Mode de vie et particularités physiologiques du dromadaire I- Systématique, origine et effectifs camelins 1- Systématique et origine des camélidés 1.1- Systématique Les camélidés sont classés en deux espèces : Camelus dromedarius (dromadaire à une bosse) et Camelus bacterianus (chameau de Bactriane ou chameau à deux bosses). Les deux espèces appartiennent à la famille des camélidés et sont dépourvus de cornes et de vésicule biliaire. 1.2- Origine L'ancêtre du dromadaire actuel serait apparu en Amérique il y a environ 35 millions d’années (Eocène moyen). Les camélidés restèrent dans ces régions de l'ère tertiaire jusqu'au pléistocène, une période de 40 millions d'années. Depuis, les camélidés se sont propagés, d'une part vers l'Amérique du Sud et d'autre part à travers les régions d'Amérique du Nord, vers l'Asie centrale et puis vers l'Afrique. 1.3- Domestication Le dromadaire a été domestiqué pour plusieurs raisons, il a été utilisé non seulement comme animal de bât, mais également pour sa viande, son lait et son poil "oubarr". Il est fort probable que le processus de domestication a commencé depuis 3000 ans avant J.C. dans le Sud de la péninsule arabique. L'origine arabe de la domestication est soutenue par l'histoire de la reine de Saba (Yémen) quand elle est allée visiter le prophète Soliman à Jérusalem avec un grand convoi de dromadaires qui portèrent ses bagages (condiments et pierres précieuses). 2- Répartition 2.1- Dans le monde 2.1.1- Distribution En général, le dromadaire est considéré comme un animal tropical, mais, actuellement sa zone est plutôt extra-tropicale. Il est présent dans des zones à faible pluviométrie, d'une période relativement courte suivie par une longue saison sèche qui est souvent chaude. L'humidité excessive est défavorable pour la survie du dromadaire. La 2 population mondiale est confinée dans la ceinture désertique et semi-aride d'Afrique et d'Asie. De nombreuses tentatives d'introduction du dromadaire dans ont été réalisées au cours des siècles en Afrique du Sud, Australie centrale, au Sud Ouest et au Sud des Etats-Unis, Europe, mais les seules véritables réussites se résument Australie. d'autres régions du monde en Amérique du Sud, en aux Caraïbes et même en aux Iles Canaries et en L’effectif total des dromadaires dans le monde est estimé à 17 millions de têtes dont les 2/3 (approximativement 11 millions) sont en Afrique (Figure 1). Aire de distribution du dromadaire Aire de distribution du chameau Aire de distribution du lama Figure 1 : Aires de distribution des espèces de la famille des camélidés 2.1.2- Densité Si l'on évalue l'importance des effectifs aux superficies occupées, on observe des densités variant généralement entre un animal pour 50 km (Burkina-Faso, Iran, Turquie) à un animal par km environ (Kenya, Djibouti, Éthiopie, Soudan, Tunisie, Pakistan, Emirats Arabes Unis), le premier rang de densité est occupé par la Somalie avec près de 10 dromadaires par km. 3 2.2- En Afrique du Nord 2.2.1- Introduction du dromadaire En ce qui concerne l’introduction des camélidés en Tunisie, beaucoup d'auteurs, signalent que c'est grâce aux Arabes qu'il y a eu leur apparition dans notre pays. Les Berbères possédaient des dromadaires bien avant l'arrivée des arabes, d'ailleurs IbnKhaldoun, (1332-1406) précise que bien avant l'Islam, les Berbères vivaient en nomades avec leurs dromadaires. Par ailleurs, on pense que c’étaient les invasions arabes, se succédant du XIe au XIIe siècle, qui introduisirent ou plutôt réintroduisirent les dromadaires au Maghreb. 2.2.2- Effectifs D’après les statistiques disponibles, l’élevage camélin en Tunisie a beaucoup régressé avec un effectif national de 60 000 têtes en 1991 alors qu’il était de 250 000 têtes en 1950. C’est après l’instauration d’un programme national de développement du secteur en 1992 que l’effectif a augmenté pour passer de 55 000 femelles productrices en 1997 et à atteindre 80 000 têtes en 2007. La race élevée en Tunisie est le Maghrebi, race rustique, bien adaptée aux conditions climatiques, à la structure et à la composition floristique de notre pays. Les troupeaux comptent en moyenne 80 000 sujets dont 70% représentés par des femelles reproductrices. Pour l'identification, chaque tribu a une marque spécifique appelée « Sima » qui est apposée sur l'animal après chaque opération d'achat ou de sevrage. 