MOKRANE AÏT LARBI AU
SOIR D’ALGÉRIE
:
«Le pouvoir parle
au peuple, il ne
l’écoute pas»
DIMANCHE 18 SEPTEMBRE 2011-20 CHAOUEL 1432 - N° 6361 - PRIX 10 DA - FAX : RÉDACTION : 021 67 06 76 - PUBLICITÉ : 021 67 06 75 - TÉL : 021 67 06 51 - 021 67 06 58
SITUATION EN LIBYE
Les terroristes
grands
gagnants ?
Edition d’Alger - ISSN IIII - 0074
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Fawzi Rebaïne conteste l’exclusion
des hommes d’affaires
CANDIDATURE À L’APN
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PAGES 4 et 5
Mourad Medelci représentera Bouteflika à
la prochaine session de l’ONU, à New
York, le 23 septembre prochain, a-t-on
appris de bonne source. Bouteflika, qui n’a
pas l’habitude de rater ce rendez-
vous annuel, a pris cette décision à
la suite de la position américaine
par rapport à la demande des Pales-
tiniens d’être admis en tant qu’Etat
par l’ONU.
Un jour, un sondage
OUI
NON
sans opinion
Résultats du dernier sondage
Pensez-vous que la fonction de vice-Premier ministre
doit être maintenue ?
OUI : 7,73 %
NON : 89,03 %
SANS OPINION : 3,23 %
Pensez-vous que la prochaine réunion de
la tripartite va déboucher sur une augmentation
du SNMG ?
Déposez votre réponse sur le site
du Soir d’Algérie
www.lesoirdalgerie.com
Medelci remplace
Bouteflika
Coordination syndicale
chez le privé
Une coordination syndicale dans le domaine du
tourisme relevant notamment du secteur privé
serait sur le point de voir le jour, a-t-on appris de
source syndicale sûre.
L’idée de la création de cette organisation syndi-
cale fait suite aux différents mouve-
ments de protestation
ayant touché le
secteur du tou-
risme, dont la
grève qui a
paralysé l’hôtel
Sheraton
d’Alger.
Revoilà
l’opération
trottoirs
Comme d’habitude, à un
an des élections locales, de
nombreuses communes de
la capitale s’apprêtent à
renouer avec les fameuses
«opérations trottoirs».
Cela est, entre autres, le
cas de l’APC de Ouled Fayet
où, manifestement, on a
décidé de remplacer le carre-
lage, installé il n’y a pas très
longtemps, par des pavés. Le
hic est que, dans des com-
munes mitoyennes, c’est
exactement le contraire qui
se produit puisque les pavés
sont en train
d’être reti-
rés pour
être rem-
placés par
du carre-
lage.
Dimanche 18 septembre 2011 - Page 2
ERISCOOP
ERISCOOP
P
P
Ould Abbès
chez les Américains
Le prestigieux Massachusset Institute of
Technology et de grands laboratoires améri-
cains du médicament ont invité le ministre
de la Santé pour une visite de quatre jours
aux Etats-Unis. La délégation algérienne
comprend également des
représentants des minis-
tères de l’Enseignement
supérieur et de l’Industrie.
Il faut dire que les Amé-
ricains mettent le paquet
pour investir dans ce sec-
teur qui représente un
marché de plusieurs
milliards de dol-
lars.
Mobilis se
décide enfin
Après une pénurie de
plus de six mois, l’opérateur
public de téléphonie mobile,
Mobilis, vient de lancer un
avis d’appel d’offres pour
l’acquisition de clés USB
Modem.
L’avis d’appel d’offres,
publié la semaine dernière,
ne précise toute-
fois pas
les
quanti-
tés
que la
filiale
d’Algé-
rie Télé-
com
compte
acquérir.
LeSoir
d’Algérie Actualité Dimanche 18 septembre 2011 - PAGE 3
SITUATION EN LIBYE
Les terroristes grands gagnants ?
Tarek Hafid - Alger (Le Soir)
Le constat du préfet Yves Bonnet
est sans appel : la France a bafoué
toutes ses valeurs fondamentales
en se faisant le fer de lance de l’in-
tervention étrangère en Libye. «On
m’a récemment demandé ce que
la France avait à gagner et à
perdre dans son aventure en
Libye. A mon avis, elle a gagné
des marchés, des débouchés éco-
nomiques. Mais cela n’est pas
durable. Par contre, ce qu’elle a
perdu est du domaine de l’intan-
gible, de l’immatériel. C’est la
grandeur de notre message, c’est
lavaleur éternelle de nos grands
principes révolutionnaires. Je
considère que rien ne justifie l’ou-
bli de nos principes», a affirmé,
hier, le préfet Yves Bonnet, lors
d’une conférence animée dans le
cadre d’une rencontre-débat sur la
«menace terroriste à la lumière de
la situation en Libye».
