L'Eudémis de la vigne (femelle
de
Lobesia
botrana)
présente 2
ou
3
générat
i
ons
par
an
selon la lati-
tude. Les
œufs
sont
déposés séparément
sur
les boutons
floraux
ou
sur
les graines (Cliché
R.
Cmttin
-
OPIE)
faibles.
Or,
d'après nos résultats, trois
acides gras repoussent les femelles
d'Eudémis alors que les esters corres-
pondant provoquent eux, une réduc-
tion de
la
ponte. On retrouve prati-
quement les mêmes composés chez
les trois espèces ainsi que chez deux
autres tordeuses (la Tordeuse orientale
du pêcher et
la
Cochylis) et les sites de
ponte imprégnés de mélanges de ces
substances sont à chaque
fois
forte-
ment évités.
Ces
composés qui exis-
tent sur les œufs et les larves de nom-
breuses autres espèces pourraient ainsi
favoriser un évitement non spécifique
d'œufs ou de larves d'autres espèces.
Concernant les espèces dont les che-
nilles sont peu mobiles, rapidement
cryptiques et confrontées à d'autres
phytophages utilisant les mêmes
plantes (comme Eudémis-Cochylis sur
vigne et Carpocapse-Tordeuse orienta-
le
sur Rosacées), ce comportement
pourrait présenter un avantage adapta-
tif intéressant
en
leur évitant d'être sur
des sites d'alimentation déjà occupés.
Une telle reconnaissance pourrait en
outre agir à courte distance, en raison
de
la
possible volatilité de ces molé-
cules lipidiques.
Néanmoins, ces mécanismes non spé-
cifiques n'excluent pas l'existence de
marquages spécifiques reposant sur
des composés plus complexes.
Par ailleurs, l'évitement des œufs ne
semble pas
lié
à
la
capacité de pondre
des œufs isolés ou groupés :
il
a lieu
aussi bien chez
la
Pyrale du maïs dont
la
femelle dépose des ooplaques que
chez des tordeuses qui pondent isolé-
ment
la
plupart de leurs œufs.
Les
femelles de
la
Piéride du chou, qui
sont capables de percevoir
la
forme et
la
couleur des œufs, sécrétent aussi
des dérivés d'alcaloïdes appelés miria-
mides (4) avec leurs glandes acces-
soires, et les déposent à
la
surface des
œufs.
Ce
marquage est répulsif vis-à-
vis
des congénères et d'une autre pié-
ride, Pie
ris
rapae. Outre
la
réponse à
ces produits, les femelles de piérides
semblent détecter l'odeur de leurs
propres œufs, ce qui pourrait per-
mettre une perception à distance des
feuilles déjà occupées.
Mais
cette répulsion pourrait être ren-
forcée par un autre phénomène qui
mérite attention: les feuilles de choux
sur lesquelles des œufs ont été retirés
deviennent impropres à
la
ponte alors
que le marquage chimique n'est plus
décelable.
Cela
semble indiquer une modification
biochimique de
la
feuille, c'est à dire
une réponse de
la
plante à
la
présence
des œufs ou de
la
femelle.
I
NSECTES
N"'102
-
1996
(3)
Des comportements
complexes
D'une manière générale, toutes les
espèces dont nous avons parlé répon-
dent par un évitement maximal
lorsque elles ont le choix entre sites
marqués et non marqués.
Les
média-
teurs étudiés sont considérés comme
des incitateurs de choix dans des
contextes écologiques assez précis et
qui ne déclenchent pas de réponses du
type "tout ou rien", comme c'est
le
cas
avec des phéromones sexuelles ou
d'alarme. On constate ainsi que les
réponses sont modulées en fonction
de facteurs externes (densité de popu-
lation, disponibilité
en
végétaux
acceptables,
...
) et de l'état physiolo-
gique ou de l'âge des individus : les
jeunes femelles d'Eudémis ou de
Carpocapse par exemple sont plus
sélectives que les plus âgées. Cette
variabilité des réponses se retrouve
chez Rbagoletis pomonella, les
femelles gravides marquant plus inten-
sément les fruits que celles qui sont à
la
fin
de leur
vie.
Enfin, un apprentissage peut aussi
modifier
la
réponse comme c'est
le
cas
chez des femelles de
R.
pomonella qui
apprennent à éviter les fruits colonisés
et marqués, au fur et à mesure de leur
contact avec ces derniers.
Une
information
souvent détournée
Ces
signau
x,
produits et utilisés par les
femelles afin d'éviter les compétiteurs,
peuvent être détectés par d'autres
organismes. C'est une information de
choix pour les parasites et les préda-
te urs à
la
recherche de leurs hôtes.
Les
exemples de détournement sont certai-
nement nombreux. Ainsi Opius lectus,
parasite de
R.
pomonella, est fortement
attiré par le marquage chimique dépo-
sé par cette mouche. Souvent, les
résultats de l'activité larvaire ont à
la
fois
un rôle dispersant pour les congé-
nères et un rôle attractif pour les para-
sites. Venturia canescens localise les
larves
d'E.
kubniella par l'intermédiai-
re
de leurs sécretions mandibulaires,