Communication de crise : Cas du Concorde d`Air France

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École Supérieure de Gestion
Paris
Master de Marketing & Publicité
Cours de Communication de Crise
M. J-M. LEHU
Communication
Communication de
de crise
crise ::
Cas
Cas du
du Concorde
Concorde d’Air
d’Air France
France
Par :
Salah-eddine BENNANI
Hind JAMILOUN
Elisabeth MENDES
Safa NAJI
Angela RAVALOLONIANIA
Juin 2001
SOMMAIRE
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Introduction
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I-
Présentation de Air France et du Concorde
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II-
Présentation des faits
7
III-
AF 4590 : une cellule de crise logistique et humaine
10
IV-
Aspects techniques de l’enquête concernant l’accident
15
V-
Répercussions juridico-réglementaires
23
VI-
Communication de crise
28
VII- Enjeux économiques et stratégiques
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VIII- Dans l’attente de la reprise des vols
43
Conclusion
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Annexes
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Sources
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Notre groupe de travail a choisi d’étudier la crise concernant l’accident du
Concorde Air France en juillet 2000. Plusieurs raisons expliquent notre
motivation.
Tout d’abord, cet événement touche une entreprise française proche de nous
et connue de tous, Air France, dont l’activité dans le transport aérien bénéficie
d’une bonne image au niveau national et international. La notoriété d’une
compagnie aérienne se construit sur plusieurs années de prestation de service.
Autrement dit, quand une crise surgit, surtout de manière imprévue, il faut être en
mesure de l’affronter avec la même grandeur d’esprit et d’action que celle qui est
présente dans le quotidien de la vie de l’entreprise.
Ensuite, nous avons été « attirés » par les caractéristiques de cette crise,
peu commune, qui lui donnent un caractère unique et pervers. En effet, cet
accident concerne un appareil mythique symbolisant une technologie particulière et
avancée. Le Concorde, seul appareil supersonique au service de l’aviation civile et
commerciale, est en plein cœur du terrible accident.
Par ailleurs, comment rester indifférent face au comble des événements qui
mélangent réalité et fiction tellement la situation est unique en son genre : le
crash d’un avion Concorde appartenant à Air France a lieu en France, devant les
fenêtres du siège social de la compagnie aérienne, au décollage de l’Aéroport Roissy
Charles de Gaulle, principale base aéroportuaire de la compagnie et symbole de la
plate-forme à correspondances internationales, ou le « hub », dernière innovation
technique et technologique d’Air France.
Enfin, les caractéristiques de cette catastrophe sont également une raison
supplémentaire d’intérêt particulier pour cette crise. La dimension humaine et
internationale de l’accident, dont l’origine est encore partiellement un mystère, nous
pousse à nous intéresser à cette affaire et à vouloir savoir ce qui s’est passé.
La problématique de cette crise, qui engendre un effet boule de neige par la
complexité et l’intéraction des parties qui peuvent être mises en cause, réside pour
Air France dans les questions suivantes : comment gérer et communiquer dans un
cas de crise où les causes sont encore en partie inconnues, comment gérer et
communiquer afin d’éviter des conséquences graves pour l’entreprise et son
activité ?
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Notre démarche pour accomplir ce dossier a été, dans un premier temps,
une recherche documentaire (Internet, presse, archives de centres de
documentation) ; puis, dans un second temps, nous avons eu une approche terrain
par la rencontre, l’entretien et l’échange d’informations avec certains membres du
personnel Air France. De cette manière, nous avons pu aboutir à notre propre
analyse sur cette affaire.
Nous proposons de présenter notre réflexion sous la forme d’une étude
thématique des aspects de la crise concernant l’accident du Concorde Air
France. Nous expliquons ce choix par le fait que, pour des raisons analytiques, il
aurait été difficile d’avoir une approche chronologique car le facteur temps est ici
complexe et variable ; et, à chaque étape temporelle, tous les thèmes sont
interdépendants. C’est pourquoi leur dissociation nous permet de mieux
appréhender et comprendre les différents aspects de cette crise.
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SSeeccttiioonn II
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Air France détient des positions de premier plan dans la plupart de ses
activités… Elle est la 3ème compagnie mondiale pour le transport de passagers
internationaux, 4ème mondiale pour le transport de fret international, et 2ème
mondiale pour l’entretien aéronautique.
Durant l’exercice 1999-2000, Air France a transporté 39,8 millions de
passagers dont 2,2 millions avec la collaboration de ses partenaires aériens
franchisés. Sa flotte, composée de 231 avions, compte parmi les plus jeunes
d’Europe et dessert 198 destinations dans 83 pays. Air France est membre
fondateur de SkyTeam. Cette alliance globale met en relation quatre des
principaux « hubs » du monde, Atlanta, Paris, Séoul et Mexico et place les clients au
cœur de sa stratégie en leur offrant plus de lignes, un service optimisé et de
nouveaux avantages. Le hub de Roissy Charles de Gaulle permet d’offrir le plus
grand nombre de correspondances dans les six plages de deux heures, soit plus de
11 300 opportunités entre deux vols moyens-courrier et plus de 14 500
correspondances entre un vol moyen-courrier et un vol long-courrier.
En effet, Air France dispose du réseau moyen-courrier le plus dense
d’Europe avec 140 destinations qui desservent 28 pays en Europe, en Afrique du
Nord et au Moyen-Orient, et d’un réseau long-courrier qui la classe parmi les plus
grandes compagnies mondiales et qui comprend quelque 180 destinations dans 46
pays.
Au terme de l’exercice écoulé, le groupe Air France a dégagé un chiffre
d’affaires de 10,3 milliards d’euros et un résultat net de 354 millions d’euros. Elle
emploie 59 190 salariés.
En outre, Air France propose une activité de fret avec Air France Cargo.
Les entreprises clientes bénéficient de l’expertise d’Air France en matière de
transport aérien, de l’importance de ses réseaux et de la modernité de ses
infrastructures. L’orchestration de ses atouts a en effet permis à la compagnie de
développer dans le fret un service de qualité et des délais d’acheminement sûrs.
Depuis janvier 2000, une nouvelle gamme de 4 produits existe :
! Equation : synonyme de vitesse, est dédié au fret express.
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! Variation : s’adresse au transport de marchandises spécifiques : animaux,
produits périssables, marchandises réglementées, valeurs, produits hors normes.
! Cohésion : est un service dédié aux entreprises.
! Dimension : est le produit générique d’Air France Cargo. Il répond aux besoins
de groupage des agents de fret. Un large éventail de contenants de toutes
dimensions permet d’apporter une solution logistique à toutes les demandes.
Pour Air France, la sécurité est une priorité. Depuis sa création, la
compagnie a fait le choix d’assurer elle-même l’entretien et la maintenance de
ses avions. Au-delà de la sécurité, ce choix stratégique lui autorise une meilleure
gestion de l’exploitation de ses appareils et la maîtrise des coûts. Il lui permet
également de valoriser cette activité. En effet, sous la marque commerciale Air
France Industries, la compagnie propose son savoir-faire et l’outil industriel
considérable qu’elle a développé à plus de 100 compagnies dans le monde.
Universellement reconnue pour son sérieux et la qualité de son service, la Branche
logistique industrielle Air France est le deuxième opérateur mondial d’entretien
aéronautique multiproduits.
En outre, pour offrir le meilleur service possible, une compagnie aérienne
doit veiller sur sa propre rentabilité. La libéralisation et le renforcement de la
concurrence, en pesant sur les marges, ont conduit les compagnies aériennes à
mettre en œuvre des concepts de gestion commerciale propres à préserver ou
améliorer cette rentabilité. Pour Air France, son principe de base est de rentabiliser
au mieux chaque vol.. Pour les aider dans leur analyse, divers outils propres au
« Revenue Management » ont été mis au point grâce à différents arbitrages : la
demande des clients, un tarif adapté au type de voyage, le choix des places, la
gestion des groupes, la réservation et la satisfaction du client qui est la clé de voûte
du système.
Bref historique Air France
• 1933 : Naissance d’Air France par le regroupement de 5 compagnies
aériennes françaises.
• 1945 : Nationalisation d’Air France.
• 1946 : Ouverture de la ligne Paris-New York avec un temps de trajet de 23
heures 45 minutes.
• 1959-60 : Mise en service des premières Caravelle et Boeing 707 qui réduisent
la durée du trajet Paris-New York à 8 heures.
• 1976 : Mise en service du Concorde, d’abord sur Paris-Rio, Paris-Caracas et
Paris-Washington puis l’année suivante Paris-New York, reliant les deux villes
en 3 heures 45 minutes.
• 1996 : Air Inter devient Air France Europe.
• 1997 : Fusion-absorbtion d’Air France et d’Air France Europe.
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•• 1999 : Succès de l’ouverture du capital d’Air France avec la participation de
2,4 millions de particuliers, d’institutionnels français et internationaux et de
72% des salariés.
•• 2000 : Air France lance avec ses 3 partenaires Aeromexico, Delta Air Lines et
Korean Air, l’alliance globale Sky Team dont l’objectif est le service aux
clients.
Bref historique Concorde
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• 29 novembre 1962 : les gouvernements français et britannique signent un
accord pour la conception et la construction en commun d’un avion de ligne
supersonique.
• 2 mars 1969 : premier vol d’une durée de 42 minutes du prototype à Toulouse.
• 21 janvier 1976 : ouverture de la ligne Paris-Dakar-Rio de Janeiro par Air
France et de Londres-Bahreïn par British Airways.
• 22 novembre 1977 : Air France et British Airways inaugurent enfin la desserte
de New York.
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SSeeccttiioonn IIII
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25/07/2000 : Un Concorde Air France qui allait effectuer la liaison Paris-New
York, s’écrase peu après le décollage près de l’Aéroport Roissy Charles de Gaulle,
près du lieu appelé « Patte d’Oie de Gonesse », sur un hôtel nommé
« Hotellissimo », situé sur la route nationale 17. Au total, 113 personnes périssent
dans cet accident. L’appareil avait été affrété par le Tour Operator allemand
Deilmann pour des touristes allemands qui se rendaient à New York pour ensuite
embarquer sur un bateau de croisière pour deux semaines vers Manta en Equateur.
Informations sur la nationalité des passagers :
Nationalité allemande : 96
Nationalité danoise : 02
Nationalité américaine : 01
Nationalité autrichienne : 01
Informations sur le Concorde accidenté :
N° de vol : AF 4590
Immatriculation : F-BTSC
Escale de départ : Roissy Charles de Gaulle
Escale d’arrivée : New York
Heure TU et locale : 14h44 TU et 16h44 heure française
Personnes disparues : 100 passagers, 9 membres d’équipage, 4 personnes qui se
trouvaient à proximité.
Le soir du drame, le PDG d’Air France, Jean-Cyril Spinetta tient une conférence de
presse et affirme que l’accident est lié à un problème de moteur et que les
microfissures détectées sur les ailes de certains appareils de ce type ne seraient pas
en cause. Une enquête judiciaire est ouverte. Une mission d’investigation interne à
Air France ainsi qu’une commission d’enquête sont diligentées pour rechercher les
causes de l’accident.
Une cellule de crise est mise en place pour les familles des victimes qui désirent se
rendre à Roissy. Le Président déclare que toutes les victimes et leurs ayants-droit
seront indemnisés intégralement dans la mesure du préjudice subi.
26/07/2000 : Air France décide d’interrompre l’exploitation commerciale du
Concorde. Un porte-parole précise les causes du retard du vol AF 4590. En effet, il
devait partir à 15h25 et il n’a quitté son point de stationnement qu’à 16h31.
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Au lendemain de la tragédie, le Directeur de la Communication annonce toutes les
dispositions qu’Air France a prises concernant la cellule d’accueil des familles.
27/07/2000 : Une cérémonie religieuse pour les familles et les proches des
victimes a lieu à 17H30 en l’Eglise de la Madeleine à Paris. Au moment de
l’hommage qui était rendu aux victimes de l’accident, une minute de silence a été
observée par tous les salariés d’Air France dans le monde.
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Par ailleurs, le BEA (Bureau Enquête-Accidents) révèle les premiers éléments de
l’enquête. Air France communique le montant de l’indemnisation (140 000 FF par
victime) représentant l’avance faite aux ayants-droit des victimes du vol, et annonce
la prise en charge des frais funéraires et la mise en place d’une aide psychologique
et administrative.