L’ancien patron de la Direction
de la surveillance du territoire, l’ex-
service français de contre-espion-
nage, qui s’est rendu en Libye ces
derniers mois, s’interroge, encore,
sur les raisons qui ont mené Paris
àengager une action contre un
dictateur qui avait réussi à se
réconcilier avec les Etats occiden-
taux.
«On a demandé au colonel
Kadhafi de lutter contre Al Qaïda, il
l’a fait. On lui a demandé de lutter
contre l’immigration clandestine
sub-saharienne, il l’a fait. On lui a
également demandé de barrer la
route à l’islamisme radical, il l’a fait
aussi. Comme l’ont fait d’ailleurs,
Ben Ali et Moubarak. Il ne faut tout
de même pas être amnésique. Je
nesais pas ce qu’a fait Kadhafi
pour mériter autant d’attention,
mais aujourd’hui, on se souvient
de l’image de deux amis (Sarkozy
etKadhafi), qui s’enlaçaient.
Finalement, l’un a planté son poi-
gnard dans le dos de l’autre. On le
voit, les enjeux sont énormes en
termes de biens matériels et de
marchés et j’oserai dire en termes
de partage d’une dépouille», a-t-il
indiqué. Pour Yves Bonnet, l’argu-
ment de l’ingérence humanitaire
est, dans ce cas précis, fallacieux.
«Voyez ce qui se passe en Corée
du Nord, pourtant nul n’a l’idée
d’aller intervenir militairement dans
ce pays», ironisera Bonnet qui diri-
geaujourd’hui le CIRET/AVT, un
centre de recherche sur le terroris-
me.
Alliance «Occidentaux-
djihadistes»
De son côté, Eric Denécé,
directeur du Centre français de
recherche sur le renseignement,
estime que la situation en Libye
«constitue un facteur de propaga-
tion énorme du terrorisme dans ce
pays, au Maghreb, dans la région
sahélo-sahélienne et, probable-
ment, même dans le Bassin médi-
terranéen».
«Aujourd’hui, nous sommes,
occidentaux, dans une alliance
contre-nature avec des djihadistes
qui prônent des valeurs totalement
contraires aux nôtres. Nous avons
créé une situation extrêmement
grave. Tous les groupes terroristes
qui ont commencé à baisser la tête
sous les coups de boutoir des
Occidentaux mais aussi de pays
comme l’Algérie sont en train de
redresser la tête et de profiter de
l’afflux massif d’armes en prove-
nance de Libye», a insisté Eric
Denécé. «Je n’ai aucun état d’âme
àpropos du sort de Kadhafi. Mais
dans le contexte actuel, nous
devons reconnaître que le remède
sera pire que le mal.»
Selon son analyse de la situa-
tion, les membres «pro-améri-
cains» et «démocrates» du
Conseil national de transition
(CNT) seront les premiers à être
«avalés» par les membres des
factions islamistes de cette instan-
ce.
T. H.
Le préfet Yves Bonnet.
Photo : DR.
Photo : New Press.
Yves Bonnet et Eric Denécé, deux spécialistes français
du renseignement, ont analysé, hier, la situation politique
et sécuritaire au Maghreb et au Sahel suite à l’intervention
de la France et de l’Otan en Libye. Une action — contestée
sur le plan du droit et des «valeurs fondamentales» — qui,
àterme, profitera aux groupes terroristes.
Mehdi Mehenni - Alger (Le
Soir) -S’exprimant hier à l’issue
d’une conférence de presse,
Fawzi Rebaïne a rejeté dans la
forme et dans le fond le projet de
loi organique relative au régime
électoral, examiné et approuvé le
28 août dernier par le Conseil des
ministres.
Mais la partie du texte de loi en
question que le président de AHD
54 déplore le plus est celle relati-
ve à l’exclusion des hommes d’af-
faires, des barons du commerce
et des bailleurs de fonds de la
candidature à l’APN.
Il s’agit, pour lui, d’une grave
atteinte aux libertés individuelles.
Fawzi Rebaïne considère qu’à tra-
vers cette mesure, le président de
la République Abdelaziz
Bouteflika et ses ministres ont pié-
tiné la Constitution en toute impu-
nité. «Au nom de quoi ils interdi-
sent à un citoyen algérien qu’il soit
riche ou pauvre de présenter sa
candidature. Je ne cherche point
àdéfendre les bailleurs de fonds,
d’autant plus que notre parti n’a
aucun rapport ni de loin ni de près
avec eux.
