LA VALEUR DE L’INFINITIF DANS LE SYSTÈME VERBAL DE L’ANGLAIS ET DU FRANÇAIS
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que cette définition très générale le laisse entendre. Tout d’abord, il faut
inclure dans la sémantique de cette forme une représentation de personne
intra-verbale pour expliquer sa capacité de se construire avec un attribut du
sujet (voir Duffley 1992, 121; 2006, 161–163) :
(10) To be alone was a welcome change.
De plus, il faut tenir compte du fait que, sauf pour le verbe be, où il a la
forme du subjonctif présent, l’infinitif en anglais a la même sémiologie que la
forme simple de l’indicatif du présent, avec en moins la désinence -s de la
troisième personne du singulier. C’est pourquoi je propose l’hypothèse que
l’infinitif anglais est une version abstraite de la forme simple, qui représente
un événement qui n’est ni situé dans le temps par rapport au présent, ni ancré
dans l’espace à une personne-sujet spécifique (cf. Duffley 2006, 28–30). En
tant que version abstraite de la forme simple, l’infinitif situe tout simplement
le contenu lexical du verbe dans le temps d’événement (cf. Hirtle 1995; 2007).
Si ce contenu correspond à une action, il est nécessaire de représenter l’entier
du temps d’événement du début à la fin pour le situer dans le temps :
(11) The baby was sick all over the kitchen floor.
Si le contenu lexical est un état, un seul instant suffit pour le contenir, car
un état implique la simple réitération du même contenu d’un instant à l’autre :
(12) When I picked her up at daycare, the baby was already sick.
L’infinitif manifeste la même capacité d’exprimer une action comme un
accomplissement entier ou un état existant pleinement à un moment précis :
(13) I saw the baby be sick all over the kitchen floor.
(14) The baby’s usually hungry at this time of day. She must be sick.
La différence essentielle entre les infinitifs français et anglais se trouve
donc dans le caractère plus indéterminé du signifié de la forme infinitive en
français. Ceci permet à l’infinitif français d’évoquer des événements en cours
d’accomplissement, comme en (2a) et (2b), ce qui est impossible avec l’infinitif
anglais, la forme en -ing devant être employée dans ce genre de contexte, tel
qu’illustré par (3a) et (3b). Le caractère plus indéterminé de l’infinitif français
explique pourquoi il peut être l’équivalent soit de la forme en -ing (Je déteste
promener le chien/I hate walking the dog), soit de l’infinitif sans to (Je peux
promener le chien/I can walk the dog), soit de l’infinitif avec to (Je veux promener le
chien/I want to walk the dog). Le caractère actualisant de l’infinitif anglais, qui
inscrit l’entier de son contenu lexical dans le temps d’événement, explique la
nécessité de recourir à la préposition to devant celui-ci chaque fois qu’on a
besoin de prendre position avant l’actualisation de l’événement. Le fait qu’on