Parasitisme : comment une guêpe utilise une coccinelle comme

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COMMUNIQUÉ DE PRESSE NATIONAL I PARIS I 27 JUIN 2011
Parasitisme : comment une guêpe utilise une
coccinelle comme « garde du corps »
Pas folle la guêpe parasitoïde Dinocampus coccinellae ! Elle contrôle une coccinelle, pond
un œuf dans son abdomen puis l’oblige à devenir le garde du corps de son cocon. Cette
étonnante histoire de manipulation hôte-parasite vient d’être observée et analysée par des
chercheurs du laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique,
évolution et contrôle (CNRS/IRD/Université Montpellier 1) et de l’Université de Montréal. Si
cette stratégie permet aux guêpes de protéger leurs larves de la prédation, elle n’est pas
gratuite : ces dernières le payent en termes de fécondité. Les chercheurs ont également
prouvé le caractère réversible de cette manipulation : une fois la larve éclose, certaines
coccinelles peuvent recouvrer un comportement normal. Ces travaux sont publiés en ligne
sur le site de Biology Letters : http://rsbl.royalsocietypublishing.org/content/firstcite
La guêpe Dinocampus coccinellae est un parasitoïde classique de la coccinelle maculée Coleomegilla
maculata. Les femelles pondent un œuf dans l’abdomen de leur hôte, la coccinelle, et pendant le
développement larvaire (environ une vingtaine de jours), le parasite s’alimente de ses tissus. Ensuite, la
larve de la guêpe s’extrait de l’abdomen de la coccinelle, sans la tuer, et commence à tisser un cocon
entre ses pattes. La coccinelle, en partie paralysée, se voit alors forcée de jouer le rôle de garde du corps
de ce cocon !
Cette nouvelle stratégie de manipulation est intrigante à plusieurs niveaux : alors que l’immense majorité
des guêpes parasitoïdes tuent leur hôte en se développant, la coccinelle parasitée par D. coccinellae reste
en vie. De plus, la manipulation du comportement intervient alors que la larve a quitté l’hôte.
Les mécanismes de cette manipulation ont été observés à la loupe par l’équipe de Frédéric Thomas au
laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle
(CNRS/IRD/Universités Montpellier 1 et 2), en collaboration avec des chercheurs de l’Université de
Montréal. Pour les chercheurs, le comportement atypique de la coccinelle résulte bien d’une manipulation
orchestrée par la guêpe afin d’être protégée de la prédation jusqu’à la fin de son développement, c'est-àdire jusqu’à l’émergence de la guêpe adulte. Les scientifiques ont montré au laboratoire que les cocons de
la guêpe gardés par une coccinelle sont beaucoup moins vulnérables à la prédation comparés à ceux
laissés seuls, ou ceux gardés par une coccinelle expérimentalement tuée. Des sécrétions laissées par la
larve lors de son extraction de la coccinelle, contraindraient cette dernière à protéger le cocon une fois la
larve sortie.
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La larve de la guêpe se développe en utilisant les ressources de son hôte. Mais celles-ci doivent aussi
rester en quantité suffisante pour la coccinelle pendant la période de gardiennage du cocon, puisqu’elle ne
peut pas se nourrir tant qu’elle joue le rôle de garde du corps.
Ces travaux ont également permis aux chercheurs de valider un modèle théorique selon lequel les
parasites manipulateurs ne peuvent pas maximiser à la fois leur effort de reproduction et de manipulation.
Les chercheurs ont mis en évidence une relation négative entre la durée de la période de gardiennage du
cocon par la coccinelle et la fécondité de la guêpe. Tout se passe comme si la larve de guêpe devait
«choisir» entre utiliser les ressources de la coccinelle pour fabriquer des œufs (qui seront disponibles à
l’âge adulte) ou plutôt investir les ressources de la coccinelle en « jours de protection», en ne l’épuisant
pas trop et en la maintenant en vie.
Enfin, les chercheurs ont eu la surprise de constater qu’environ 25 % des coccinelles manipulées
recouvrent un comportement normal après l’émergence de la guêpe adulte. C’est un cas très rare de
manipulation de comportement réversible.
Sortie de la larve de l’abdomen de la coccinelle.
© Mathieu Bélanger Morin –CNRS/IRD
Coccinelle manipulée jouant son rôle
de garde du corps.
© Pascal Goetgheluck
Coccinelle encore manipulée après l’émergence (le
cocon est ouvert) de la guêpe adulte.
© Pascal Goetgheluck
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Bibliographie
The cost of a bodyguard – Fanny Maure2, Jacques Brodeur2, Nicolas Ponlet1, Josée Doyon2, Annabelle
Firlej2, Eric Elguero1 and Frédéric Thomas1 – in Biology Letters (2011), 00, 1-4
Laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle
(CNRS/IRD/Universités Montpellier 1 et2), Montpellier, France
1
Fanny Maure, Jacques Brodeur, Josée Doyon, Annabelle Firjel : Institut de recherche en biologie
végétale, Université de Montréal (Québec), Canada
2
Contacts
Chercheur l Frédéric Thomas l T 04 67 41 63 18 l [email protected]
Presse CNRS l Muriel Ilous l T 01 44 96 43 09 l [email protected]
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