Duval - Sommes-nous des paresseux

publicité
Alban Mocquin
Hk 3
Sommes-nous des paresseux ? … et 30 autres
questions sur la France et les Français.
Guillaume Duval
(Editions du Seuil, janvier 2008)
Prologue : Une France schizophrène
Ce livre est né du sentiment de non information ressenti par le peuple Français quant à « l'état réel » (p.9, l.5) de leur société faute de quoi ils donnent du
crédit à la rhétorique politique. Le slogan de la campagne de Nicolas Sarkozy, « travailler plus pour gagner plus » (p.9, l.14, 15), qualifie explicitement les
Français de paresseux. Guillaume Duval entend donc trier les discours politiques et faire acte de vérité quant aux débats actuels qui interrogent la France et
sa population : « l'ambition est ici de contribuer à un débat public mieux informé en présentant le plus honnêtement possible sur chacun de ces sujets les
données disponibles, tant sur la France elle-même que sur les comparaisons internationales qui contribuent à éclairer sa situation » (p.10, l.3, 4, 5, 6, 7).
Néanmoins si l'auteur aspire à l'honnêteté, il affirme sa position et la subjectivité de son recueil ; une attitude qu'un journaliste aura sans doute moins de mal
à adopter qu'un sociologue. Le combat Républicain et ses corollaires semble être aujourd'hui éloigné de la situation de la France et c'est donc sous la plume
d'un fervant défenseur des idéaux Républicains et démocratiques que Guillaume Duval compte mettre à mal le prétendu volontarisme Français.
La schizophrénie Française est donc l'apanage d'une société qui a deux réalités : celle qu'elle crie haut et fort, son égalitarisme, pour cacher son vrai visage,
le terreau toujours plus généreux pour la pousse des inégalités.
Brassant le passé, révélant le présent et spéculant à juste titre le futur, Guillaume Duval montre dans cet ouvrage de quelle voix peut se chauffer la
République face au désastre social actuel. L'heuristicité de ses écrits prouvée par un recours permanent à des instituts statistiques de haut niveau et à des
études socio-économiques d'une rigueur remarquable fournit une légitimité incontestable au rédacteur en chef d'Alternatives Economiques.
Quelle pathologie sociale pour quel traitement politique ? On est donc inviter à connaître, comprendre, expliquer, fouiller et éventuellement programmer
voire solutionner, en coulisses en tant qu'apprenti journaliste comme sur le devant de la scène en tant que citoyen, le visage social Français. Le langage de
Duval est clair et précis tout comme ses sources et ses études sont diversifiées et heuristiques.
1) Les Français sont-ils des paresseux ?
Comment penser que nous sommes les plus feinéants alors que nous ne sommes pas le pays qui produit le moins de richesses, loin de là ? Selon le BLS
(Bureau of labor statistics), en 2006, un travailleur Français produit en moyenne davantage de richesses qu'un travailleur anglosaxon (73400 dollars pour
65700). De plus, d'après Eurostat, le travailleur Français travaille en moyenne plus que tout autre travailleur européen, encore plus si le travailleur est
féminin. Donc « non, les Français ne sont pas des paresseux » (p.12, l.16). Mais, le slogan électoral de droite en 2007 devînt une stratégie économique
pour nombre de Français. En effet, la loi votée sous l'égide de Sarkozy, visant à défiscaliser les heures supplémentaires, est un aimant de taille pour pousser
le Français à travailler plus. « Mais il n'y a aucune raison de penser que l'économie française […] s'en portera mieux » puisqu'il s'agira d'une perte
considérable d'argent pour l'Etat, et de s'adonner à une politique digne d'un pays pauvre et arriéré nous précise Duval.
Ce dernier nous propose en revanche de se pencher sur une politique de plus longue haleine. En effet, il faudrait travailler plus avant 25 ans et après 54 ans,
car ce sont des tranches d'âge à la fois victimes du chômage et touchées par l'inactivité. Travailler plus, oui, mais de façon plus répartie. Repenser la
poursuite d'études pour éviter le chômage des diplômés et éviter le liscenciement des salariés les plus agés en les mettant par exemple en préretraite ; voilà
l'une des clefs politiques. Aussi et plus efficacement faut-il réduire le temps de travail de la tranche des 25-54 ans pour en laisser aux -25ans et aux +54 ans
comme la politique des 35 heures en avait prouvé l'efficacité.
2) Les Français sont-ils de moins en moins égaux ?
La statistique affirme une baisse accrue des inégalités, ce que le bon sens populaire désapprouve. La courbe de Lorentz nous enseigne une baisse franche
des inégalités de revenus en France dans les années 1970 laquelle baisse est toujours effective de nos jours selon l'Insee. Si les écarts interdéciles pour les
revenus ont diminué, cela « cache les dynamiques les plus contrastées » (p.18 l.7, 8). Les inégalités font davantage de dégâts dans le bas de la pyramide des
âges i.e chez les 30-34 ans, le rapport entre le premier décile et le dernier décile est passé de 2,8 à 3,5.
Les comportements de consommation infirment les données statistiques favorables à une baisse des inégalités : les ports français surchargés, les « 4X4
rutilants » (p.18, l.24) contrastent avec la précarité banlieusarde. Le prix du luxe connaît un boom énorme, ce qui prouve que le début du 21ème siècle est
favorable à une minorité de Français.
Mais alors, « d'où vient ce constraste entre la relative sagesse des inégalités de revenu dans les statistiques officielles et la spectaculaire fracture qu'on voit se
creuser entre la France des 4X4 et des yachts, et celle qui ne part pas en vacances ? » (p.19 l.28, 29, 30). Eléments de réponse : la statistique qui affirme
une baisse des inégalités de revenus ne prend pas en compte les revenus non déclarés or nous savons qu'une économie souterraine gangraine tout pays qui
se respecte, même la France. Aussi, les SDF échappe au calcul de la statistique.
Au-delà de la « cuisine statistique » mesurant le revenu existe un problème d'une largeur bien plus extrême, celui du patrimoine. La société française est
sous la cape du capitalisme patrimonial ; le patrimoine prenant de plus en plus de place dans les richesses des ménages (du moins pour les ménages qui en
ont les moyens). La statistique ne prenant pas en compte les plus-values immobilières et financières, elle atténue la situation inégalitaire de la France.
Guillaume Duval propose donc la prise en compte de « l'accroissement de la valeur des propriétés » (p.22, l.6) dans le calcul des salaires, le paysage des
inégalités sera tout autre. L'augmentation de la possession d'actifs financiers est plus prononcée que celle des revenus dits « classiques » (revenu primaire),
leur poids sur les revenus sont donc plus forts. Même si chaque ménage n'a pas forcément conscience de l'évolution de son patrimoine immobilier
relativement à la fluctuation du prix du logement notamment n'affectant donc en rien sa consommation ou son épargne, tout organisme statistique et surtout
l'Insee se doit de n'écarter aucune variable dans son calcul des inégalités.
3) Le pouvoir d'achat des Français progresse-t-il vraiment ?
Là encore, les Français ne doivent pas se fier naïvement aux statistiques officielles. Une hausse du pouvoir d'achat de 2,6 % par ménage en France en 2004
serait alors à nuancer.
En effet, l'augmentation de la population française, son vieillissement et plus particulièrement « les évolutions que connaissent les structures familiales » (p.