2.2.4- Alimentation Le dromadaire pâture tout en marchant ; il broute sans arrêt depuis le départ du campement jusqu'au retour, un tel comportement permet de parler de « pâturage ambulatoire ». Il exige toujours de nouveaux terrains de pâture, il est toujours en mouvement et peut parcourir quotidiennement de 50 à 70 km même en cas de disponibilité de grandes quantités d'aliments. Le dromadaire peut pâturer 4 à 8 h par jour, avec 6 à 8 h de rumination. Le pourcentage total de fourrages ligneux dans la ration est de 90% en saison sèche et 50% environ en saison de pluie. Il convient de dire que la quasi-totalité des plantes préférées par le dromadaire n'est pas aisément consommée par les autres animaux en raison des épines et du goût amer. 4 Du point de vue écologique, le dromadaire pâture de manière à préserver le milieu écologique dans lequel il vit. Les dromadaires ne surpâturent aucun type de végétation et peuvent atteindre les couches supérieures des formations végétales, ce que ne peuvent pas faire les autres animaux herbivores. Ils ne dénudent pas le sol et la couche arable ne disparaît pas sous l'effet de leur piétinement. Le dromadaire se nourrit de la végétation désertique caractérisée par deux types biologiques : les végétaux ligneux, grossiers et piquants parfois, vivaces qui sont très résistants à la sécheresse et à la chaleur, la végétation herbacée (annuelle) qui n’est pas adaptée aux conditions climatiques sévères. II- Les grands systèmes d’élevages et les particularités physiologiques du dromadaire 1- Les systèmes d’élevage Il existe, bien entendu, une variété infinie de systèmes d’élevage fortement corrélée aux contraintes économiques, écologiques, sociales des contextes d’exploitation des animaux. La classification proposée, sans doute discutable, s’appuie essentiellement sur l’intensification de la production que sur le mode d’élevage. 1.1- Les systèmes pastoraux extensifs De loin, les plus répandus, les systèmes pastoraux extensifs sont, en règle générale basés sur l’utilisation d’espace à faible productivité, mis en valeur par le déplacement aléatoire ou régulier des troupeaux à la recherche des meilleurs pâturages à proximité des points d’abreuvement. Cela signifie que les animaux et les chameliers se retrouvent en des points fixes, l’un en saison sèche, l’autre en saison de pluies, les touareg par exemple dans les pays sahéliens sont très représentatifs de ce mode d’élevage. 1.2- Les systèmes agro-pastoraux semi-intensifs Dans ces systèmes, ce sont les performances dans le travail qui ont été surtout recherchées. Dans ce contexte, les troupeaux sont généralement de plus faible taille et une complémentation alimentaire est assurée aux animaux au moment des travaux agricoles. 1.3- Les systèmes intensifs Les systèmes intensifs se développent d’une façon importante depuis quelques années, un système camelin laitier péri-urbain basé sur l’intensification de la production ; un 5 système sédentaire, une complémentation alimentaire importante, une intégration économique. 2- Les particularités physiologiques du dromadaire Le dromadaire est un animal adapté à des situations climatiques désertiques et semidésertiques, il présente des particularités physiologiques qui lui permettent de ne pas être affecté par les contraintes du milieu : fort écart thermique nycthéméral, aridité de l'air, faible valeur nutritive et dispersion des ressources alimentaires. 2.1- Adaptation aux contraintes thermiques La plupart des mammifères adaptés à l'aridité et à la chaleur survivent aux effets de la déshydratation en s'enfonçant dans le sol lors des heures les plus torrides de la journée (gerboise, fennec) ce que ne peut évidemment pas faire un animal de la taille du dromadaire. La thermorégulation chez cette espèce est assurée grâce à la concentration des réserves adipeuses au niveau de la bosse, ce qui facilite l'évaporation de la sueur sur le reste de la surface du corps quasiment dépourvue de couche adipeuse. Ainsi, pour maintenir une température interne constante, le dromadaire doit perdre deux fois moins d'eau que l'âne, pourtant ce dernier est réputé pour sa résistance à la chaleur. Par ailleurs, la température interne de l'animal peut varier en fonction de la température externe dans une proportion importante, de l'ordre de 8°C (34 - 42°C) sans que l'appétit ou l'activité générale de l'animal n'en soient affectés. Cette capacité de modulation de la température corporelle interne permet au dromadaire, en réduisant l'écart avec la température ambiante, de limiter l'augmentation du métabolisme de base et, ainsi, d'économiser de l'eau. Une élévation de la température corporelle de 6°C chez un dromadaire de 600 kg, permet une économie de 5 litres d'eau par jour. Un tel écart de température est généralement fatal aux autres animaux. Le dromadaire présente également un ensemble de particularités anatomiques (épaisseur du derme, nature des phanères, structure des glandes sudoripares, réseau sanguin dans les sinus) qui contribue à sa résistance aux écarts thermiques, caractéristiques des milieux désertiques. Les animaux transplantés dans les milieux tempérés résistent bien au froid hivernal dès lors que l'hygrométrie est basse, ce qui se rapproche des conditions nocturnes désertiques. En revanche, le froid humide détermine un milieu ambiant particulièrement inconfortable pour ces animaux. 