28/07/2000 : Air France dément l’information publiée par un quotidien, selon
laquelle une pompe de postcombustion aurait été changée le matin de l’accident.
Air France rappelle que les seules informations pertinentes et exactes relèvent du
BEA et de la compagnie.
30/07/2000 : Suite à des articles parus dans la presse, Air France communique
qu’elle a fourni une assistance immédiate à la famille de Devranee Chundunsing,
décédée dans l’hôtel « Hotellissimo » à Gonesse, lors de l’accident du Concorde.
02/08/2000 : Comme les causes du drame ne sont pas encore connues, JeanClaude Gayssot, le Ministre des Transports décide de maintenir la suspension des
vols Concorde. Le ministre indique que la date de reprise des vols sera liée à la
rapidité d’avancement de l’enquête.
03/08/2000 : Air France réagit suite à un article paru dans la presse américaine en
précisant que les déflecteurs d’eau installé sur le train d’atterrissage des Concorde
français n’avaient pas été modifiés à l’instar des Concorde de British Airways en
1995.
04/08/2000 : Le BEA communique sa première conclusion concernant le scénario
du crash en mettant en évidence que l’avion a entrepris le vol sans tolérance
technique avant le départ.
16/08/2000 : Les autorités aériennes française et britannique suspendent les
certificats de navigabilité des Concorde, après que le BEA et son homologue
britannique, l’Air Accidents Investigation Branch, aient émis une recommandation
de sécurité.
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17/08/2000 : Air France communique sur l’indemnisation des ayants-droit des
victimes. La compagnie précise que ses assureurs sont déjà en contact avec les
familles et les proches.
01/09/2000 : Le BEA rend public son rapport préliminaire sur la catastrophe en
affirmant que cette dernière a été provoquée par un événement banal en matière
aéronautique : l’explosion d’un pneu.
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08/01/2001 : Le BEA communique n’avoir plus de doute concernant l’éclatement
des pneus car il s’agit bien d’une pièce métallique tombée d’un DC 10 sur la piste.
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SSeeccttiioonn IIIIII
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Dès les années 50, une cellule de gestion de crise est mise en place. A
l’époque, le taux d’accidents aériens était 5 fois plus élevé qu'aujourd'hui. La
médiatisation des accidents n’était pas non plus la même. Il était très rare que les
média communiquent sur le lieu de départ et la destination de l’avion. Ils ne
communiquaient pas non plus sur le type d’avion, ni sur le nom de la compagnie.
Mais les procédures ont bien changé depuis l’époque, puisque la Société a
beaucoup plus d'exigences qu’il y a 50 ans. Le « zéro » défaut est devenu la
condition principale. Hélas, le monde industriel est un monde à risque. Son maillon
faible est l’Homme, le concepteur et le pilote.
Une organisation de crise efficace est une gestion la crise en amont. Cette
organisation servira pour la maîtrise des événements et pour éviter que l’entreprise
soit déstabilisée. Néanmoins, maîtriser toute la procédure est presque totalement
impossible.
1. Les typologies de crise
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On peut différencier plusieurs typologies de crise :
Aérienne : c’est le cas où au moins un passager est blessé ou décédé.
Prise d’otage, alerte à la bombe : relevant de la sûreté des avions.
Evénements politique : guerre, coup d’état...
Catastrophes naturelles : volcans, inondations, cyclone, tempête…
Problème de santé publique. : Virus, maladies contagieuse…
Intoxication alimentaire.
Rumeur publique concernant les avions.
Installations aéroportuaires inaccessibles…
2. L’organisation logistique de la cellule de crise
Le cœur de la cellule de crise est le CCO (Centre de Contrôle des
Opérations). C’est un dispositif parfaitement dimensionné et en sommeil puisqu’il
se déclenche uniquement en cas de crise. Il bénéficie d’une grande autonomie
puisqu’un isolement de plusieurs jours est possible. A l’intérieur de cette cellule,
plus d’une cinquantaine de personnes s ‘affaire à tout régler dans les moindres
détails. Des moyens techniques sont mis à leur disposition tels que des horloges
indiquant les différents horaires dans les différents pays concernés, des ordinateurs,
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des téléphones satellites, des micros et radios les mettant en relation avec les avions
et avec la tour de contrôle grâce à un système téléphonique contactile. Tous ces
moyens sont là pour rappeler l’urgence et permettre aux différents agents d’agir
avec un maximum d’efficacité et de rapidité.
La gestion de toutes les opérations s’effectue 7j/7 et 24h/24 à partir de la
cellule de crise. Une grande table, dont la disposition est programmée d’avance,
trône en plein milieu de la salle. C’est dans ce lieu même, que le PDG d’Air France
ainsi que les responsables de la sécurité se relayeront nuits et jours. C’est de cet
endroit également que va se développer une réflexion stratégique et que l’on va
communiquer au monde entier. Une télévision avec antenne satellite diffuse
continuellement les programmes de plus de 15 chaînes télévisées à travers le
monde. C’est de cette salle que le 25/07/00 l’alerte a été déclenchée puisque l’avion
s’est écrasé juste devant les bureaux de la direction.
De plus, un répertoire reprend au quotidien les personnes responsables à
contacter en cas d’incident. Leur nom, leur adresse personnelle, leurs numéros de
téléphone, leur emplois du temps ainsi que les données utiles les concernant y
figurent. Ces données sont régulièrement vérifiées pour que tout fonctionne sans
délai en cas de nécessité. Sur ce répertoire figure également tous les réflexes à avoir
et qui permettent d’évacuer le stress dans ce genre de situation où il faut agir vite et
efficacement.
Trois points fondamentaux sont alors tout de suite appliqués :
• Mettre en place un centre d’appel téléphonique,
• Un soutien auprès des survivants et des victimes,
• La maîtrise de la circulation de l’information et de la communication au sein de
l’entreprise ainsi qu’à l’extérieur.
Face à un éventuel accident, des locaux étaient proposés par l’ADP
(Aéroports De Paris). Ce local pouvait recevoir jusqu’à 50 familles et Air France
considérait qu’il était trop petit. C’est pourquoi, en février 2000, Air France négocie
comme centre d’accueil le Terminal 9 de l’aéroport de Roissy qui est réservé
normalement aux charters. Quelques problèmes demeuraient néanmoins
concernant le matériel (tables, chaises, fauteuils, téléphone…). Hélas, le test de
l’efficacité et de la disponibilité de cette salle s’effectuera beaucoup plus tôt que
prévu, le 25/07 au lieu de la fin de l’année comme ce qui était prévu.
Malgré cette catastrophe inattendue, tout à pu être mis en place pour 19h alors que
l’accident a eu lieu à 16h45.
Il faut également noter l'intervention des pompiers du Val-d'Oise qui ont
annoncé la mise en place d'un plan rouge, décrété par la Préfecture où une cellule
de crise était parallèlement installée. Plus de 200 personnes - pompiers et
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sauveteurs - ont été ainsi aussitôt mobilisées. Avant 19 heures, le feu était
entièrement maîtrisé.
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3. La dimension humaine de la cellule de crise
Air France a mis en place son dispositif de soutien aux proches des
passagers et des membres d'équipage, comprenant :
• Une cellule de coordination crise, en contact avec les autorités
aéroportuaires, , les autorités gouvernementales concernées et celle de l'Aviation
Civile;
• Un centre d'information téléphonique à Paris avec un numéro vert :
0.800.800. 812 et en Allemagne (à Munich), dédié aux familles concernées. Le
centre parisien est géré par le personnel Air France, renforcé par des
volontaires, des psychologues et des psychologues cliniciens;
• Des équipes de volontaires assurant le soutien et l'aide de la Compagnie.
Depuis mardi 18h, une cinquantaine de "volontaires", parlant allemand, était
déjà à pied d'œuvre au centre d'accueil des familles à Roissy-CDG. Ces
volontaires font partie d'une équipe de plusieurs centaines d'agents de la
Compagnie, préparés pour ce type de mission d'assistance;
• Ces équipes sont complétées par des professionnels: médecins, infirmières et
assistante sociale, des médecins psychiatres, des psychologues cliniciens, des
équipes de la Croix Rouge, des équipes médicales des Aéroports de Paris.
• Les sièges sont offerts en priorité aux familles désirant se rendre à Roissy-CDG;
• Le dispositif d'accueil des familles est en place à Roissy, y compris les moyens
hôteliers d'hébergement;
• Les centres d'information téléphoniques sont restés opérationnels toute la nuit.
On aurait pu penser que l’accueil et l'hébergement des familles des victimes
aurait pu poser problème en plein mois de juillet mais ce n'était pas le cas puisque
Air France a des relations privilégiées avec le groupe ACCOR (Hôtels Sofitel
notamment) qui lui débloque automatiquement plusieurs chambres et étages tout
en permettant à l'hôtel de fonctionner normalement. Néanmoins, des mesures de
sécurité et de préventions sont mises en œuvre pour éviter que les média, les
curieux, les avocats viennent déranger les familles. En effet, les ascenseurs sont
bloqués et des gardes veillent à leur tranquillité.
S'il devait y avoir des problèmes concernant le nombre de chambres, un plan
de déploiement était prévu sur les villes de Lille, Reims et autres mais il faut faire en
sorte d’éviter le moindre désagrément aux familles. En outre, pour ce genre de
situation, une réquisition du préfet était possible.
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De plus, Air France a aidé juridiquement les familles des victimes pour la
constitution d'une association et prépare activement la date du premier anniversaire
de l’accident.
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Cette cellule centrale d'assistance a pour nom de code: "Cellule AF4590".
Elle couvre donc l'ensemble des points concernant le suivi et l'assistance des
familles des victimes et blessés au sol, ainsi que les dommages et préjudices causés
par l'accident. Elle assure en outre, le recueil et la consolidation des informations
ou contacts liés aux procédures d'enquête en cours ou à venir diligentées par les
autorités judiciaires. Elle prépare également la mise en œuvre de l'indemnisation
des victimes en liaison permanente avec la Direction des Affaires Juridiques d'Air
France, les assureurs et leurs représentants.
4. La gestion de la crise en interne
Le Concorde, c'est avant tout 6 avions et 12 équipages et donc des relations
d'amitiés et familiales entre le Personnel Navigant Commercial (PNC). Il a fallu
donc mettre en place une organisation de soutien psychologique pour 3 types
de population:
- La population Front Line (celle qui intervient sur le Concorde régulièrement
: techniciens, hôtesses et stewards, pilotes du Concorde),
- La population du même métier (tous les employés d'Air France et
notamment le Personnel Navigant Commercial),
- La population des volontaires qui vont être en contact tout au long de cette
difficile période avec des gens choqués et qui donc risque d'être très
perturbés par toute cette tension.
Des psychologues et psycholègues (interne à l'entreprise + assistance
sociale…) se sont mobilisés durant quelques jours pour leur venir en aide. L'hôpital
Militaire Parisien a pris ensuite le relais pendant de très longs mois.
Le problème le plus fréquent était celui de la culpabilité que ressentaient ces
personnes sur leur propre intervention professionnelle. C'est le cas notamment des
mécaniciens, des chefs d'escale, des techniciens, des autres membres d'équipages…
Hélas, l'évaluation de l'impact en interne est très difficile à évaluer et souvent
des reconversions au sol ont été obligatoires pour le personnel le plus affecté par le
drame. Air France a pris également la décision d'interdire à son PNC d'aller sur le
site du crash et de se rendre à l'Institut Médico-légal pour éviter un plus grand
traumatisme.
Cependant, la très forte mobilisation du personnel d'Air France nous
dévoile que la compagnie aérienne est une grande famille et traduit l'émotion et la
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solidarité des salariés à l'égard des familles des passagers et des membres de
l'équipage.
5. L’échange des informations entre Air France et British Airways
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L'échange de données a été primordial tout au long de cette période entre les
Autorités d'aviation des différents pays: Allemagne, Angleterre, France et même les
Etats Unis.
Néanmoins, l'information la plus importante circulait entre Air France et
British Airways. Même si cette dernière poursuivait ses vols, il était nécessaire de
communiquer à l'autre les décisions prises pour coordonner les actions et avoir un
point de vue commun par rapport au problème.