23 l.10, 11) sont là pour noircir le tableau d'une hausse du pouvoir d'achat. Les divorces de plus en plus nombreux sont, de fait, créateurs de ménages et
donc le pouvoir d'achat se divise de plus en plus. C'est en partie pour quoi le ménage monoparental peine de plus en plus à joindre les deux bouts en fin de
mois. Les perdants (ou non-gagnants) sont aussi les fonctionnaires (la hausse des salaires est surtout le cas du secteur privé) et les retraités (la Sécu
n'augmentant que sensiblement les retraites de 0,8% entre 1998 et 2006).
De plus, il semble que les ménages furent victimes d'illusion monéataire suite au passage à l'euro qui a, du fait des stratégies des commerciaux, renchéri les
prix. Cet « effet euro » ne peut pas prendre l'entière responsabilité d'une inflation toujours effective en 2008.
La crise de la vie chère semble être la plus prononcée en ce qui concerne le logement. La statistique se méprend, là, dans son calcul puisqu'elle considère
l'achat d'un logement comme un investissement et non comme une dépense courante. De ce fait, l'indice des prix ne comprend pas la hausse des dépenses
des accédants à la propriétés victime de l'inflation immobilière.
Guillaume Duval enquête également sur le problème du bien nouveau : comment peut-on savoir l'effet d'inflation dont est potentiellement responsable par
rapport au bien qu'il remplace ? Comment donner un prix à l'innovation pour qu'une telle inflation soit justifiée ? Il semble que les commerçant profitent de
cela autant que les indices statistiques pennent à en prendre compte. L'Insee légitime la variation du prix, dans le renouvellement d'un bien, par la qualité
prétendûment supplémentaire du bien nouveau. Or aucune garantie lui est faite sur ce point lequel est d'autant plus grave que le consommateur en est
souvent inconscient dans sa consommation. L'indice officiel des prix suggère au ménage consommateur d'être proche de son porte-feuille plus que jamais.
Ce jeu du produit nouveau connaît son paroxysme dans la vente de PC et dans l'électronique en général.
Il s'agit de mettre au point une « norme commune dont la fiabilité soit socialement reconnue » (p.29 l.19,20) afin de mesurer correctement l'évolution de la
production de richesses pour ajuster les prestations sociales et les seuils d'imposition ou d'exonération. Ce serait à une telle condition que les inégalités
pourraient être évitées (i.e éviter que les commerciaux nourrissent leur plus-value par le jeu du bien nouveau par exemple), que la fluctuation du pouvoir
pourrait être connue universellement … bref voilà une des clefs de la cohésion sociale.
4) Pourquoi y a-t-il tant de smicards en France ?
La France est « LE pays où la proportion des salariés payés au salaire minimum est la plus forte » (p.30, l.11) soit 17%. Pourquoi ? C'est le résultat des
politiques menées depuis 30 ans en matière de financement de la protection sociale.
Dans l'après guerre, les cotisations sociales étaient plafonnées i.e au-delà d'un certain niveau de salaire elles n'augmentaient plus. De fait, comme « elles
restaient constantes en valeur absolue, elles diminuaient en valeur relative » (p.31, l.11, 12), le financement de la Sécu était dégressif et les haut salaires
étaient privilégiés au détriment des bas salaires. Puis le déplafonnement fut le mot d'ordre dans les années qui ont suivi pour atteindre une quasiproportionnalité entre haut et bas salaires. Cette proportionnalité dériva en un avantage en faveur des moins payés d'ailleurs et là se creuse un problème : de
1992 à 2003 quand le dernier décile voit ses cotisations salariales baisser fortement, celles du « salaire médian montent à 79 % » (p.32 l.5). C'est
l'avénement d'un financement progressif de la protection sociale. L'intention d'une telle politique n'était celle d'une justice sociale en premier lieu, mais
plutôt celle d'un développement des emplois à bas salaire pour enrayer au chômage des individus non qualifiés. Ainsi, de tels emplois ont largement
augmenté, d'où le nombre flagrant de smicards. Mais ce n'est pas pour autant que le chômage des individus non qualifiés a baissé ; ce qui est d'autant plus
effectif que la politique progressive a eu « de graves effets pervers » (p.33 l.10).
L'un des plus remarquables est celui de la « trappe à bas salaires » laquelle est une stratégie de l'employeur supposé économiquement rationnel. Si le côut
du travail lui revient plus cher lorsqu'il feint d'augmenter, éventuellement, le salaire de ses employés, pourquoi augmenterait-il les salaires ? Ainsi, le salarié
verra son revenu se cantonner au SMIC et demeurera dépourvu de chance pour s'en sortir face à la « vie chère ». En définitive, la politique des années 1990
« plus d'emplois mal payés = moins de chômeurs peu qualifiés » (p.33, l.28, 29), relativement à un financement de la Sécu progressif, favorise sur le long
terme le sous-emploi et le nombre de smicards, voire même de chômeurs.
Selon Duval, le marché du travail est en inadéquation avec une telle politique puisque les emplois mal payés (phénomène croissant à cause de la « trappe à
chômage), du fait d'un contexte de chômage de masse, ont été attribués aux individus les plus qualifiés. De plus, baisser le coût du travail pour favoriser
l'emploi des individus sans qualification n'est pas évident puisque ces derniers, ne sachant souvent pas lire ou compter nous dit l'auteur, demeurent non
informés d'une telle offre. De fait, les individus qualifiés sont les premiers à être employés, d'autant plus s'il s'agit d'emplois à bas salaire tertiaires …
Un point positif de ces politiques ? La baisse du coût du travail a favorisé le nombres d'investissements étrangers sur le sol français et de délocalisations (cf
venue de Toyota à Valenciennes). Ainsi, la France est autant devenue une économie de bas salaire qu'une économie « bas de gamme », riée dans la division
internationale du travail.
5) Les diplômes ont-ils perdu toute valeur ?
La France est la pays qui a « le plus élargi l'accès au second cycle de l'enseignement secondaire » (p.37 l.16, 17) en trente ans, notamment pour les filles
(relative démocratisation). Cependant les débouchés d'une poursuite du niveau d'études ne sont pas si exceptionnels qu'ils peuvent l'être dans les autres pays
développés : « difficile donc de considérer que la population française serait devenue surdiplomée » (p.39, l.18, 19).
L'écueil du système d'éducation français est sans doute son incapacité à favoriser la formation initiale et la prise en charge au cas par cas dès le jeunesse.
Augmenter la qualité du « capital humain » dans une économie de la connaissance s'est avéré être, en France, une trappe à chômage. Au-delà des
dysfonctionnement de l'école, Guillaume Duval rappelle ce qu'il avait vu (voire 4)) i.e les jeunes diplômés ont fait l'objet de la trappe à bas salaires. C'est
une des manifestations du déclassement intergénérationnel, d'autant plus flagrant d'ailleurs que les jeunes actuels sont plus diplômés que leurs aînés.
Dans un raisonnement rigoureux digne d'une démarche hypothético-déductive Guillaume Duval énonce que la solution se niche dans une modification de
la politique de l'emploi qui a atteint son paroxysme d'inutilité ces dernières années et non dans un flash back du niveau de qualification initial des jeunes.
C'est très bien d'avoir des jeunes qualifiés, encore faut-il leur offrir des emplois dignes de leur qualification.
6) L'école réduit-elle les inégalités ?
La démocratisation de l'institution scolaire n'est pas un processus récent puisqu'elle a connu son apogée « entre les générations 1932-1934 et la génération
1944-1946 » (p.43, l.7,8). Il s'agit d'un processus à la réalité trop lointaine puisque l'auteur nous indique un retour à la case départ. Les enfants issus des
milieux populaires sont presque autant discriminés que leurs grands-parents ont pu l'être face à l'enseignement scolaire. Même si bien plus d'enfants
d'ouvriers obtiennent le bac, parler d'ascencion sociale paraît abusif voire impossible. Ces « enfants des couches sociales les plus pauvres qui quitttent l'école
les premier, souvent sans aucun diplôme » (p.44, l.22, 23).
