La panne de l'ascenseur social est donc forte au niveau générationnel, mais pas seulement. La mobilité professionnelle, cette fois calculée par l'Insee chez
les hommes et chez les femmes, est contrastée. Si elle s'est globalement accrue depuis les années 1980, les hommes ont toujours plus de chances de
promotion que les femmes (10,5 % pour les femmes contre 15,1 % pour les hommes). A savoir aussi que l'acension sociale est très connue des jeunes
salariés (hommes ou femmes) : la tranche des 30-34 ans a changé de statut social pour 30 % environ de ses salariés. Inversement, les cadres, couche sociale
connue pour sa compétition interne et son rythme exigeant, sont les plus touchés par le déclassement professionnel. Les ordres de grandeur sont quasiment
les même pour les professions intermédiaires.
Si la France est l'un des pays « les plus figés » (p.57, l.4), les pays scandinaves et le Canada sont ceux qui expérimentent le plus de fluidité sociale. A cette
situation, Guillaume Duval ne fait que pointer du doigt une France inégalitaire : pour lui, la fluidité sociale est conditionnée par des différences moindres
entre couches sociales, ce qui est hors de question en France.
9) Les jeunes sont-ils les victimes des « baby-boomers » ?
« Les jeunes d'aujourd'hui souffrent […] du double mouvement d'élévation du niveau scolaire et de ralentissement des créations d'emplois » (p.58, l.5, 6, 7).
Néanmoins si la France expérimente un prolongement des études, elle n'en est pas pour autant un pays de surdiplômés puisque nombreux sont les jeunes très
faiblement qualifiés. De plus, les jeunes sont les premières victimes, bien que des victimes diplômées, de la précarité de l'emploi et du dualisme du marché
du travail. Ils sont embauchés comme roue de secours dans des emplois dits « atypiques » et à court terme (CDD, temps partiel …). La France n'a donc
plus une masse de retraités pauvres, mais une masse de jeunes pauvres, ce qui est encore plus préoccupant. Christian Baudelot et Roger Establet montre un
taux de suicide excessivement fort chez les jeunes depuis le début du XXIème siècle.
Si le facteur générationnel et structurel peut expliquer en partie les déboires de l'actuelle jeunesse française, on ne peut pas expliquer le chômage ou la
précarité des jeunes par une volonté collective de la génération des « baby-boomers » de préserver leurs acquis. En effet cette dernière génération connaît
également la précarité.
Néanmoins le nœud du débat semble se nicher dans la problématique de la retraite laquelle est actuellement revendiquée par les anciens « baby-boomers ».
Ces derniers vont connaître, du fait de leur grand nombre et de la crise actuelle, des retraites nettement moins généreuses. Entre 1994 et 2004, les retraites de
la fonction publique ont perdu 0,5 % de pouvoir d'achat. Pour résumer, l'amélioration, pendant les trente Glorieuses, du système collectif de retraites n'a pas
bénéficié aux « baby-boomers » mais à leur prédecesseurs qui ont travaillé dans l'immédiat après-guerre. Ainsi, les « baby-boomers » sont loin de pouvoir
compter sur les jeunes pour payer leur très prochaine retraite : crise et précarité obligent !
Enfin, si les jeunes étaient vraiment les victimes collectives des « baby-boomers » il se serait formé une sorte de classe sociale dévalorisée rassemblant tous
les jeunes. Or il n'en est rien puisque la jeunesse sont plus que jamais la sphère des inégalités. Puisque la réussite scolaire dépend aujourd'hui plus qu'avant du
secteur privé et de la famille, la méritocratie n'est pas assurée.
« Bref, l'unité de la jeunesse est plus que jamais un mythe, et avec elle la vision d'une société mue par une guerre des générations » (p.64, l.25, 26, 27).
10) Pourquoi les Françaises ont-elles si peu de pouvoir ?
La parité est encore loin d'être acquise dans la population active française. Pourtant au niveau européen, les Françaises sont les plus actives.
Pour calculer le plus scientifiquement possible le poids réel des femmes dans la production de richesses, il s'agit de raisonner en « équivalent temps plein »
i.e la production de richesses valorisées sous une forme monétaire. Un tel raisonnement nous amène à dire que les femmes travaillent sensiblement plus
qu'avant.
Ce n'est pas pour autant qu'elles ont fait moins d'enfants. D'ailleurs, si les femmes arrivent à concilier vie professionnelle et maternité, cela ne signifie pas que
les hommes ont beaucoup plus de charges et de responsabilités au travail.
Ainsi, Duval nous explique les inégalités entre les hommes et les femmes par la tendance masculine à faire plus d'heures supplémentaire et la tendance
féminine au travail domestique (2 fois plus de temps passé par les femmes au travail domestique que les hommes). Bien que ce constat soit largement nuancé
depuis les années 1970, l'égalité parfaite n'est aujourd'hui pas constatée.
La Française a un temps libre quasiment inexistant par rapport à ses collègues européens, en raison notamment des grandes disparités « homme-femme »
qu'il existe dans la part du temps accordée à l'enfant de moins de 6 ans.
