Le Médecin de France I n° 1145 I 30 AVRIL 2010 >p.5
> RAPPORT LONGUET SUR LES PROFESSIONS LIBÉRALES:
CE QUI INTÉRESSE LES MÉDECINS
ENTRETIEN AVEC DAVID GORDON-KRIEF
“Le président de l’Unapl dit ses quatre vérités au gouvernement
Quelles relations les professions libérales entretiennent-
elles avec les pouvoirs publics?
David Gordon-Krief : Meilleures, mais pas suffisantes.
L’ensemble des professions libérales considère que depuis
deux ans il n’y a pas véritablement de discussion intelligente,
prospective, imaginative entre les pouvoirs publics et le corps
des professions libérales. Cela se caractérise par le fait qu’il
n’y a plus de secrétariat d’État aux Professions libérales,
mais aux Services. On amalgame tout et rien.
Les pouvoirs publics considèrent qu’il n’y a pas de contours
aux professions libérales. Et pourtant, il y en a. Lorsque l’on
m’interroge sur le point commun entre un vétérinaire, un
architecte, un avocat et un chirurgien dentiste, je demande
quel est le point commun entre une entreprise de soins aux
personnes âgées, une entreprise de maintenance informa-
tique et un importateur de porcelaine de Chine. Aucun, si ce
n’est d’être des petites ou moyennes entreprises, acteurs
économiques. Les professions libérales sont des PME,
pilotées par des libéraux, qui en plus d’être des entrepre-
neurs, sont au contact direct de patients ou de clients dans
une relation de confiance et de confidentialité, et qui voient
leur responsabilité civile professionnelle directement engagée.
Il y a une colonne vertébrale à l’ensemble de ces professions.
De plus, en ce qui concerne les professions de santé et celles
du Droit, elles accomplissent des missions de service public.
Les pouvoirs publics ne l’ont pas compris et se sont contentés
d’avoir des relations bi latérales et des rapports frontaux. Les
professions de santé traitent avec Roselyne Bachelot, celles
du Droit avec Michèle Alliot Marie, les professions comptables
avec le Budget. Il n’y a plus de discours transversal construit,
montrant que les pouvoirs publics veulent développer les
entreprises libérales comme créatrices d’emplois, ce qui
permettrait d’avoir une approche économique simple.
Les choses ont changé avec le rapport Longuet. A sa remise,
le ministre a dit que le gouvernement allait contribuer à
l’activité libérale.
Faut-il une définition des professions libérales?
David Gordon-Krief : Oui, il faut une définition souple et
intelligente pour savoir si telle ou telle profession répond à
certains critères, ne serait-ce pour savoir si tel ou tel
professionnel peut s’inscrire à une caisse de retraite des
professions libérales, bénéficier de telle ou telle mesure ou
répondre à telle ou telle obligation. La définition qu’en donne
le rapport Longuet nous satisfait (NDLR : Voir article ci-
contre).
La principale différence avec la définition de l’Unapl est qu’il
parle d’activité libérale plutôt que de profession libérale.
Pourquoi pas?
Quelles propositions de ce rapport pourraient être
immédiatement réalisables?
David Gordon-Krief: Une bonne moitié des 33 propositions
de ce rapport pourraient être immédiatement réalisables et
seraient utiles pour dynamiser l’activité libérale. Je pense au
renforcement de la présence des professions libérales dans
les institutions comme le conseil économique social et
environnemental, ou encore au socle de règles éthiques, au
groupement momentané d’entreprise libérale qui permettrait
à plusieurs professionnels de répondre ensemble à un appel
d’offre, à l’amélioration de la couverture sociale des
collaborateurs libéraux. La liste n’est pas exhaustive.
Beaucoup des mesures fiscales proposées pourraient être
adoptées rapidement et apporteraient tout de suite un
confort financier à l’ensemble des professions libérales.
Comment interprétez-vous le projet relatif à la taxe
professionnelle?
David Gordon-Krief: Au départ, il s’agissait de transformer
la taxe professionnelle pour qu’elle soit moins pénalisante
pour les PME. Nous attendions cette réforme. Nous y étions
favorables.
Mais on nous a fait savoir qu’elle ne concernerait pas les
entreprises en BNC employant moins de cinq salariés.
Lorsque nous avons voulu en connaître les raisons, on nous a
répondu que cela coûterait trop cher et on nous a fait
comprendre que, comme nous n’étions pas délocalisables, on
ne craignait rien de nos réactions. Je trouve misérable que le
conseil constitutionnel ait dû sanctionner cette inégalité. Et je
trouve pitoyable que, dans une interview, Christine Lagarde
laisse entendre qu’en 2011, le gouvernement pourrait la
réintroduire
Dans l’entretien qu’il a accordé au MDF, le
nouveau président de l’Union nationale des
professions libérales ne mâche pas ses mots.
Les relations avec les Pouvoirs publics ont
traversé une phase détestable. Les propositions
du rapport Longuet peuvent être l’occasion de
renouer le dialogue.
“
Depuis deux ans
il n’y a pas
véritablement de
discussion intelligente
entre
les pouvoirs publics
et le corps des
professions libérales.
”
secteurs d’activité. La mesure qui permettrait aux titulaires
de BNC de bénéficier du principe de la liberté d’affectation
comptable en matière d’actif professionnel procède de l’idée
« d’harmoniser les situations de toute entreprise indivi-
duelle» et donnerait au professionnel une sécurité juridique.
D’autres propositions, si elles étaient suivies, introduiraient
de la souplesse, incitant par exemple à l’installation d’entre-
prises libérales sur les territoires ruraux ou urbains difficiles,
notamment à la création de « pôles santé». Une dotation
pour investissement serait de nature à les encourager, estime
le rapport. Elle devrait être « suffisamment substantielle»
pour être attractive (une provision défiscalisée de 30000 par
an par exemple), mais limitée à des opérations répondant à
des conditions strictes (investissements immobiliers destinées
à des locaux professionnels, sur le territoire de communes
reconnues sensibles, et pour accroître l’offre de services
libéraux multidisciplinaires).
Enfin, le rapport souhaite améliorer le statut de collaborateur
libéral, qui, en cas de rupture de contrat, «devrait avoir un
temps suffisant pour trouver une nouvelle collaboration ».
D’où l’idée de garantir «un délai de prévenance minimum et
proportionnel à son ancienneté.» Dans l’optique d’inciter les
jeunes à se lancer dans l’exercice libéral, il est proposé
d’améliorer la couverture sociale des collaborateurs libéraux,
notamment d’améliorer les prestations de maternité pour les
collaboratrices libérales.