Il est vrai qu'on pourrait reprocher à Air France sa démarche technocratique
qui consiste à gérer les événements comme une suite d'étapes obligatoires alors que
le problème était de dimension humaine. En revanche, on peut les féliciter de ne
pas avoir fait appel à une agence de conseils et d'avoir pu gérer tout ceci en
interne.
Le plus étonnant dans cette affaire, c'est que 2 ans auparavant, la cellule de
crise avait eu un entretien avec la Directrice d'une agence de communication au
sujet de l'attitude à avoir face à un accident d'avion. Cette personne avait posé
l'hypothèse que cette avion pourrait être le Concorde, qu'il transporterait des
passagers étrangers et qu'il s'écraserait à Roissy même, juste devant les bureaux
d'Air France. Les membres de la Direction de la Sécurité avaient refusé de prendre
au sérieux cette hypothèse car ils considéraient que cela ne pouvait pas arriver au
Concorde (l'avion selon eux le plus sûr au monde) et encore moins au départ de
Roissy, juste après avoir subit tous les contrôles techniques.
Hélas, cette trop grande confiance en les capacités techniques de cet avion a fait
que la surprise soit encore plus grande. C’est cette dimension technique que nous
allons développer maintenant.
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SSeeccttiioonn IIV
V
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Assppeeccttss tteecchhnniiqquueess ddee ll’’eennqquuêêttee ccoonncceerrnnaanntt ll’’aacccciiddeenntt
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La crise du Concorde trouve son origine dans le crash du 25 juillet 2000, du
vol Air France 4590. S’agissant d’un écrasement, la dimension technique de la
crise prend une importance légitime. En effet, le management de cette crise dépend
particulièrement des explications techniques qui seront communiquées, aussi bien
par les opérateurs français et britanniques que par toute autre source susceptible
d’avoir une crédibilité auprès du public.
Sans doute, l’une des toutes premières préoccupations des exploitants du
Concorde, des familles des victimes, des autorités et du grand public en général est
de savoir comment et pourquoi l’avion s’est écrasé. Ce besoin de savoir est
d’autant plus fort que c’est un avion mythique, le seul avion supersonique en
exploitation commerciale, qui fait l’objet d’une catastrophe, avions-nous pensé, ne
touchant que les « anciens objets volants ». C’est justement ce caractère distinctif
du Concorde qui donne à la crise une toute autre dimension que s’il s’agissait d’un
autre appareil.
Ainsi, on commencera cette section par une brève présentation des
spécificités techniques du Concorde et des règles de son exploitation, avant de
rappeler l'historique de ses incidents et de traiter l’évolution des faits liés à la crise
objet de notre étude.
1 - Spécificités techniques du Concorde
La principale particularité du Concorde est d’être le seul avion
supersonique exploité dans l’aviation civile. Une rareté qui caractérise l’avion le
plus complexe à concevoir, à produire et à exploiter.
En effet, bien que 13 avions aient été utilisés avant le crash, 20 avaient été
produits entre 1966 et 1979. Aussi, le premier vol commercial a dû attendre plus de
13 ans depuis la décision de coopération entre la France et la Grande Bretagne qui
a été prise en 1962. Le premier prototype a tardé presque 7 ans pour être achevé.
Le « premier rêve d’un avion civil supersonique » était à l’origine britannique et date
de 1943.
La principale difficulté de conception était de formuler l’équation
aérodynamique qui permet de faire voler et de contrôler un avion une fois « le mur
du son » franchi. Plusieurs modèles furent conçus, proposant des combinaisons
Vitesse (1.2 à 2.2 mach) – Capacité (100 à 150 passagers) – Rayon d’action (2400 à
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5600 Km), et soumis à des études de faisabilité. Le gouvernement britannique opte
finalement pour un Bristol type 223, ayant 4 moteurs Olympus de Rolls-Royce,
capable de décoller avec un poids maximum de 250.000 lb, transportant 100
passagers sur un parcours transatlantique. Il était clair que ce projet allait être trop
coûteux et demanderait la mobilisation de personnels, des moyens de recherche et
développement qu’il serait avantageux de partager avec un autre pays. On pense
alors aux Etats-Unis, l’Allemagne et la France.
Après plusieurs discussions, les britanniques (BAC : British Aircraft
Corporation) et les français (Sud-Aviation, qui deviendra Aérospatiale) élaborent
une proposition commune : un avion à dimensions communes mais à
aménagements intérieurs différents. L’un a 100 sièges avec un poids maximum au
décollage de 220.000 lb, l’autre a 90 sièges et un poids maximum au décollage de
262.000 lb.
Descriptif du Concorde – Modèle Français :
• Avion supersonique à aile delta à la gothique et dérive centrale ;
• Propulsé par 4 réacteurs Rolls-Royce Olympus 593 installés dans deux paires
de nacelles accouplées sous les ailes ;
• Fuselage à 62.10 m de longueur (70.51 m pour Boeing 747) et à 2.87 m de
largeur (5.80 m pour Boeing 747) ;
• Poids maximum au décollage : 185 tonnes ;
• Poids maximum à l’atterrissage : 111 tonnes ;
• Capacité carburant : 96 tonnes ;
• Nombre de sièges : 100 ;
• Rayon d’action : 6.500 km ;
• Vitesse de croisière : mach 2.02 ;
• Durée du voyage Paris CDG – New York JFK : 3h35 (7h45 pour les
subsoniques).
2 - Règles d’exploitation du Concorde
Comme tout autre avion, le Concorde est assujetti au certificat de
navigabilité délivré par l’autorité, la Direction Générale de l’Aviation Civile en
France, et à un entretien régulier. Le programme d’entretien du Concorde est défini
par le constructeur et l’exploitant. Il est présenté à la DGAC pour approbation. Il
comporte des visites quotidiennes, ainsi que des travaux et vérifications lors de
visites techniques :
- Visite A, toutes les 210 h de vol ;
- Visite B, toutes les 420 h de vol ;
- Visite C, toutes les 1.620 h de vol ;
- Visite IL, toutes les 6.000 h de vol ;
16
- Et la Grande Visite, lors de laquelle l’appareil est entièrement
démonté et vérifié, toutes les 12.000 heures de vol.
Le suivi technique des moteurs est réalisé par Air France (British Airways en
Grande Bretagne), à partir des directives données par Rolls-Royce et Snecma. A
rythme plus cadencé, des contrôles quotidiens sont effectués pour répondre aux
commentaires apportés par les équipages après chaque vol, ainsi qu’un essai
moteurs à « point fixe ».
3 - Historique des incidents du Concorde
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Depuis sa première année d’exploitation, le Concorde a enregistré divers
incidents techniques. On présente par la suite les plus marquants d’entre eux.
# 28 novembre 1977
Un Concorde d’Air France (Paris – Rio De Janeiro) rate son atterrissage à Dakar.
L’avion écrase sa roulette de queue.
# 8 février 1978
Un Concorde d’Air France fait demi-tour au-dessus de l’atlantique à la suite de
« vibrations anormales » dans deux des quatre réacteurs.
# 15 juin 1979
Deux pneus d’un Concorde d’Air France éclatent lors d’un décollage de
Washington. L’avion, dont une aile et un réservoir sont endommagés, se pose 20
minutes plus tard sur une piste recouverte de mousse carbonique, sans blessés.
# 10 octobre 1981
Une panne d’ordinateur oblige à arrêter un des quatre réacteurs du Concorde de
British Airways reliant Londres à New York, et à se poser à Boston.
# 8 avril 1988, un incident que Air France a toujours passé sous silence
A CDG, le réacteur 3 d’un Concorde d’Air France tombe en panne. Le
commandant parvient à freiner in extremis et l’avion rentre pour inspection. Une
heure après, le Concorde décolle et c’est le quatrième réacteur qui est victime d’un
dysfonctionnement. Plus précisément sur le turboréacteur, dans la section de sortie
de la tuyère primaire, élément essentiel de surveillance du fonctionnement des
réacteurs. Le risque étant l’explosion. Après avoir coupé le réacteur 4, les pilotes
ont été obligés de vidanger les 55 tonnes de sous forme de nuage pulvérisé, afin de
pouvoir atterrir.
17
# 13 avril 1989
Un hublot d’un Concorde d’Air France se fissure au-dessus de l’atlantique alors que
l’appareil vient de franchir le mur du son, obligeant le pilote à faire un piqué et à
revenir sur Paris.
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# Juin 1995
Un mystérieux boulon est à l’origine d’un incident de vol sur un Concorde de
British Airways (New York – Londres), obligeant le pilote à réduire la vitesse de
l’avion, après avoir provoqué une saute de puissance sur l’un de ses réacteurs.
L’avion, passé en dessous de la barrière du son, parvient à rejoindre l’aéroport de
Heathrow.
# 26 mai 1998
Un Concorde de British Airways à destination de New York fait demi-tour après
une heure de vol à cause de problèmes techniques sur les ailes.
# 30 janvier 2000
Deux Concorde de British Airways sont contraints à des atterrissages d’urgence en
moins de 24 heures. L’un après l’extinction d’un de ses quatre réacteurs, l’autre
après le déclenchement dans le cockpit d’une alarme signalant un incendie à bord.
# 9 août 1981, 15 novembre 1985, 29 janvier 1988, 15 juillet 1993 et 25 octobre
1993
Des projections de pneus auraient pu endommager les réservoirs.
# 24 juillet 2000
British Airways retire de sa flotte un des Concorde, comme mesure de précaution.
Ce Concorde avait des fissures dans des zones « non critiques ». Les constructeurs
déclarent les autres appareils valables pour vol.
Malgré tous ces incidents, le Concorde est toujours considéré l’un des avions
les plus sûrs. Son historique ne marque aucune catastrophe alors que certains
avions subsoniques battent leurs records en accidents.
4 - Les scénarios du crash du 25 juillet 2000
Le mardi 25 juillet 2000, à 16h44 (Paris), le vol d’Air France 4590 de Paris
CDG à New York JFK, assuré par un Concorde, s’écrase au décollage.
Ce descriptif est la toute première donnée 100% fiable, relative à la crise du
Concorde. Deuxième donnée fiable : les 100 passagers, les 9 membres d’équipage
du vol et 4 personnes à terre sont toutes décédées suite au crash.
18
Hormis ces deux certitudes, on apprend plus tard que l’avion dégageait une
fumée et du feu juste avant de décoller, et une fois en l'air, s’est incliné à gauche,
s’est retourné et s’est écrasé.
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De la part des autorités et du transporteur Air France, les mesures de
réactions habituelles ont été prises et une commission d’enquête était déléguée
pour déterminer les causes de l’accident.
Les journalistes et reporteurs étaient déjà en course pour trouver une
explication à ce qui s’était passé.
Air France communique les premières données concernant l’avion : il s’agit
du Concorde immatriculé F-BTSC, mis en service le 23 octobre 1980, ayant à son
actif 11.989 heures de vol, pour 3.978 atterrissages. On précise que cet appareil
avait subi une visite C le 28 avril 2000, une visite au 21 juillet 2000 et sa dernière
Grande Visite terminée le 30 septembre 1999. On précise également que l’avion
n’avait pas de micro fissures.
L’avion avait un retard de 1h06, selon Air France, pour deux raisons :
Technique :
A son retour de JFK le 24 juillet, la reverse du moteur 2 du Concorde était
inopérante. La pièce manquante n'était pas disponible pour faire la réparation.
L'avion pouvait néanmoins repartir sans réparation, en tolérance technique
autorisée par le constructeur. Cela a été proposé au commandant de bord. Compte
tenu de la charge (avion complet), le commandant de bord a toutefois demandé le
remplacement de la pièce inopérante avant d'entreprendre le vol. La pièce a été
immédiatement prélevée sur un Concorde de réserve. La réparation a été effectuée
en 30 minutes.
Exploitation :
Les 100 passagers de ce vol spécial étaient tous en correspondance courte à CDG,
avec bagages. L'arrivée tardive de certains bagages à l'avion a accentué le retard.