Aussi, faut-il signaler que nous
ne recevons aucune subvention
qu’elle soit directe ou indirecte de
leur part, contrairement à certains
partis politiques que vous
connaissez tous et qui sont le
noyau du pouvoir», a-t-il souligné.
Toujours dans le cadre du régi-
me électoral, Fawzi Rebaïne, qui
aclairement affiché ses doutes
quant à la bonne volonté des pou-
voirs publics d’instaurer la trans-
parence, a exigé de rendre
publiques les prérogatives des
deux commissions de surveillan-
ce, celle des magistrats et celle
indépendante ainsi que le rapport
qui les assemble.
Il s’est également interrogé sur
le début et la fin du mandat du
président de la République à l’ap-
proche de l’échéance présiden-
tielle : «En 2009, j’ai eu à concur-
rencer un président en poste et
avec les pleins pouvoirs, alors que
nous étions tous censés être
égaux pour la course au trône.»
Cela dit, l’ex-candidat malheu-
reux à la présidentielle d’avril
2009 n’a pas manqué l’occasion,
comme de coutume, de relancer
les accusations portées contre
Abdelaziz Bouteflika, faisant état
de «puisement dans les caisses
publiques pour le financement de
sa campagne et la mobilisation de
tous, walis, chefs de daïra, P/APC
et entreprises publiques, à son
service».
Concernant la prochaine tripar-
tite, Fawzi Rebaïne s’attend à un
véritable «coup de théâtre» avec
une UGTA et un patronat comme
acteurs principaux, au service du
gouvernement.
M. M.
L’exclusion des hommes d’affaires, des barons du com-
merce et des bailleurs de fonds de la candidature à l’APN
dans le projet de loi organique portant régime électoral ne
semble pas être du goût du président de AHD 54, Fawzi
Rebaïne.
CANDIDATURE À L’APN
Fawzi Rebaïne conteste l’exclusion
des hommes d’affaires
CONFÉRENCE DE PRESSE DE FATEH REBAI
Ennahda mobilise ses troupes
pour l’échéance de 2012
Le secrétaire général d’Ennahda, Fateh
Rebai, a assuré hier que son parti compte
mobiliser ses troupes pour se préparer en
prévision des prochaines échéances
électorales. Il s’est adressé hier aux
jeunes cadres de son parti en formation
de deux jours et a assuré que les partis de
l’opposition doivent être consultés et
écoutés concernant la finalisation de la loi
électorale.
F.-Zohra B. - Alger (Le Soir) - Abordant les
questions relatives à la préparation de
l’échéance électorale de 2012, le secrétaire
général d’Ennahda a déclaré que « la commis-
sion nationale de surveillance des élections ne
représente qu’un outil au service de l’adminis-
tration et qui cautionne les dépassements». Il a
ainsi souhaité que l’administration ne soit pas
associée aux élections étant «à l’origine de la
fraude». Pour Fateh Rebai, la commission de
surveillance des élections avait déjà relevé des
dépassements lors des élections de 2007,
«mais ces rapports n’ont pas été pris en consi-
dération. Pour être transparentes, les élections
doivent être supervisées, du début jusqu’à la fin
de l’opération, par les magistrats et non par
l’administration», a précisé le secrétaire géné-
ral d’Ennahda. «Les partis doivent s’investir au
sein des commissions communales et de
wilaya pour assurer la surveillance des élec-
tions», a souligné l’intervenant. Pour ce dernier
la réforme de la Constitution doit, par ailleurs,
précéder les lois organiques. Il exprimera ses
craintes concernant la soumission de la pro-
chaine Constitution à ces lois. Pour le parti
Ennahda, des élections doivent en outre être
organisées avant les réformes politiques. Le
secrétaire général d’Ennahda s’adressait hier
aux cadres de la direction centrale du parti qui
terminaient une série de deux cycles de forma-
tion. Les bénéficiaires de cette formation sont
essentiellement des femmes et des jeunes, a
souligné Fateh Rebai. Cette série de formations
entre aussi dans le cadre du processus de for-
mation en prévision des élections de 2012 et de
2017. A cet effet, il dira que les cadres doivent
être formés pour la gestion au niveau des col-
lectivités locales. Gestion qu’il jugera
«médiocre» au niveau des APC actuelles.
F.-Z. B.
