Les Grecs consultaient les oracles sur toutes sortes de sujets. Si les dieux existent,
s’intéressent aux hommes, leur envoient des signes, il est normal que ceux-ci tentent de les
interpréter. C’est pourquoi ils croyaient d’autant plus à leurs oracles, oracles rapportés à fort
prix et au bout souvent d’un long voyage. Qui en effet se donnerait la peine de quitter son
logis, sa famille, son gagne-pain, pour consulter un oracle auquel il ne donnerait aucune foi?
Ce serait insensé. Si les Grecs croient en leurs oracles, c’est que ces derniers peuvent être
présents dans tous les aspects d’une vie, rendant la volonté et la parole du dieu. De même, si
les oracles sont si présents dans la vie quotidienne, c’est que les habitants les reconnaissent.
Et les auteurs de l’Antiquité ne font pas exception. Partout, ils rapportent des oracles
prédisant de grands malheurs, des oracles vagues et mystérieux qui frappent la destinée des
personnages racontés, marquant leur sort de la volonté divine. Les auteurs croient-ils en la
force des oracles? Sans nul doute. Croient-ils cependant que chaque oracle qu’ils rapportent a
bien été rendu, dans les termes mêmes qu’ils utilisent, donnant lieu à la résolution finale de
chaque épisode de leurs histoires? Cela semble peu probable. Parce que même si les auteurs
semblent vanter la puissance et la véracité des oracles, ils ne prétendent pas rendre une histoire
vraie et critique, comme le tentent les auteurs d’aujourd’hui. Les épisodes oraculaires servent
une fonction certes, mais cette fonction n’est pas de rapporter la vérité, ou comment les choses
se sont vraiment passées, mais de rapporter une vérité, soit la toute-puissance des dieux.
Les auteurs modernes ont tôt fait de constater que les Histoires d’Hérodote sont
parsemées de récits oraculaires. Le considérant tantôt comme un simple d’esprit, tantôt comme
un fraudeur, ce n’est que très tardivement qu’on tente de réhabiliter l’auteur comme
s’inscrivant dans un cadre de réflexion bien de son temps. Quoi qu’il en soit, les thèses des
auteurs expriment, vers le milieu du siècle dernier, un scepticisme certain quant à ses
Histoires, à la façon dont il rapporte les oracles. Une véritable critique oraculaire s’installe,
annonçant des avancées prodigieuses dans ce domaine marqué par l’œuvre monumentale de
Bouché-Leclercq vers 1870. Des auteurs comme Amandry, Defradas, Delcourt et Crahay