L'intervention étatique en matière d'éducation paraît timide et génératrice d'inégalités. Le système du quotient familial et de la demi-part accordée au niveau
d'impôt sur le revenu payé par les parents renforcent les inégalités négatives puisqu'ils favorisent ceux qui gagnent plus. Avec ses voisins belges et
allemands, la France est, selon l'OCDE, le pays où l'origine sociale des parents est la variable la plus déterminante dans le destin scolaire de l'enfant. Il
semble qu'en France ait toujours été valorisé l'approfondissement, l'apprentissage et donc l'essentiel du travail scolaire fait dans le cadre familial. Or si la
famille est le premier soutien dans la réussite scolaire d'un élève, l'origine sociale qui imprègne nécessairement la famille est d'autant plus déterminante dans
le destin de l'élève. De plus on compte dans le bilan des déboires de l'école en France le nombre incalculable d'établissements privés lesquels sont un moyen
efficace pour les classes supérieures (voire moyennes) d'éviter les contraintes de brassage social imposées par la sectorisation des recrutements. Les
politiques de zonage comme celle des ZEP s'avèrent au moment où Guillaume Duval écrit ce recueil (2008) limitées et donc la discrimination positive
pratiquée par la France dans l'école semble inefficace. Les ZEP sont souvent le lieu où de jeunes professeurs inexpérimentés sont amenés à enseigner du fait
des avantages financiers ou administratifs qu'ils peuvent en tirer contrairement aux autres enseignants voulant éviter à tout prix de travailler en zone
prioritaire.
Si le pessismisme est de mise une fois de plus pour ce qui relève d'une démocratisation de l'école, Guillaume Duval rend toutefois hommage à l'initiative
prise, bien que moindre, de donner une chance aux meilleurs élèves de ZEP d'intégrer Sciences Po Paris.
7) Pourquoi l'école française marche-t-elle mal ?
L'écueil de l'école se niche d'abord dans la spécificité française du redoublement. Il semble inutile pour Duval qui s'appuie sur l'exemple du Japon de faire
primer une sélection des meilleurs sur un soutien des élèves en difficultés. Un tel soutien doit prendre forme sur le plan politique i.e il s'agit pour l'Etat d'être
plus volontaire économiquement dans l'éducation et notamment au début de l'enfance. Accentuer l'encadrement en école primaire en abaissant
considérablement le nombre d'enfants par instituteur serait une initiative correct à la vue de Duval : « en mettant en place un système qui s'apparente
davantage à de la garderie qu'à de l'éducation, il ne faut pas s'étonner que des mauvaises habitudes soient prises très tôt tant dans la manière de se
comporter vis-à-vis des autres enfants que des enseignants et de l'institution scolaire » (p.50, l.5, 6, 7, 8, 9). En revanche ce sous-encadrement connaît son
contraire au collège où le nombre de professeurs est dans la moyenne de l'Europe. Et, ce sur-encadrement semble inutile puisqu'il est trop tard pour rattraper
le temps perdu dans l'enseignement primaire, « d'autant plus qu'à ce niveau, la sélection a déjà séparé le bon grain de l'ivraie et entassé les jeunes à
problèmes dans des filières souvent dévalorisées » (p.51, l.23, 24, 25). A contrario, l'enseignement supérieur semble plus laissé à l'abandon que jamais
puisqu'il atteint, en matière de soutien public financier, à peine le tiers de celui des Etats-Unis. De plus, au sein même de cet enseignement supérieur, la
séparation entre soutien financier destiné aux grandes écoles et prépas d'un côté et soutien financier destiné aux universités semble s'accroître. C'est par de
telles mégardes que l'on condamne la démocratisation pourtant prometteuse de l'école en France.
8) L'ascenseur social est-il en panne ?
Si l'enthousiasme des Trente Glorieuses fut effectif, la crainte du déclassement est bien d'actualité. Sur un échantillon uniquement masculin, l'Insee a produit
de multiples enquêtes qui inspirent Guillaume Duval.
Quelles sont les conclusions de l'auteur ?
⁃
La reproduction sociale n'est effective que pour un tiers des individus du fait des mutations structurelles et sectorielles de l'économie la plupart du
temps.
⁃
Le déclassement intergénérationnel touche surtout les fils des cadres et professions intellectuelles supérieures et des professions intermédiaires.
⁃
Depuis 1990, les chances de promotion sociale tendent à décliner assez largement dans tous les groupes sociaux mais le déclassement est l'apanage
des classes supérieures.
⁃
De plus, les inégalités sont également présentes puisque les espoirs de mobilité sociale ascendante se concrétisent davantage chez un fils de cadre
que chez un fils d'ouvrier.
La panne de l'ascenseur social est donc forte au niveau générationnel, mais pas seulement. La mobilité professionnelle, cette fois calculée par l'Insee chez
les hommes et chez les femmes, est contrastée. Si elle s'est globalement accrue depuis les années 1980, les hommes ont toujours plus de chances de
promotion que les femmes (10,5 % pour les femmes contre 15,1 % pour les hommes). A savoir aussi que l'acension sociale est très connue des jeunes
salariés (hommes ou femmes) : la tranche des 30-34 ans a changé de statut social pour 30 % environ de ses salariés. Inversement, les cadres, couche sociale
connue pour sa compétition interne et son rythme exigeant, sont les plus touchés par le déclassement professionnel. Les ordres de grandeur sont quasiment
les même pour les professions intermédiaires.
Si la France est l'un des pays « les plus figés » (p.57, l.4), les pays scandinaves et le Canada sont ceux qui expérimentent le plus de fluidité sociale. A cette
situation, Guillaume Duval ne fait que pointer du doigt une France inégalitaire : pour lui, la fluidité sociale est conditionnée par des différences moindres
entre couches sociales, ce qui est hors de question en France.
9) Les jeunes sont-ils les victimes des « baby-boomers » ?
« Les jeunes d'aujourd'hui souffrent […] du double mouvement d'élévation du niveau scolaire et de ralentissement des créations d'emplois » (p.58, l.5, 6, 7).
Néanmoins si la France expérimente un prolongement des études, elle n'en est pas pour autant un pays de surdiplômés puisque nombreux sont les jeunes très
faiblement qualifiés. De plus, les jeunes sont les premières victimes, bien que des victimes diplômées, de la précarité de l'emploi et du dualisme du marché
du travail. Ils sont embauchés comme roue de secours dans des emplois dits « atypiques » et à court terme (CDD, temps partiel …). La France n'a donc
plus une masse de retraités pauvres, mais une masse de jeunes pauvres, ce qui est encore plus préoccupant. Christian Baudelot et Roger Establet montre un
taux de suicide excessivement fort chez les jeunes depuis le début du XXIème siècle.
Si le facteur générationnel et structurel peut expliquer en partie les déboires de l'actuelle jeunesse française, on ne peut pas expliquer le chômage ou la
précarité des jeunes par une volonté collective de la génération des « baby-boomers » de préserver leurs acquis. En effet cette dernière génération connaît
également la précarité.
Néanmoins le nœud du débat semble se nicher dans la problématique de la retraite laquelle est actuellement revendiquée par les anciens « baby-boomers ».
Ces derniers vont connaître, du fait de leur grand nombre et de la crise actuelle, des retraites nettement moins généreuses. Entre 1994 et 2004, les retraites de
la fonction publique ont perdu 0,5 % de pouvoir d'achat. Pour résumer, l'amélioration, pendant les trente Glorieuses, du système collectif de retraites n'a pas
bénéficié aux « baby-boomers » mais à leur prédecesseurs qui ont travaillé dans l'immédiat après-guerre. Ainsi, les « baby-boomers » sont loin de pouvoir
compter sur les jeunes pour payer leur très prochaine retraite : crise et précarité obligent !
Enfin, si les jeunes étaient vraiment les victimes collectives des « baby-boomers » il se serait formé une sorte de classe sociale dévalorisée rassemblant tous
les jeunes. Or il n'en est rien puisque la jeunesse sont plus que jamais la sphère des inégalités. Puisque la réussite scolaire dépend aujourd'hui plus qu'avant du
secteur privé et de la famille, la méritocratie n'est pas assurée.
« Bref, l'unité de la jeunesse est plus que jamais un mythe, et avec elle la vision d'une société mue par une guerre des générations » (p.64, l.25, 26, 27).
10) Pourquoi les Françaises ont-elles si peu de pouvoir ?
La parité est encore loin d'être acquise dans la population active française. Pourtant au niveau européen, les Françaises sont les plus actives.
Pour calculer le plus scientifiquement possible le poids réel des femmes dans la production de richesses, il s'agit de raisonner en « équivalent temps plein »
i.e la production de richesses valorisées sous une forme monétaire. Un tel raisonnement nous amène à dire que les femmes travaillent sensiblement plus
qu'avant.
Ce n'est pas pour autant qu'elles ont fait moins d'enfants. D'ailleurs, si les femmes arrivent à concilier vie professionnelle et maternité, cela ne signifie pas que
les hommes ont beaucoup plus de charges et de responsabilités au travail.
Ainsi, Duval nous explique les inégalités entre les hommes et les femmes par la tendance masculine à faire plus d'heures supplémentaire et la tendance
féminine au travail domestique (2 fois plus de temps passé par les femmes au travail domestique que les hommes). Bien que ce constat soit largement nuancé
depuis les années 1970, l'égalité parfaite n'est aujourd'hui pas constatée.
La Française a un temps libre quasiment inexistant par rapport à ses collègues européens, en raison notamment des grandes disparités « homme-femme »
qu'il existe dans la part du temps accordée à l'enfant de moins de 6 ans.
La politique, un espoir ?! Le chemin de la parité en politique est largement pris, notamment dans les communes et dans le gouvernement. Guillaume Duval
rend hommage aux 11 ministres féminins du gouvernement Sarkozy de 2007 : on pourrait imaginer son enthousiasme en voyant la parité acquise dans le
gouvernement Hollande de 2012. Si le secteur public fait mine d'une amélioration bien que peu de postes à responsabilité soit acquis par les femmes, le
secteur privé reste sur ce point le plus désastreux. En 2005, la part des femmes qui présentaient les Conseils d'administration des entreprises cotées françaises
n'était seulement que de 7,6 %.
Plus impliquées dans l'économie que leurs collègues européennes, les Françaises sont paradoxalement les moins bien placées dans la stratification socioéconomiques et politiques de toutes les femmes actives de l'Europe.
11) Y a-t-il trop d'immigrés en France ?
« est immigrée toute personne qui est née étrangère à l'étranger et qui réside sur le territoire national depuis au moins un an » (p.72, l.10, 11). En 2005 4,9
% de la population française était immigrée i.e moins de 3 millions d'individus. Les immigrés traditionnels proviennent des pays du Maghreb mais aussi
d'Europe du Sud, d'Afrique noire et d'Angleterre.
Il s'agit d'individus qui, en termes de qualification et d'études, ont largement rattrapé les français « pure souche » : un cinquième des nouveaux étrangers
(hors UE, Afrique) sont des étudiants. Néanmoins, pour Guillaume Duval il faut relativiser la prétendue abondance d'immigrés en France car ils
n'augmentent sa population que de 0,2 % par an : « cet accroissement représente le tiers seulement de celui quia résulté en 2006 de l'excédent des naissances
sur les décés » (p.74, l.23, 24, 25). L'Hexagone n'est pas une terre d'immigration massive comparé à l'Australie, la Suède ou les Etats-Unis.
Si la France a réussi à fermer ses frontières, comment se fait-il que tant de discours soient tenus sur l'abondance d'immigrés ? Il semble en tout cas que ces
derniers ne constituent pas une menace pour les non-immigrés, en tout cas sur le marché des nouveaux emplois créés entre 1995 et 2005. Le problème
semble plutôt être géographique. En effet, la concentration spatiale des immigrés et notamment la ghettoïsation des quartiers parisiens ou alsaciens,
rendent à la fois compte de l'impuissance des collectivités à organiser l'espace et de la stigmatisation exerçée par les habitants non-immigrés.
Aussi l'auteur ne manque pas de souligner que le marasme économique interminable qu'expériment la France ces années provient peut être du trop peu
d'immigrés, faisant taire ici bien des discours mal fondés.
12) Les immigrés menacent-ils l' « identité nationale » ?
Ce qui menace aujourd'hui plus l'identité nationale, c'est bien l'extrême différence entre le beau discours universaliste de l'égalité et la réalité des
discriminations et inégalités. Les discours graves portés sur l'immigration proviennent d'une peur du radicalisme musulman depuis les attentats du 11
Septembre. Pourtant, les immigrés musulmans ou non-immigrés de religion musulmane s'écartent, pour la plupart, d'un tel extrêmisme et s'inquiètent plus
pour le chômage de masse que pour le devenir de la religion. La citoyenneté française l'emporte sur la culture musulmane à 46 % (d'après le Pew
Research Center). Il s'agirait en France d'une certaine aptitude à une acculturation d'ajustement des populations immigrées. Par exemple, le souhait émis
par les familles ouvrières selon lequel les enfants doivent suivre des études supérieures est plus fort chez les maghrébins résidant en France que chez les
français. Doit-on voir ici une confiance plus naïve des immigrés au fameux modèle méritocratique français qui contrasterait avec les déceptions intériorisées
avec les ouvriers pure souche ?
Néanmoins, cette confiance des immigrés en la France est à relativiser du fait des énormes discriminations qu'il existe, notamment en matière de logement,
d'accès aux discothèques mais aussi et surtout de travail. Avec un CV similaire et 516 envois, les immigrés obtiennent 14 réponses positives contre 76
réponses positives pour les non-immigrés. De même, les immigrés ont 1,5 fois plus de chances d'être au chômage que leur contraire.
« Bref, le désir d'intégration marqué des immigrés français et de leurs enfants se heurte à un mur » (p.82, l.7). On comprend toute la frustration potentielle
des immigrés ou individus de culture musulmane, que la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations par des individus français nonimmigrés peut apaiser en cela qu'elle est l'espoir d'une paix entre tous les habitants de la France.
L'idéal républicain reste un idéal très difficile à atteindre.
13) Les « vieux » vont-ils couler la protection sociale ?
Depuis les années 1990, les réformes de l'Etat ne sont-elles pas allées trop loin dans la baisse du niveau des retraites ?
D'abord, l'espérance de vie ascendante et la baisse de la natalité conduisent, grâce à un système de santé en progrès constant notamment, à un vieillissement
de la population inévitable (l'Europe étant le lieu où la natalité a baissé le plus au monde depuis ces dernières décennies).
Quelles implications pour la société ? Une population qui vieillit signifie par définition plus de personnes agées i.e « il faut […] organiser des transferts de
richesses importants des actifs vers les inactifs » (p.85, l.32).