Fawzi Rebaïne.
LeSoir
d’Algérie Entretien Dimanche 18 septembre 2011 - PAGE 4
Le Soir d’Algérie
:La ren-
trée s’annonce chaude au
double plan politique et social.
Quelle lecture faites-vous des
grèves cycliques et des
émeutes récurrentes ?
Mokrane Aït Larbi : C’est une
rentrée comme ses précédentes
qui se caractérise par l’absence
de débat public, les atteintes aux
libertés fondamentales et aux
droits de l’Homme et par le silen-
cedes partis politiques. Au
moment où les «problèmes» des
spéculateurs, des rentiers, des
responsables au niveau du pou-
voir et des partis politiques se
résument à trouver les moyens
de dépenser l’argent de la rente
pour des futilités telles que
l’achat de 4X4 dernier cri pour
leurs enfants, la majorité des
Algériens est confrontée, au quo-
tidien, aux problèmes du chôma-
ge, de logement, de santé, de
scolarité des enfants, de trans-
port et de sécurité. Le niveau de
vie des Algériens est en baisse.
Ceux qui travaillent bouclent les
fins de mois avec 100 DA. A vous
d’imaginer la vie d’un chômeur.
Ce qui explique, en partie ce
mécontentement général qui se
manifeste par des grèves, des
émeutes, l’occupation des admi-
nistrations, le blocage des
routes, les immolations, etc.
Cette situation conduira inévita-
blement à des émeutes générali-
sées aux conséquences graves.
Aux dirigeants donc de choisir de
partir par la porte ou se retrouver
dans une cage et sur une civière.
Car, contrairement à ce que pen-
sent nos «intelligents», ceci n’ar-
rive pas qu’à Moubarak.
Des animateurs de la mou-
vance démocratique ont appe-
lé à la reprise des marches
pour un changement pacifique
pour ce samedi 17 septembre.
Sachant le faible impact des
précédentes marches, croyez-
vous en leur relance ou a
contrario à leur inutilité ?
«La mouvance démocra-
tique» nécessite plus de la réani-
mation que d’animation. Je
pense qu’il est temps de consta-
ter l’échec des dirigeants de
cette «mouvance démocratique»
depuis 1989, pour ne pas recom-
mencer. Au lieu de se contenter
de lancer des appels à des
«marches pacifiques» et de les
abandonner quelques semaines
plus tard pour «déposer des
plaintes» aux Nations-Unies, un
travail de fond reste à faire, en
commençant d’abord par démo-
cratiser les partis politiques et les
associations, en ouvrant un
débat général sur les grandes
questions qui interpellent tout
militant démocrate, pour préparer
un projet de réformes à opposer
àcelui du pouvoir.
Des personnalités à
l’exemple du philosophe fran-
çais Bernard-Henry Lévy sou-
tiennent une «journée de la
colère» en Algérie, prémices à
un scénario à la tunisienne ou
àl’égyptienne. Quels en sont
les risques d’après vous ?
Je pense que les Algériens
sont suffisamment grands pour
se prendre en charge et envisa-
ger eux-mêmes la voie à suivre
pour un changement démocra-
tique.
Kadhafi a été chassé du
pouvoir et, partant, de Libye
comme un vulgaire délinquant
par l’Otan. Selon vous, assis-
tons-nous à un renouveau du
colonialisme sous d’autres
formes ?
Saddam et Kadhafi ont été
chassés du pouvoir par des puis-
sances. Ces mêmes puissances
qui les avaient soutenus en leur
fournissant le matériel nécessai-
re pour la répression. Et on se
souvient tous de la fameuse
déclaration de Madame Alliot-
Marie qui a proposé au dictateur
Ben Ali des méthodes «intelli-
gentes» pour réprimer la révolu-
tion tunisienne. La France,
l’Angleterre et les Etats-Unis ont
toujours soutenu — et continuent
àsoutenir — les dictatures
arabes et africaines, en échange
du pétrole et d’autres matières
premières. Aujourd’hui, ces
mêmes puissances préfèrent des
régimes «de bonne gouvernan-
ce» pour atteindre les mêmes
objectifs.
Elles servent, bien entendu,
les intérêts de leurs peuples.
C’est de bonne guerre mais, de
grâce, qu’elles nous épargnent le
discours sur la protection des
civils et le changement démocra-
tique car des dizaines de civils
sont tués tous les jours en
Palestine, en Syrie, au Yémen,
au Bahreïn. Et il y a encore des
dictateurs arabes et africains
amis d’Obama, de David
Cameron et de Sarkozy.
