LES SCRIBES - 1 - L E S S C R I B E S _______________ Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 2 - * * * * Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 3 - L e s S C R I B E S _______________ Entrée et sortie des scribes Une histoire de scribes L'entendre et le voir Dans le Temple de Jérusalem (XI-27) L'histoire d'une vigne (XII-1 à 10) Une information Retour à la vigne Suite avec les scribes Retour auprès des scribes La tragédie des scribes Qui sont les scribes ? _______________ ENTREE ET SORTIE DES SCRIBES 1.- Entrée : II-6 "Et étaient là quelques-uns des scribes assis..." Voici l' ETRE des scribes à leur entrée dans le texte de Saint Marc : les scribes sont-assis et ils ne semblent faire aucun geste puisqu'ils sont « réfléchissant dans leur cœur » En réalité, ils ont fait un geste délibéré : parmi toute cette foule qui se presse dans (la) maison°, ils sont les seuls à être-assis; donc ils ont agi en sorte de paraître être-assis. Cet état ne doit pas être analysé comme étant leur ETRE mais comme le résultat de leur AGIR. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 4 - Cette exégèse met en évidence le comportement de fausseté des scribes car leur position est ambiguë. Ils semblent être-assis, alors qu'ils ont agi pour que leur manifestation dans le texte soit vue dans une situation assise. 2.- Sortie : XV-31 "Semblablement, les grands-prêtres, aussi en le bafouant les-uns-après-les-autres avec les scribes..." A la Croix, les grands-prêtres, "bafouant les-uns-après-les-autres", ne laissent aucun espace de temps vide de bafouement et les scribes, quoique "avec" les grands-prêtres, restent silencieux. Lecteur ! Tu peux prêter l'oreille ! A aucun moment tu n'entendras une voix de scribe. Analysant cette lexie (ailleurs), j'ai dit comment j'ai vu certains scribes, à cet instant précis, être dans une certaine réserve, conscients de la gravité des faits, entrevoyant certaines (incohérences) de la situation. Il n'y a donc, avec cette présence des scribes, aucun AGIR de leur part; il n'y a plus que leur ETRE... avec beaucoup d'ambiguïté, car ils sont AVEC les grands-prêtres. Leur présence continue, quoiqu'ils ne disent rien. 3.Jadis, ils étaient-assis et réfléchissaient en eux-mêmes. Les voici, à côté des grands-prêtres peut-être, mais toujours aussi silencieux. Alors : Qu' en est - il de ces scribes ? UNE HISTOIRE DE SCRIBES 1.- Immobiles, ils attendent que le Messie vienne jusqu'à eux : II-6 "Or, étaient-là quelques-uns des scribes assis..." A la Croix, il y a un renversement de mouvement et ce sont eux qui passent devant le Messie immobile. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 5 - De tous ces gens qui vont condamner Jésus à mort, les scribes sont les premiers cités par le texte et ils surgissent en affichant une position d'immobilisme(1). Il y a tant de monde "qu'il n'y avait plus de place" (II-2) mais eux, ils sont "assis" et, solidement amarrés à leur position, ils attendent, résolument décidés à ne pas bouger. Le récit (= l'écrivain, l'auteur, l'inspirateur) dira plus tard, à Jérusalem, avec beaucoup de réalisme, comment les scribes "qui veulent marcher en (longues) robes" aiment prendre les "premiers-sièges dans les synagogues" (XII-38 et 39). A ce moment-là, les scribes seront toujours aussi immobiles, tout autant "assis" qu'à leur arrivée en (II-6). Mais le texte sait fort bien examiner les événements et il posera en réponse Jésus "s'étant-assis juste-en-face de la salle du trésor" (XII-41). 2.- "Et les scribes des pharisiens ayant vu qu'il (= Jésus) mange avec les pécheurs et publicains ..." (II-16). Ce sont des gens qui voient... mais leur dernière parole dira : "(qu'il descende) de la croix afin que nous voyions !". 3.- "Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient : 'Il a Beelzeboul !'..." (III-22), et ils demanderont qu'il "descende maintenant de la Croix !". 4.- "Et les pharisiens et les scribes l'interrogent : En raison de quoi tes disciples ne marchent-ils pas selon la tradition des anciens...?" (VII-5), car eux, à la fin, agiront "semblablement" à "ceux qui passaient" ! La phrase du texte doit être comprise avec un double sens : bien entendu, il y a le reproche fait aux disciples de ne pas suivre la tradition, ce qui mène à une analyse : pourquoi font-ils ainsi ? ... etc.. Mais il y a aussi le deuxième sens, très littéral : les pharisiens et les scribes reprochent aux autres de marcher autrement. Aussitôt va commencer une longue suite de déplacements... sans eux ! 5.- "Or, se-levant de-là, il (= Jésus) s'éloigna-vers (= eis) les régions de Tyr... dans (= eis) une maison" (VII-24). Par ce double emploi, la préposition 'g : eis' me dit la Présence de Dieu dans un déplacement (= une marche) : Jésus quitte le pays où la foule est harcelée par les scribes. Au pays de Tyr, il n'y a pas de scribe; des événements importants vont pouvoir s'y dérouler, sans qu'il y ait remise en cause incessante de la part des scribes. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 6 - Nous entrons dans la section du pain en allant rencontrer à Tyr une femme grecque, syrophénicienne de race : elle passe avec Jésus le contrat des miettes de pain par terre contre la guérison de sa fille. Puis, il y a le sourd qui parle mal / la création de sept paniers de pain mis en réserve / Dal-manou-tha, le pays où les pharisiens n'ont ni mémoire ni intelligence des faits / les questions aux disciples / l'aveugle qui voit mal / la confession de Césarée / l'annonce de la Passion / la Transfiguration / et on apprend enfin qu'Elie est déjà revenu "selon ce qui est écrit à propos de lui" (IX13). Le texte nous annonce ainsi que l'écrit joue un grand rôle. Donc les scribes reviennent : 6.- "Et, venant auprès des disciples, ils virent une foule nombreuse autour d'eux et des scribes discutant auprès d'eux" (IX-14). Ceci est la séquence de l'enfant qui a un esprit sans-parole et sourd. Les scribes ont réussi à revenir sans se faire trop remarquer. Bref, subitement, les voilà mêlés à tous ces gens et ils discutent : ils mènent le jeu de la parole. Pendant que Jésus "descendait de la montagne" (IX-9) et qu'il y a discussion "entre euxmêmes" d'abord sur "se-lever-des-morts°" (IX-10), puis sur ce que disent les scribes au sujet d'Elie (IX-11 à 13), ces mêmes scribes n'ont pas perdu leur temps; ils ne discutent pas "entre eux", comme les trois apôtres avec Jésus, mais "auprès d'eux" (IX-14), ce qui est signe d'un message unifié que transmettent les scribes à la foule nombreuse : danger ! Revenons en arrière. Au cours des quatre premières rencontres avec les scribes, ceux-ci posent chaque fois une question précise de l'ordre de la théologie ou de la tradition : 1. seul le Dieu Unique efface les péchés (II-7) théologie = Dieu 1". manger avec des publicains et des pécheurs (II-15) tradition = manger 2. Beelzeboul (III-23) théologie = dieu impur 2". manger avec des mains impures (VII-5) tradition = manger impur Dualité de couples... quatre ! ... Daleth ! Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 7 - Durant la séquence de l'enfant sans-parole et sourd, les scribes sont mentionnés seulement au début : ils discutent avec la foule et ils sont en train d'argumenter. Jésus demande : "De quoi discutez-vous auprès d'eux ?" (IX-16). Personne de la foule ou des disciples (= les neuf autres) n'ose répondre. C'est le signe que les scribes ont réussi à faire un profond travail pour prendre en main cette foule nombreuse. "Un-unique homme hors de la foule" parle. Il a amené son fils malade; les disciples de Jésus n'ont pas pu le soigner. Alors "le père du petit-enfant" lance le défi : "... j'ai amené... mon fils... sans-parole..." (IX-17). Le père témoigne avec la foi du père d'un petit-enfant (ce qui est bien plus que la foi du père d'un simple "fils"). La foule n'ose rien dire; les scribes ne posent aucune question et restent sans-parole. Cependant, jusqu'à présent, à chacune de leur manifestation dans le texte, les scribes parlaient : II-7 II-16 III-22 VII-5 IX-14 "Pourquoi celui-ci parle-t-il ainsi ? Il blasphème : Qui peut effacer des péchés... ?" "Quoi ? Il mange avec les publicains et les pécheurs ?" "Il a Beelzeboul ? ... Par le chef des démons il chasse les démons !" "En raison de quoi tes disciples ne marchent-ils pas selon la tradition des anciens ?" (Ils discutent, Jésus vient, ils se taisent.) Nous sommes arrivés, pour les scribes mais aussi pour la foule, à un point de basculement. Plus tard, à Jérusalem, après une discussion avec un scribe, le texte écrira : XII-34 "Et personne n'osait plus l'interroger". La lecture analytique du texte de Saint Marc à travers les scribes m'oblige à recommencer ma lecture depuis le Commencement, en posant la question : A QUI LES SCRIBES S' ADRESSENT - ILS ? Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 8 - A QUI LES SCRIBES S' ADRESSENT - ILS ? II-6 II-16 III-22 VII-5 Ils "réfléchissaient dans leur cœur" Ils "disaient à ses disciples..." "La foule se rassemble... (ils) disaient..." Ils "L'interrogent". Les scribes suivent, eux aussi, "le chemin (du) Seigneur... selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète" (I-2 et 3) et il y a une progression dans l'approche : en eux-mêmes ses disciples la foule Lui (avec, en finale :) se-taire (IX-16). En (IX-16), les scribes ne posent plus de question et cela dènote un changement dans leur stratégie. Bientôt, à Jérusalem, ils s'arrangeront même pour envoyer des gens autres pour poser à Jésus des questions dont ils auront mijoté la teneur. Mais, ici, Jésus a posé une question précise : "De quoi discutez-vous auprès d'eux ?" (IX-16). Il s'adresse aux disciples et à "une foule nombreuse" (IX-14). Personne n'ose répondre. La guérison de l'enfant "sans-parole" survient; elle porte en elle une dualité de sens : a) c'est la guérison d'un enfant par l'expulsion d'un "esprit sans-parole et sourd" (IX-25). Pourquoi sourd ? Jusque là, aucune expression du texte ne permet de savoir que l'esprit était également sourd. J'entends alors, venant des mots eux-mêmes et par-delà l'enfant, que : b) l'esprit "sans-parole et sourd" est celui-là qui a pénétré les scribes. Ils ont rendu la foule muette au point qu'elle est "saisie-de-stupeur" (IX-15) par l'arrivée de Jésus. Elle n'ose pas répondre à Sa question. Les scribes sont, en eux-mêmes, atteints de surdité : ils n'entendent pas l'enseignement de Jésus. Il y a une conjonction des deux défauts en cet esprit sans-parole et sourd et cela me renvoie au début de la section des pains. A ce moment, Jésus APRES avoir dit l'existence du pain pour tous, au-delà des seuls juifs, à tous les hommes, ne serait-ce que par ces "miettes... dessous la table" (VII-28)... --------> Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 9 - ------> AVANT de poser l'acte fondamental du pain multiplié conformément au serment (= sept) de l'Alliance pour ceux qui étaient présents et ceux de l'avenir, par les sept paniers = le serment d'accomplir l'Alliance, GUERIT "un sourd" qui de plus était "bègue" (VII-32). On ne peut mieux, en faveur des disciples, expulser par avance l'esprit-impur qui empêche d'entendre et de parler. C'est pourquoi "ils étaient trèsexcessivement saisis-de-surprise en disant : 'Il a bien fait toutes (choses). Il a fait même entendre les sourds et parler ((les)) sans-parole'." (VII-37) L' ENTENDRE ET LE VOIR 1.- Je suspends un instant mon cheminement sur la piste des scribes et je note : cet esprit est le démon de l'anonymat". Celui qui n'entend pas et parle mal (= "un sourd et bègue") reste caché en lui-même et ne peut pas accéder à son identité. Il ne dispose pas d'une totale liberté pour communiquer avec un autre. La guérison du sourd qui est bègue (VII-32) est nécessaire pour que chacun des disciples / et également de la foule / accède pleinement à sa vérité d'expression. Or, au moment précis de la guérison, il n'y a personne pour voir puisque Jésus a "pris-à-part de la foule" (VII-13) le malade. Mais tout le monde a connaissance de l'événement car Jésus leur "recommanda afin qu'ils ne disent rien à personne" (VII-36). Plus il leur recommandait, plus fort eux "proclamaient" (VII-36) et finalement tout le monde a su ce qui s'était passé. Le miracle a été proclamé à la foule (= la puissance du verbe proclamer !). 2.-Si la guérison de l'homme sourd et bègue permet à tous (= la foule et les disciples) d'entendre et de parler "correctement", comme par un phénomène d'entraînement général, il n'en reste pas moins qu'ils ne savent toujours pas voir distinctement les événements. Il faudra la guérison de l'aveugle à Beth-Saïde (VIII-22) pour que les disciples puissent bien voir; mais la foule n'aura pas connaissance de ce miracle avec l'aveugle, car : "Et empoignant la main de l'aveugle, il l'emporta au-dehors du village" (VIII-23) avec, à l'issue de la séquence : "Et il (= Jésus) l'envoya vers sa maison° (= chez lui) en disant : 'N'entre même-pas dans le village'." (VIII-26). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 10 - 3.- Aussitôt après, le texte enchaîne avec : "Et Jésus sortit, et ses disciples (avec lui) vers les villages de Césarée de Philippe" (VIII-27). Les disciples ont reçu les bienfaits des deux miracles : le sourd-bègue et l'aveugle. Ils peuvent entendre / parler et voir. Il va donc y avoir les deux séquences-fondement : avec l'entendre et le dire Césarée de Philippe avec le voir la Transfiguration. 4.