6 2.2- Adaptation à la déshydratation Le dromadaire résiste à une déshydratation qui peut atteindre 30% de son poids, soit une perte d'environ 50% de son capital hydrique et à l'inverse, il peut récupérer cette perte d'eau lors d'abreuvement en ingérant plus de 100 litres d'eau en quelques minutes. Un dromadaire de 600 kg ayant perdu 200 kg de poids corporel après 14 jours de privation d'eau, il a bu 200 litres d'eau en 3 minutes, récupérant ainsi les pertes enregistrées. Lors de déshydratation, il y a transfert d'eau du milieu intracellulaire, interstitiel et des cavités digestives vers le plasma. Les compartiments gastriques jouent en effet, un rôle important de réservoir par la présence, entre autres, de sacs aquifères dans le premier compartiment (équivalent du rumen), particularité anatomique qu'on ne retrouve pas chez les autres ruminants domestiques. Dans son ensemble, le tube digestif contient 20% du poids corporel d'eau et représente une réserve mobilisable lors de déshydratation. Par ailleurs, la production de salive par les glandes parotides diminue également (de 0,6 1/j de déshydratation) lors de privation d'eau. Globalement le turn over hydrique est deux fois plus faible chez le dromadaire (61 ml/kg/24h) que chez les petits ruminants. 2.3- Adaptation à la sous-nutrition Du point de vue de la biochimie métabolique, deux aspects distinguent le dromadaire des autres ruminants domestiques : 1. la glycémie est proche de celle des monogastriques (environ 1 g/1) et donc très élevée par rapport aux autres ruminants, indiquant ainsi un métabolisme énergétique particulier que l'on peut résumer par une néoglucogenèse active (rénale et hépatique) et une faible cétogenèse ; 2. le recyclage très actif de l'urée qui rejoint le tube digestif via la salive ou l'épithélium du rumen supporte un accroissement important de leur température interne. Le dromadaire a une préférence pour les plantes halophytes (riches en sel et donc en eau). Ceci lui permet d'avoir accès tout au long de l'année à une alimentation de composition hydrique stable et relativement abondante à l'inverse des bovins contraints à une alimentation en saison sèche, très pauvre en eau. Lors de réhydratation rapide, les érythrocytes se gonflent d'eau et deviennent sphériques, 4 h seulement après l'abreuvement indiquant la résistance particulièrement exceptionnelle des globules rouges du dromadaire. Ces caractéristiques signent l'adaptation de l'animal à des situations transitoires de sous-alimentation énergétique ou azotée. Ainsi, avec un régime équilibré, l'urée filtrée par le rein est excrétée à 40%, mais à 1 ou 2% seulement avec 7 une ration pauvre en azote. Ce n'est que lors de jeûne prolongé associé à un catabolisme protéique excessif qu'on peut observer des urémies très élevées. Du point de vue de la physiologie digestive, le dromadaire présente une meilleure capacité à digérer les fourrages pauvres, plus que les autres ruminants domestiques. Les études réalisées à l'INRA en France sur des lamas et à l'INAT (Institut National Agronomique de Tunisie) sur des dromadaires ont permis de montrer que cette supériorité des camélidés s'explique par une plus grande rétention des particules solides dans les pré- estomacs, se traduisant par un temps de contact plus long des aliments avec les microorganismes qui les digèrent. Il semble que les camélidés aient une aptitude plus grande à augmenter le volume de leurs pré-estomacs, puisque dans le même temps les quantités ingérées ont tendance à être plus élevées que pour les moutons. Les reins jouent un rôle primordial dans le métabolisme hydrominéral. D'ailleurs la distribution tissulaire de certains enzymes chez le dromadaire semble indiquer que l'activité enzymatique du rein est supérieure à celle du foie. L'urine du dromadaire est très concentrée et le volume total excrété diminue très rapidement lors de déshydratation pour atteindre 1/1000 du poids de l'animal, soit 5 fois moins que le mouton ou que l'homme dans les mêmes conditions de déshydratation. Par ailleurs, les observations ont montré que l'addition de concentrés n'a pas d'effet négatif sur la digestion du fourrage qui constitue la base de la ration. Ce résultat s'explique par une plus grande vitesse d'élimination des produits de la digestion microbienne (acides, ammoniac) liée à un turn over plus rapide de la phase liquide des digestions et à une absorption plus importante par la paroi digestive. Enfin, la