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COMMUNIQUE DE PRESSE I MONTPELLIER I 23 mai 2012
Dans les zones inondées des forêts tropicales humides, l’azote est difficilement
assimilable par les racines, la nutrition est un véritable défi pour les plantes. Certaines ont
développé des adaptations qui leur permettent de retirer un bénéfice nutritionnel des
insectes. C’est le cas des plantes carnivores et des plantes myrmécotrophes qui ont
développé respectivement des relations antagonistes avec les insectes ou mutualistes
avec les fourmis.
Nepenthes bicalcarata est une liane carnivore qui pousse dans les forêts tourbeuses et
marécageuses de Bornéo et qui capture des insectes dans ses feuilles modifiées en urnes. Elle
présente la particularité d’abriter dans sa vrille la fourmi Camponotus schmitzi qui obtient
respectivement de son nectar et de ses proies un bénéfice glucidique et protéique. En revanche,
le bénéfice que retire la plante de ce mutualisme potentiel n’avait pas été clairement élucidé. Des
travaux récents de scientifiques de l’UMR AMAP à Montpellier suggéraient que ces fourmis aident
la plante à capturer ses proies en attaquant en embuscade les insectes qui tombent dans l’urne.
Mais comme les fourmis consomment une partie de ces proies, il leur restait à tester si au final la
plante retirait un avantage nutritionnel de cette association.
Les travaux menés principalement par le doctorant Vincent Bazile et tout juste publiés dans
PLoSone répondent à cette question. En utilisant les isotopes stables de l’azote, des mesures de
la réflectance des feuilles, de l’herbivorie et de la biomasse en proies de la plante, les auteurs
montrent que les fourmis contribuent à la nutrition azotée de leur plante-hôte dans une relation
mutualiste à plusieurs facettes. Elles protègent les organes assimilateurs que sont les urnes et
diminuent leur taux d’avortement provoqué en partie par un charançon. Elles augmentent le taux
de capture d’insectes par urne. Enfin elles fournissent à la plante une part significative de l’azote
des insectes capturés via leurs déchets et fèces déversés dans les urnes. Ainsi, les plantes
occupées par les fourmis triplent leur surface foliaire et leur quantité d’azote par rapport aux
plantes inoccupées. Le rôle nutritif de la fourmi est d’autant plus crucial chez Nepenthes
bicalcarata que les urnes sont dénuées des traits classiquement utilisés par les autres espèces de
Nepenthes pour capturer et digérer leurs proies : une zone cireuse glissante et un fluide
viscoélastique et corrosif. La fourmi agit donc à la fois comme organe de préhension principal et
comme estomac de sa plante-hôte !
Des fourmis symbiotiques chassent et digèrent pour leur plante-
hôte carnivore