillant Alexis Michalik débarque avec une création : « le Porteur d’histoire ». Récit tourbillonnant inspiré des traditions orales, ce vertigineux voyage réveille l’imaginaire. Il enchante. Brodées, fabriquées de toutes pièces, tissées, les belles histoires sont les histoires saisies sur le fil. Alexis Michalik l’a bien compris, lui qui monte un magistral récit choral, nouant les liens entre les siècles, entre l’Histoire et les récits de famille, entre les anonymes et les plus célèbres. Ils sont cinq, armés de tabourets-de-fonction et d’un portant où pendent les peaux de leurs personnages, qu’ils enfilent plus vite que leur ombre. Une lumière changée, un accent, et aussitôt une nouvelle histoire est née, qui s’ajoute aux autres, l’enrichissant, la déroutant. Tout à la fois racine et arbre, rhizome et ramage, cette fable touffue plonge dans le passé – Moyen Âge, Révolution, XIXe siècle florissant — pour aller de l’avant. Elle s’inspire en cela des traditions orales – des histoires passées écrites au présent, pour l’avenir – augmentées et anoblies par chacun de leurs passeurs.Et quels passeurs, ces cinq acteurs éblouissants de rigueur et d’aisance ! Éric Herson-Macarel, le porteur d’histoire principal, narrateur en chef, exerce un pouvoir quasi hypnotique, entraînant dans sa course folle quiconque aura tendu l’oreille. Le grain de sa voix et la force de son regard le rendent maître en conviction : un conteur hors pair. Il amorce l’histoire, comme d’autres mettent le feu aux poudres : aventurier égaré un soir et accueilli dans un foyer au Maghreb, par une heureuse panne de voiture, il quitte la route pour sillonner d’autres pistes, balisées par l’histoire de cette famille qui recèle un trésor : une bibliothèque riche de volumes anciens. L’un d’eux s’ouvre et d’entre ses pages surgissent une kyrielle d’historiettes ou de récits glorieux, d’anecdotes et d’évènements, des dizaines de personnages que les comédiens endossent avec brio.Ce jeu de piste qu’ils tricotent sans répit ravive nos désirs d’enfants avides d’histoires, mais ravit aussi nos fantasmes d’hommes heureusement inaboutis, en quête de racines, d’une identité. Rassurant. Grâce à un enchaînement cinématographique – fait de courtes séquences et de fondus élégants – néanmoins très littéraire, fondé sur un jeu d’associations, de dérivations, d’errements féconds, la joyeuse équipée agence une mosaïque de récits contre les idées reçues. La joliesse de la fable réside en deux enseignements : l’identité n’a jamais lieu, c’est une histoire sans fin, un palimpseste ; toute vie est une narration, nous ne sommes jamais tout à fait enracinés, ni jamais tout à fait vierges de toute histoire, il revient à chacun de se choisir ses enracinements. Porteur d’espoir. » Les Trois Coups - Cédric Enjalbert « Le jeune artiste qui monte Alexis Michalik en a remporté trois également : Molière de la mise en scène, de l’Auteur francophone vivant pour ses deux spectacles enchantés, mêlant conte, histoire et magie : « Le Porteur d’Histoire » et « Le Cercle des illusionnistes. » LES ECHOS - Philippe Chevilley « [...] Le spectacle est plein d’une folie jubilatoire qui nous parle avec énergies des pouvoirs de l’imaginaire et du livre. » TELERAMA - Sylviane Bernard-Gresh Pour aller plus loin Le Porteur d’Histoire. Mises en Capsules : http://www.leporteurdhistoire.com/ Une présentation du spectacle par Alexis Michalik : L’homme qui portait des histoires in Entrée libre. France 5 : http://www.youtube.com/watch?v=DbZwnfPw-E Alexis Michalik. Le porteur d’Histoire. Les Cygnes (les inédits du 13), 2012. 11