Aujourd'hui les discours sont négatifs envers les systèmes de retraite dits socialisés (collectifs) et positifs envers des systèmes d'épargne privée. Or ces
derniers seraient trop inégalitaires, du fait des contrastes qu'il existe entre chaque épargne individuelle. La France est aujourd'hui gangrainé par le déficit
redistributif qu'accuse son système de retraite, qui ne fait qu'accentuer la gravité de la courbe de Lorentz.
Avant tout, Guillaume Duval nous conseille de repenser le vieillissement de la population si accentué par des chiffres douteux. En effet, il faut savoir que
l'Insee a modifié ses prévisions démographiques : la population française ne serait pas de 64 millions en 2050 mais de 70 millions, tandis que la population
active serait plus importante que celle prévue avant le renouvellement des calculs statistiques. De fait, les coûts de la protection sociale n'augmenteraient que
de 31 % du PIB, non de 34 %. Aussi, plus de dépense de protection sociale n'est pas synonyme d'une hausse des coûts salariaux, d'une baisse des profits et
des salaires.
Ainsi, répondons à notre question du départ. Les retraités ont perdu 0,3 % de leur pouvoir d'achat. De plus, allonger la durée de côtisation pour amener le
salarié à quitter prématurément son emploi afin qu'il dispose d'une retraite restreinte ; voilà une stratégie de l'Etat visant intelligemment à baisser son
« budget retraite ». Ce qui contraste avec les démantèlements explicites de mise en préretraites exécutés par l'Etat.
14) Le départ des « baby boomers » va t-il régler la question du chômage ?
Le chômage de masse en France est fort, et ce n'est pas faute d'avoir créer bien des emplois. L'arrivée massibe des femmes a gonflé de façon inouïe l'offre
de travail mais leur refus du temps partiel ne fait, elle, que gonfler les chiffres du chômage. Guillaume Duval nous précise alors que ce n'est qu'à la fin des
années 2000 que l'effet « baby-boomers » se ferait sentir, mais dans une mesure très limitée.
Le plus important dans cette question 14) réside dans le simple fait que le remplacement des « vieux » par les jeunes ou les chômeurs « n'a rien
d'automatique » (p.95, l.22). Ainsi, le départ du savoir-faire en retraite amène facilement les PME à délocaliser si la main d'oeuvre jeune arrivante n'est pas
suffisamment qualifiée. Le danger est tel que l'illusion d'un remplacement automatique des « baby-boomers » par des jeunes volontaires, aidés et formés,
pourrait amener les politiques à lever le pied !
Concluons avec le rédacteur en chef d'Alternatives Economiques que l'heure est au rassemblement et au volontarisme : « pour pouvoir réinsérer dans
l'emploi ceux qui en ont été exclus depuis plusieurs années, il faudra de toute façon, « baby-boomers » ou pas, consentir un effort collectif important de
requalification et de réinsertion » (p.96, l.5, 6, 7 et 8).
15) Les chômeurs français sont-ils trop bien traités ?
On est bien loin de la « flex-sécurité » danoise. La France reste de loin un pays qui indemnise mal ses chômeurs et de fait, les aide peu à se former et à se
réinsérer (seul 60 % des chômeurs sont indemnisés). Là où pêche la France, c'est là où les pays scandinaves ou d'Europe du Nord (Pays-Bas, Danemark …)
excellent : le chômeur français est bien moins indemnisé et formé. De plus l'assurance chômage a une structure inégalitaire puisque favorable aux salaires.
Celui qui percevait un haut salaire est logiquement plus indemniné lorsqu'il perd son travail.
La solution pour la France est simple : l'effort budgétaire.
16) Pourquoi est-il aussi difficile de se loger en France ?
Le calcul du nombre de SDF est largement sous-évalué : l'association Abbé Pierre en compte 1,35 millions. De plus, le nombre de logements surpeuplés et
de manque d'équipements de base dans les habitations est en augmentation. En tout, 3 millions de mal logés. Comment expliquer une telle situation ?
L'arrivée de l'euro a fait baissé les taux d'intérêt donnant aux individus une forte capacité d'endettement. Or cette dernière n'a pas permis, du fait de la crise,
de créer des richesses nouvelles. Elle a donc été destinée à accentuer la demande de biens existants dont l'habitat. Les prix du fonciers ont pu être multipliés
par 6 et les difficultés d'accès au logement ont quintuplées, au-delà bien sûr des effets positifs que cela eût sur le bâtiment. Le problème est que l'abondance
de l'offre n'a put répondre aux besoins des plus modestes d'autant plus que la taille moyenne des foyers s'amincissant continuellement (monoparentalité,
vieillissement de la population …) il faut plein de logements pour de petits budgets.
Autre problème : le logement social. Son nombre augmente relativement peu chaque année, et le pire c'est qu'il s'agit souvent de logement social de luxe !
En effet, 82 % des ménages peuvent en bénéficier (logements à Prêt locatif social). Guillaume Duval n'appuie pas par là un manque d'investissements
publics dans le logement, mais des politiques mal ciblées. De plus, bien des politiques sociales ont augmenté les revenus disponibles des ménages
concernés : les propriétaires en tiennent compte dans le loyer qu'il leur propose, lequel loyer augmente donc en conséquence. C'est notamment l'effet de
l'Aide Personnalisée au Logement.
17) Insécurité : les Français ont-ils raison d'avoir peur ?
L'attitude des français a changé, certains comportements tus naguère sont dénoncés aujourd'hui. De plus, l'auteur n'oublie pas de souligner que l'Etat a une
responsabilité dans les chiffres de la violence : en effet, l'ère Sarkozy exerça une forte pression sur les forces de l'ordre pour avoir « de bons chiffres » et,
par exemple, dissuader certains individus à porter plainte lorsque les chances de trouver les coupables étaient minces. Cela dit, le constat est sans appel : le
nombre d'infractions baisse (surtout les vols de voitures et les cambriolages), tant en Europe qu'en France. L'action de la police et les équipements des
ménages en sont les premiers corollaires.
Cependant, les relations interpersonnelles se sont nettement dégradées comme en témoigne le nombre croissant d'agression sur personne. De plus les injures
racistes et viols ascendants font de la France un pays accusant un déficit de respect et moral.
Mais, ne soyons pas trop pessismistes : « la France ne paraît pas sur le point de basculer dans l'insécurité généralisée » (p.110, l.26, 27). En effet, les effectifs
de police peuvent nous rassurer en cela qu'ils sont numériquement importants. Duval ne devient pas pour autant sarkozyste puisqu'il décrie notamment la
perte de confiance de la part des citoyens envers la police, le soit disant manque d'amabilité des commissariats …
« Les Français ont à la fois tort et raison d'avoir peur […] seule une action globale, allant largement au-delà de la sphère policière » permettrait à nos
concitoyens d'avoir toujours tort sur ce point. Il semble que les fonctions régaliennes de l'Etat soient réalisables dans une action plus globale, un
volontarisme étatique et une solidarité populaire.
18) Les Français tournent-ils le dos à la famille ?
Guillaume fait un constat morose mais véridique sur la famille paet ses corollaires : hausse de la monoparentalité, déclin du mariage, situations d'isolement,
récurrence du PACS, disparition des familles « élargies » (deux générations dans un même foyer), hausse du nombre de célibataires (les femmes sont plus
touchées que les hommes), mise en couple tardive, taux de divorce ascendant, familles recomposées … De plus, le mariage est de plus en plus perçu comme
une stratégie pour répondre à des questions patrimoniales et fiscales.