La politique, un espoir ?! Le chemin de la parité en politique est largement pris, notamment dans les communes et dans le gouvernement. Guillaume Duval
rend hommage aux 11 ministres féminins du gouvernement Sarkozy de 2007 : on pourrait imaginer son enthousiasme en voyant la parité acquise dans le
gouvernement Hollande de 2012. Si le secteur public fait mine d'une amélioration bien que peu de postes à responsabilité soit acquis par les femmes, le
secteur privé reste sur ce point le plus désastreux. En 2005, la part des femmes qui présentaient les Conseils d'administration des entreprises cotées françaises
n'était seulement que de 7,6 %.
Plus impliquées dans l'économie que leurs collègues européennes, les Françaises sont paradoxalement les moins bien placées dans la stratification socio-
économiques et politiques de toutes les femmes actives de l'Europe.
11) Y a-t-il trop d'immigrés en France ?
« est immigrée toute personne qui est née étrangère à l'étranger et qui réside sur le territoire national depuis au moins un an » (p.72, l.10, 11). En 2005 4,9
% de la population française était immigrée i.e moins de 3 millions d'individus. Les immigrés traditionnels proviennent des pays du Maghreb mais aussi
d'Europe du Sud, d'Afrique noire et d'Angleterre.
Il s'agit d'individus qui, en termes de qualification et d'études, ont largement rattrapé les français « pure souche » : un cinquième des nouveaux étrangers
(hors UE, Afrique) sont des étudiants. Néanmoins, pour Guillaume Duval il faut relativiser la prétendue abondance d'immigrés en France car ils
n'augmentent sa population que de 0,2 % par an : « cet accroissement représente le tiers seulement de celui quia résulté en 2006 de l'excédent des naissances
sur les décés » (p.74, l.23, 24, 25). L'Hexagone n'est pas une terre d'immigration massive comparé à l'Australie, la Suède ou les Etats-Unis.
Si la France a réussi à fermer ses frontières, comment se fait-il que tant de discours soient tenus sur l'abondance d'immigrés ? Il semble en tout cas que ces
derniers ne constituent pas une menace pour les non-immigrés, en tout cas sur le marché des nouveaux emplois créés entre 1995 et 2005. Le problème
semble plutôt être géographique. En effet, la concentration spatiale des immigrés et notamment la ghettoïsation des quartiers parisiens ou alsaciens,
rendent à la fois compte de l'impuissance des collectivités à organiser l'espace et de la stigmatisation exerçée par les habitants non-immigrés.
Aussi l'auteur ne manque pas de souligner que le marasme économique interminable qu'expériment la France ces années provient peut être du trop peu
d'immigrés, faisant taire ici bien des discours mal fondés.
12) Les immigrés menacent-ils l' « identité nationale » ?
Ce qui menace aujourd'hui plus l'identité nationale, c'est bien l'extrême différence entre le beau discours universaliste de l'égalité et la réalité des
discriminations et inégalités. Les discours graves portés sur l'immigration proviennent d'une peur du radicalisme musulman depuis les attentats du 11
Septembre. Pourtant, les immigrés musulmans ou non-immigrés de religion musulmane s'écartent, pour la plupart, d'un tel extrêmisme et s'inquiètent plus
pour le chômage de masse que pour le devenir de la religion. La citoyenneté française l'emporte sur la culture musulmane à 46 % (d'après le Pew
Research Center). Il s'agirait en France d'une certaine aptitude à une acculturation d'ajustement des populations immigrées. Par exemple, le souhait émis
par les familles ouvrières selon lequel les enfants doivent suivre des études supérieures est plus fort chez les maghrébins résidant en France que chez les
français. Doit-on voir ici une confiance plus naïve des immigrés au fameux modèle méritocratique français qui contrasterait avec les déceptions intériorisées
avec les ouvriers pure souche ?
Néanmoins, cette confiance des immigrés en la France est à relativiser du fait des énormes discriminations qu'il existe, notamment en matière de logement,
d'accès aux discothèques mais aussi et surtout de travail. Avec un CV similaire et 516 envois, les immigrés obtiennent 14 réponses positives contre 76
réponses positives pour les non-immigrés. De même, les immigrés ont 1,5 fois plus de chances d'être au chômage que leur contraire.
« Bref, le désir d'intégration marqué des immigrés français et de leurs enfants se heurte à un mur » (p.82, l.7). On comprend toute la frustration potentielle
des immigrés ou individus de culture musulmane, que la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations par des individus français non-
immigrés peut apaiser en cela qu'elle est l'espoir d'une paix entre tous les habitants de la France.
L'idéal républicain reste un idéal très difficile à atteindre.
13) Les « vieux » vont-ils couler la protection sociale ?
Depuis les années 1990, les réformes de l'Etat ne sont-elles pas allées trop loin dans la baisse du niveau des retraites ?
D'abord, l'espérance de vie ascendante et la baisse de la natalité conduisent, grâce à un système de santé en progrès constant notamment, à un vieillissement
de la population inévitable (l'Europe étant le lieu où la natalité a baissé le plus au monde depuis ces dernières décennies).
Quelles implications pour la société ? Une population qui vieillit signifie par définition plus de personnes agées i.e « il faut […] organiser des transferts de
richesses importants des actifs vers les inactifs » (p.85, l.32).
Aujourd'hui les discours sont négatifs envers les systèmes de retraite dits socialisés (collectifs) et positifs envers des systèmes d'épargne privée. Or ces