Au plan interne, les ten-
sions sur le front social ren-
dent la paix sociale précaire.
La carotte et le bâton semblent
être le moyen de gestion des
revendications de la popula-
tion. Cette confrontation popu-
lation-pouvoir politique risque-
t-elle de dégénérer en l’absen-
ce d’un vrai débat sur l’avenir
du pays ?
Un débat général sur les
grandes questions est un préa-
lable à toute réforme vers la
démocratie, car l’objectif des
réformettes engagées depuis l’in-
dépendance n’a jamais dépassé
la protection des intérêts des dif-
férents groupes du pouvoir et le
maintien du système mis en
place au nom du peuple sans lui
donner la parole. Nous consta-
tons que depuis l’indépendance,
le pouvoir n’a pas cessé de par-
ler au peuple. Et aujourd’hui, il
est temps d’écouter ce peuple et
de le laisser décider de son ave-
nir en toute liberté et en connais-
sance de cause.
AHydra, les riverains du
parc Bois des Pins ont été vio-
lemment réprimés pour une
histoire de parking, et à Bordj
Menaël parce que les citoyens
se sont opposés à la création
d’une décharge publique. Vous
attendez-vous à la répétition
de scénarios similaires qui
prennent des allures de déni
de droit et de justice ?
A Hydra ou à Freha, le citoyen
n’a que les services répressifs
comme interlocuteur.En l’absen-
ce des institutions et de l’Etat,
des citoyens essayent de s’orga-
niser pour préserver des droits
élémentaires.
Le pouvoir a toujours répondu
àces revendications par l’envoi
de milliers de policiers anti-
émeutes sous prétexte de main-
tenir l’ordre public. Or,cet ordre
public est troublé au quotidien
par des comportements irrespon-
sables de maires, de walis, de
ministres, d’officiers de police,
etc.
Face à l’arbitraire, aux
atteintes aux droits et libertés et
àl’injustice, les Algériens ont le
droit de s’organiser comme ils
peuvent. Pour aller vers l’essen-
tiel, l’Etat et ses institutions doi-
vent assumer leurs responsabili-
tés au quotidien dans le cadre du
droit et du respect des libertés
fondamentales.
Concernant justement la
justice à laquelle vous avez
consacré un livre, est-elle tou-
jours aussi éloignée du
palais ?
Les petites infractions de droit
commun et le litige entre particu-
liers sont laissés généralement
au magistrat. Mais les grands
dossiers sont toujours gérés par
le pouvoir politique et les ser-
vices de sécurité. Sinon com-
ment expliquer des plaintes sans
suite déposées par des citoyens
contre des responsables et des
parlementaires?
Comment expliquer le fait que
de hauts responsables poli-
tiques, cités dans des affaires de
corruption et dénoncés par la
presse, ne soient pas
poursuivis ? Le comble est que
certains d’entre eux ont obtenu
des promotions !
Pourquoi la Cour suprême
n’a-t-elle pas encore statué sur
les pourvois en cassation dans
l’affaire Khalifa ?
Pourtant les intéressés étaient
sommés de déposer les
mémoires pendant les vacances
judiciaires en août 2007 et ces
mémoires ont été déposés par
leurs avocats dans les délais. Et
àl’occasion, où en est-on avec le
dossier pénal de Khalifa
Airways ?
Vous avez dénoncé le non-
respect des droits de la défen-
se, l’instrumentalisation de la
justice du fait d’ordres venus
d’en haut dans des affaires
délicates dont certaines atten-
dent d’être jugées (Sonatrach,
malversations dans l’autorou-
te Est-Ouest, affaire des
détournements d’argent en
milliards). Faut-il désespérer
de leur aboutissement un
jour ?
Etant constitué dans ces
affaires et étant donné que la jus-
tice n’a pas encore statué sur le
fond, ma réponse ne sera don-
née qu’à l’audience publique du
tribunal.
Etat de droit, indépendance
de la justice, l’état des lieux a-
t-il enregistré quelques avan-
cées ces dernières
décennies ?
La notion de l’Etat de droit en
Algérie n’est qu’un discours.
MOKRANE AÏT LARBI
«Le pouvoir parle au
L'évocation du nom de Mokrane Aït Larbi nous
renvoie aux frondeurs de la revendication cultu-
relle berbère. Il a fait partie de ceux qui ont connu
laprison dans toute sa rigueur. Ainsi, en février
1985, il est parmi les sept activistes appréhendés
par la sécurité militaire parce qu’ils ont voulu
prendre la parole lors du séminaire à Tizi Ouzou
sur l’écriture de l’histoire de la Wilaya III. En août
1985 également, il est jeté en prison en tant que
membre de la première Ligue des droits de
l’homme de Ali Yahia Abdenour.
