rurale de Cordon, cette commune à une vingtaine de kilomètres au-delà de la sor-
tie du tunnel du Mont-Blanc, qui est la réplique exacte d’une de nos communes
valdôtaines. Il en est sorti une vraie encyclopédie de la vie rurale, donc voici le
résumé : « Les hommes, leur cadre de vie, les travaux agricoles, les outils, mais
aussi la vie sociale du village, les distractions et les croyances. Au printemps,
après le long sommeil hivernal, toutes les activités des hommes sont tournées vers
ce but unique : mettre la terre en situation de produire. On répare les dégâts causés
par la neige, on fume, on laboure, on ensemence. À la belle saison, on récolte et
on moissonne. Le temps de l’inalpage est venu et les populations se déplacent du
chef-lieu vers les montagnes. L’automne, qui parfois est très court, est consacré
aux derniers travaux importants avant l’hiver : labours, battage. On ramasse les
fruits pour le cidre, on récolte les pommes de terre. Les réserves doivent être suffi-
santes pour tenir les six mois de siège de l’hiver. Puis vient le mauvais temps, la
pluie, le froid, la neige, qui oblige les hommes à se tenir à l’intérieur. On ne reste
pas inactif pour autant : on répare les outils, on coupe du bois, on tue le cochon.
Le rythme d’activité étant cependant moins soutenu, on organise des veillées, des
bals et autres divertissements. Il y a en fait dans une année de paysan montagnard
six mois de travaux forcés et six mois de calme relatif, c’est-à-dire de travaux
moins forcés ».
Je suis sûr que tous ceux qui ont mené ou mènent une vie de campagnard,
n’auront pas de peine à se reconnaître dans la description de la vie rurale donnée
dans la monographie de Cordon, cette commune sœur de la Vallée d’Aoste, dont
nous sommes séparés par l’écran des montagnes mais non certes pas des fron-
tières de civilisation.
Mais voici une autre coutume que Savoyards et Valdôtains ont en commun,
dans les récits de deux protagonistes : « C’était en hiver, à partir de novembre-
décembre jusqu’au mois de mars. Cela se faisait n’importe quand, aussi bien le
dimanche que la semaine. C’était tout pareil parce que… les paysans ici, ils tra-
vaillent aussi bien le dimanche que les autres jours. Mais en général, y avait sur-
tout le mercredi et le samedi. Quand il y avait les enfants qui allaient à l’école, on
faisait ça le mercredi : le lendemain c’est jeudi. On emmenait les gamins veiller
aussi, si c’était pas trop loin pi si y avait des enfants chez qui on allait. On allait
loin des fois, on faisait trois-quatre km, tout à pied, pi dans la neige. On partait de
bonne heure : chez les gens vers sept heures et demie, huit heures… jusqu’à deux-
trois heures du matin, des fois quatre heures. On choisissait aussi le moment où y
avait la lune. Parce que des fois, fallait prendre la lanterne à pétrole. Des fois on
prenait la luge, on faisait na kla (une glissade) ». On allait chez nos amis, les gens
qu’on aimait bien. Pi on s’rendait les veillées, une fois chez l’un, une fois chez
l’autre, on faisait l’échange entre cinq-six maisons. Alors on jouait aux cartes pi
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