Test d’endurance Prédire la libération des principes actifs des comprimés à libération retardée Les formulations à libération retardée des principes actifs présentent de nombreux avantages thérapeutiques. Cependant leur contrôle qualité nécessite l’emploi de méthodes d’analyses coûteuses et chronophages. La spectroscopie proche infrarouge (NIR) offre une alternative simple et rapide aux longs tests de dissolution : grâce au NIR, le comportement de dissolution des comprimés à libération retardée peut être prédit avec exactitude en quelques minutes. 20 Analyse pharmaceutique Généralement, la prise d’un comprimé engendre rapidement un « pic plasmatique ». Cette concentration élevée en principe actif pendant une courte durée dans le plasma sanguin du patient est due à la libération rapide et totale du médicament contenu dans le comprimé. Selon le médicament, une forte concentration peut avoir des effets secondaires importants. Pour que l’effet soit durable, les patients doivent prendre ces médicaments à une fréquence élevée, car le taux plasmatique important observé au début chute ensuite rapidement tandis que le principe actif est métabolisé. primés contiennent souvent aussi des polymères spécifiques créant une structure matricielle qui libère plus lentement le principe actif. La durée de libération totale du principe actif peut donc être influencée par la concentration en polymères dans le comprimé et par la concentration en plastifiants. Les polymères courants pour les formulations à libération retardée sont notamment l’éthylcellulose (en combinaison avec le plastifiant acétylcitrate de tributyle, ATBC) et l’Eudragit NE 30 D. Moins d’effets secondaires avec les comprimés à libération retardée L’un des inconvénients des comprimés à libération retardée est le coût du contrôle qualité associé. Habituellement, la libération est mesurée par un test de dissolution. Le comprimé est alors placé dans un solvant qui se comporte comme du suc gastrique. Puis le principe actif libéré est déterminé à intervalles de temps réguliers sur l’ensemble de la période prévue, souvent 24 heures. Des formulations à libération retardée permettent de pallier ces problèmes puisque la libération est prolongée (« sustained release ») (figure 1). Le pic plasmatique n’est plus observé en faveur d’un taux plasmatique pertinent et constant sur une durée plus longue. Pour obtenir ces effets les préparations hormonales, les médicaments de régulation de la pression artérielle, les analgésiques et les antidépresseurs sont souvent administrés sous forme de comprimés à libération retardée. Plasma level Il existe plusieurs méthodes pour fabriquer des comprimés à libération retardée. Un enrobage peut par exemple empêcher les comprimés d’être rapidement décomposés par le suc gastrique. Les com- Sustained release Des tests coûteux Le NIR pour un contrôle qualité rapide La spectroscopie proche infrarouge offre une alternative au test de dissolution : le NIR et un modèle de calibration adapté permettent de prédire avec exactitude et en quelques minutes seulement le comportement de dissolution des comprimés. Contrairement aux tests de dissolution, cette analyse n’est pas destructive et permet l’analyse de quantités importantes d’échantillons. Figure 1. Les comprimés habituels (courbe violette) libèrent leur principe actif en une seule fois. Un pic plasmatique suivi d’une brusque chute de la concentration en principe actif dans le plasma sont observés. Les formulations à libération retardée (rouge) permettent de maintenir une concentration plasmatique pertinente quasi-constante grâce à la libération prolongée du principe actif. Conventional release Time INFORMATION | 2 | 2014 21 L’analyse NIR de comprimés de théophylline Tabasi et al. décrivent dans une publication de 2009 la prédiction du comportement de dissolution de comprimés de théophylline par NIR1. La théophylline est utilisée dans le traitement de l’asthme sous forme de comprimés à libération retardée. Les comprimés examinés par Tabasi et al. contiennent différentes concentrations du polymère Eudragit NE 30 D, utilisé pour ralentir la libération du principe actif. Après avoir enregistré les spectres NIR de quelques comprimés présentant des teneurs en