Le 27 juillet, le BEA, Bureau Enquêtes-Accidents, responsable de l'enquête
technique communique les premiers éléments suivants :
« Pendant le décollage, alors que l'avion a dépassé V1 (vitesse de décision), la tour
signale à l'équipage des flammes à l'arrière de l'appareil. On note dans
l'enregistrement phonique qu'après la rotation, l'équipage annonce une panne du
moteur n° 2 et, un peu plus tard, que le train ne rentre pas.
L'enregistreur de paramètres montre pendant la rotation une décroissance des
paramètres du moteur n° 2 jusqu'à son arrêt et une baisse temporaire des
paramètres du moteur n° 1. Il indique également que la vitesse ne varie
pratiquement pas et que l'altitude ne varie que très peu. L'appareil est en vol depuis
19
un peu moins d'une minute lorsque les paramètres du moteur n° 1 décroissent à
nouveau, l'avion s'incline fortement à gauche et s'écrase.
L'épave est répartie sur une surface réduite. Des débris ont été récupérés tout au
long de la trajectoire de l'appareil. On a notamment retrouvé des débris de pneus
sur la piste. »
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La presse se livre déjà à pronostiquer les raisons de l’accident. VSD présente
ainsi les commentaires de Serge Roche, un expert aéronautique auprès des
tribunaux : « la turbine d’un réacteur se bloque, en raison de l’afflux de carburant
qui provoque une surpression puis une explosion ». D’autres supports, faisant
référence au crash d’un Falcon 20 le 20 janvier 1995, parlent également d’une
hypothétique « ingestion d’oiseau » : au décollage, un volatile qui se trouverait sur la
piste a pu s’engouffrer dans le moteur, créant une surpression et une explosion.
Le 28 juillet, un quotidien publie une information selon laquelle une pompe
de postcombustion aurait été changée le matin de l’accident. Information
immédiatement démentie par Air France.
A moins d’une semaine du crash, le scénario se dessine : un ou deux
pneus du train d’atterrissage arrière gauche ont explosé, une fuite importante de
carburant, sous l’aile gauche, s’est produite, déclenchant un incendie, le moteur 2
puis le moteur 1 ont enregistré une perte de puissance. Toutefois, les experts n’ont
pas réussi à trouver le lien de causalité entre ces différents événements.
De l’autre côté de La Manche, des incidents sur les Concorde contribuent
à accentuer les doutes et ne tranquillisent guère les observateurs.
Le 30 juillet, le vol du BA003 de Londres à New York a dû atterrir à Gander,
Newfoundland, par mesure de précaution, après la détection d’une odeur de
carburant dans la partie arrière de la cabine des voyageurs. On avait enregistré
auparavant un « incident mineur » lors du réapprovisionnement en combustible du
BA001. La veille, le BA004 allant de New York à Londres avait subit « un petit
problème » de moteur lors de son atterrissage à Heathrow.
Le 3 août, Air France réagit suite à un article paru dans la presse américaine
en précisant que les déflecteurs d’eau installés sur les trains d’atterrissage des
Concorde français n’avaient pas été modifiés à l’instar des Concorde de British
Airways en 1995. On considère que cette modification consistait en un renfort du
déflecteur n’empêchant en aucun cas celui-ci de se désolidariser du train en cas de
choc. Cela garantit simplement qu’il restera en une seule pièce en cas de
détachement après un choc. On explique aussi que cette modification n’avait pas
fait l’objet d’une « consigne de navigabilité » de la part de la DGAC, d’où son
caractère non obligatoire.
20
La version finale du scénario du crash est communiquée le 4 août par le
BEA :
« L’avion a entrepris le vol sans tolérance technique ».
« Avant le départ :
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- sur le moteur n°2, le moteur pneumatique de commande de l’inverseur
de poussée avait été changé ;
- la roue arrière gauche du boggie gauche a été remplacée. Cette roue a
été retrouvée sur l’épave ; le pneu n’avait pas éclaté.
L’officier mécanicien navigant a annoncé une masse au décollage de 185.1
tonnes dont 95 tonnes de carburant. L’annonce V1 a été faite par l’équipage à 150
nœuds, 32 secondes après le lâcher des freins, alors que l’avion avait parcouru 1200
mètres.
A partir de 1600 mètres environ après le lâcher des freins, des débris provenant de
l’avion ont été retrouvés. Il s’agit de morceaux de pneu, d’éléments de
déflecteur d’eau, d’un morceau de carénage de servo-valve et d’un morceau
de réservoir. Il n’y a pas d’éléments provenant des moteurs ou de jantes de roues.
Une lamelle métallique d’environ quarante centimètres de longueur
n’appartenant pas au Concorde a également été retrouvée parmi ces débris.
Des traces de suie ont été observées sur la piste à partir de cette même zone.
Les morceaux de pneu retrouvés paraissent aujourd’hui appartenir à un seul pneu,
le pneu intérieur avant du boggie gauche. Un des morceaux présente une
entaille importante.
Un peu avant la rotation … le contrôle a signalé à l’équipage une flamme à l’arrière
de l’appareil. Il apparaît effectivement qu’un feu important s’est déclaré au
niveau de l’intrados de l’aile gauche. Ce feu ne provenait pas des moteurs. »
Toutefois, il ne s’agit que d’un rapport préliminaire sur l’enquête. Cinq
mois après l’écrasement, le BEA n’a plus de doute : il s’agit bien d’une pièce
métallique tombée d’un DC10 sur la piste qui a conduit à la perforation du
réservoir. Le DC10 correspond au vol de Continental Airlines reliant Paris à New
York qui avait décollé quelques minutes avant le supersonique. Le BEA avait
consacré 5 des 34 pages de son rapport à une longue et minutieuse description de
cet appareil examiné par ses experts aux Etats-Unis.
Le déroulement des événements concernant le Concorde laisse plusieurs
questions sans réponse. Bien évidemment on se demande toujours pourquoi
l’avion s’est écrasé, mais à la différence des premiers moments de l’accident, on se
demande plus particulièrement pourquoi, après tout un historique de problèmes
avec les pneus, les autorités n’ont pris, en vingt ans, aucune mesure pour renforcer
21
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les structures des ailes et la protection des réservoirs menacés par les explosions de
pneus. Aussi on ne sait toujours pas pourquoi une pièce métallique se trouvait sur
la piste alors qu’elle devait être parfaitement dégagée pour le décollage de n’importe
quel avion.
Quand on prend le cas de Concorde dans une vision globale, une autre
question soulève débat. La réaction de British Airways, maintenant ses vols au
rythme normal d’exploitation, relevait-elle d’un choix fondé sur des critères
techniques objectifs ou révélait-elle une féroce préoccupation capitaliste qui est de
rentabiliser ses appareils ? Et sa décision de suspendre les vols et le retrait du
certificat de navigabilité par les autorités, sont-elles des mesures protectionnistes
qui s’imposent ou, comme le laisse entendre un journaliste, juste une manœuvre
pour atténuer les attaques et accusations contre Air France ? Ce sont autant de
questions qui, probablement, resteront sans réponse.
Toutefois, un minimum d’informations est nécessaire, qu’elles soient réelles
ou présentées en tant que telles, pour traiter un autre aspect essentiel de cette crise :
l’aspect juridico - réglementaire.
22
SSeeccttiioonn V
V
R
meennttaaiirreess
Rééppeerrccuussssiioonnss jjuurriiddiiccoo--rréégglleem
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Les réglementations et lois sont faites dans le souci de garantir des
conditions de vie acceptables pour les citoyens administrés, dont la sécurité qui est
la première des obligations de tout Etat.
Ainsi, depuis les premiers vols de l'histoire, on a cherché, au niveau national
dans un premier temps, à réglementer les procédures liés aux différentes activités
de l'aviation. Or, il s'agit d'un moyen de déplacement par définition international.
Ce qui a conduit, dans un deuxième temps, à des tentatives de standardisation des
normes au niveau international, chose qui s'est concrétisée en 1944, à Chicago, lors
de la première conférence de son genre, et qui a donné naissance à l'Organisation
de l'Aviation Civile Internationale (OACI), rattachée à l'Organisation des
Nations Unies.
Un accident ou une moindre défaillance d'un vol donne lieu à de
nombreuses procédures, de différentes natures, souvent ayant un caractère
international et plus ou moins durables en fonction de la gravité de l'incident.
Dans le cas d'une destruction de l'appareil, les autorités d'aviation sont
appelées à investiguer les causes et qualifier la nature de l'accident : explosion,
attaque terroriste, problèmes techniques, faute humaine… Ceci déterminera en
grande mesure la succession des procédures. En effet, il faudra déterminer les
responsabilités des parties directement ou indirectement impliquées, dédommager
les ayants-droit des victimes et prendre les mesures nécessaires pour que cela ne se
reproduise pas.
1 - L'intervention des autorités de l'aviation
Le crash du Concorde du 25 juillet 2000 est un accident majeur dans
l'aviation d'où l'intervention de multiples autorités :
#
#
#
#
Air France, à travers la délégation d'une mission d'investigation en interne.
Aéroports de Paris.
Le Préfet de la Seine-Saint-Denis, qui gère l'Aéroport de Roissy CDG.
Le Ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement, à travers la
Direction Générale de l'Aviation Civile. Ses missions consistent à assurer
directement l'intervention de l'Etat dans le secteur de l'aéronautique civile, à
garantir la cohérence d'ensemble de l'action des services de l'Etat dans les
23
domaines de transport aérien, construction aéronautique, navigation aérienne,
sécurité technique, sûreté, etc.
# L'Inspection Générale de l'Aviation Civile, liée au même ministère, à travers le
Bureau Enquêtes Accidents. C'est un organisme créé en 1946. Conduit ses
enquêtes et rédige ses rapports en toute indépendance.
Aussi, suite aux différents incidents observés outre Manche sur les Concorde du
transporteur britannique, s'ajoutent sur scène :
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- British Airways.
- Et la Civil Aviation Authority.
Quatre heures après le crash du Concorde, Air France lance une mission
d'investigation en interne.
Toutefois, selon l'annexe 13 aux réglementations de l'OACI, l'autorité de
l'aviation civile du pays où s'est produit l'accident prend le commandement de
l'enquête. Cette autorité peut faire appel à une entité spécialisée.
Ainsi, c'est le Bureau Enquêtes Accidents (BEA) est le responsable officiel
de l'enquête technique. Il est chargé de déterminer les circonstances et les causes
de l'accident du vol AF 4590, notamment à travers les éléments fournis par Air
France et les enregistrements des boîtes noires.
Vu le caractère international du Concorde et de son accident, différentes
autorités participent à l'enquête :
- La DGAC, pour la France, qui prend le commandement de l'enquête ;
- La Air Accidents Investigation Branch (AAIB), l'équivalent britannique
du BEA ;
- La Civil Aviation Authority (CAA), l'équivalent britannique de la DGAC ;
- Et comme participant invité, le National Transportation Safety Board
(NTSB) des Etats-Unis.
La suspension des vols de Concorde est immédiate, suite à une demande du
ministre à la Direction Générale de l'Aviation Civile, en concertation avec Air
France.
Le 11 août 2000, le ministre français déclare se rapprocher de son
homologue britannique en lui proposant que les autorités civiles des deux pays se
concertent pour prendre des mesures communes.
Suite à la publication de nouvelles données, et sur recommandation du BEA, le 16
août, la Civil Aviation Authority et la Direction Générale de l'Aviation Civile
24
suspendent les certificats de navigabilité des Concorde britanniques et français
respectivement.
2 - Relation de Air France avec les familles des victimes
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Dès les premiers moments suivants le crash, Air France s'est engagée à
prendre en charge les familles des victimes et à assumer sa responsabilité
d'indemniser leurs ayants-droit.
Les victimes du crash sont composées de trois types :
- Les 100 passagers ;
- Les 9 membres de l'équipage ;
- Et les victimes au sol : 4 personnes décédées, plusieurs blessés et les
propriétaires de l'hôtel qui était détruit.
Les premières prises en charge comportaient le transport des familles jusqu'à
l'Aéroport de Roissy CDG et les différents moyens hôteliers d'hébergement. A cela
s'ajoute une avance aux ayants-droit, bien qu’aucune disposition n'est prévue dans
les lois en vigueur, d'au moins 140.000 francs par victime, pour leur permettre de
faire face aux besoins matériels immédiats. Cette avance sera déduite de
l'indemnisation définitive. Aussi, la compagnie a pris en charge les frais funéraires
de chaque victime et l'aide psychologique et administrative mise à disposition des
familles.