Néanmoins, cette fluidité des unions n'enraye pas les choix traditionnels du conjoint : en effet, la tendance à l'homogamie est toujours forte. La situation,
quant aux dynamiques familiales actuelles, est d'autant plus préoccupantes que ce sont les familles monoparentales qui sont les plus pauvres. Ce cumul
s'accentue pour le destin scolaire des enfants vivant dans une famille monoparentale. Si la France est doublée par le Royaume-Uni en matière de fréquence
de monoparentalité, elle est loin d'avoir mis autant de mécanismes sociaux collectifs au point que son voisin britannique pour aider les familles touchées par
ce phénomène.
19) Les Français sont-ils bien soignés ?
Si les Français vivent mieux, cela ne veut certainement pas dire que les inégalités face à la mort et à la maladie sont éradiquées. Vivre longtemps c'est bien,
vivre en bonne santé c'est mieux.
Guillaume Duval avoue néanmoins la difficulté de la question à laquelle il s'attaque. En effet, comment déterminer ce qui relève de la responsabilité du
système de santé de ce qui relève mode de vie des individus ? Sur le plan de la cigarette et de l'alimentation, les Français se portent bien. Mais sur le plan de
l'alcool, il en va autrement. De plus la dureté des conditions de travail peut expliquer les différents problèmes de santé connus par certains Français. Le
nombre de maladies professionnelles a été multiplié par 10 environ de 1990 à 2004.
Pour ce qui relève du système de santé hexagonal, une vie durable est souvent permise, mais une vie en bonne santé est moins assurée. La thérapie est
préférée à la prévention et au dépistage. En France, on attend souvent que la médecine guérisse mais le travail en aval est négligé.
De plus, le recours aux médicaments (beaucoup sont des médicaments psychotropes ou des antibiotiques) est très important en France et ce n'est pas
synonyme d'une vie meilleure ou plus longue _ une consommation qui « va crescendo » (p.127, l.30).
Ensuite, le système de santé est très inégalitaire : tout le monde ne bénéficie pas encore d'une assurance-maladie, les couches populaires sont souvent mal
informées quant aux symptomes et démarches à suivre et les médecins étant libres de s'installer où ils veulent, les quartiers défavorisés sont souvent des
déserts médicaux. Les couches sociales n'ont pas les même chances face à la mort : un ouvrier sur quatre meurt avant 65 ans, contre un cadre sur dix. De
même les habitants de Zones Urbaines Sensibles se disent davantage touchés par des problèmes de santé.
« Bref, malgré son coût élevé et son haut niveau de socialisation, le système de santé français est particulièrement peu performant pour corriger ces
inégalités » (p.129, l.27, 28 et 29).
20) La France est-elle à la hauteur face à la crise écologique ?
Sur le plan du changement climatique, l'énergie nucléaire que la France a su développer afin de baisser les niveaux des émissions de gaz à effet de serre.
Néanmoins, le choix du tout nucléaire fait de la France un pays en retard dans les enjeux écologiques. En effet, le nucléaire a eu de nombreuses externalités
négatives : il a entraîné les individus à une surconsommation du chauffage, une juridiction plus sévère et donc plus coûteuse quant aux isolations des
bâtiments, bref la liste est longue.
En matière de développement durable, la France est le canard boiteux d'une Europe écologique. La grande distribution fait de l'Hexagone l'as de
l'emballage.
Mais la critique de Guillaume Duval n'est pas qu'écologique, elle est aussi politique. En effet, la mise au nucléaire n'a pas été démocratique puisque « le
choix du tout nucléaire a été imposé à la société française avec une brutalité qui n'a eu d'équivalent que dans l'ex-bloc soviétique » (p.132, l.31, 32 et 33).
Le constat est d'autant plus morose lorsqu'on connaît les lacunes que l'Etat Français accuse en matière d'information, de contrôle et d'expertise sur les risques
technologiques. Puis, de l'excés de l'usage des pesticides dans l'agriculture au nombre exorbitant de cancers,en passant par le déclin de la faune et la flore,
l'heure est bien au questionnement. Néanmoins, l'auteur nous dit bien de ne pas être trop pessimistes. Grâce notamment aux directives européennes (60 %
des lois votées par le Parlement Français ne seraient en fait que l'émanation des directives de l'UE). Le constat est aussi moins alarmant au niveau local et
régional où les politiques de gauche ont été plus volontaristes. De plus, les orientations prises au Grenelle de l'environnement et la création du grand
ministère de l'écologie nous laissent un espoir ; même si les moyens financiers restent toujours destinés à un usage autre.
Toujours est-il que la France fait preuve de mauvaise volonté sur le plan environnemental. En témoigne d'ailleurs l'échec récurrent d'une fiscalité à vocation
écologique. Dominique Voynet, ministre de l'Environnement dans le gouvernement de Lionel Jospin, avait tenté d'instaurer la Taxe générale sur les activités
polluantes mais Laurent Fabius l'a mise en porte à faux. La France reste un pays où la fiscalité à vocation écologique a une place ridicule dans le PIB.
21) Pourquoi les Français trouvent-ils le travail si pénible ?
Si la crise de mai 68 avait annoncé une future consommation diversifiée et donc un travail plus complexe, il n'en a rien été, d'autant plus que le rapport de
force employé-employeur s'est largement modulé en faveur du patronat. Le taylorisme remplacé par un toyautisme revisité (pratique de la modularité
notamment permettant un « juste à temps » compétitif et réactif) ont permis aux industriels de « combiner les avantages de la production en grande série
avec ceux de la variété pour le consommateur » (p.141, l.13, 14 et 15). Ce qu'essaye de nous dire Guillaume Duval c'est que les industriels sont
intelligemment parvenus à ne pas exterminer le taylorisme moyennant quoi les travailleurs n'ont pas vu leur liberté s'accroître de façon significative.
L'industrialisation totale (de l'artisanat par exemple) amènent en 2005 un ouvrier sur quatre à se déclarer travailler comme au temps des Temps Modernes.
Ce « néo-taylorisme » peut nous inquiéter d'autant plus que la fréquence des Troubles musculo-squelettiques et les effets du stress au travail se font de plus
en plus ressentir. Si une minorité de leurs voisins européens sont très insatisfaits de leur emploi, les travailleurs de l'Hexagone sont parmi les plus insatisfaits.
Pour quelles raisons ?
D'abord, le dualisme du marché du travail très poussé en France en particulier oblige aux travailleurs précaires de subir des conditions très difficiles. Ensuite,
les taux de sur-qualification sont exorbitants ainsi que le manque d'entraide.
Soyons, avec Guillaume Duval, très inquiets : « dans un contexte où la qualité de la coopération au travail, entre collègues comme avec la hiérarchie,
devient de plus en plus la clé du succès économique, l'individualisme des Français et l'autoritarisme traditionnel des relations hiérarchique figurent sans
doute parmi les handicaps les plus importants pour l'économie du pays ... » (p.145-146, l.30, 31, 32 – l.1, 2, 3). On peut donc supputer que l'heure est une
fois de plus au rassemblement. Pour ce faire, il faudrait que chaque Français aille au-dessus de son orgueil et que l'Etat mette au point bien des choses pour
restaurer le dialogue entre horizontal (entre collègues) et vertical (employé-employeur).
22) Le travail des français coûte-t-il trop cher ?
Si les coûts unitaires de main-d'oeuvre (rapport entre l'évolution des coûts salariaux, i.e salaires et charges sociales, et l'évolution de la productivité, i.e
richesses produites par heure de travail) ont augmenté de 15 % entre 1996 et 2006 (ce qui est une moindre évolution comparée aux autres pays de l'UE), le
travail français reste beaucoup plus cher que celui de nombreux pays. Le problème se situe sur la scène internationale. En effet, les Français semblaient
sauvés par la qualité et la technologie de leur capital. Or, toutes les usines du monde incorporent de plus en plus vite les innovations étrangères, et disposent
de nos machines performantes. Le savoir-faire Français est transféré dans des pays où la main-d'oeuvre est bien plus compétitive. La situation est d'autant
plus préoccupante puisque la production des pays du Sud est de plus en plus destinée à la consommation des pays du Nord. Que faire alors ?