polymère différentes (0, 5, 10, 15 et 20 % d’Eudragit NE 30 D), les chercheurs ont déterminé la libération du principe actif par un test de dissolution (figure 2). Les données obtenues ont servi à développer un modèle de calibration pour chaque intervalle de temps étudié (à 1, 2, 3 et 4 heures). Les modèles permettent de corréler les modifications dues à la teneur en polymère dans le spectre NIR avec les résultats analytiques issus des tests de dissolution. Un modèle créé à partir d’une analyse multivariée Lors de l’enregistrement d’un spectre NIR, l’échantillon est irradié successivement par une multitude de lumières monochromatiques situées dans le proche infrarouge. Selon la nature du produit étudié, on mesure la quantité de photons réfléchis ou transmis par l’échantillon. Le balayage successif des longueurs d’onde du proche infrarouge permet ainsi d’enregistrer le spectre NIR de l’échantillon. La représentation matricielle d’une série de spectres permet de réaliser des analyses multivariées. Soit n échantillons analysés par un spectromètre proche infrarouge et p le nombre de longueurs d’onde différentes mesurées par l’instrument. La matrice spectrale n×p prend la forme suivante : Chaque ligne correspond à un échantillon et chaque colonne représente les absorbances des échantillons pour une longueur d’onde donnée. Figure 2. La libération du principe actif de comprimés de théophylline selon différentes concentrations du polymère Eudragit NE 30 D, déterminées par un test de dissolution1. 22 L’analyse peut fournir un modèle de calibration capable de prédire le comportement de dissolution à partir du spectre NIR. Analyse pharmaceutique Figure 3. Comportement de dissolution mesuré (A) et prédit (B) d’échantillons sélectionnés. Le graphique (C) présente la superposition des valeurs mesurées et prédites1. Modélisation par PLS et ACP Bilan La méthode la plus couramment utilisée pour développer un modèle de calibration est la régression des moindres carrés partiels ou régression PLS (Partial Least Squares). Celle-ci comprend la projection de la matrice sur un nouvel espace, accompagnée par une réduction du nombre de variables. Le principe est similaire à celui de l’analyse en composantes principales (ACP). La spectroscopie proche infrarouge offre une solution simple et rapide pour prédire le comportement de dissolution des comprimés. Si un modèle de calibration adapté est disponible pour le type de comprimé étudié, cette méthode permet d’obtenir une prédiction en quelques minutes. Naturellement, la prédiction dépend de la qualité du modèle sur lequel elle est basée. Mais ayant un modèle robuste et suffisamment validé, le NIR peut être considéré une méthode alternative valide. À la différence de l’ACP, le nouvel espace factoriel n’est pas seulement choisi sur la base des données NIR. Les valeurs issues du test de dissolution sont également prises en compte pour construire les nouvelles variables, appelées variables latentes. Cette technique maximise la covariance, et ainsi la corrélation entre la matrice spectrale et la variable à expliquer (dissolution ici). On obtient ainsi un modèle capable de prédire la dissolution d’un échantillon à partir de son empreinte spectrale NIR. Après validation, les modèles peuvent être utilisés afin de prédire le comportement de dissolution d’échantillons de même type. La figure 3 montre une comparaison des prédictions NIR et des mesures de dissolution de quelques échantillons sélectionnés dans le jeu de validation de Tabasi et al. Le contrôle qualité des comprimés par spectroscopie proche infrarouge permet, d’une part, une nette réduction du temps de mesure et de la charge de travail nécessaires. La facilité d’utilisation du NIR et son caractère non-déstructif permettent, d’autre part, d’analyser un nombre beaucoup plus important de prélèvements et ainsi de réduire l’erreur de représentativité de l’échantillon. Références [1] Tabasi, S. H. et al. (2009) Int. J. Pharm. 382, 1–6 À lire également Mattes, R. et al. (2009) NIR news 20(5), 10¬11 Blanco, M. et al. (2007) NIR news 18(6), 9–11 Le NIRS XDS RapidContent Analyzer de Metrohm NIRSystems permet l’enregistrement non destructif des spectres NIR (de comprimés par ex.). INFORMATION | 2 | 2014 23