novembre 1914. Il épouse une Alsacienne plus jeune que lui de dix ans, Philomène Irma Bister. Le
« jeune ménage » n’aura pas d’enfant.
Le médecin principal Julien Chevalier passe presque toute la première guerre mondiale au Maroc.
Il quitte Casablanca le 15 mai 1918 pour un congé de convalescence de 45 jours, puis est affecté à
Lille comme sous-directeur du service de santé de la région Nord. Lorsqu’il y arrive effectivement, en
novembre 1918, après une hospitalisation à Boulogne, l’armistice est déjà signé. Il est mis en congé
illimité de démobilisation sans solde, et effectue des « stages successifs » de trois mois jusqu’en 1922,
année où il où il est affecté au gouvernement militaire de Paris. Il avait atteint le grade de médecin
principal de première classe, lorsqu’il est rayé des cadres le 6 octobre 1924. Il vivra sa retraite avec sa
femme à Paris, Bd Montparnasse d’abord, puis, toujours dans le même quartier, rue Emile Duclaux. Il
aura la tristesse de voir éclater une seconde guerre mondiale et mourra à l’âge de 83 ans, le 12 août
1943, dans son appartement de la rue Emile Duclaux à Paris, laissant une veuve. Il a été nommé
successivement Chevalier de la Légion d’honneur en 1896, Officier en 1911, puis Commandeur en
1918.
Ses supérieurs hiérarchiques, qui l’ont noté tout au long de sa carrière militaire comme très
intelligent, de moralité irréprochable, très instruit, très au courant du mouvement scientifique, ne
semblent avoir jamais eu connaissance du travail de Chevalier sur « l’inversion sexuelle ». Tout au
plus, l’un de ses supérieurs, lorsqu’il était à Oran, a-t-il signalé que Chevalier, dont il souligne la
culture, a rédigé, pour mettre en garde les soldats, deux notices, l’une sur la syphilis et l’autre sur
l’alcool.
Le seul intérêt que présente aujourd’hui sa thèse de 1885 est d’ordre historique. Elle permet en
effet de faire le point sur une période charnière de l’évolution des idées médicales concernant l’amour
interviril. De ce point de vue, elle constitue un outil bibliographique incontournable. Chevalier se livre
en effet à une analyse exhaustive des articles de psychiatrie et de médecine légale parue sur l’inversion
sexuelle jusqu’à son propre travail.
En outre, les angles historique et littéraire sous lesquels il examine un fait anthropologique
séculaire est l’un des mérites principaux que l’on pourrait porter au crédit de sa thèse. Elle paraît offrir
la synthèse d’un travail d’érudition très fouillé et particulièrement étendu. Mais en réalité, tout le
chapitre que Chevalier intitule « historique des faits » a pour source quasi unique la monumentale
(huit volumes) Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l’antiquité la plus
reculée jusqu’à nos jours de Pierre Dufour (l’un des pseudonyme de Paul Lacroix, plus connu sous le
nom de plume du « bibliophile Jacob »). Chevalier s’est contenté d’en extraire méthodiquement les
parties concernant la pédérastie, en recopiant du reste certains passages. Il se garde toutefois de
mentionner cette référence dans sa bibliographie : la ruse élémentaire d’un bon plagiaire est de fournir
toutes les références qu’il connaît, à l’exclusion de celle qu’il a pillée. Il est possible que Lacassagne,
qui, dans l’un de ses cours de faculté, présente le travail de son élève quasiment comme le sien6, a
communiqué à Chevalier cet ouvrage de Paul Lacroix, qui figure dans sa très vaste bibliothèque7.
C’est du reste l’apport de l’ensemble de l’école lyonnaise sur la question de l’homosexualité qui
mérite une analyse, davantage que la contribution relativement modeste d’individualités comme Julien
Chevalier.
Jean-Claude Féray
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6 Manuscrit 6 124. Cours de Lacassagne. Bibliothèque municipale de Lyon La Part-Dieu.
7 Avant son décès, Alexandre Lacassagne a fait don de sa collection personnelle (12 000 livres) à la Bibliothèque
municipale de Lyon. Grâce au fonds Lacassagne, la Bibliothèque de Lyon est, en France, l’une des plus riche en
ouvrage anciens concernant l’homosexualité. Cf. Claude Roux - Catalogue du fonds Lacassagne.Lyon,
imprimerie nouvelle lyonnaise, 1922.
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