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Première leçon : La création selon les Ecritures
5
.
I. L’Ancien Testament
6
Au cours du XX
e
siècle, la théologie biblique a eu le grand mérite de mettre en
lumière l’articulation de la doctrine de la création avec celle du salut et de l’alliance
7
.
Comme l’enseigne le CEC : « La création est le fondement de ‘tous les desseins salvifiques de
Dieu’, ‘le commencement de l’histoire du salut’
8
». La Bible n’isole donc pas la création de
l’ensemble du projet sauveur de Dieu. Projet qui culmine dans l’alliance, les noces de Dieu
et de l’humanité. C’est à l’intérieur de cet ensemble que la création prend tout son sens.
Certes, Israël partageait avec ses voisins certaines représentations cosmogoniques
communes, certaines idées concernant l’origine du monde. De sorte qu’on trouve dans la
Bible de multiples échos des grandes représentations mythologiques, surtout
babyloniennes, du Proche Orient
9
. Mais, pour Israël, l’expérience fondatrice est celle de
l’exode et de l’alliance. Là, Dieu se révèle Dieu Sauveur, un Dieu qui intervient dans l’histoire
en faveur des hommes qu’il a choisis pour passer alliance avec eux. Cette conviction
centrale imprègne progressivement toute la vision du monde d’Israël et elle lui donne sa
spécificité. Peu à peu, surtout au moment de l’Exil, Israël comprend que cette action de Dieu
est universelle, ce qui exclut l’action de quelque autre dieu que ce soit (monothéisme strict).
Elle ne se limite pas à une ère géographique donnée, comme la Terre d’Israël
10
, mais elle
s’étend à tous les peuples et même à tout l’univers. C’est dans cette perspective qu’on en
vient à envisager la création du monde comme une intervention salvifique de Dieu. La
première. La plus universelle. Une sorte de prologue qui pose les cadres de toute l’œuvre de
salut, « le point de départ du dessein de Dieu et de l’histoire du salut, le premier des hauts
faits divins dont la série se poursuit dans l’histoire d’Israël
11
». La doctrine de la création se
trouve ainsi rattachée à ce qui définit le cœur de la foi d’Israël : la confession du Dieu
sauveur qui fait alliance avec son peuple. La geste créatrice de Dieu sera donc racontée sur
le modèle des grandes interventions salvifiques de Dieu dans l’histoire.
5
Parmi les exposés généraux sur la création dans la Bible, cf. G. L
AMBERT
, « La création dans la Bible », NRT
75 (1963), p. 252-281 ; L. S
CHEFFCZYK
, Création et providence, « Histoire des dogmes », Paris, 1967, p. 12-45 ;
R. G
UELLUY
, La Création, « Le Mystère chrétien », Paris, 1963, p. 12-34 ; F
OERSTER
, art. « ktizô » dans
Theological Dictionary of the New Testament, t. 3, 1966, p. 1000-1035...
6
Parmi les exposés généraux sur la création dans l’AT, cf. G.
VON
R
AD
, Théologie de l’Ancien Testament,
Genève, 1963, t. 1, p. 123-138 ; L. S
CHEFFCZYK
, Création, p. 13-29 ; R. G
UELLUY
, La Création, p. 11-30 ; W.
K
ERN
, « La création, présupposé de l’alliance dans l’AT » dans La Trinité et la création, « Mysterium salutis,
6 », Paris, 1971, p. 197-217 ; G. A
UZOU
, Au commencement Dieu créa le monde, L’Histoire et la Foi, « Lire la
Bible, 36 », Paris, 1973...
7
L’influence de K. Barth a été déterminante, cf. K. B
ARTH
, Dogmatique, vol. 3 : La doctrine de la création,
tome premier, Genève, 1960.
8
CEC n° 281 ; cf. n° 288.
9
Ainsi Isaïe fait-il encore allusion à la victoire du Dieu créateur sur les monstres du chaos originel : « N’est-ce
pas toi qui a fendu Rahab, transpercé le Dragon ? » (Is 51, 9). Sur la mythologie relative à l’origine des choses,
cf. La création du monde et de l’homme, « Suppléments au Cahiers Evangile, 38 », Paris, 1981 ; J. O’B
RIEN
et
W. M
AJOR
, In The Beginning : Creation Myths from Ancient Mesopotamia, Israël and Greece, Chicago, 1982 ;
La création et le déluge d’après les textes du Proche Orient ancien, « Suppléments au Cahiers Evangile, 64 »,
Paris, 1988...
10
Quoi qu’en pense Naaman, cf. 2 R 5, 17.
11
Paul A
UVRAY
, « Création », VTB, col. 225.