Il est déporté dans le Sud en décembre 1986
pour s’être constitué avocat des émeutiers de
Constantine et enfin lorsque la Ligue algérienne
des droits de l’homme a été affiliée à la FIDH
(Fédération internationale des droits de l’hom-
me). Il nous faut de rappeler que c'est à 15 ans
que Mokrane fait son baptême du feu de son
engagement politique avec la grève de la faim et
la «grève du cartable». Justice, démocratie
seront toujours les maîtres mots de son cambat
pour les droits de l'homme, la liberté. Fondateur
du Rassemblement pour la culture et la démo-
cratie (RCD) avec Saïd Sadi, il en sera le numéro
2mais il finira vite par démissionner considérant
que la démocratie doit commencer d'abord à l'in-
térieur des partis.
Il démissionnera aussi avec fracas du Sénat
oùil a été désigné sénateur dans le cadre du
tiers présidentiel à l'époque du président
Zeroual. La raison ? Il met en cause l'inefficacité
de cette institution qui, dit-il, «ne sert qu'à dépen-
ser l'argent du contribuable». C'est dire que celui
qui a été des «deux côtés de la barrière» est
resté iconoclaste, un trublion sur lequel se bri-
sent les tentatives de récupération. Loin des par-
tis politiques et des cercles du pouvoir, l'avocat
Mokrane Aït Larbi ne mâche pas ses mots quand
il parle de la justice où, dit-il, «les grands dos-
siers sont gérés par le pouvoir politique et les
services de sécurité». Il en est ainsi de l'affaire
Khalifa Airways, les milliards détournés par des
personnalités encore en activité, voire même pro-
mues ! Il en appelle à un «débat général, préa-
lable à toute réforme vers la démocratie» car, dit-
il, «il est temps de laisser le peuple décider de
son avenir en toute liberté». Il n'exclut pas l'éven-
tualité d’un retour à l'action politique dans le
cadre de la création d'un nouveau parti politique.
Aguerri par un parcours de militantisme actif,
l'avocat de la démocratie garde la tête froide.
Mais il en appelle à la réanimation de la mouvan-
ce démocratique «eu égard à l'échec de ses diri-
geants». Optimiste, il assure : «Le peuple algé-
rien est capable de construire un avenir meilleur»
parce que, justement, il a su triompher de toutes
les tyrannies... C'est toutes ces idées forces que
nous développons dans cet entretien que Maître
Mokrane Aït Larbi a bien voulu nous accorder à
l'occasion de cette rentrée sociale.
Photo : DR
Entretien réalisé par
Brahim Taouchichet
Sofiane Aït Iflis -
Alger (Le Soir) - Le ques-
tionnement autour de ce
fameux appel, dont la
paternité n’a pas été
revendiquée, reste entier.
Sur la Toile, les supputa-
tions s’entrechoquent. Les
campagnes aussi. Acelles
qui structuraient la promo-
tion de l’appel en ques-
tion, ont répliqué des
oppositions denses et
acharnées, impliquant
même, à mesure qu’ap-
prochait la date du 17, des
ministres de la
République.
Post anonyme sur la
Toile, l’appel «à la révolu-
tion du 17 septembre» a,
conjoncture régionale
aidant, bourgeonné
comme une greffe en
bonne saison. Il a non
seulement fait débat sur la
Toile et dans les chau-
mières mais a également
mobilisé de grands ren-
forts de riposte, à suppo-
ser, bien entendu, que le
tout ne participait pas de
séquences soigneuse-
ment agencées d’une
seule et même orchestra-
tion. S’il s’en est trouvé
des citoyens qui ont eu la
faiblesse de croire à l’avè-
nement de la révolution
en ce samedi 17 sep-
tembre, il en est égale-
ment qui, plus nombreux,
sont demeurés circons-
pects et prudents, mesu-
rant avec raison la distan-
ce séparant le virtuel du
réel.
Pour ces derniers, l’ap-
pel en question est frappé
de suspicion du fait qu’il
soit resté anonyme.
Suffisant pour qu’ils res-
tent interdits, sur leurs
gardes. Et, étonnement,
voire paradoxalement, ce
sont des membres du
gouvernement, des partis
politiques et certains
médias qui sont montés
au front contre cette révo-
lution virtuelle.