Le transporteur apporte également le conseil externe pour représenter et
défendre les intérêts des familles des victimes durant la première année suivant
l'accident. Air France a ainsi réuni tous ses assureurs dont le chef de file est "La
Réunion Aérienne" pour traiter les différentes questions relatives à l'indemnisation
des ayants-droit.
On apprend dernièrement que Air France aurait proposé une indemnisation de
1.5 million d'Euros par victime. Toutefois, le transporteur dément cette
information. Une chose est sure : la proposition "confidentielle" est supérieure à la
normale. Une raison à cela : l'avion accidenté se dirigeait à New York ce qui permet
aux 700 ayants-droits des victimes de saisir un tribunal aux Etats-Unis, pays connu
pour sa grande sévérité en matière d'indemnisation.
3 - Le procès encours
Air France a l'obligation de dédommager les familles des victimes vue
sa responsabilité directe dans l'accident. Cependant, elle ne joue que le rôle d'un
"hub". Les indemnités devant être versées par le ou les responsables de la
catastrophe, qui ne sont toujours pas déterminés.
25
Pour ce faire, le transporteur a présenté un recours devant la justice, pour défendre
sa position et laisser les autorités techniques et juridiques décider de sa part de
responsabilité dans l'accident.
Plusieurs parties sont suspectes et doivent répondre de leur part de responsabilité
dans l'accident :
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# Air France
Le transporteur a l'obligation d'entretenir, réparer et assurer la maintenance
nécessaires aux avions pour effectuer des vols en sécurité conforme aux
normes de l'aviation civile.
# Les constructeurs : Aérospatiale (EADS) et BAC (British Aircraft
Corporation)
Ils doivent expliquer pourquoi les déflecteurs faisaient défaut, et défendre la
solidité et la fiabilité des composantes du Concorde.
# Les constructeurs Moteurs : Rolls-Royce et Snecma
Le moteur Olympus 593 a souvent été mis en cause par plusieurs experts
aéronautiques.
# Les fournisseurs des pneus : Goodyear et Dunlop
Ils sont les premiers "accusés" d'être à l'origine des multiples incidents du
Concorde.
# Le transporteur américain Continental Airlines
Une lamelle métallique d'un de ses DC10 est considérée être à l'origine de
l'accident du 25 juillet 2000.
# Aéroports de Paris
ADP doit expliquer pourquoi la pièce tombée du DC10 se trouvait sur la piste.
Selon le rapport d'étape de l'enquête du BEA, "le 25 juillet vers 04h30, une
inspection de la piste a été réalisée en deux passages par un flyco du contrôle
de piste. Rien n'a été signalé.
Vers 14 h 30, une inspection partielle de la piste a été effectuée par un flyco au
voisinage de la voie W2 à la suite d'une suspicion de collision aviaire.
Entre 14 h 35 et 15 h 10, un exercice avec plusieurs véhicules de pompiers s'est
déroulé sur les pistes 26 droite et 26 gauche. Compte tenu de cet exercice,
l'inspection de piste prévue vers 15 h 00 a été reportée. Elle n'avait pas été
effectuée au moment du décollage du Concorde (16 h 42 min 30 s)".
A l'heure actuelle, Air France indemnise les ayants-droit puisqu'elle constitue
leur interlocuteur direct. Elle sera par la suite en partie remboursée par les autres
impliqués selon leurs parts de responsabilité.
26
Les aspects juridiques de la crise du Concorde sont fortement dépendants des
avancements dans l'enquête du BEA. Une fois les procès entamés, les juges auront
la difficile mission de répartir les responsabilités de l'accident sur les différents
acteurs. Le verdict final tardera certainement des mois, voire des années avant qu'il
ne soit définitivement prononcé. Il pourrait à ce moment là être à l'origine d'une
crise pour la ou les parties culpabilisées et marquera sans doute l'histoire des
compagnies.
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Les impacts immédiats de la crise ainsi que l'état d'avancement de sa gestion ne
peuvent ne pas avoir des répercussions sur l'image de Air France. Le transporteur a
en effet tout intérêt à bien soigner sa communication, afin de préserver son image,
jusque là bien appréciée, auprès de ses partenaires internes et externes, clients et
public général.
27
SSeeccttiioonnV
VII
C
muunniiccaattiioonn ddee ccrriissee
mm
Coom
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La communication de crise se définit comme l’ensemble des actions de
communication engagées dans une période de difficultés aiguës.
Dans le cadre de l’accident du Concorde Air France, la communication de
crise prend toute son importance en raison de la nature même de la crise. En effet,
une catastrophe aérienne qui engendre des morts ne peut rester sous silence.
La communication s’impose davantage comme une évidence, un devoir et non plus
comme un choix ou une décision de l’entreprise. Elle prend alors toute sa
dimension car il y a urgence et nécessité de mettre au courant, d’informer,
d’expliquer, de justifier voire de s’excuser, de démentir et bien évidemment de gérer
la crise sous tous ses aspects.
A travers sa communication de crise, Air France a tenté d’atteindre plusieurs
objectifs :
- être la source première d’une information transparente afin de gérer sa
diffusion et sa circulation,
- répondre aux attentes et aux exigences de tous en affirmant clairement sa
responsabilité au sein de la crise,
- contrôler au mieux le processus de transmission et de médiatisation de
l’information pour limiter les effets de la crise,
- maîtriser les conséquences sur son image de compagnie aérienne
internationale.
Ainsi, nous allons présenter la communication de crise lors de l’accident du
Concorde afin de comprendre et réaliser sa mise en oeuvre.
Air France a géré elle-même sa communication de crise par l’internalisation
de toutes les étapes. Ce fait s’explique principalement par la nature de la crise qui
demande une prise de conscience immédiate et des moyens logistiques et financiers
importants.
Déléguer sa communication de crise aurait été perçu comme une fuite devant
ses responsabilités, un manque de respect et une minimisation des risques en terme
de retombées médiatiques graves. Dans le cas d’une entreprise internationale de
cette envergure, la gestion de la communication de crise en interne paraît évidente.
28
Grâce à sa structure, Air France dispose d’un service de communication et
de moyens adaptés qui lui permettent d’assurer ses différentes stratégies de
communication et de faire face aux besoins prévisibles ou inattendus, notamment
lors d’un cas de crise comme celui que nous étudions.
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La stratégie de communication de crise concernant l’accident du Concorde a
reposé sur la mise en œuvre d’un plan de communication de crise
immédiatement opérationnel dès l’ouverture de la cellule de crise, quelques instants
après l’accident.
Ce plan représente la mise en place d’un protocole réunissant un dispositif et
des procédures spécifiques d’information d’urgence vers les différents publicscibles. Les principaux acteurs et responsables de cette communication ont été le
Président, le Directeur Général, le Directeur de la Communication et la
Responsable du Service Presse. A notre grand regret, et peut-être pour des raisons
de confidentialité, nous n’avons pu obtenir de précisions supplémentaires
concernant ce plan de communication de crise.
Nous avons cherché à identifier la répartition de la responsabilité de la
gestion de la communication de crise entre le service communication et la
cellule de crise. Cet élément nous parait particulièrement intéressant afin de
délimiter les postes et rôles de chaque personne impliquée dans la crise. Qui prend
les commandes, qui donne les directives à suivre, dans quel ordre et vers qui en
priorité ? Ceci nous renseigne sur l’importance et l’impact de la cellule de crise sur
le service de communication. Dans quelles mesures sont-ils liés, dans quels cas
leurs tâches se dissocient clairement ?
Dans ce cas précis, la seule information transmise a été la présence d’un
représentant de la communication (interne et externe) au sein de la cellule de crise
qui répercutait l’information dans un sens ou dans l’autre. Ces explications nous
permettent de comprendre partiellement comment une entreprise de cette
dimension s’organise, se mobilise et réagit face à l’imprévu et à l’urgence de
communiquer.
Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur l’existence éventuelle d’une
forme de communication de crise spécifique envers les différentes cibles
suivantes : filiales du groupe, partenaires de l’alliance Sky Team, actionnaires,
clients privilégiés, aéroports, secteur du tourisme (agences de voyage, tours
operators…), syndicats, autres publics concernés. Selon nos sources, il n’y a pas eu
de communication autre. Il aurait été intéressant de constater des cibles prioritaires
de la communication de la compagnie en cas de crise sérieuse. Mais sans doute la
gravité et l’urgence de la situation ne donnent pas lieu à des préférences en laissant
la place à une communication plutôt simplifiée et unique.
29
1. Communication de crise en interne
Air France a utilisé principalement 3 outils de communication interne afin
de transmettre l’information et d’impliquer l’ensemble de son personnel.
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La compagnie possède un réseau informatique interne ou Intranet
appelé « AF Com Net », accessible et consultable par la majorité du personnel.
Cette base de données comporte, entre autres, 2 outils stratégiques de
communication qui ont servi à transmettre l’information portant sur l’accident.
Le premier outil est constitué par des flashs d’information, communiqués
courts, brefs et concis, rédigés en français et en anglais qui ont permis de mettre au
courant le personnel de l’accident. Ils constituent une communication actualisée en
temps réel et transmise ultra rapidement. Leur contenu évolue et se précise
progressivement avec le déroulement des événements. La quantité d’information
transmise varie d’un flash à l’autre selon les données disponibles.
Parmi les premiers « Flash Actu » concernant la tragédie, les membres du
personnel pouvaient être tenus au courant des faits suivants : annonce des
circonstances du crash, la cellule de crise, la déclaration de leur président, la
poursuite des opérations commerciales, la mise en place de l’enquête, les
cérémonies et les divers hommages, les démentis officiels de la compagnie, des
informations et autres divers communiqués.
Cet outil de communication grâce à sa rapidité devient un moyen efficace,
certain et homogène pour transmettre l’information la plus fiable possible au
personnel qui, en attente de renseignements sûrs, se sent concerné et impliqué au
cœur de la situation. Il permet, par son adaptabilité, de minimiser l’influence des
média extérieurs sur le personnel qui, déjà informé préalablement par le réseau
interne de la compagnie, sera capable de distinguer les informations erronées.
Le deuxième outil est représenté par des dossiers spéciaux « Vol AF
4590 » existant sur la base informatique interne de la compagnie. Ces dossiers
compilent les informations de base et des données complémentaires
concernant l’accident du Concorde.
Ils regroupent l’essentiel de l’information à caractère informatif et officiel
(communiqués des flash actu) mais également une information à caractère plus
humain et solidaire telle : lettre du Président Spinetta au personnel AF, lettres du
Président de la République, du Premier Ministre, du Syndicat National des Pilotes
de Ligne, du Ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement ou encore
des témoignages de solidarité, des messages de condoléances, des hommages aux
victimes de toute part.
30
Le troisième outil de communication à l’interne, non informatisé, est le
Journal du Groupe Air France intitulé « Concorde » (ironie du sort) qui a été
l’objet d’une édition spéciale le 29 juillet 2000, soit 4 jours après l’accident.
L’objectif ici n’était évidemment pas d’informer le personnel le plus rapidement
possible sur l’accident mais de l’encadrer et de l’unifier face à une telle situation.
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En signe de respect du deuil des familles, le tirage était en noir et blanc. La page de
couverture portait le titre « Hommage à l’équipage du Concorde AF 4590 » ; deux
photos représentant d’une part, la cérémonie religieuse en l’Eglise de la
Madeleine (27 juillet) et d’autre part, le rassemblement du personnel de la
compagnie lors de la cérémonie au siège d’Air France (28 juillet) ; une phrase
extraite du discours prononcé par le président Jean-Cyril Spinetta et l’identité des
membres de l’équipage de l’avion accidenté.
Ces images et ces mots symbolisent un recueillement général au sein du
personnel de la compagnie envers les personnes disparues. La diffusion de ces
éléments dans le journal de l’entreprise permet de rassembler et d’unifier le
personnel autour du même événement, en transmettant un sentiment
d’appartenance et d’implication devant une telle catastrophe. Le but est d’entretenir
et de consolider l’esprit de groupe et même de « famille » au sein de l’entreprise.
