
Depuis 2003, Régis Roudier collabore régulièrement aux créations du Bruit du Frigo comme
comédien, co-metteur en scène, ou encore comme manipulateur caché sous une table à tirer sur
divers leviers et ficelles.
Même lorsqu'il ne fait pas partie de la distribution d'un spectacle, il intervient souvent à un
moment du processus, ne serait-ce que comme premier spectateur, afin de questionner le travail
et de donner de nouvelles pistes.
C’est en tant que metteur en scène qu’il porte aujourd’hui le projet d’adaptation pour le jeune
public (à partir de 10 ans) du livre de Jean–Louis Fournier Il a jamais tué personne, mon papa,
Editions Stock, 1999, 2008.
Son projet est pensé pour être joué dans les théâtres et les salles non équipées (installation
technique autonome). La jauge est prévue pour 200 spectateurs.
Un coup de cœur pour une œuvre
Mon premier contact avec l’œuvre de Jean-Louis Fournier n’a pas été littéraire,
mais télévisuel : enfant de la télé, à 7 ans j’étais fan (et je le suis toujours !) de La
Noireaude, vache hypocondriaque qui harcèle son vétérinaire au téléphone pour
lui raconter ses états d’âme, et d’Antivol, l’oiseau qui a le vertige …
25 ans plus tard, j’ai lu d’une traite, le sourire aux lèvres et très ému Il a jamais tué personne,
mon papa, récit autobiographique dans lequel Jean-Louis Fournier relate l’histoire de son père
médecin, alcoolique, fumeur, mal habillé, pauvre, et mort à 43 ans, alors que lui-même n’en
avait que 15. A première vue, pas de quoi faire rire car c’est un véritable drame que dépeint ce
récit : une famille mise à mal par de gros problèmes d’alcool et d'argent.
Or, l’auteur a pris le parti de décrire les situations ubuesques, tragiques, drôles ou
pathétiques que vivait sa famille, dans un style enfantin, rythmé de phrases courtes
s'enchaînant comme les idées qui traversaient la tête du gamin qu'il était. En se plaçant à
hauteur d’enfant, il analyse les événements qui ont jalonné cette période de sa vie avec
légèreté, sans pour autant éluder leur gravité. Son sens espiègle de la formule fait mouche. Il
déclenche des éclats de rire et émeut à la fois, ce qui lui permet parfois de résumer
pudiquement une situation sordide par une pirouette.
Jean-Louis Fournier est indulgent envers cette figure paternelle très envahissante et
complexe. « Il ne faut pas trop en vouloir à certains, plus fragiles, de choisir de mauvais
moyens pour rendre supportable leur insupportable », dit il en conclusion de son livre.
Cependant la fin du récit est teintée d’une réelle amertume, et exprime clairement un
sentiment de rendez-vous manqué.
Le vocabulaire utilisé est simple, accessible, précis. Il fourmille d’objets du quotidien, d’outils,
d’animaux, de détails vestimentaires, de véhicules de toutes sortes. Le lecteur peut ainsi
facilement visualiser les situations traversées par les personnages, l’environnement et l’époque
(les années 1950) dans lesquels elles se situent.
Dès la première lecture, j’ai eu envie d’adapter Il a jamais tué personne, mon papa pour la
scène, en visant le jeune public :
D’abord parce qu’en tant que spectateur j’adore être bouleversé et éclater de rire à la même
seconde.
Ensuite parce que cette œuvre est accessible à tous (ce qui est pour moi l’une des qualités
premières d’un objet artistique, quel qu’il soit) et qu’elle aborde des sujets graves en évitant les
écueils qu’on trouve dans certains récits autobiographiques.
Enfin parce que ce foisonnement de détails et d’objets divers dans le texte se prête vraiment à
la manipulation d’objets concrets sur le plateau…
Régis Roudier, 28 septembre 2011.