Le ministre de
l’Intérieur et des
Collectivités locales,
Dahou Ould Kablia, a
publiquement soupçonné
des officines étrangères
travaillant à déstabiliser
l’Algérie, d’être derrière le
fameux appel. Il sera
relayé quelque temps
après par la patronne du
Parti des travailleurs qui,
elle, a suspecté égale-
ment la main cachée de
l’étranger.
Certains journaux, cer-
tainement mis à contribu-
tion dans cette inédite
entreprise de réplique au
virtuel, n’ont pas hésité à
formuler une accusation
franche à l’encontre du
«sionisme», allant jusqu’à
citer Bernard Henri Lévy
(BHL) comme étant l’insti-
gateur de cette cam-
pagne.
Certains opérateurs de
téléphonie mobile s’y sont
également impliqués, en
envoyant des SMS à leurs
abonnées et dans les-
quels ils les invitent à ne
pas répondre à l’appel
des sirènes étrangères,
leur rappelant que le 17
septembre coïncide avec
les massacres de Sabra
et Chatila ainsi qu’avec la
signature des accords de
Camp David. Mais d’où
est-il venu qu’un post
comme il en existe des
milliers sur la toile suscite
de telles et autant de
réactions ?
D’abord, cela laisse
supposer que la cyber-
militance est désormais
perçue comme une arme
de mobilisation redoutable
aux mains de l’opposition
et qu’il faille la contrecar-
rer en investissant un
effort de propagande
conséquent.
Les révolutions tuni-
sienne et égyptienne étant
déjà passées par là. Cet
épisode, qui a transposé
entre virtuel et réel,
démontre aussi que
l’Internet et les réseaux
sociaux peuvent désa-
morcer des révoltes
latentes.
Le procédé pourrait
consister à diffuser anony-
mement un appel à mani-
festation à des dates choi-
sies en raison de fortes
symboliques qu’elles peu-
vent charrier, comme le
17 septembre, et enclen-
cher,par la suite, une
campagne pour à la fois
maintenir l’appel dans sa
seule virtualité et découra-
ger toutes autres initia-
tives en les sabordant,
donc, par anticipation.
S. A. I.
AU SOIR D’ALGÉRIE :
peuple, il ne l’écoute pas»
Un jour des plus ordinaires qui soient en terre
d’Algérie, ce samedi 17 septembre 2011. Donné,
virtuellement, comme un jour de grande révolte
et de barricades, il s’est levé et égrené dans sa
plate routine. L’appel «à la révolution du 17 sep-
tembre» est-il à mettre sur le compte des com-
plots avortés ou alors procède-t-il d’une orches-
tration de laboratoires savamment entretenue et
qui a poursuivi de stériliser durablement les ini-
tiatives des cyber-militants ?
Le Soir
d’Algérie Entretien Dimanche 18 septembre 2011 - PAGE 5
Les responsables au sommet
de l’Etat pensent qu’ils sont
investis d’une mission suprême
que les autres Algériens sont
incapables d’assumer et pour
cela, ils se placent au-dessus
des lois.
Quant à l’indépendance de la
justice, elle n’existe à mon avis
que dans le discours de l’ouver-
ture de l’année judiciaire. Il y a,
certes, des améliorations dans
les textes mais à quoi sert de
mentionner dans un texte de loi
l’inamovibilité des magistrats du
siège quand cette loi permet la
mutation d’un juge quelles que
soient son ancienneté et sa fonc-
tion, pour «une bonne adminis-
tration de la justice» ? On est très
loin de l’Etat de droit et de l’indé-
pendance de la justice, et je pèse
mes mots.
Cela nous renvoie à la com-
mission chargée des réformes
politiques de Abdelkader
Bensalah, qui a reçu beaucoup
de monde de la société poli-
tique et civile. Quelle crédibili-
té accordez-vous à ces consul-
tations et à quels résultats
vous attendez-vous ?
Il ne s’agit pas de Ben Salah
ou de sa commission. C’est la
méthode que je remets en cause.
Car toute réforme sérieuse doit
passer par un débat public pour
réformer selon la volonté du
peuple. Non seulement certaines
personnes reçues par la commis-
sion ne représentent rien dans la
société mais elles ne savent
même pas de quoi elles parlent.
Ces réformes politiques
voulues par le président
Bouteflika interviennent visi-
blement sous la pression des
«révolutions arabes» et des
revendications de changement
démocratique. Seraient-elles
finalement que des effets d’an-
nonce ?
Par ces réformes, le pouvoir
cherche à gagner du temps en
exploitant le sentiment d’insécuri-
té, le drame de ces vingt der-
nières années et le sens des res-
ponsabilités du peuple, qui ne
veut plus revivre cela.