Ces moyens de communication permettent de répondre, en partie, aux
attentes et préoccupations des salariés de la compagnie.
Quant au Président d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, son rôle a été
d’unifier l’ensemble de son personnel face à un tel accident. Son discours, à
l’occasion de la cérémonie religieuse destinée au personnel de la compagnie, a eu
pour but de rassembler et assurer ses salariés de son « absolue confiance ». En
rendant hommage aux victimes de la catastrophe, le président de la compagnie a
exprimé sa profonde émotion tout en réaffirmant les valeurs qui symbolisent la
compagnie et son personnel : compassion, recueillement, exigence, fierté, service,
unité, solidarité, éthique, souvenir.
2. Communication de crise vers l’externe
Dans un cas comme celui-ci, autrement dit le premier accident grave d’un
Concorde impliquant la mort d’une centaine de personnes en pleine période de
trafic aérien intense, la communication de crise de la compagnie envers les
média nationaux et internationaux ne pouvait pas être plus attendue.
Dans l’ensemble, Air France a démontré une forte capacité de réactivité et
de transmission de l’information face à l’urgence exigée par la crise elle-même.
Placée sous le signe de la transparence et de la recherche de la vérité envers
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tous les publics, la communication de crise de la compagnie aérienne est restée
fidèle à sa renommée mondiale, qui traduit confiance et qualité dans ses services.
La base de la communication de crise envers les média s’est faite par des
communiqués de presse, également disponibles sur le site Internet de la
compagnie. Il convient ici de donner quelques détails concernant ceux-ci afin de
juger de leur qualité, rapidité et efficacité.
- communiqué du 25/07
- 17h45 (soit une heure après l’accident) : annonce du crash et caractéristiques
sommaires de l’avion et du vol, faire-part de l’émotion du président d’AF.
- 18h20 : précisions sur l’accident, mise en place de la cellule de crise et des
numéros verts.
- 21h30 : précisions techniques sur l’avion Concorde, annonce mission
d’investigation et commission d’enquête et décision d’interrompre vols
Concorde le lendemain.
- 22h30 : accueil et regroupement des familles à Roissy.
- communiqué du 26/07
- 11h00 : discours de la conférence de presse de François Brousse, directeur
de la communication de la compagnie, qui précise conditions du centre
d’accueil des familles et moyens disponibles pour les soutenir.
- 13h10 : informations complémentaires précisant cause technique et cause
d’exploitation du départ retardé du vol AF 4590.
- communiqué du 27/07
- hommage aux victimes.
- le BEA communique les premiers éléments de l’enquête technique.
- avance aux familles des victimes et prise en charge des obsèques.
- communiqué du 28/07
- AF dément information publiée par un quotidien selon laquelle une pompe
de postcombustion aurait été changée le matin de l’accident.
- Discours du Président Spinetta à l’occasion de la cérémonie religieuse pour
le personnel de la compagnie.
- communiqué du 30/07
- AF fournit une assistance immédiate à la famille Chundunsing.
- communiqué du 03/08
- mise au point sur déflecteur d’eau installé sur le train d’atterrissage.
- communiqué du 17/08
- indemnisation des ayants-droit.
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Comme nous pouvons le constater, la diffusion des communiqués s’est
concentrée sur la semaine suivant l’accident, afin de répondre dans les meilleurs
délais. Par ailleurs, depuis août 2000, d’autres communiqués sont parus de manière
plus espacée dans le temps afin d’apporter des éléments complémentaires
concernant l’accident, chaque fois que cela était nécessaire.
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De manière générale, les communiqués de presse ont fait preuve de rapidité
et de cohésion dans l’annonce des différents événements concernant l’accident.
Présentant à la fois un caractère informatif (faire savoir ce qui s’est passé et ce qui
se passe), explicatif (donner des pistes de compréhension),et justificatif (démentir
informations erronées et autres rumeurs), ces communiqués traitaient tous les
aspects de la situation : technique, logistique, commercial et économique,
réglementaire et essentiellement social et humain.
En parallèle, le Président et le Directeur Général ont tenu une conférence
de presse 3 heures après l’accident. Le lendemain, le Directeur de la
Communication s’est exprimé de la même manière, essentiellement à l’attention des
familles des victimes pour les renseigner sur leur accueil.
De plus, des porte-parole représentant la compagnie ont répondu à des
interviews sur des sujets particuliers chaque fois que nécessaire.
3. Réactions de la presse nationale et internationale
L’accident du Concorde AF 4590 a fait la une de la presse nationale (dont
Le Figaro, Le Monde, La Tribune, L’Humanité, Les Echos, Le Parisien, FranceSoir, Libération sauf La Croix) et a eu un écho important parmi les média
internationaux.
Dans son ensemble, la presse française et étrangère a traduit les mêmes
sentiments face au terrible accident : stupeur, consternation, émotion, tristesse…
La majorité des journaux nationaux et internationaux ont d’abord publié un
contenu d’information factuelle et historique, sans doute expliqué par la
surprise et l’interrogation devant un tel drame.
Après le descriptif des circonstances de l’accident et de ses
conséquences, les média et surtout la presse vont progressivement poser des
questions, soulever des interrogations voire exprimer des doutes pour tenter de
comprendre les causes de l’accident. Ainsi, dans un premier temps, on regrette et
ensuite, on questionne, critique, juge voire attaque.
En France, les différents quotidiens et hebdomadaires soulèvent les points
critiques suivants :
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- la mise en cause de défaillances techniques pouvant expliquer l’accident
(contrôles techniques des avions, réparations des moteurs, pompe de
postcombustion, train d’atterrissage, inverseurs de poussée, ailes fissurées,
pneus usés etc…),
- d’ éventuelles réparations cachées par la compagnie,
- le manque de surveillance concernant la maintenance et l’entretien de la flotte
aérienne,
- la relance de la polémique concernant l’ouverture d’un troisième aéroport en
région parisienne et la sécurité des zones habitées situées dans un couloir aérien,
- la liste des précédents incidents des avions Concorde et notamment celui du 8
avril 1988 inavoué par la compagnie,
- les soupçons portés sur le haut fonctionnaire désigné pour présider la
commission d’enquête sur l’accident qui serait également un membre influent
du conseil d’administration du Groupe Air France et des Aéroports de Paris,
- l’avenir du supersonique face à la concurrence des avions d’affaires haut de
gamme.
La presse allemande, premier écho car pays d’origine de la majorité des
passagers, parle d’abord de la ruine d’un symbole technologique et économique et
de la destruction du mythe du Concorde. Très vite, elle évoque de nouvelles
mesures de sécurité dans le transport aérien en remettant en question l’usage
excessif des appareils et la remise en service du Concorde dont les inconvénients
(tels l’âge élevé des avions, le bruit généré, la forte et dangereuse consommation de
kérozène, le coût élevé d’exploitation et de maintenance et la rentabilité relative)
devraient faire réfléchir les compagnies et gouvernements français et britannique.
Un journal soulignera même la volonté de prestige de Air France et British Airways
en possédant les avions Concorde pour se distinguer des autres compagnies
aériennes.
La presse britannique, d’abord élogieuse et nostalgique, s’interroge sur les
causes de l’accident et sur les craintes de la clientèle affaires. Un journal pose la
question de la constance de la qualité de l’entretien de la flotte Air France exprimé
implicitement parmi le personnel de British Airways.
Par ailleurs, un autre journal anglais critique une partie de la presse allemande qui
n’a pas fait référence à l’accident et qui est restée dans l’attente passive de la
publication de la liste des passagers, sans mobilisation d’équipes de reportage et
faisant preuve d’un grand manque de réactivité et de réponse face aux lecteurs
allemands inquiets.
Les presses américaine et espagnole reprennent et soulèvent les mêmes
thèmes de réflexion que leurs confrères : âge élevé des appareils, non-respect de
certaines normes, questions sur les causes de l’accident, histoire du Concorde.
34
Face aux diverses questions, plaintes voire accusations des média, la
compagnie aérienne répond par une communication digne de sérénité et de
respect à l’égard de ce qui s’est passé. Elle confirme ou infirme ce que peuvent
rapporter les média par l’intermédiaire des communiqués de presse.
Sans doute la notoriété et l’image d’Air France suffisaient à elle-même
pour permettre aux responsables de la communication de ne pas répondre à
certains propos et autres gros titres dérangeants ou provocants. Certes, parfois, il a
fallu expliquer davantage, justifier et même démentir certains faits.
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Il faut citer ici deux cas particuliers de rumeur, auxquelles Air France n’a
pas jugé nécessaire et pertinent de répondre. A plusieurs reprises, les média ont
exprimé leurs soupçons concernant l’enchaînement des événements.
Tout d’abord, quand British Airways décide de poursuivre ses vols Concorde
à la suite de l’accident, il a été tout de suite facile de comparer les deux compagnies.
Autrement dit, British Airways continue de poursuivre ses vols car sa flotte n’est
pas accusée de problèmes techniques comme celle d’Air France, qui elle est obligée
de s’arrêter. Ce que la majorité ignore c’est qu’Air France était continuellement au
courant à l’avance des décisions stratégiques de British Airways.
Ensuite, quand British Airways a arrêté l’exploitation de sa flotte Concorde,
suite à la seul suspension du certificat de navigabilité des avions Concorde, certains
journalistes ont interprété ce fait comme si British Airways, par cet arrêt, couvrait
les éventuelles négligences et points faibles techniques d’Air France. En fait, British
Airways n’a pas eu le choix car la suspension du certificat concernait les deux
compagnies.
Face à ces rumeurs complètement infondées, Air France est demeuré sereine
car elle était la premère à connaître la véracité des faits alors que les média ne
connaissaient qu’une partie visible et partielle de la réalité.
En faisant preuve de communication directe et de transparence totale
concernant l’information diffusée, notamment par la voix du Président, la
compagnie a su atteindre des objectifs précis, éviter des conséquences négatives sur
son image et garder une ligne de conduite cohérente.
Nous pouvons citer ici deux actions de non-communication en signe de
respect par rapport à l’accident survenu : la suppression de la distribution gratuite
de la presse à bord des appareils le lendemain et surlendemain du crash et l’arrêt
immédiat de la campagne publicitaire « Faire du ciel le plus bel endroit de la Terre »
dans les média télévision, presse et affichage.
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4. Points d’analyse complémentaires
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Deux éléments pourraient expliquer les conditions favorables à la
communication de la compagnie.
En premier lieu, le caractère accidentel et inexpliqué de l’accident, et
par extension de la crise, a réduit les marges de manœuvre des média nationaux ou
internationaux. En effet, ils pouvaient difficilement rejeter la faute sur Air France
étant donné la mise en place d’une commission d’enquête chargée d’élucider
(encore aujourd’hui) les vraies causes de l’accident. Tant qu’on ne sait pas la vérité,
on ne peut pas accuser. A l’inverse, Air France a eu plus de marge de manœuvre
pour se défendre et décliner sa culpabilité en déclarant attendre les résultats de
l’enquête. Concernant la responsabilité de l’accident, Air France l’a tout de suite
assumée, avant que les média y fassent référence le lendemain de la catastrophe.
Le deuxième facteur, plus indirect mais significatif, réside dans le fait qu’une
partie de la compagnie est détenue par l’Etat. Ainsi, la responsabilité voire la
culpabilité publique est plus difficilement attaquable, surtout quand il manque des
preuves pour appuyer les propos des média. La présence de l’Etat parmi les
actionnaires d’Air France ne peut certes pas innocenter la compagnie s’il s’avère la
découverte d’une faute grave mais en tout cas pour l’instant, cet élément a sans
doute joué un rôle dans la situation. Autrement dit, une entreprise à caractère de
service public où l’Etat est encore impliqué, possédant un passé historique
(notamment grâce au Concorde) et d’une renommée internationale concernant la
qualité de ses services, bénéficie d’une crédibilité et d’un pouvoir de justification
supérieur face à la critique.
A l’issue de cette analyse, nous avons cherché à éclaircir plusieurs points de
réflexion concernant la communication de crise d’Air France. Nous les avons
réunis dans un questionnaire que nous avons adressé aux personnes concernées de
la compagnie. Il convient donc d’expliquer certains points soulevés dans ce
questionnaire (cf. annexes).
