Le « biconique », un vase
emblématique des tombes
mérovingiennes
La cruche présentée ici est une version relati-
vement sophistiquée, et assez rare, d’un type
de vase que les archéologues belges qualifient
de « biconique », les Français parlant plus volon-
tiers de vase « caréné » ou « à carène ». Le bico-
nique habituel est en effet un vase sans anse ni bec
verseur, qui est composé de deux troncs de cône ratta-
chés par leur base, laquelle constitue la carène médiane.
Beaucoup sont de teinte foncée, grise à noire, mais on en
trouve aussi de plus clairs, blancs grisâtres à rouges orangés.
La différence vient du mode de cuisson, la cuisson dite « en at-
mosphère oxydante », caractérisée par un apport d’oxygène en cours
d’opération, produisant des vases clairs, tandis que celle dite « en atmo-
sphère réductrice » produit des vases foncés.
Le biconique est emblématique des mo-
biliers funéraires mérovingiens que les
archéologues européens ont exhumés
par milliers, voire dizaine de milliers,
depuis que la discipline existe, sur le ter-
ritoire de l’Europe du Nord-Ouest. Leur
rareté en contexte d’habitat les a par-
fois fait considérer comme une céra-
mique à vocation spécifiquement
funéraire.
L’exemplaire présenté ici provient de la
tombe 34 du cimetière du Tombois à
Pry (Walcourt), tombe masculine le
défunt était accompagné de son arme-
ment, une épée longue et une lance.
Les réserves du Musée archéologique
de Namur contiennent plusieurs cen-
taines de « biconiques » provenant des
nombreux cimetières mérovingiens
fouillés par la Société archéologique de
Namur sur le territoire de la province.
Courbe la tête, fier Sicambre quelques notions de
chronologie, quelques éléments de vocabulaire.
Lorsque nous entendons « mérovingien » (ce qui est plutôt rare dans la vie
de tous les jours, il faut bien en convenir …), trois ou quatre images d’Epi-
nal s’imposent à nous, vagues souvenirs d’une scolarité plus ou moins loin-
taine : le baptême de Clovis, le vase de Soissons, le « bon roi Dagobert »,
enfin les « rois fainéants » à la longue chevelure, se déplaçant en chars à
boeufs.
Souverain d’un petit royaume franc du Nord-Ouest de la Gaule, Clovis
(Hlodowechus, Ludwig, donc Louis en réalité), succéda à son père Chil-
déric, à la mort de celui-ci en 481 ou 482. En trois décennies, il réussit à
réunir sous son sceptre la quasi-totalité de l’ancienne Gaule romaine, ins-
tallant le siège du pouvoir à Paris et imposant par la force une dynastie que
l’on appellera plus tard « mérovingienne » du nom de Mérovée, son hy-
pothétique grand-père. Elle régnera jusqu’en 751, date à laquelle Pépin,
maire du palais de Childéric III, fit reléguer ce dernier dans un monastère,
et prit le pouvoir, instaurant ainsi la dynastie qu’on appellera plus tard
« carolingienne », du nom de son plus illustre représentant, Charlemagne.
La longue chevelure étant un symbole du pouvoir royal, Childéric III fut
alors tondu.
Stricto sensu, lorsqu’on parle de « mérovingien », on se réfère à la dy-
nastie qui a régné sur le royaume « franc » de Clovis à Childéric III ainsi
qu’aux faits et aux réalités qui ont eu cours sur le même territoire entre 481
et 751.
Noir, impair et passe … le décor « à la roulette »
Beaucoup de biconiques
portent un décor qui se
développe presque exclu-
sivement sur l’épaule du
vase, entre le bord et la
carène médiane.
Ce décor est imprimé
dans la pâte fraîche,
avant cuisson, soit à
l’aide d’une roulette (ou
molette) que l’on fait tour-
ner sur toute la circonfé-
rence du vase, soit au
moyen d’un ou de plu-
sieurs poinçons, avec les-
quels chaque motif est
apposé au coup par
coup.
Les motifs sont générale-
ment très simples et la plu-
part du temps
géométriques, triangles,
rectangles, croisillons, ro-
settes, tortillons, etc Les
possibilités combinatoires
sont cependant nom-
breuses, créant une
grande variété de cas
d’espèce.
L’utilisation de roulettes décoratives n’est pas spécifique à l’époque méro-
vingienne : dans nos régions, elle apparaît dès le début de l’époque
romaine et elle se poursuit jusqu’au bas moyen âge. On en retrouve ainsi
couramment dans la production mosane des 13ème - 14ème s.
Le type du « biconique » se maintient pendant toute la période mérovin-
gienne, jusqu’à la disparition progressive des mobiliers funéraires au
tournant des 7ème et 8ème siècles, mais, ayant peu évolué, il est relativement
peu utile en matière de datation, celle-ci étant basée sur les rapports de
proportion entre la panse et l’épaule, l’ouverture et la hauteur. La tendance
générale est à l’élancement au cours des temps.
Une cruche mérovingienne de Pry
(Walcourt)
Photo M. Destrée
MAN, Collections SAN
Choix de biconiques provenant
du cimetière de Franchimont
(Dessin J-M Danzain.
Dierkens, 1981, pl. II)
(Photo Armand Dandoy.
Archives photographiques du MAN, collections SAN)
Choix de molettes ornant les biconiques
du cimetière de Franchimont
(Dessin J-M Danzain. Dierkens, 1981, pl. V)
Orientation bibliographique
ALFRED BEQUET, Cimetre franc de Pry, dans les Annales de la Société arcologique de Namur, t. 21, 1895, pp. 311 336 ;
BAILEY YOUNG, Paganisme, christianisation et rites funéraires mérovingiens, dans Archéologie Médvale, 7, 1977, pp. 5 81 ;
ALAIN DIERKENS, Les deux cimetres rovingiens de Franchimont (Province de Namur). Fouilles de 1877 1878, Namur, 1981 (Mue archéologique de Namur.
Documents idits relatifs à l’arcologie namuroise, 1) ;
PATRICK PERIN et LAURE-CHARLOTTE FEFFER, Les Francs, 2 vol., Armand Colin Editeur, Paris, 1987 (Collection Civilisations) ;
WIM DIJKMAN, La ramique rovingienne produite dans la vallée mosane, dans J. et S. PLUMIER-TORFS, & M. REGNARD d.), Mosa Nostra. Commerce et
économie le long des voies d’eau à l’époque mérovingienne. (Association française darchéologie rovingienne, Bulletin de liaison 23), Namur, 1999, pp. 49 50.
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !