© Agence Alter 2005 – page 2
en termes par exemple de pollutions sonore ou
atmosphérique. Un état de fait, peut-être inconscient chez
beaucoup, mais qui a néanmoins été théorisé par Lawrence
Summers, ancien économiste en chef de la Banque mondiale
: celui-ci avait en effet conclu à la rationalité d’externaliser
les déchets des pays riches vers les pays pauvres !
2 L'ENVIRONNEMENT : UN PROBLEME DE PAUVRES
Contrairement à ce que tend à affirmer un discours
récurrent, l’environnement est bel est bien une question de
pauvres plus qu'un luxe de riches. S'il est vrai, selon
Jacques Theys, que l'émergence des préoccupations
environnementales est liée à celle des classes moyennes
urbaines et que, dès lors, c'est une approche très
consumériste de l'environnement qui a fini par triompher,
cette victoire a un coût. Entraînant pendant très longtemps
le désintérêt des syndicats à l’égard de ces problématiques,
cette conception « bourgeoise » a accentué la coupure entre
monde du travail et environnement, avec des conséquences
parfois catastrophiques (la question de l'amiante, par
exemple). Cette nécessité de mieux intégrer question
sociale et environnementale constitue d’ailleurs également
la conclusion de l’exposé de Joan Martinez-Alier (professeur
à l'Université Autonoma de Barcelone) au cours duquel il a
esquissé une typologie des conflits sociaux en fonction
d'indicateurs environnementaux. S'attachant à reconstruire
notre conceptualisation du commerce mondial, il a par
exemple rappelé que, d'un certain point de vue, le premier
partenaire économique de l'Espagne n'est pas l'Union
européenne, mais bien l'Afrique... à condition de mesurer
les échanges commerciaux en tonnes et plus en dollars. Un
angle de vue moins fantaisiste qu'il n'y paraît à première
vue dans la mesure où, parmi les nouveaux conflits sociaux,
beaucoup concernent l'accès et l'approvisionnement en
matières premières.
Cet impensé des liens entre environnement et inégalités
sociales n'est pourtant pas l'apanage du monde académique
: ni le mouvement associatif ni les partis écologistes n’ont
fait des inégalités face à l’environnement une question
politique majeure, comme si la rencontre de la question
sociale et de la question environnementale risquait
d'atténuer la portée de cette dernière en gommant son
aspect universel. Dressant une typologie des divers courants
environnementalistes (depuis l'écologie profonde, jusqu'à la
critique radicale du développement, en passant par la
critique de la technocratie ou la modernité écologique),
Edwin Zaccaï, professeur à l’IGEAT, a d'ailleurs rappelé que,
pour la plupart de ces courants, les préoccupations de
justice sociale n'occupaient qu'une place marginale voire
inexistante. En dehors du registre des discours, Edwin
Zaccaï a en outre déploré la trop grande rareté des projets
de réformes environnementaux intégrant des aspects
sociaux crédibles.
3 TERRITOIRE ET INEGALITES : REPENSER LA
QUESTION
Quant à Christian Vandermotten (professeur à l’IGEAT), il
s’est interrogé sur la pertinence de la notion de territoire
pour penser la question des inégalités. Partant du constat
que, depuis l’arrivée des aides régionales européennes, il n’y
a pas eu d’atténuation sensible des inégalités territoriales (à
quelques exceptions près, dont l’Irlande), il a plaidé pour
une augmentation des transferts sociaux et des services non
marchands. Sachant que ce sont les grands centres qui sont
les gagnants dans l’économie mondialisée, il est peut-être
plus efficient de viser le monocentrisme (plutôt que le
polycentrisme induit par les aides régionales) mais
d’augmenter alors les transferts de ressources
supplémentaires ainsi produites… C’est alors tout un modèle
de développement qui serait à revoir, au niveau européen
notamment.