En terme de gestion de communication après-crise, nous avons soulevé
deux questions concernant : le contrôle de l’impact et de l’efficacité de la
communication (quels moyens et quels résultats) ; les enseignements tirés pour
améliorer la communication (erreurs, faux pas, oublis…) et une éventuelle réflexion
ou remise en question de la communication de crise mise en place.
Toutes les retombées presse ont été étudiées, y compris à l’étranger, et des
actions correctives lancées lorsque nécessaire. Par ailleurs, une étude a été réalisée
par un cabinet indépendant, à son initiative, qui a démontré l’excellente qualité
de la communication. En outre, le retour d’expérience a été exploité et
débouchera sur des aménagements ponctuels au niveau du plan de communication.
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En effet, quelques temps après le cœur de la crise, il est instructif de prendre
en considération l’ensemble des média et publics et de mesurer, évaluer tant bien
que possible si la communication de crise établie auparavant a été bien perçue,
comprise, acceptée. Il faut avoir un retour sur ce qui a été fait afin d’en tirer des
conclusions positives ou négatives. Communiquer en cas de crise c’est aussi se
remettre en question pour mieux faire la prochaine fois.
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A l’issue de ces présentations et analyse concernant la communication de
crise d’Air France, pendant et après l’accident du Concorde, l’observation
principale réside dans le fait que la compagnie aérienne a visiblement tout fait pour
communiquer efficacement et dignement :
- rapidité et réactivité face à l’urgence de réponse et à l’attente
d’information,
- fiabilité et vérité concernant le contenu de ses communiqués,
- disponibilité et adaptabilité envers les différents publics concernés,
- qualité et responsabilité dans les actions de communication engagées.
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SSeeccttiioonn V
VIIII
E
miiqquueess eett ssttrraattééggiiqquueess
Ennjjeeuuxx ééccoonnoom
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Trois semaines après le crash du supersonique, la compagnie britannique British
Airways a décidé à son tour d’annuler les vols de ses sept Concorde. Une mesure
qui a été prise par Air France dès le lendemain de la catastrophe.
En attendant que les causes exactes du crash soient éclaircies, les autorités
d’aviation civile imposent aujourd'hui la suspension du certificat d'aptitude au vol
du Concorde. Quel serait l’impact de cette suspension sur l’activité d’Air
France au niveau financier, commercial et stratégique ?
1) Impact à court terme
L’accident du Concorde a entraîné comme effet immédiat une forte volatilité
du titre Air France au point de nécessiter une suspension de cotation. En effet,
lorsque le cours d’un titre chute de plus de 10% par rapport à son dernier cours de
cotation, la réglementation veut que le titre soit suspendu pendant 15 mn.
Finalement le titre a baissé de seulement 3,5% sur le cours de clôture de la veille.
Parallèlement, le titre de British Airways a également été perturbé à la Bourse de
Londres. Il a finalement baissé de 2%. Le marché craint que la suspension de vol
des Concordes n'entame sa profitabilité..
2) Impact à moyen et long terme
Un retour sur investissement long et difficile
Le Concorde s’est révélé un projet coûteux. En effet, le vol supersonique a
coûté très cher non seulement aux contribuables français mais également anglais.
En 1964, Paris et Londres avaient évalué le coût du projet à 3 088 millions de
francs. Ce coût est ensuite passé à 7 milliards. Cette augmentation est attribuée à
l’augmentation des salaires et à la décision annoncée en 1966 d’allonger le fuselage
de l’avion pour accroître sa capacité en passagers.
Ce chiffre global comprend 5,2 milliards pour le développement de l’appareil et
1,8 milliards pour les dépenses supplémentaires, en plus des coûts liés à la
construction de pistes spéciales pour ce type d’appareils.
Mis à part les coûts liés au développement du projet, L’activité du concorde
continue à engendrer un certain nombre de dépenses.
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Coûts d’exploitation et d’entretien élevés
La direction de la Maintenance assure l'entretien "en ligne", qui va du
contrôle prévol et de la visite quotidienne, avec des interventions de deux à trois
heures, jusqu'aux visites qui immobilisent l'avion entre un et deux jours après
environ 650 heures de vol. Elle effectue l'ensemble des opérations de petit et grand
entretien de la flotte Concorde, y compris la "grande visite". Il y’a donc une
mobilisation indispensable en termes de moyens techniques de personnels etc.
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Il existe également des coûts qu'il faudrait probablement consentir pour
modifier un appareil qui subit des contraintes à cause du passage du mur du
son. Concorde est une « machine d'une mise au point extrêmement fine, dont la
structure se déforme à chaque fois qu'il dépasse la vitesse du son ».
Une éventuelle reprise des vols impliquerait des solutions coûteuses
Le rapport du Bureau enquêtes-accidents permettra de préciser les mesures
de sécurité à adopter par Air France et British Airways. Une fois la tâche du Bureau
finie et les modifications à effectuer sur les avions connues, il restera ensuite à
savoir si British Airways et Air France, les deux seules compagnies aériennes qui
exploitent le Concorde, accepteront de prendre en charge le coût des
transformations. La plupart des experts estiment que la mise en place d'une
éventuelle solution sera longue et coûteuse alors que le supersonique ne peut
espérer voler que pendant une quinzaine d'années au maximum. Par ailleurs, la
marge bénéficiaire du supersonique est trop faible pour que les deux compagnies
consentent à consacrer beaucoup d'argent aux modifications à faire.
Si l'impact financier est relativement faible pour Air France, la compagnie devra
revoir sa politique commerciale sur l'Atlantique Nord.
La perte d’un atout commercial
Comme pour le cas British Airways, à qui se pose le même problème, la
suspension des vols Concorde ne constitue pas un problème financier pour les
deux groupes. Pour Air France, le chiffre d'affaires réalisé par les vols de l'appareil
supersonique représente 700 millions de francs sur un total de 67,7 milliards de
francs , dont 100 millions pour les vols charters. L'activité Concorde est
bénéficiaire de près de 20 millions de francs. « Une goutte d'eau » par rapport au
résultat net de la compagnie française qui s'est élevé au cours du dernier
exercice (1999-2000) à 2,32 milliards de francs. Les chiffres sont à peu près
similaires chez BA : 2 % du chiffre d'affaires et entre 1 % et 6 % du bénéfice
d'exploitation.
Mais en perdant cet appareil, les deux compagnies voient s'échapper un
atout décisif pour gagner et conserver la clientèle dite de très haute
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contribution (riches hommes d'affaires et grands patrons) : celui de la vitesse. En
mettant un peu plus de 3 heures pour relier les deux capitales européennes à New
York, Concorde permettait à cette catégorie très haut de gamme de passer la
journée à New York et d'être de retour en Europe dès le lendemain matin.
Pour conserver cette clientèle (soit 60 à 65 passagers en moyenne par avion),
les deux compagnies vont devoir organiser leurs horaires de vol sur les Etats-Unis,
évaluer la possibilité de mettre en place un nouveau programme se rapprochant de
l'offre unique proposée par Concorde. Les deux compagnies vont aussi devoir
réfléchir à leurs offres de services en première classe, en vol et au sol, à
l’enregistrement, salons (les passagers de Concorde avaient un salon particulier)...
Une réflexion d'autant plus importante qu'Air France et British Airways ne vont
pas être confrontées à la seule concurrence des autres compagnies aériennes, mais
aussi à l'intérêt toujours plus grand de cette clientèle pour l'aviation d'affaires.
Par ailleurs, il serait difficile pour les compagnies de conserver l’image même
du Concorde. En effet, longtemps considéré comme étant un symbole de haute
technologie, de glamour et de fascination, le Concorde est perçu aujourd’hui
comme un symbole de fragilité. Le crash a soulevé des inquiétudes communes à la
clientèle concernant :
- l’entretien des appareils et leur maintenance, Est-ce que la guerre des tarifs
n’aurait pas conduit la compagnie « à prendre quelques libertés» avec la
rigueur de la maintenance…
- La forte corrélation entre l’âge des appareils et les accidents.
Certes, le Concorde avait pour avantage majeur d’effectuer un vol deux fois
plus court qu’un appareil ordinaire mais les consommateurs réévaluent cet avantage
par rapport aux risques qu’ils encourent.
3) Evolution du marché
Les données du marché connaissent certaines modifications non seulement
par rapport aux consommateurs et leurs réactions vis à vis de l’accident du
Concorde mais également, par rapport à une évolution de l’offre de service dans le
secteur. En effet, plusieurs compagnies développent leurs prestations et leurs
produits (avions) de manière à se démarquer de la concurrence.
Nouveau créneau porteur : l'aviation d'affaires
L’aviation d’affaires a généré toute une série de solutions pour mettre à la
portée des entreprises moyennes des avions privés par le biais de la propriété
partagée. Chaque souscripteur dispose d'une part de l'avion et peut donc l'utiliser,
avec un équipage, selon ses besoins.
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L'annonce par Dassault d'une commande de 100 avions d'affaires par la
compagnie américaine United Airlines « a mis les feux de l'actualité » sur ce
nouveau créneau porteur. Les jets de transport régional peuvent en effet évoluer
vers des avions d'affaires ou en dériver.
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Démarche a priori surprenante, Boeing et Airbus ont investi dans les gros
avions d'affaires, le premier à partir du 737 dit de « nouvelle génération ». L'un et
l'autre proposent ces produits à une clientèle exceptionnelle où l'on trouve surtout
des émirs, comme celui de Brunei voyageant avec quelques invités privilégiés à
bord d'une luxueuse cabine équipée de bars, bureaux, salle de réunion, salons, salles
de bains et chambres à coucher. Une cabine où domine le luxe, décorée à la
demande de l'acheteur (bois en loupe d'orme, cuirs de vachette), avec un personnel
de service travaillant exclusivement pour le compte de ces clients richissimes.
Une niche convoitée : le développement d’un Jet d'affaires supersonique
Tous les constructeurs évoluant sur ce marché tentent d'attirer une clientèle
spécifique. Soit avec des appareils à grande distance franchissable à haute altitude
et grande vitesse, en tout point comparable aux caractéristiques des avions de ligne,
soit avec des avions un peu moins performants en termes techniques mais offrant
une cabine plus spacieuse, ce qui est en particulier le cas des appareils de
Bombardier. Dassault est en train d'étudier un jet d'affaires supersonique, un petit
Concorde réservé à un cercle très restreint de privilégiés
La fin du Concorde pourrait relancer les études sur la prochaine
génération de supersoniques. Evoqué à intervalles réguliers par les avionneurs
pour être immédiatement enterré, le dossier du supersonique d'affaires pourrait
refaire surface rapidement. Entre l'arrêt de l'exploitation du Concorde, à la suite de
l'accident du 25 juillet, et l'arrivée des compagnies aériennes sur le marché de
l'aviation d'affaires, des analystes estiment en effet que l'environnement paraît
aujourd'hui plus propice au développement d'un avion d'affaires supersonique.
Ainsi, aux Etats-Unis, Gulfstream n'a pas abandonné tout espoir.
L'avionneur, qui est associé dans le projet de supersonique d'affaires à Rolls-Royce
et Lockheed Martin, vient de recevoir le soutien d'Executive Jet, le leader mondial
de l'aviation d'affaires, qui a rejoint l'alliance. Se basant sur deux études de marché,
l'avionneur américain évalue le marché potentiel pour un supersonique d'affaires à
200 appareils. Un marché qui devient significatif et pourrait s'accroître avec l'arrivée
des compagnies aériennes dans cette activité de niche.
Chez Airbus par exemple, on estime ainsi que la commande obtenue auprès
de Qatar Air traduit la tendance du marché : les compagnies s'intéresseraient en
effet à l'aviation d'affaires pour offrir un service spécifique, sur mesure, à leur
clientèle haut de gamme.
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L’accident du Concorde a eu comme effet immédiat un impact boursier mais
sans grandes conséquences. Cette volatilité du titre d’Air France aurait bien pu
déboucher sur une crise encore plus grave mais les variations boursières se sont
vite stabilisées.