Le système mis en place
depuis l’indépendance a pu se
maintenir malgré les événements
d’Octobre 1988, en manipulant
des dirigeants islamistes et
démocrates.
Mais ces méthodes ne peu-
vent pas être éternelles.
Des partis et des personna-
lités ont rejeté l’invitation de la
commission parce qu’ils ne
croient pas à la capacité du
système de se réformer par lui-
même au risque de se «suici-
der».
Chacun est libre de ses actes
et chaque parti politique a ses
raisons de répondre ou ne pas
répondre à l’invitation de la com-
mission.
Loi fondamentale,
Assemblée nationale sont les
thèmes forts des débats en
cours. Pour quel type de régi-
mepenchez-vous, connais-
sant votre hostilité au Sénat
qui, je vous cite, «ne sert qu’à
dépenser l’argent du contri-
buable» et duquel d’ailleurs
vous avez démissionné dans
le cadre du tiers présidentiel
du temps de Liamine Zeroual ?
A part quelques articles dans
lapresse, je ne vois aucun débat
dans la société sur ces ques-
tions. Car un vrai débat nécessi-
te l’ouverture des médias lourds,
dela presse écrite et des salles
dans tout le pays pour débattre
entoute liberté dans le respect
de l’autre. Et ce n’est pas pour
demain. Pour ma part, je suis
pour un système démocratique
qui donnera la parole au peuple
pour choisir ses gouvernants en
toute liberté après un débat sur
les questions de fond qui restent
en suspens depuis juin 1991.
A partir de là, opter pour un
régime présidentiel, présidentia-
liste ou parlementaire est un luxe
qu’on ne peut pas se permettre
dans un pays où un droit banal
comme l’obtention d’un passe-
port ou l’accès à un poste de res-
ponsabilité ne peut s’obtenir
qu’avec l’accord des services de
sécurité.
Maître Mokrane Aït larbi,
militant des droits de l’Homme,
homme politique qui dit haut
ce qu’il pense, vous êtes très
médiatisé et présent sur la
scène politique. Est-ce un
avantage ou un inconvénient
dans la défense des justi-
ciables ?
Ni l’un ni l’autre. J’exerce ma
profession d’avocat en toute
indépendance et j’essaie de le
faire en professionnel. Pour rap-
pel, même quand j’étais avocat
stagiaire non médiatisé, j’ai
défendu des militants politiques
de toutes les tendances et des
syndicalistes avec dévouement
et détermination. Et depuis, je ne
demande aux juridictions que le
respect de la loi, des droits de la
défense et de la dignité des
accusés, qui sont présumés
innocents.
On dit que le juge craint
l’avocat que vous êtes…
Entre les juges et moi, il y a un
respect réciproque. Croyez-moi,
il y a des magistrats courageux
respectés et respectables.
Doit-on s’attendre à un
«come-back» du militant ?
Cen’est pas à exclure.
Quels sont vos projets
futurs ? Un livre ? Un parti
politique ?
Pourquoi pas les deux ?
Vous posez-vous la ques-
tion de quoi sera fait demain ?
Lepeuple algérien, qui a
résisté à la tyrannie, à la dictatu-
re, au colonialisme, au système
de parti unique et au terrorisme
est capable de construire un ave-
nir meilleur et de défendre ses
droits et ses libertés.
Plutôt satisfait de votre par-
cours depuis le Printemps ber-
bère ?
J’ai fait ma première grève de
la faim et ma première grève du
cartable à l’âge de 15 ans. Et
depuis ma majorité, je n’ai pas
cessé de défendre les causes
justes en fonction de mes
moyens. J’ai milité pour la recon-
naissance de la langue et la cul-
ture berbères et le respect des
droits de l’Hommes et des liber-
tés fondamentales. Et aujour-
d’hui, j’ai la conscience tran-
quille.
Quelques mots sur ce qui
vous motive dans votre métier
d’avocat et ce qui vous attris-
te ?
La joie et la tristesse sont le
quotidien de l’avocat pénaliste
confronté à des drames humains
d’accusés à tort et de victimes
réelles. Je ressens une satisfac-
tion à chaque fois que j’arrive à
faire acquitter un innocent et une
forte colère lorsqu’un innocent
est condamné à une peine de pri-
son et qu’on ne peut rien faire
pour lui.
B. T.
APPEL POUR LA RÉVOLUTION DU 17 SEPTEMBRE
Guerre pas nette sur le Net
Photo : DR
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