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DU 26 SEPT. AU 28 OCT.
un spectacle de
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff
scénographie Michel Cova
musique Philippe Rouèche
lumières Roberto Venturi
costumes Macha Makeieff
direction technique François Noël
avec
Jean-Marc Bihour, Philippe Duquesne,
Yolande Moreau, Christine Pignet,
Yves Robin, Olivier Saladin
musiciens Philippe Rouèche,
et en alternance
Vincent Petit ou Jérôme Pouré,
Benoît Vion ou Michel Zakrzewski,
Fabien Wallerand ou Éric Secq
production
Compagnie Deschamps & Deschamps –
Théâtre national de Bretagne,Rennes
créé le 18 mai 1999 au Théâtre national
de Bretagne
Un grand rire, une grande claque. Des gens.
Confinés dans un de ces lieux sans âme,
fonctionnels, voire à vocation sociale : hôpi-
taux, hospices, cantines, commissariat… Une
sorte de salle d’attente, pendant dérisoire aux
couleurs franchement laides, du vestibule de
la tragédie classique : on la traverse, l’action
s’y amorce, s’y termine, mais se passe
ailleurs. Un no man’s land entre deux endroits
invisibles, probablement aussi plaisants qu’un
parloir de prison. Aussi inquiétants en tout
cas, aussi mystérieux.
On attendrait presque la tribu errante de clo-
portes effarés, crapahutant derrière un indivi-
du en sarrau gris, kil de rouge sous le bras :
les Blouses
. On se croirait presque retournés
au salon sombre de la maison de retraite avec
ses placards déglingués et son pianiste
furieux, où des artistes oubliés fêtent un anni-
versaire :
les Petits Pas
.
Nous sommes chez Jérôme Deschamps et
Macha Makeieff. Les portes sont trop petites,
les paquets trop volumineux, les chausse-
trappes nombreuses, le plafond tombe, les
assiettes volent… Habillés mode Deschiens,
les gens qui sont là, ce sont
les Pension-
naires
. De quoi de qui, peu importe. Ils sont là,
s’activant fébrilement à des choses dont ils ne
savent plus à quoi elles correspondent, et
puis brusquement sont arrêtés dans leurs
gestes, dans leurs paroles, le regard éteint,
liés bon gré mal gré les uns aux autres pour
un temps indéterminé – avec ce que ça
comporte d’exaspération, de rivalité, de mau-
vais coups – sous l’autorité d’un petit chef
débordé, évidemment hargneux, amoureux
des mots qui sentent la productivité.
Une belle brochette, représentative de nos
maladresses, avec son souffre-douleur qui
réconcilie tout le monde contre lui.
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff ne
veulent jamais oublier l’humanité de leurs
"héros", même au pire de leur médiocrité. Ils
en soulignent les ridicules sans jamais verser
dans le mépris. Ici comme dans le rituel gla-
moureux du
Défilé
(de mode), ils saisissent les
tics de la soumission à des règlements
«
flous, douteux, pas même édictés déjà
admis […] l’instant avant la règle totalitaire
».
Chez les Deschiens, le rire ne cache pas l’an-
goisse, il l’accompagne. Non pas comme une
délivrance, plutôt comme une arme. Un début
de révolte. C’est par le rire qu’on se rapproche
de ces gens sur scène, à qui nous avons res-
semblé un jour ou l’autre. «
On peut être "pen-
sionnaire" de multiples façons, y compris dans
sa famille. Ce que nous voulons montrer ce
sont tous ces moments et ces endroits où on
nie l’histoire des individus, que ce soit à l’é-
cole, au travail ou dans les hôpitaux
», décla-
rait Jérôme Deschamps au
Monde
.
Colette Godard
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff
Jérôme Deschamps a joué avec Patrice
Chéreau, au temps du lycée Louis-le-Grand.
Après l’École de la rue Blanche, le
Conservatoire, la Comédie-Française, il tra-
vaille avec Antoine Vitez. Après deux créa-
tions,
Baboulifiche et Papavoine
pour le
Théâtre national des enfants (1973),
Blanche
Alicata
(1977), rejoint par Macha Makeieff, il
fonde en 1979 la Famille Deschiens, dont les
succès ne se comptent plus. Au hasard :
les
Oubliettes
(1979),
les Blouses
(1982),
les
Petits Pas
(1986),
Lapin-chasseur
(1989),
les
Frères Zénith
(1990);
C’est magnifique
(1994),
les Précieuses ridicules
(1997)… Beaucoup
de ces spectacles sont enregistrés en vidéo,
les Deschiens sont présents sur Canal + en
clair, dans le cadre de
Nulle part ailleurs
. À la
Villette ou à la Fondation Cartier, entre autres,
Macha Makeieff expose d’étranges composi-
tions, suivies de livres, où se reconnaît sa
façon, unique, de saisir la noblesse du kitsch
ringard. Des millions de spectateurs se recon-
naissent en les Deschiens, et apprennent à
s’aimer. C.G.
Les Pensionnaires
JÉRÔME DESCHAMPS
et MACHA MAKEIEFF
photos Marc Enguerand
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A