La politique Schröder visant à baisser les coûts du travail n'a fait que déprimer la demande intérieure en Allemagne et avec elle les possibilités de création
d'emploi et à terme, de croissance socio-économique. Ce n'est alors pas la conduite à suivre pour la France.
« N'y aurait-il pas cependant moyen d'abaisser le coût du travail sans pour autant amputer la demande intérieure ? » (p.153, l.17, 18). Le projet de taxation
sur les machines de la campagne socialiste de 2007 s'est auto-dissoute du fait de ses potentiels effets négatifs sur l'investissement. D'autres manières de baisser
le coût du travail consistent en un transfert de ce même coût sur des assiettes fiscales comme la TVA, ou la Cotisation Sociale généralisée.
Il reste, malgré quelques possibilités pointilleuses qu'il existe pour avoir un travail moins cher, « il n'y a pas d'autre solution que de chercher à justifier le
maintien d'un coût du travail élevé en France à travers les capacités d'innovation de l'économie, la qualité de vie sur le territoire ou encore celle des
infrastructures » (p.154-155, l.31, 32, 33 et l.1, 2, 3).
23) La France va-t-elle devenir un gigantesque parc de loisirs ?
Les délocalisations et surtout l'achat des clients à des industries non françaises ont amorcé le déclin de l'emploi industriel dans l'Hexagone. Ce n'est pas faute,
contrairement à l'opinion générale, des 35 heures. En effet, Guillaume Duval veut nous expliquer c'est que la désindustrialisation française est le fait de
facteurs conjoncturel (un euro cher qui rend la productivité d'un travailleur français plus onéreuse que celle d'un japonais notamment) et structurel (nombre
trop faible de firmes par exemple). Aussi la centralisation financière héritée du colbertisme autour de Paris et de quelques pôles à l'instar de Lyon fait que les
industries innovantes ne peuvent pas naître sur l'ensemble du territoire. L'auteur souligne également les méfaits de la gestion de grandes firmes françaises par
des énarques ou membres de cabinets ministériels.
24) Les Français ont-ils trop peu l'esprit d'entreprise ?
Quantitativement, les politiques mises en place pour inciter les créations d'entreprises furent efficaces: 280 000 entreprises ont vu le jour en 2006.
L'économie française n'en est pas pour autant dynamisée puisque les nouvelles sociétés sont souvent des petites entreprises inoffensives dans la
mondialisation puisque incapables d'exporter. De plus, les politiques de droite comme de gauche précaunisent des mesures ciblées et en cela inefficaces : en
appliquant les 35 heures qu'aux grandes entreprises par exemple, les salariés des petites entreprises ne sont pas favorisées. C'est ainsi que les gouvernements
créent ou aggravent la fracture sociale entre les salariés de grandes et petites entreprises. Et malgré les créations d'entreprises, la France manque de
companies réellement capables d'assurer le renouvellement du tissu productif i.e disposant de capitaux technologique, humain et financier suffisants. Et « ce
n'est certainement pas la multiplication des entreprises à un euro qui va permettre de combler ce trou » (p.166, l.30, 31 et 32).
25) Les Français paient-ils trop d'impôts ?
Il ne suffit pas de baisser les impôts et les charges sociales pour que les choses aillent mieux.
15 % du PIB représentent les recettes fiscales de l'Etat en 2006, dont la plus grande partie relève de la TVA et de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers
(TIPP).
Il faut comprendre tout d'abord, nous dit Guillaume Duval, que la plus grande partie de cet argent sert à « faire tourner la machine publique » (p.169, l.15)
laquelle est orientée vers une logique redistributive le plus souvent sous forme d'allocation-chômage, de prestations familiales permettant aux individus de
consommer des produits d'agents économiques privés … En somme les impôts sont un carburant essentiel à l'économie de marché lequel ingrédient est
géré et décidé par la sphère publique.
Guillaume Duval précise alors le débat en s'attaquant au point déterminant des systèmes de protection sociale. S'en passer, c'est-à-dire annuler tous les impôts
et taxes assurantiels, ce n'est pas synonyme de mieux comme en témoigne la situation américaine : 45 millions d'Américains ne sont pas couverts par une
assurance-maladie alors que la santé leur coûte plus cher ! Ce qui est vrai pour les systèmes de santé l'est aussi pour les systèmes de retraite. L'économie de
marché a besoin de mécanismes qui lui sont externes pour fonctionner du simple fait de la complexification et par là la fragilisation de la divison du travail
entraînant avec elle un nombre toujours plus conséquent d'acteurs. C'est, par exemple, le rôle des biens publics (transports, sécurité physique …) qui
permettent de dynamiser et de nourrir l'économie. Duval explique notamment la nécessité d'une école publique gratuite sans laquelle l'éducation ne serait
l'apanage que des riches. De plus ce n'est pas parce que les prélèvements obligatoires augmentent que les richesses restant à la libre disposition des agents
économiques baissent, croissance économique oblige !
D'ailleurs, le niveau de prélèvements obligatoires et la disponibilité des biens publics correspondent à un indicateur rigoureux du stade de développement
d'un pays : Duval associe le développement du Royaume-Uni à l'interventionnisme de Tony Blair notamment.
De plus, un niveau élevé de prélèvements obligatoires signifie un bon usage de ces derniers pour qu'il y ait développement conséquent : Guillaume Duval
voit là l'explication du contraste entre une France où les impôts sont forts et décriés, et des pays scandinaves où les impôts sont forts et efficaces.
26) Pourquoi l'Etat français n'est-il pas plus efficace ?
Que ce soit la situation catastrophique des prisons ou celle de l'ascenseur social (sans parler des difficultés matérielles rencontrées par l'enseignement ou de la
pauvreté des investissements publics dans la R&D), « la contribution de l'action publique à la réalisation de la devise de la République « Liberté, égalité,
fraternité » est loin d'être à la hauteur de la part élevée de la richesse nationale qui transite par ses circuits » (p.176-177, l.30, 31, 32 et l.1, 2, 3). Que doit
faire l'Etat ?
La problématique de la « voice » et de l' « exit » proposée par Albert O.Hirschmann est pertinente. Elle consiste à ce qu'un agent économique insatisfait,
dans une économie marchande, aille voir ailleurs d'une part. D'autre part, dans une économie non marchande, il faut que la « voice » soit là pour faire
entendre sa voix s'il y a un contentieux. Or en France il existe une frontière trop épaisse entre la France et la société française. Du coup cette dernière ne peut
avec toute liberté faire entendre sa voix comme on l'a vu avec la non-consultation du peuple pour le choix du « tout nucléaire » ou le mensonge d'Etat au
moment de Tchernobyl. La technostructure de l'Etat a une coercition trop importante sur le peuple pour qu'elle soit efficace dans les choix de ses mesures.
Néanmoins, le recul de l'exécutif est aujourd'hui bien amorcé.
27) Pourquoi la France n'arrive-t-elle pas à réduire sa dette ?
En 2006, la dette publique atteignait 1164 milliards d'euros soit 65 % du PIB français. Si la France peine à réduire sa dette, c'est d'abord parce que cela
nécessiterait des mesures largement impopulaires (croissance des prélèvements obligatoires sans hausse des dépenses publiques ou diminuer ces dernières
sans toucher aux prélèvements obligatoires). De plus, Duval attaque également la forte instabilité politique du fait de l'alternance pratiquée régulièrement.
De plus, avant l'instauration de l'euro, une simple manipulation du taux de change et une dévaluation de la monnaie permettait au pays endetté de payer des
taux d'intérêt plus élevés afin de continuer à emprunter. Aujourd'hui, l'euro empêche le maniement des taux de change, ce qui laisse flotter la dette comme
bon lui semble. Un des rôles primordiaux de la Comission européenne est bien là. Guillaume Duval nous permet de peser ici toutes les problématiques
nationales qui peuvent se poser du fait de la création d'une entité supranationale.
Alors Duval conseille de « réussir à identifier les mesures qui permettent de doper la croissance tout en étant peu coûteuses en argent public » (p.187, l.28,
29). Il semble que les politiques de la gauche, notamment avec les emplois jeunes, les 35 heures et des encouragements à l'innovation, soient les plus
efficaces dans le règlement de la dette.
28) La France est-elle menacée de faillite ?
Il est faux de parler d'une faillite pour la France. En effet, la France est un emprunteur fidèle sur la scène internationale. De plus, bien des entreprises
accusent à la fin de l'année un déficit, lequel est en fait immédiatement comblé par l'épargne des ménages du fait des investissements induits ; il n'est donc
pas question de crier à la faillite lorsqu'il y a déficit pour un agent économique (les APU en l'occurence). Aussi les déficits extérieurs de la France sont assez
importants (30 milliards en 2006) mais cela ne veut pas dire pour autant que le pays est dans le rouge. Effectivement l'auteur nous explique qu'en théorie,
une économie affichant un excédent extérieur est une économie dont les agents épargnent trop et n'investissent pas assez. La France connaît actuellement
une baisse du taux d'épargne et une hausse du taux d'investissement permettant de renouveller l'appareil productif. De fait, le déficit extérieur de l'Hexagone
rend compte de son dynamisme économique contrairement à l'Allemagne où les excédents extérieurs sont de 160 milliards d'euros et où le taux d'épargne
des ménages est très fort. Attention cependant à ne pas abuser des déficits extérieurs si les créanciers étrangers doutent de la capacité du pays en question à
rembourser.
29) Est-ce la faute de Bruxelles si la France va mal ?
Cette question est justifiée par un manque de transparence du gouvernement français dans le rôle qu'il exerce sur la mise au point des textes européens.
L'UE fonctionne comme un pays où les institutions fonctionnent : Duval voit dans le Conseil des ministres le pouvoir législatif notamment. Faut-il
néanmoins accuser la création de l'UE ?
L'instauration du marché commun par l'euro a éliminer les crises de changes et a permis une baisse radicale des taux d'intérêt. Néanmoins les politiques
budgétaires menées par les membres de l'UE sont bien moins efficaces que celles des Etats-Unis.
Le problème relèverait alors du manque d'une autorité économique centrale laissant chaque pays batailler afin de gagner des parts de marché à l'exportation
chez ses voisins. De plus les tentatives de dumping fiscal notamment qui seraient l'apanage des petits pays, i.e ces derniers baissent facilement leur taux
d'imposition afin d'appeler les riches et les entreprises, gangrainent le système fédéral.
Pour conclure, l'Europe sert souvent de béquille aux débats politiques de la France même si cette dernière n'a pas totalement tort en cela que le marché
commun a ses limites.
30) Pourquoi les Français descendent-ils si souvent dans la rue ?
L'auteur se demande pourquoi nous ne pouvons pas régler nos affaires autrement que par le conflit. Il semble que cela soit en partie dû à la faiblesse des
syndicats, bien que la naissance du Mouvement des entreprises de France (Medef) ait ouvert la voie d'une suprématie de la négociation collective sur la loi
vite redevenu simple lobbying politique après la victoire de la droite en 2002. Lorsque Dominique de Villepin devînt Premier ministre, il créa le Contrat
première embauche sans rechercher une négociation avec les partenaires sociaux. C'est alors dans une telle dynamique qu'il faut comprendre les actuels
mesures prises en faveur du renouveau du dialogue social.
Aujourd'hui l'heure est également à la clarification des modes de financement du syndicalisme lequels sont souvent trop flous et peu transparents : ils ne
relèvent plus tellement des côtisations des syndiqués.
Si le champ de la négociation est trouvé, on pourra peut-être « en finir avec une histoire sociale caractérisée par ses convulsions chroniques » (p.207, l.18,
19).
31) La France peut-elle devenir un pays scandinave ?
On sent que cette 31ème question est une forme de suspens à l'ouvrage de Guillaume Duval : elle est une problématique chère à notre auteur et à la direction
que les politiques doivent prendre.
Le pays scandinave fait rêver : faible chômage, cohésion sociale, bonne insertion dans la division internationale du travail … La France, trop inégalitaire et
élitiste, ne peut, de fait, y parvenir.
Le nombre important de syndicats et de corps intermédiaires permettent aux pays scandinaves que les politiques mises en œuvre le soient dans un consensus
plus transparent qu'en France. De plus, la transparence des APU est bien plus forte dans ces petits pays du Nord. Aussi et surtout, c'est le caractère
inégalitaire, notamment en termes de revenu, de la société française qui fait pêcher la France. De plus, le système redistributif des pays scandinaves est plus
élaboré qu'en France, suscitant par contre des tensions politiques plus vives.
Guillaume Duval situe la France entre le Royaume-Uni très inégalitaire (où les inégalités sont corrigés à coups de prélèvements obligatoires élevés) et les
pays scandinaves (où beaucoup de ressources diversifiées sont mises en avant, tant dans la recherche que dans l'éducation par exemple).
Epilogue : La France est-elle condamnée au déclin ?
La France reste la sixième puissance économique du monde et 32 entreprises françaises figurent parmi les 500 plus grandes entreprises mondiales par
leur capitalisation boursière. Elle est aussi une puissance nucléaire énorme.
Mais Guillaume Duval estime les Français, lui avec, comme chanceux « d'appartenir à une zone qui s'est puissamment développée économiquement depuis
deux siècles » (p.214, l.13, 14). La France doit son relatif déclin à l'émergence des pays du Sud et son poids dans l'économie mondiale ne tient qu'aux
potentielles performances d'une Union Européenne unie et solidaire. L'heure reste néanmoins à oublier son orgueil de Français : « les habitants de
l'Hexagone, qui avaient souvent pris la grosse tête depuis deux siècles, doivent donc maintenant redescendre sur terre et s'habituer à l'idée qu'ils ne pèsent
finalement qu'1 % du monde » (p.215, l.22, 23, 24, 25). Pour autant nous n'irons pas mal dans les années qui viennent.
D'autres problèmes bien plus importants semblent dépasser le déclin très relatif de la France : ceux notamment de l'épuisement des ressources non
renouvelables et de la consommation non économe de plus en plus mondiale. De plus l'émergence des pays du Sud n'a pas induit un développement de
l'intérieur de ces pays, surtout tournés vers l'exportation.
Ainsi, Guillaume Duval ferme la parenthèse du déclin de la France et ouvre celle du déclin, lent mais effrayant, du monde : « En soi, le déclin de la France
est donc plutôt une bonne nouvelle pour le monde sans pour autant en être nécessairement une mauvaise pour nous. Mais dans un monde aussi peu régulé
que le nôtre, tant sur le plan social et économique qu'environnemental, on ne peut malheureusement pas exclure que ce processus tourne mal. Pour le
monde comme pour nous ... » (p.216-217, l.30, 31, 32 et l.1, 2, 3, 4).
Téléchargement