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Par ailleurs, le crash du Concorde n’a pas eu de conséquences majeures sur
l’activité de la compagnie. Bien au contraire, cette dernière connaît un chiffre
d'affaires en progression de 18,9% et un Résultat d'exploitation en hausse de
23,4% après une hausse de 60 % de la dépense de carburant. (+ 609 millions
d'euros). De plus, son exercice 2000-01 a connu une forte activité : le coefficient
d'occupation a crû de deux points à 78,1%. Au sein de l'association des compagnies
européennes (AEA), Air France a encore gagné des parts de marché, passant de
14,9% du trafic l'an passé à 15,3% au 31 mars 2001.
A croire que la crise du Concorde a produit plus d’effets positifs que négatifs.
Serait-ce lié à une réduction de coûts engendrés par ce type d’appareil ? Par ailleurs,
la suspension du certificat de navigabilité suppose la perte d’une certaine part de
bénéfices or, cela n’a produit en aucun cas des conséquences au niveau des résultats
financiers. Quelle serait alors l‘utilité de la reprise d’une telle activité ?
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SSeeccttiioonn V
VIIIIII
D
Daannss ll’’aatttteennttee ddee llaa rreepprriissee ddeess vvoollss
POLEMIQUE AUTOUR DU TROISIEME AEROPORT PARISIEN
Après l’accident du Concorde, deux questions ont été soulevées par rapport à :
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• La construction d’un troisième aéroport parisien pour soulager celui de
Roissy Charles de Gaulle qui est proche de la saturation ;
• Et le site à envisager pour construire cet aéroport.
Les réactions par rapport à ce débat se sont multipliées après l’accident du
Concorde notamment que ce dernier s’est abattu sur l’hôtel « Hotelissimo » à
Gonesse causant ainsi plusieurs morts et blessés.
# Certaines réticences subsistent à la construction de l’aéroport
- Un tel projet pourrait nuire au budget des Finances Publiques et
l’Aménagement du Territoire ;
- Certaines conditions devraient être remplies : cet aéroport devrait être le plus
éloigné possible des zones urbaines, proche à la fois du TGV et d’une autoroute
passant par Roissy et Paris et être situé dans un espace non encombré.
# D’autres solutions sont proposées pour éviter la construction du
troisième aéroport
- Exploiter les aéroports d’Orly-Sud et d’Orly-Ouest qui sont largement sous
utilisés selon le vice-président du groupe Démocratie Libérale ;
- Continuer la construction de la quatrième piste de Roissy-Charles-de-Gaulle ;
- Instaurer un « couvre-feu » à l’Aéroport de Roissy car c’est le « seul aéroport
français où il y a des vols de nuit ».
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UN AN APRES L’ACCIDENT : HOMMAGE
Voilà presque un an que la terrible catastrophe a eu lieu. Comme l’enquête
suit son cours et tente d’expliciter davantage l’origine de l’accident, Air France a
moins communiqué et les média en ont moins parlé. Les esprits se sont apaisés
mais n’ont pas oublié.
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Le 25 juillet 2001 sera l’occasion de rendre hommage aux victimes disparues
lors du crash ainsi que de soutenir les familles des passagers, de l’équipage et des
personnes se trouvant au sol.
Environ un mois avant la date anniversaire rappelant la terrible catastrophe,
nous avons cherché à savoir quels étaient les préparatifs de commémoration que
prévoyait la compagnie aérienne afin de remémorer ce qui s’est passé devant son
siège social.
Air France organisera une célébration afin de rappeler leur souvenir, dans le
respect de leur mémoire, à laquelle sera associé le personnel de la compagnie.
REPRISE DES VOLS CONCORDE
Le 18 janvier 2001 la Direction Générale de l’Aviation Civile a délivré un
laissez-passer provisoire pour le vol qui permet à un Concorde de quitter Roissy
afin de rejoindre la base aérienne du Sud-Est, Istres, munie d’une piste de 5
kilomètres. Le supersonique français s’envole afin de subir une série d’essais
techniques et de procéder à des roulages à très grande vitesse pour étudier les flux
de carburant qui ont provoqué l’incendie. Un Concorde de British Airways procède
quand à lui à des essais en vol. Ces essais durent deux semaines sous la direction
d’EADS Airbus.
A Istres, l’avion d’Air France effectue des essais de roulage sur piste à haute
vitesse (environ 320 km/h), soit la vitesse limite de décision ou non de décollage.
L’objectif consiste à projeter sur l’avant du Concorde des masses de liquide de
couleurs différentes afin d’étudier par la suite les flux sur l’aile, le train d’atterrissage
et les deux réacteurs jumelés.
Le 11 janvier 2001, la DGAC a délivré de nouveau un laissez-passer
provisoire pour le vol d’un Concorde Air France de Paris vers Istres où l’avion va
subir des tests au sol et en vol avec de nouveaux pneus Michelin. La DGAC a
aussi donné son accord pour un vol de contrôle en boucle (de Roissy à Roissy) de
l’appareil d’Air France.
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De manière parallèle, il a été décidé de renforcer l'intérieur des ailes du
Concorde, qui servent de réservoir, avec des panneaux de kevlar. Il s'agit d’un
matériau composite à la fois résistant et léger. Un tel dispositif doit empêcher la
propagation d'une onde de choc et limiter les risques de fuite de carburant en cas
de perforation de l'intrados (le dessous de l'aile). Les nouveaux circuits de
carburant ainsi modifiés devront bien sûr être validés dans toutes les conditions de
vol avant d'être adoptés.
Les Anglais de British Airways ont été les premiers à modifier un de leurs
appareils en début d'année, et Air France vient seulement de recevoir ses kits pour
en équiper au moins un de ses avions. Ces travaux sont complexes et posent des
problèmes techniques à cause de l'exiguïté des ailes dans lesquelles des hommes
doivent se glisser, mais aussi de la toxicité inhérente aux produits employés.
L'autre grand chantier concerne les pneumatiques, véritable talon d'Achille
du Concorde avec 57 incidents recensés entre 1976 et l'accident de Roissy. Depuis
plusieurs années, les Concorde de British Airways utilisaient des pneus Dunlop,
alors que Air France faisait confiance à l'américain Goodyear pour cet équipement.
Le rapport d'enquête établi qu'après éclatement d'un des pneumatiques (l'avantdroit) du train gauche, d'importants débris de gomme et de la structure métallique
du pneu ont été projetés sur l'aile, dont un morceau qui pesait plus de quatre kilos.
Sollicité par les exploitants de l'appareil, le manufacturier Michelin, dont la
réputation n'est plus à faire dans le domaine des pneus à carcasse radiale, a planché
sur l'énorme cahier des charges du pneu Concorde, le seul pneumatique de
l'aviation civile à encaisser des contraintes dignes d'un avion de chasse.
Ces nouveaux pneus Michelin sont depuis le 17 avril l'objet de nombreux
essais sur un Concorde d'Air France, tout juste sorti d'une grande visite qui a duré
plusieurs mois. La première semaine, les techniciens d'EADS ont procédé à des
tests statiques de sortie et rentrée du train d'atterrissage avec les nouveaux pneus
Michelin, l'appareil étant posé sur des chandelles. Les premiers essais de roulage
ont été effectués sur piste mouillée, puis sèche. Ces roulages effectués à haute
vitesse (plus de 200 km/h) ont permis de mettre à l'épreuve les ensembles roulants
et les freins. Les essais de décollage et d'atterrissage sont déjà prévus. Le Concorde
F-BTSD équipé de ses nouveaux pneus devra alors satisfaire à plusieurs rotations.
Mais le chemin est encore long avant que le supersonique franco-britannique
ne retrouve son certificat de navigabilité. Jean-Claude Gayssot, qui avait été à
l'origine de l'interdiction de vol de cet appareil, est toutefois optimiste pour que cet
« événement » intervienne au début de l'automne.
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Air France est l’un des plus importants transporteurs aériens du monde.
Il est aussi l’un des deux uniques exploitants du Concorde. Un appareil mythique,
avion de rêve, devenu réalité après des décennies d’efforts franco-britanniques au
niveau de la recherche et développement, de la production et de la finition.
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Le fait qu’un avion de ce type s’écrase le 25 juillet 2000, moins d’une minute
après le décollage, quittant le hub de Roissy CDG, devant le siège de la compagnie,
ne pouvait être plus tragique. C’était en effet une tragédie pour les victimes de
l’accident, pour Air France et son personnel, pour la flotte des Concorde, touchant
ainsi leurs jumeaux britanniques et leur exploitant British Airways.
L’aviateur français, grâce à sa grande expérience accumulée à travers les
décennies, est doté d’un dispositif d’urgence qui, face à des situations critiques,
met en place immédiatement une cellule de crise. Cette dernière a la mission de
définir et de coordonner les mesures nécessaires pour faire face à la crise. Ses
champs d’action, bien que principalement orientés logistique, vu le type d’activité,
englobent la quasi-totalité des services de la compagnie.
Le crash du 25 juillet 2000 marque le début d’une crise plus grave, non
seulement pour Air France, mais aussi et surtout pour la flotte Concorde, y
compris celle se trouvant outre-manche. Ainsi, suite aux différentes enquêtes et
investigations, les autorités de l’aviation civile française et britannique retirent les
certificats de navigabilité des Concorde de Air France et de British Airways
respectivement.
Toutefois, les causes de l’accident ne sont pas définitivement arrêtées
et la responsabilité du drame reste indéfinie entre les différentes parties
impliquées. Il s’agit notamment de Air France, des constructeurs du Concorde,
des constructeurs des moteurs, des fabricants des pneus, des Aéroports de Paris et
de la compagnie américaine Continental Airlines.
Par ailleurs, la gestion de la crise ne se limite pas à bien maîtriser la situation
mais aussi à le faire savoir, en informant, répondant aux interrogations, réagissant
aux attaques et à la désinformation et défendant sa position et ses décisions. Ainsi,
le service Communication de Air France, en collaboration avec la cellule de crise, a
joué un rôle primordial dans le management de l’information. La
communication devait rassembler et consolider en interne, clarifier et rassurer en
externe.
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Ainsi, la grande réactivité dont Air France a fait preuve, la justesse dans ses
décisions de logistique et la transparence qui a marqué sa communication lui ont
permis de cerner la crise. Ces éléments lui ont aussi servi pour empêcher un
énorme effet de boule de neige à conséquences néfastes. On ne sait pas,
heureusement pour la compagnie, l’impact que des accusations de défaillance
technique ou des soupçons sur le professionnalisme et la compétence des
personnels aurait eu sur l’activité du groupe. La gestion de crise a été en effet
efficace dans l’immédiat. La meilleure preuve : quelques jours après l’écrasement
du Concorde, l’affaire ne soulevait pas un grand intérêt dans les médias ; même
constat lorsque le certificat de navigabilité a été retiré.
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Cependant, concernant les impacts à long terme, au niveau stratégique,
l’activité Concorde n’a pas un futur assuré.
Tout dépend d’abord des résultats de l’enquête du BEA et du niveau de
culpabilité de Air France. La flotte Concorde risque d’être remise en question.
Ensuite, c’est tout un schéma économique à analyser, au cas où des
mesures et des modifications importantes doivent être faites pour revalider le
supersonique : sachant que la flotte a une espérance de vie jusqu’à 2015, les
transporteurs Air France et British Airways pourraient décider de ne pas investir.
Le fait est que le retour sur investissement ne se justifie pas et la part de l’activité
supersonique dans les chiffres d’affaires et les résultats des deux compagnies reste
minime. Ce scénario représenterait la mort du projet Concorde et l’enterrement
d’un symbole de la grandeur franco-britannique.
Enfin, les aviateurs pourraient devoir repenser l’organisation et
l’exploitation de leurs activités Concorde à travers un rapprochement entre les
deux. La réalité du présent est que Air France et British Airways sont des
concurrents appartenant chacun à une alliance mondiale concurrente de l’autre. Le
cas envisageable serait alors de créer une nouvelle entité, sous forme de jointventure dédiée exclusivement à l’activité supersonique. La France et la Grande
Bretagne étaient obligées de coopérer pour créer le Concorde ; aujourd’hui, Air
France et British Airways seraient obligées de coopérer pour le gérer et l’exploiter.
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revues de presse, presse spécialisée) en relation avec Mme Hélène Delacour.
- Entretien avec M. Jacques Bazin de la Logistique de crise Air France.
- Echange d’information par mail avec M. Philippe Chovard du service Presse
Air France.
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