- Mais la foule, quant à elle, a eu seulement connaissance du sourd-bègue. Il lui manque toujours le voir et la foule ne sait pas regarder certains événements. Elle peut les vivre, mais elle ne les comprend pas. Elle a mangé par deux fois du pain et des poissons dans des circonstances telles que "cinq mille hommes°" (VI44), puis "quatre mille" (VIII-9) devraient pouvoir témoigner. Or "une foule nombreuse" accepte de discuter, donc écoute les paroles "des scribes" (IX-14). Aussi, lorsque Jésus l'interroge : "De quoi discutez-vous auprès d'eux ?" (IX15), personne de la foule ne répond. Pour avoir une réponse, il faut aller chercher quelqu'un "hors de la foule". CONCLUSION PROVISOIRE J'ai noté le silence de l'enfant. J'ai entendu les scribes discuter avec la foule et j'ai noté comment "toute la foule, l'ayant vu, fut saisie-de-stupeur" (IX-15). Ainsi, l'esprit des "scribes discutant auprès d'eux" a rendu cette foule muette. Les scribes ne portent-ils pas en eux un "esprit-sans-parole et sourd" (IX-25) : le démon de l'anonymat ? Et les neuf disciples ? Eux qui étaient entourés de la foule et qui discutaient avec les scribes ? Muets, eux aussi ! car ils n'ont pas répondu à la question énoncée par Jésus. Aussitôt après la guérison de l'enfant sans-parole et sourd, Jésus devra reprendre sa question, en privé (= "à (la) maison°... en propre") (IX-28), car il ne peut laisser ses disciples dans cette situation d'ambiguïté : "Et ils vinrent à Capharnaüm..." le lieu où tout a commencé. On reprend le récit à son commencement. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 11 - "... et, arrivé dans la maison,..." "... et il les interrogeait." en particulier, en privé, en tête-à-tête, chacun face à soi-même. (Voir dans le lexique le verbe arriver) "A quoi réfléchissiez-vous en chemin ?" (IX-33) La question rappelle : "De quoi discutez-vous auprès d'eux ?" (IX-16), mais il y a une évolution dans la formulation : le transferts de la pensée la mutation de position discutez devenu auprès d'eux devenu réfléchissiez en chemin. Suit alors un long morceau de texte qui est un enseignement théologique avec le Nom et la Coupe. Je reprends mon cheminement sur la piste des scribes. Et voici, au-delà du Jourdain, "de nouveau des foules" (X-1). Les scribes sont absents : de simples pharisiens viennent poser la question difficile : "Est-ce qu'il est permis à un homme° de délier sa femme ?" (X-2). Où sont donc les hommes du Livre ? Le texte nous donne une indication. Alors qu' "ils étaient en route, montant à Jérusalem..., il se mit à leur dire... : 'Voici, nous montons à Jérusalem et le Fils de l'homme sera livré aux grands-prêtres et aux scribes...'." (X-32 et 33) Les scribes nous attendent à Jérusalem ! (Fin de la première partie de l'évangile de Saint Marc.) Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 12 - DANS LE TEMPLE DE JERUSALEM Dans le Temple, alors que Jésus chasse "les vendeurs et les acheteurs", "les grands-prêtres et les scribes entendirent. Et ils cherchaient comment ils le perdraient..." (XI-15, puis 18). Ensuite, "... comme il marchait dans le Temple... les grands-prêtres et les scribes et les anciens viennent auprès de lui" (XI-27). Que le lecteur prenne attention à la constance de la préposition grecque : IX-15 XI-27 de quoi discutez-vous les scribes... viennent auprès d'eux auprès de lui pros autou pros auton. Lorsque, dans le Temple, les scribes encadrés par les grands-prêtres (avant eux) et les anciens (après eux) viennent pour parler avec Jésus, c'est pour agir avec Lui comme ils ont agi avec "une foule nombreuse" (IX-14). En ce temps-là, ils étaient seuls face à la foule. Dans le Temple, Jésus est peut-être seul, mais les scribes se méfient et ils se font accompagner par les gens les plus haut placés et offrant la garantie de l'authenticité de l'orthodoxie (= la Tradition = la doctrine). Pour cela, le texte, toujours très précis, dit quel est l'ordre de marche : au centre : les scribes précédés des grands-prêtres et suivis des anciens. L'ordre n'est pas dû au hasard: il est voulu : les scribes ont su s'entourer. Tout ceci, parce qu'il y a : pros auton (XI-27) Les scribes sauront éviter d'employer le verbe discuter (IX-14) et, voulant paraître simples et en toute bonne foi, ils "disent" (XI-28) : "Par quelle autorité fais-tu ceci ?" (XI-28). C'est ici la première question posée depuis longtemps. Jésus répond par une autre question et ils refusent le dialogue, en disant : "Nous ne savons pas" (XI33). Mais, aussitôt après, Jésus "commença à leur parler en paraboles" (XII-1) et il leur dit l'histoire des vignerons qui ont loué la vigne. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 13 - Ma mémoire me tire hors de ces temps pour juxtaposer deux formulations littéraires : en (II-16) il y a "les scribes des pharisiens" au paragraphe Pharisiens : peroushim du présent chapitre j'ai cité leur 'communauté liée comme une vigne' (voir ci-dessous aussitôt). Jésus, en ce moment précis où il est, pour la première fois, à Jérusalem, face à face avec les scribes, se met "à leur parler" avec une parabole sur la vigne qui est, en forme allégorique, l'affaire d'Israël. L' HISTOIRE D' UNE VIGNE (XII-1 à 10) Un homme créa une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir, y bâtit une tour = le Seigneur a créé le monde et l'a donné à l'homme. Il lui donna, comme clôture, sa Loi, gravée sur la pierre. L'homme loua la vigne à des vignerons = le Seigneur passe un pacte d'alliance avec le peuple hébreu. L'alliance est semblable à un contrat de location : mise à disposition d'un immeuble, entretien par le propriétaire. L'homme partit en voyage = j'aime lire comment le Seigneur, aux moments cruciaux de l'histoire des hommes, a la délicatesse de se retirer. Au jardin de l'Eden, le Seigneur se promène. Jésus, au Commencement de l'évangile de Saint Marc, allait "en cheminant le long de la mer de Galilée" (I-16). L'homme envoya un serviteur, un autre serviteur, et un autre, puis beaucoup d'autres = tous ces gens de l'Ancien Testament. L'homme envoya son "Fils Bien-Aimé" : ils le tuèrent pour que l'héritage soit à eux = je relis l'expression du "Fils Bien-Aimé" corrélative de (I-11) et (IX-7). L'homme donna alors la vigne à d'autres = il n'y a plus le mot louer (XII-1) qui est signifiant d'un contrat réservé au seul peuple juif, mais il y a le mot "donner" avec "à d'autres" (XII-9). C'est la nouvelle alliance ouverte aux nations. Ceux qui se veulent être responsables d'Israël sont ceux de 'la communauté... liée comme une vigne' et ils ont bien compris, car "ils connurent qu'il avait dit la parabole pour eux. Et, le laissant, ils s'éloignèrent." (XII-12). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 14 - UNE INFORMATION Les 'pharisiens = h : peroushim' : ceux qui sont séparés. Ils sont séparés car ils sont 'haverim = associés, amis', ou encore très liés entre eux et très ouverts aux contacts avec les hommes, qu'ils soient juifs ou pas. Ces hommes tendent à assumer la 'havoura = communauté' et ils se considèrent comme responsables d'Israël. Selon leurs propres paroles, cette 'communauté est liée comme une vigne'. (On a supposé que la communauté de Qumram était une havoura pharisienne mystique, de type agricole; elle aurait ensuite donné naissance au pharisaïsme légaliste.) Les pharisiens appartiennent à toutes les couches de la population et ils sont souvent d'origine modeste. Ce sont des juifs très intégrés au Sanhedrin (cfr : XV-1). RETOUR A LA VIGNE La remarque ci-dessus établit une relation entre le groupe des pharisiens et la vigne. Je dois prendre en compte que le texte m'a présenté : avant : les scribes des pharisiens après : le Sanhedrin. L'encadrement me permet alors d'entendre la parabole dite par Jésus sur un registre totalement différent. Les scribes sont venus "auprès de" Jésus, dans le Temple et ils se sont démenés pour que les grands-prêtres et les anciens viennent avec eux. Ils énoncent la question sur l'autorité, posée déjà il y a bien longtemps, dès (I-27). Cette question est en réalité une simple transposition (= sur un autre mode) de ce qui préoccupe tout le monde, depuis ceux qui fréquentent la synagogue de Capharnaüm (I-21) jusqu'aux plus grands du Temple (XI-27). Elle peut se résumer en : Q U I est Jésus ? Celui que je sais être Dieu (Messie) répond par un transfert : Q U I est Jean, celui qui baptise ? La réponse des questionneurs tombe en forme de rupture : XI-33 "Nous ne savons pas" Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 15 - Tout dialogue est coupé. Jésus rétablit la communication en transférant la parole vers "une vigne" (XII-1). J'ai donné ci-dessus une information montrant des relations entre une vigne et la communauté des pharisiens (liés aux scribes). J'entends alors la parabole de la vigne sur un autre registre : Jésus dit aux scribes : (jadis, dans la vallée du Jourdain, vous avez affiché vos relations avec les pharisiens (II-10) et eux, ces vignerons qui se préoccupent des "fruits de la vigne" (XII-2) voulaient m'agresser. Ils ont même fait conseil contre moi. Scribes ! Rappelez-vous ! Vous avez osé émettre à mon encontre le verbe blasphémer (II-7) et, peu après, "les pharisiens aussitôt avec les hérodiens faisaient conseil" (III-6) contre moi en vue qu'ils me perdent. Et aujourd'hui, dans le Temple, qu'en est-il de ces gens ? Je ne les vois plus autour de moi !) Ainsi ai - je entendu la parabole sur une vigne. SUITE AVEC LES SCRIBES Les scribes, entourés des grands-prêtres et des anciens (XI-27) viennent d'entendre la parabole de la vigne. Ayant décidé de tout mettre en œuvre pour "saisir" (XII-12) Jésus... ... "le laissant, ils s'éloignèrent" (XII-12). Ceci me rappelle une séparation également racontée par le moyen du verbe 'laisser = g : aphiemi'., mais fonctionnant de façon inverse. Il y avait des pharisiens qui "commencèrent à discuter" avec Jésus (VIII-11), avec ce même verbe 'discuter = g : su-zeteô' qui sera celui pour les scribes avec la foule nombreuse en (IX-14). Cela se passait "dans les territoires de Dalmanoutha" (VIII-11). Alors Jésus "les laissant... s'éloigna-vers l'autre-rive" (VIII-13). Lorsque j'ai étudié Où sont les pharisiens ? (Voir dans le présent livre : Beaucoup de juifs immobiles), j'ai conclu que les pharisiens ne bougent pas en esprit et qu'ils restent immobiles comme ils étaient en (VIII-11). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 16 - En (XII-12), les scribes décident de laisser Jésus. C'est une disjonction du même type que celle de (VIII-13). Je la comprends donc comme suit : pour les scribes, ils se disent que Jésus n'a pas bougé dans son esprit. Il ne change pas ! Il n'y a donc rien à faire avec 'cet homme' et il faut se saisir de lui (cfr : XII-12). Les scribes font à l'encontre de Jésus le même raisonnement que j'ai mené à l'encontre des pharisiens. Or, ces scribes sont avec des grands-prêtres et des anciens. Mais, au fait : Où sont les pharisiens qui viennent d'être le substrat de notre raisonnement ? Alors, accompagnés de ceux qu'ils ont appelés pour les encadrer et les aider, ... les scribes le laissent et s'éloignent. Rappelle-toi, lecteur ! 's'éloigner = g : ap-erchomai' est ce mot qui est entré dans le texte pour me dire comment Jacques et Jean devinrent disciples de Jésus (I-20), puis pour montrer l'adhésion du gérasénien (V-20). Alors, les scribes "s'éloignèrent" (XII-12), c. à d. allèrent chercher appui et aide auprès des autres, auprès de ceux-là qui, déjà en (III-6), faisaient conseil contre Jésus : "Les pharisiens... avec les hérodiens". Voilà pourquoi, aussitôt après, le texte, toujours excessivement précis, explique : "Et ils envoient auprès de lui quelquesuns des pharisiens et des hérodiens..." (XII-13). Le verbe 'envoyer = g : apo-stellô' est celui dont Jésus s'est servi à l'égard des Douze pour l'envoi en mission : "Et il commença à les envoyer deux (par) deux..." (VI-7). Mais les pharisiens avec les hérodiens ne marchent pas comme les Douze. Jésus a envoyé les siens sans leur donner de mission très précise : "il leur donnait autorité sur les esprits-impurs" (VI-7) et les recommandations à propos du bâton, de la besace ou des sandales° sont plutôt des notules pratiques. Les scribes, quant à eux, viennent d'envoyer "quelques-uns des pharisiens et des hérodiens" avec un ordre précis : XII-13 "afin de le prendre-au-piège en parole". Humour ou dérision ? En fait, simple aveu de faiblesse : les grands de la hiérarchie juive qui sont chefs car prêtres, et les anciens avec la Tradition, et les scribes, hommes du livre, avouent leur faiblesse dialectique. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 17 - Ils envoient / ce qui marque qu'ils ont le pouvoir de donner un ordre / des hommes politiques (hérodiens) et des gens politiciens (pharisiens)... alors que, jusqu'à présent, ce sont les scribes qui posaient toujours les questions d'ordre théologique. On passe de la disputatio à la dispute. Alors ces pharisiens et ces hérodiens se mettent aussitôt à parler et ils disent : XII-14 "Nous savons..." alors que j'ai encore à l'oreille la réponse des autres : XII-33 "Nous ne savons pas...". Le texte a parfaitement entendu et, lui aussi, va employer ce même verbe : XII-35 "Celui-ci, sachant leur hypocrisie...". Je vais laisser provisoirement le verbe savoir : je le retrouverai bientôt... avec un scribe ! La discussion entre Jésus et ces pharisiens et hérodiens tourne court. L'expression "étant venu" (XII-14) va se retrouver dans "Et viennent" (XII-18), car la permanence du verbe 'venir = g : erchomai' indique ici que les scribes ont incité les sadducéens à venir remplacer les pharisiens et hérodiens. Bien entendu, les questions posées sont toujours d'ordre théologique : XII-14 "... le chemin de Dieu ... donner l'impôt ... donnerons-nous ou ne donnerons-nous pas ?". Le verbe 'didomi = donner' est celui-là exactement qui est en (X-21) comme constituant l'acte fondamental de la nouvelle alliance : "Pars ! Autant-que tu as : vends-(le) et donne-(le) ((aux)) pauvres !". Et, en (XII-14), ce sont les opposants juifs qui disent trois fois le verbe donner comme s'ils voulaient forcer la réponse, car lorsqu'il y a 'trois', il y a l'aboutissement. C'est pourquoi ils terminent pas 'ne pas donner' : c'est la réponse qu'ils veulent entendre dans la parole de Jésus. XII-23 "... à la résurrection..." que se passe-t-il ? Jésus répond avec le verbe savoir : "... Vous vous égarez, ne sachant ni les Ecritures, ni la Puissance de Dieu" (XII-24). En des termes plus simples, et selon votre propre parole : Vous ne savez pas ! (cfr : XI-33) Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 18 - Jésus donne sa réponse et signe en déclarant son identité : "Moi, le Dieu d'Abraham..." (XII-26 et 27). Il conclut par : "Vous vous égarez beaucoup !", ce qui, dans ma mémoire, m'oblige malgré moi à poursuivre par ce que je viens d'entendre : (Vous vous égarez beaucoup... car vous ne savez pas les Ecritures !) Alors, puisque les scribes et ceux qui les accompagnaient (grands-prêtres et anciens), puisque ceux qu'ils ont envoyés et qui sont venus (pharisiens et hérodiens), et aussi ceux qui sont venus les derniers (sadducéens) ne peuvent rien lui opposer, voici un scribe qui sait : "L'un des scribes... sachant qu'il leur avait bien répondu" (XII-28). Lecteur ! Prête-attention : Que fait ce scribe ? Il vient et, pour cela, il utilise le verbe erchomai comme en (XII-14) (= pharisiens et hérodiens) et comme en (XII-18) (= sadducéens), mais il le modifie... et il le fait précéder de 'g : pros = auprès' ! Rappelle-toi, ami lecteur ! Tout à l'heure, je t'ai signalé PROS auton : XI-27 "les scribes... viennent auprès de Lui". Ici, l'un des scribes vient-auprès de Lui. Le verbe 'g : pros-erchomai = venir-auprès' reviendra une ultime fois dans le texte et, déjà, il fait peur car ceux qui viennent auprès de Jésus agissent en ennemis. Bientôt il y aura : XIV-45 "Et... venant-auprès de lui, il (= Judas) dit : 'Rabbi !'." Voici : "Venant-auprès (de lui) l'un des scribes sachant..." (XII-28). Or, "les ayant entendus discuter... (il) l'interrogea" (XII-28). Si je respecte les lois de fonctionnement du texte, je dois prendre en charge la spécificité des mots : auprès me rappelle que les scribes sont venus pour l'interroger (XI-27) Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 19 - venant me fait souvenir de tous ceux que les scribes ont envoyés (XII-13 et 14), puis (XII-18) sachant est le jeu du savoir, du dit et du non-dit (XI-33) / (XII-14 - 15 et 24) La mise sn cène de ces trois mots m'oblige à penser que les scribes ont choisi, parmi eux, le plus docte de tous, celui qui doit être le plus scribe de tous les scribes. Depuis que nous sommes à Jérusalem, les scribes ont posé eux-mêmes ou ont fait poser à Jésus les questions suivantes : XI-28 XII-14 XII-23 "Par quelle autorité fais-tu ceci ?" "... le chemin de Dieu... l'impôt à César ?" "... à la résurrection ?" Le scribe est envoyé pour poser la question représentant l'ensemble de la théologie, des règles sociales, des actes politiques, bref la plus humaine des questions que l'on puisse poser à Dieu : XII-28 "Quel est commandement premier de tous ?". à quatre : la plénitude de la question. Alors, Dieu répond en langage de Dieu : le Shema Israel et le commandement du Lévitique. A la plénitude de la question, Dieu apporte une réponse en plénitude, car : 1.- le Shema Israel et le Lévitique sont des paroles fondatrices qui furent solennellement prononcées par l'Eternel et dites à l'homme. 2.- ces textes créateurs sont, à nouveau, dits à Jérusalem, la Ville sainte. 3.- cette réponse de Dieu est dite dans le Temple, qui est la maison° avec la Présence de l'Eternel parmi les hommes. 4.- la Parole est dite par le Messie, ou encore : Dieu-Incarné. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 20 - Ainsi, j'écris les quatre raisons qui sont, pour moi, la plénitude de la réponse. Et je fais le constat : Dieu parla dans l' A.T. Shema Israel + Lévitique Jérusalem la Ville de David le Temple la maison° de YHVH Dieu parla par son Messie nouvelle alliance. Je vois rayonner deux couples qui embrasent mon constat. Nulle part, ailleurs dans les écrits du Nouveau Testament, il n'y a d'autre 'Shema Israel' ! Alors, j'admire : illuminatio mea in deliciis meis. RETOUR AUPRES DES SCRIBES Le scribe répond, car il a le savoir et il corrige légèrement : il n'y a que trois entités entières (XII-33) et non pas quatre, comme dit Jésus (XII-30). Ainsi la discussion (cfr : IX-16) semble humainement atteindre un très haut niveau, mais tombe sèchement comme un rectificatif : c'est trois, et non pas quatre. Il n'y a pas de plénitude de la parole (puisque ce n'est pas quatre), mais un simple aboutissement (puisque c'est trois) : terre à terre... l'homme et Dieu... le plus scribe des scribes face à Dieu-Incarné. Pourtant, quelle que soit la réponse de l'homme, le texte arrive par cette quatrième question issue du monde des scribes, à une plénitude : le dire atteint la plénitude du verbe 'aimer' (= quatre emplois). Le lecteur pourra noter, dans cette séquence (XII-28 à 34) quels sont les mots qui sont employés deux fois. Il en trouvera un certain nombre et cela resplendira pour l'assimilation du texte. Quant à "un des scribes" (XII-28), il est devenu "le scribe". Le 'un' est indéterminé mais sort péniblement de l'anonymat du groupe de tous les scribes qui depuis (I-22) hantent ce texte. Le Shema Israel et l'amour de Dieu lui permettent d'acquérir l'article défini 'le'. Je note que, pour la première fois, le mot 'scribe' est au singulier : "le scribe" n'est pas loin de la Basileia de Dieu (XII-34). "Et répondant..." (XII-35) à ma remarque, le texte aussitôt parle des scribes et rétablit le pluriel. Désormais, jusqu'à la fin du texte, il n'y aura plus de scribe isolé. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 21 - XII-35 Jésus disait : "Comment les scribes disent-ils que le Messie est Fils de David ?" Depuis le commencement, j'ai entendu quatre (en première partie) puis cinq (en deuxième partie) questions posées par les scribes; or, je ne me souviens pas de les avoir entendus parler du Messie. XII-38 Jésus disait : "Regardez aux scribes qui veulent marcher..." et je ne vois toujours plus de scribe présent réellement. XIV-1 Le texte m'informe : "Les grands-prêtres et les scribes cherchaient comment ils le tueraient". J'en déduis que les pharisiens et les hérodiens se cachent et qu'ils ne furent que des velléitaires. En (III-6), ils étaient d'accord pour le perdre. Or, voici qu'ils ont complètement disparu. XIV-43 "Survient Judas" avec toutes sortes de choses et de gens. "DE CHEZ" tous ceux, scribes et ceux les accompagnant, qui étaient venus spécialement dans le Temple pour LUI (= autou + auton + auto = 3 : voir XI-27 et 28) demander son identité (= l'autorité). Mais, tous ces gens font de même que Juda, en sorte que leur mouvement est décrit par le moyen du verbe 'g : para-ginomai = survenir', c. à d. avec un verbe dont la racine est : 'g : ginomai = arriver'. Lecteur, souviens-toi : ce dernier verbe indique l'appui ou l'autorisation de Dieu pour que tel événement arrive. Je lis ce verbe : Dieu a (permis) que Judas avec des glaives, des gourdins et la foule surviennent à ce moment précis. LA TRAGEDIE DES SCRIBES Je vais voir revenir les scribes encore trois fois : XIV-53 Ils se réunissent sous la présidence du Grand Prêtre, avec les anciens et les grands-prêtres. J'ai voulu donner au Grand Prêtre un grand rôle, mais le texte dit pros ton archierea... avec 'pros' ! Comme en (XI-27) ou en (IX-15). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 22 - Puis-je y voir l'influence dominante des scribes ? D'autant que le Sanhédrin ne se manifestera physiquement dans le texte, et pour la première fois, que deux versets plus loin, en (XIV-55). Le Sanhédrin, qui est une structure para-administrative, sur-vient pour ratifier la décision. XV-1 Le conseil se réunit pour parapher le compte-rendu d'audience, puis on lie, on transfère et on livre le colis. Les scribes se mettent en queue de liste; c'est la place la meilleure sur un procès-verbal, car étant les derniers à signer, ils peuvent vérifier que tous les autres ont signé. Puis on envoie le tout à Pilate. Alors, les scribes disparaissent du texte. Ils vont se promener ailleurs et ils laissent les grands-prêtres se débrouiller avec Pilate, et avec la foule. Dieu n'a pas voulu que l'histoire s'arrête là pour tous ceux qui, les premiers de tous les opposants, étaient venus dès le début du texte. Les premiers doivent aussi être là pour la signature finale; donc ils doivent arriver les derniers : XV-29 "Ceux qui passaient..." XV-31 "Semblablement..." (A la veille du grand sabbat, on se promenait beaucoup, à Jérusalem.) XV-29 Ceux-là "blasphémaient" et disaient des paroles au nom du Sanctuaire. XV-31 "Semblablement les grands-prêtres..." voulant le bafouer et voulant, eux aussi, dire - mais avec des paroles théologiques - disaient avec les scribes. Sont-ils venus pour voir le Messie sur la Croix ? Ou ont-ils entendu ceux qui passaient utiliser leur verbe : blasphémer ? (XV-29... venant de II-7). Sont-ils arrivés dans ce qui aurait dû être la fin de tout récit (= la mort de l'homme) pour conseiller théologiquement les grands-prêtres ? Ou encore, ontils entraîné les grands-prêtres avec eux pour leur faire entendre comment le verbe blasphémer est dit par ceux qui passent ? Il n'y aura plus, désormais, dans le texte de saint Marc, ni hérodien, ni pharisien, ni sadducéen, ni ancien, ni grand-prêtre, ni quel qu'opposant... ni scribe. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 23 - QUI SONT LES SCRIBES ? Soferim = hommes du Livre. Mais : quel livre ? ............ la Tora ? le Pentateuque ? les CINQ ! (car : cinq = l'identité). Histoire de la LOI 1.- Livre de la Genèse 'Commencement créa Elohim...' (Gen. I-1) avec la création de l'homme. Divers incidents, puis : '... et YHVH mit à Caïn un signe' va yassem le-kain ot (Genèse IV-15) C'est le premier signe écrit, ou encore la première lettre car on a le mot : 'hébreu : ot = lettre'. 2.- Livre de l'Exode la 'lettre = h : ot' réapparaît juste avant le don de la Loi et elle revient comme le signe : 'Les fils d'Israël observeront le sabbat en pratiquant le sabbat suivant leurs générations : alliance perpétuelle ! Entre moi et les fils d'Israël, c'est un signe (h : ot = lettre) à perpétuité. Car, en six jours, YHVH a fait les cieux et la terre mais, au septième jour, il a chômé (h : shabat) et repris haleine. Puis il donna à Moïse, quand il eut fini de parler avec lui au mont Sinaï, les deux tables du Témoignage, tables de pierre écrites du doigt de Dieu.' (Exode XXXI-18) Ainsi, la lettre s'amplifie et la Loi est donnée, texte court et concis, gravé sur deux tables. Dans un geste d'emportement, Moïse casse le premier exemplaire du texte. Dieu donne l'ordre de tailler à nouveau deux tables de pierre, comme les premières. (Exode XXXIV-1) Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 24 - YHVH dit à Moïse : 'Ecris pour toi ces paroles...' et Moïse 'resta là avec YHVH quarante jours et quarante nuits; il ne mangea pas de pain et ne but pas d'eau; il écrivit sur les tables les paroles de l'Alliance, les dix paroles.' (Exode XXXIV-28 et 29) Moïse, le premier scribe, dut rester quarante jours dans le désert du mont Sinaï. Jésus aussi "était dans le désert quarante jours" (I-12), mais il n'a rien écrit. Est-ce pour cette raison que les scribes ne cesseront de monter contre lui des pièges "en vue qu'ils le perdent" (III-6) ? Le premier texte écrit était court et concis, sur deux tables. Il fut écrit deux fois... ...mais il n'y eut qu'un-unique texte : l'Unité vient par Quatre : PLENITUDE DE LA LOI... 3.- Livre du Lévitique Un jeune-homme, fils d'une israélite mais aussi fils d'un égyptien, s'avance aumilieu du camp parmi les fils d'Israël; il blasphème le Nom et l'insulte : 'On le mit sous bonne garde, pour que la décision intervienne de la bouche de YHVH'. (Lévitique XXIV-12) OU EST LA LOI ? 4.- Livre des Nombres Un jour de sabbat, en plein désert, un homme est surpris alors qu'il ramasse du bois : 'On le mit sous garde, car il n'y avait pas de décision sur ce qu'on lui ferait'. (Nombres XV-34) L'écrit est immobile = c'est la parole emprisonnée. Elle sera utilisée pour le futur, selon la lecture qu'en feront les hommes. COMMENT LIRE LA LOI ? Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 25 - 5.- Livre du Deutéronome Le dernier des cinq livres (= la Tora), le Livre qui permet au peuple d'accéder à son identité. Il commence par : 'Voici les paroles (h : devarim) que dit Moïse à tous les fils d'Israël...'. (Deutéronome I-1) L'écrit devient mobile = c'est le présent qui est intemporel car, une fois prononcée, la parole ne s'entend plus mais se voit par la seule trace qu'elle laisse, c'est à dire les actes qu'elle suscite. Le mot 'h : devarim' a deux sens complémentaires : d'abord : les 'paroles' mais aussi : les 'actes', ou 'les faits'. Aussitôt après, le texte de ce Livre situe les lieux avec une grande précision, en fournissant douze points de repère. Cela se passa : 1.- 'au-delà du Jourdain, 2.dans le désert 3.dans la Araba (= la steppe) 4.en face de Souph 5.entre Parân 6.Tophel 7.Laban 8.Haseroth 9.et Di-Zahab. 10.Il y a onze jours de marche de l'Horeb 11.par la route du mont Seïr 12.jusqu'à Qadesh-Barnea.' S'il y a douze noms de lieux, il n'y a que onze temps indiqués par le texte. Le douzième n'est-il pas le temps présent qui est mon aujourd'hui, celui durant lequel je dois faire et écouter ces paroles ? Puis, le texte reprend sa définition du temps, mais à partir d'une remise à zéro du calendrier : 'L'an quarante, au onzième mois, au premier du mois' et il précise deux points de l'histoire : 'après avoir battu Sihôn roi des Amorrhéens qui habitait à Heshbôn, Og roi du Bashân qui habitait à Ashtaroth'. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 26 - Et je ne puis m'empêcher d'additionner les trois chiffres utilisés pour cette remise à zéro du calendrier qui est commencement d'une nouvelle ère : 40 + 11 + 1 = 52 nombre qui est, dans l'arithmétique de l'alphabet des hébreux, la valeur de : 'h : ben = fils' en sachant en plus que le Fils vaut deux fois le Père, puisque : Y + H + V + H = 26 ! Le point de départ du nouveau calendrier est donc comme une nouvelle écriture d'une ère du Fils ! Revenant au texte du Deutéronome, en train de présenter les actes / les paroles du Livre, je lis : 'Moïse commença à exposer cette LOI en disant...'. (Deutéronome I-5) Moïse raconte un long récit et il reprend l'histoire d'Israël en disant sa propre histoire, à lui, Moïse. En se racontant, Moïse dit l'Ecriture. Il dit aussi toutes les traditions des Anciens et des Sages. L A L O I ! Résumé du récit des CINQ LIVRES Au Commencement, il y eut UNE lettre : 'ot', écrite par le Dieu-Unique sur Caïn !. Puis, il y eut deux tables de pierre, écrites par Dieu, cassées par l'homme, et deux tables de pierre, écrites par l'homme : deux couples font quatre = la plénitude, et c'est la LOI. Enfin, il y a Moïse avec les actes d'Israël : le peuple arrive à son identité par le cinquième chapitre du Livre de Moïse. LES CINQ NE FONT QU' UN (1). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 27 - Reprise de l'histoire Après chaque faute de l'homme, Dieu mesure sa faiblesse. Chaque nouveau péché suscite la promulgation de nouveaux écrits. Les lois restrictives se multiplient. Le texte écrit enfle et se complique : les jugements croissent en sévérité. Il y eut un temps où un homme tua son frère et il fut condamné à vivre avec un tatouage protecteur. Il y eut la Loi gravée par Dieu, donnée à un peuple adorant le veau d'or. Moïse intervint et Dieu pardonna. Il y eut le fils d'une juive, blasphémateur du Nom et on le mit sous garde car on ne savait quelle peine lui donner. Un homme ramasse quelques branches de bois en plein désert un jour de sabbat; on le met sous garde, comme le blasphémateur = les sanctions deviennent disproportionnées en rapport au péché. Il y a, en fin de liste, (cinquième des Livres) le Deutéronome (c. à d. : 'les paroles'), formulation nouvelle, précise, détaillée, minutieuse, scrupuleuse(3). L' Ecriture La Parole s'écrit et se fige, identique à elle-même dans le cours du temps, au travers des espaces. En tous lieux de tous temps, le récit est identique : on l'a bloqué dans une forme immobile. Chaque lettre y garde une place et une dimension immuables. Chaque lettre a été affublée d'un chiffre symbolique et ne peut plus bouger sous peine de faire chavirer toute l'arithmétique. L'Ecriture est une simple forme extérieure, et le texte a été rendu sacré (= sacralisé) par la longue identité / continuité que lui a conférée le copiste. Le mot 'h : sofer = homme du livre' désigne peu à peu, au-delà de celui qui reproduit méticuleusement et à l'identique le texte écrit, tout savant qui se consacre à l'étude des cinq Livres : c'est un docteur de la Loi, consultant, spécialiste, lecteur, interprète de la Tora. Le Livre qui était quintuple chapitre transmettant un récit de façon inerte devient le Livre vivant de l'histoire du (peuple du) Seigneur. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 28 - Les hommes du Livre respectent de façon scrupuleuse la forme des écrits afin de sacraliser le Livre lui-même, identifiant ainsi l'histoire du peuple de l'Alliance à celle de l'Eternel. Le contrat passé entre Dieu et Abra(ha)m se fossilise peu à peu et se mue en rites qui font la Tradition offerte à chaque juif comme un refuge d'anonymat. L' identité Les cinq livres visent à dire l'histoire de Dieu avec chaque homme, mais ils décrivent l'histoire du peuple de l'Alliance avec, en filigrane, l'histoire du Dieu de l'Alliance : c'est le renversement du Livre ! Sous prétexte de léguer un long récit qui devrait situer le Royaume de Dieu offert à l'humanité, les auteurs reprennent à chaque fois leur propre récit : depuis le Commencement jusqu'au passé récent, et ceci devient une redite avec en ajoût ce que chacun raconte de ses propres actions. Ainsi est le présent vécu de chacun des chapitres. La LOI était concise, nette et courte. Gravée sur la pierre, un homme pouvait la porter. Elle devient peu à peu un long commentaire, une suite d'obligations, de préceptes, de rites : la Tradition oublie la cause initiale et s'alourdit des incidents de chaque génération. Cinq est le nombre de l'identité et cinq livres devraient apporter une recette d'identité à chaque israélite. Par un renversement, la Loi se transforme en une suite de préceptes toujours communautaires, renforçant l'unité du peuple juif, dissolvant la personnalité de chaque juif. La communauté est une personne morale qui a son âme propre; elle est la sommation des personnalités des membres qui la composent. La communauté n'est pas une foule amorphe, elle n'est pas une société juridique indépendante. L'ensemble des communautés unit ses voix pour répandre la Parole de Dieu. Leur union n'a rien de politique ou d'économique et il ne s'agit pas de s'associer en vue d'une défense contre les accidents de la vie. Les juifs forment un peuple et le Dieu-Unique est là pour garantir l'unicité des coutumes. Tradition des hommes pieux, souvenir des Anciens, dépôt des traditions orales, Texte certifié de façon immuable par la rigidité d'un récit écrit une fois pour toutes et dont il est rigoureusement interdit de modifier le moindre des signes, même (surtout ?) si le lecteur n'en connaît plus le sens. Chaque mot, tiret, point, signe est comme il était au jour où il fut créé : il restera, répété par les copistes et par les imprimeurs, inchangé dans sa graphie, immobile à sa place dans le texte. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 29 - Ainsi, un message d'identité transforme ses lecteurs en personne anonymes. La Loi d'un peuple devient les rites et la tradition, héritage dépersonnalisé ponctuant le temps : la fatigue, l'oubli, la perte de tout souvenir. L' anonymat Dieu conclut ses alliances avec ceux dont les noms ont été gardés dans la mémoire de l'humanité : Genèse IX-9 Genèse XV-18 et XVII-19 Exode XVI-4 Nombres XXV-13 II Samuel VII-15 Noé Abraham Moïse Levi David. Dieu s'adresse aussi à leurs contemporains et à leurs descendants. Dieu ne traite pas avec l'homme seul, ni pour le seul temps présent. Il englobe le futur dans chacun de ses contrats et il précise bien la clause de la postérité. L'Alliance est une suite de contrats, actes juridique publics : Dieu traite avec des communautés. Le récit devient, lorsque le temps s'écoule, le rappel d'une suite d'actes qui renforcent l'identité de Dieu / car il est l'Unique / mais qui diluent dans la mémoire des hommes des événements communautaires. La Tradition se forme peu à peu et tire sa force de son anonymat et de son intemporalité (= corrélation directe des deux). Elle s'étend de plus en plus et s'enfle de chacun des apports personnels de ceux qui s'y consacrent. Ainsi va l'histoire des hommes ... L' homme du livre Ce fut, au Commencement, un copiste : il fixa sur un support rigide la tradition orale, en un temps d'abomination et de désolation, où les événements politiques apportaient le danger d'une rupture de génération. Si le temps vient à manquer pour apprendre aux jeunes à retenir par cœur les textes sacrés, il est impératif de graver ces textes pour en garder la mémoire précise. Ce fut ensuite un lecteur : il reconstitua les textes écrits en paroles audibles de tous. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 30 - Ce fut encore un exégète : car, pour lire un livre où ne sont écrits que les ossements du texte (= les consonnes seules), il faut imaginer le son des voyelles (= l'errance des idées). Il y a aussi la tradition écrite, telle que fixée immobile sur un support rigide, immuable, et sa restitution est affaire de scribe. En face, il y a le peuple, et ses diverses communautés : grands-prêtres, pharisiens, anciens, sadducéens, hérodiens, la Judée, la Galilée, la Décapole et Gerasa, Tyr et Sidon, et les grecs aussi, diversités géographiques, religieuses et politiques, car il y a, en plus, Pilate avec un centurion. C'est ainsi que les scribes sont induits à passer d'un état personnel et subjectif, à un état impersonnel, objectif, anonyme. Le texte de Saint Marc confirme : il emploie toujours, pour eux, le pluriel communautaire. Ce qui compte, c'est la vérité telle qu'elle ressort de leurs travaux sur les Livres. Le désintéressement de leurs recherches donne à leur science une force de rayonnement excessive et le peuple reconnaît leur prestige et apprécie le contenu de leurs interventions. Mais... : Où est l'homme ? Dans l'évangile de Saint Marc, les scribes posent des questions très pertinentes et de haute technicité. Ils le font en présence de la foule : le texte ne marque aucun étonnement sur cette façon de procéder; il s'agit là d'un comportement habituel des scribes. Mais... pourquoi JAMAIS un homme de la foule ne parle ? Je n'ai entendu (et encore, rarement) que des gens poussés à bout par leur propre misère : une femme au sang, un homme dont le petit-enfant (= son fils) est sans-parole et sourd, une grecque dont la petite-enfant est possédée par un démon, un mendiant frappé de cataracte et devenu complètement aveugle ... et un chef d'entreprise submergé de soucis (X-17). Le singulier Ainsi les scribes ne peuvent vivre qu'en étant au pluriel, communauté de scribes ... Pourtant, lorsque le pluriel disparaît, on se trouve en face d'un scribe : il réagit et n'a pas peur de dire un texte qui ne serait certainement pas admis sans réticences : "Aimer son prochain... est plus-excessif que tous les holocaustes et sacrifices" (XII-33). Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 31 - On peut chercher à s'imaginer quelles réactions pourraient s'exprimer pour certains auditeurs, par exemple les vendeurs et les acheteurs, les changeurs et les vendeurs de colombes, qui travaillaient dans l'enceinte du Temple. Or, ce scribe est venu pour une question longuement réfléchie : XII-28 "Quel est premier commandement de tous ?" Parfois les choses les plus simples sont fort compliquées. Jésus répond en disant ce qu'IL a dit jadis. Le scribe, dans son commentaire, introduit un changement grammatical : "IL est l'Unique... L' aimer... Il n'est pas... LUI... son cœur... son intelligence... sa force... son prochain...". Le scribe nomme Dieu avec des mots d'anonymat : "IL... IL... LUI... L'..." et il se réfugie dans l'anonymat d'Israël : "son... son... sa... son..." avec le neutre : "l'aimer de... aimer... comme... est...". Le scribe sait-il entendre ? Il a perçu le Shema Israel comme ne lui étant pas personnellement adressé, car la Parole de Dieu est, pour lui, parole englobant la communauté, et le scribe parle comme quelqu'un d'extérieur. Il semble se placer en dehors du texte : ce n'est pas à lui que la Parole de Dieu est dite. Pour moi, le Shema Israel et le Lévitique sont Paroles de Dieu, offertes à chaque homme, pour lui permettre d'accéder à son identité par son cheminement vers LA ressemblance. Le scribe, même quand il est au singulier, reste dans l'anonymat communautaire du pluriel des scribes. Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 ) LES SCRIBES - 32 - Note 1 : immobilisme : Quelques-uns des scribes attendent et ils sont assis dans cette maison° de Capharnaüm depuis un certain temps, au moins depuis avant le verset (II-2) signalant "qu'il n'y avait plus de place, pas même auprès de la porte". D'ordinaire, ceux qui veulent écouter la parole de Jésus font mouvement vers lui : "Et beaucoup s'assemblèrent" (II-2). La motivation de la dé-marche des scribes n'est pas la même que celle des autres gens car, si ces derniers peuvent suivre Jésus, jamais les scribes ne Le suivent. Les scribes attendent, assis dans la maison°, avec le mot 'maison° = g : oikos'. En se référant au lexique (voir le mot maison), on constate que oikos est un immeuble avec la Présence de Dieu. Le texte étant toujours précis dans le choix de ses mots, il rapporte les bruits qui circulaient dans Capharnaüm : "IL est à (la) maison°". Dieu (= Jésus, un homme inspiré ?) est dans cette maison°. Note 2 : les cinq ne font qu' un : Plus tard, j'écrirai qu'il y a, en plus, un sixième chapitre au livre de Moïse, Message-Divin de Jésus-le-Messie. Et, au rang six, cela signifie : l'Alliance. Note 3 : scrupuleuse : Et il y eut, en fin de toute liste, le sixième des livres (celui de Saint Marc) avec l'assassinat de Dieu. _______________ Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2004 )