sécrétion de bicarbonate et de carbonate par la muqueuse des pré-estomacs contribue fortement à l'homéostasie du milieu fermentaire et à l'efficacité digestive des microorganismes. Ainsi il a été observé que la digestibilité des pailles est d'environ 5 fois supérieure à celle mesurée chez les moutons. Par son comportement alimentaire sur parcours naturels, le dromadaire prélève préférentiellement les fourrages riches en sel et/ou azote (légumineuses de type acacia en particulier), ce qui lui permet de tirer un meilleur profit des écosystèmes pauvres en ressources fourragères dans lesquels il a l'habitude de se trouver. III- Particularités des immunoglobulines et des anticorps du dromadaire La glande mammaire soutient le jeune animal pendant les premières semaines de la vie ainsi les sécrétions mammaires fournissent aux jeunes la protection avant que le système immun soit développé et capable de répondre aux organismes pathogènes de l'environnement. 8 Les immunoglobulines G, M et A ont été identifiées dans le colostrum du dromadaire par diverses techniques. Les sous-classes d'IgG (IgG1, IgG2 et IgG3) ont été isolées par la chromatographie par échange d’ions et il a été montré qu’on peut avoir des différentes mobilités en électrophorèse. La plupart du contenu colostral est composé d'immunoglobulines IgG, mais une molécule identifiable comme IgA a été découverte et purifiée. Il apparaîtrait cela chez le chameau, comme pour les autres herbivores du bétail, que les IgG se secrètent en quantité importante dans le colostrum (Azwai et coll., 1996). Les chameaux, comme d’autres ruminants, possèdent au moins deux classes d'immunoglobulines dans leurs sérums, à savoir IgM et IgG (avec ses trois sousclasses : IgG1, IgG2 et IgG3). Les anticorps étaient longtemps considérés comme un puissant instrument pour reconnaître et viser presque n'importe quelle molécule avec un haut degré de spécificité et d'affinité. Pour de tels buts, les anticorps naturels peuvent être obtenus dans la forme d'antisérums d’animaux immunisés, ou sous la forme d’anticorps monoclonaux. Plus récemment, la technologie d'ADN recombinant a permis la manipulation génétique des gènes codant les anticorps qui peuvent alors être exprimés comme anticorps recombinants. Il était nécessaire de changer le format d'anticorps d’une molécule longue en une molécule courte en les composant en deux multi-domaines ; les chaînes lourdes et légères, à des versions plus petites comme le fragment Fab qui est capable d’attacher l’antigène, et le domaine constant appelé le fragment Fc capable de se lier à la membranes de certaines cellules, par exemple, les résultats dans une meilleure distribution et un déblayage plus rapide que les plus grandes molécules d'anticorps quand ils sont utilisés in vivo. Leur petite grandeur les fait aussi plus convenable pour les études structurelles comme nucléaire, résonance magnétique. Des plus petits fragments d'anticorps ont été essayés et ont montré une liaison adéquate avec l’antigène. Le fait de diminuer encore d’avantage de façon significative la taille des fragments Fc permet l’obtention de sites de reconnaissance plus sensibles. Et, effectivement, les premières expériences ont indiqué que les lourdes chaines d’anticorps peuvent de temps à autre se fixer sur des antigènes en cas d’absence de chaînes légères chez le dromadaire (Saerens et coll., 2005). La lourde chaîne polypeptide des anticorps est donc composée de domaine variable, immédiatement suivi par la charnière, CH2 et le domaine de CH3 (Figure 3). L'absence du domaine CH1 explique l'absence de la chaîne légère (Conrath et coll., 2001). 9 Figure 3 : Comparaison entre la structure des anticorps communs et celle des anticorps du dromadaire .A gauche, la composition d'un anticorps d’origine humaine, à droite une molécule d’Ac du dromadaire composée d’une lourde chaîne d’anticorps et dépourvue de la chaîne légère. 10 PLAN I- Systématique, origine et effectifs camelins 1- Systématique et origine des camélidés 1.1- Systématique 1.2- Origine 1.3- Domestication 2- Répartition 2.1- Dans le monde 2.1.1- Distribution 2.1.2- Densité 2.2- En Afrique du Nord 2.2.1- Introduction du dromadaire 2.2.2- Effectifs 2.2.3- Répartition géographique 2.2.4- Alimentation II- Les grands systèmes d’élevages et les particularités physiologiques du dromadaire 1- Les systèmes d’élevage 1.1- Les systèmes pastoraux extensifs 1.2- Les systèmes agro-pastoraux semi-intensifs 1.3- Les systèmes intensifs 2- Les particularités physiologiques du dromadaire 2.1- Adaptation aux contraintes thermiques 2.2- Adaptation à la déshydratation 2.3- Adaptation à la sous-nutrition III- Particularités des immunoglobulines et des anticorps du dromadaire 11