éditorial
organes. Il ne possède pas de pouvoir pathogène connu et
pourrait être un exemple de virus commensal. Quelques ten-
tatives récentes de description d’une flore virale humaine
ont réservé des surprises. La majorité des virus à ARN
retrouvés dans le tube digestif sont des virus de plantes,
parmi lesquels le pepper mild mottle virus (PMMV) est
très représenté [8]. Ces virus sont très certainement appor-
tés par les aliments. Même si il est peu vraisemblable que
certains puissent infecter des cellules humaines, ces très
nombreux virus participent vraisemblablement à la mise en
place du répertoire de notre système immunitaire. Plusieurs
projets en cours devraient aboutir à une description plus
complète de notre « virome ». Ils font appel aux techniques
de « séquenc¸age profond » d’ARN extrait de divers organes,
couplées à des programmes informatiques qui permettent
de détecter des séquences étrangères à celle du génome de
l’hôte et apparentées à celles des grandes familles connues
de virus. Les résultats déjà publiés indiquent que la majo-
rité des séquences ainsi identifiées n’appartiennent pas à des
virus connus. Par ailleurs, des virus longtemps considérés
comme exclusivement animaux sont maintenant retrouvés
chez l’homme. C’est le cas du virus de Theiler déjà men-
tionné comme virus de la souris. Nous savons depuis peu
qu’il existe une famille de virus de Theiler humains, renom-
més virus Saffold, qui comprend un minimum de neuf
génotypes. Plus de 90 % de la population humaine possède
des anticorps contre au moins un des génotypes. Ils appa-
raissent tôt dans la vie indiquant que le virus est acquis
dans l’enfance. Nous ne savons rien d’un éventuel pouvoir
pathogène de ce virus [9]. L’existence d’un « virome »
humain, en équilibre dynamique avec notre système immu-
nitaire, commence donc à être discutée [10]. Une étude du
« virome » associé au SNC et aux organes lymphoïdes de
l’homme apporterait des résultats de première importance
pour le problème du rôle des virus dans la SEP.
Enfin, les virus ont été jusqu’à présent considérés essen-
tiellement comme des agents responsables de maladies.
Nous commenc¸ons seulement à discuter l’existence d’une
flore virale commensale responsable d’infections inappa-
rentes, souvent persistantes, comme dans le cas de TTV.
En revanche, la possibilité d’associations symbiotiques,
mutuellement bénéfiques pour le virus et son hôte, ne sont
pratiquement jamais évoquées. Par exemple, serait-il pos-
sible que l’association entre primates et EBV, qui remonte
à plusieurs millions d’années, ait été maintenue à cause
de l’existence de bénéfices réciproques ? Pour le virus,
une infection latente, périodiquement réactivée avec excré-
tion de virus dans la salive et les urines, assure le maintien
dans l’espèce de fac¸on très efficace. Ce pourrait-il que la
persistance de l’EBV dans les cellules B mémoires, que
cette infection met dans un état « pré-activé », favorise le
maintien d’un large répertoire d’anticorps prêts à être uti-
lisés contre des pathogènes dangereux ? Si tel était le cas,
quelques cas de mononucléose infectieuse, de cancers et
peut-être de SEP, seraient sans conséquences sur le plan de
l’évolution en regard d’un tel avantage sélectif.
En conclusion, nous devons considérer qu’il doit exister
chez l’homme un nombre important d’infections virales
persistantes que nous ignorons pour l’instant. Ce « virome »
doit être en équilibre dynamique avec notre système immu-
nitaire ; un équilibre influencé non seulement par des
facteurs génétiques mais aussi par les variations conti-
nuelles de notre environnement. Il contribue à la fois à
nous protéger contre des réactions auto-immunes et à en
induire certaines, selon sa composition, mais aussi des fac-
teurs génétiques et épigénétiques propres à l’hôte. Fort
heureusement, nos connaissances sur la métagénomique
microbienne et sur la génétique des maladies multifacto-
rielles augmentent rapidement. C’est vraisemblablement de
là que viendra une réponse à la question du rôle des virus
dans la SEP.
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