L’EXPÉRIENCE DE LA FATIGUE CHEZ LES MALADES ATTEINTS DE CANCER
s’accroît à partir de la seconde
semaine pour atteindre un plateau à
la quatrième semaine de traitement.
Toutefois, contrairement à la chimio-
thérapie, la radiothérapie n’induirait
pas une fatigue persistante. Irvine
et al. [18] montrent en effet, que trois
semaines après la dernière séance de
radiothérapie, la fatigue avait baissé
jusqu’à son niveau d’avant le traite-
ment pour la majorité des patients.
Plusieurs facteurs favorisent l’appa-
rition de la fatigue, comme la pertur-
bation du sommeil, les nausées et la
douleur chronique [27, 28]. Le rôle de
l’anémie est mentionné par Bruera et
Mc Donald [3] et analysé plus en pro-
fondeur par Cella [4] qui a développé
un outil de mesure, le FACT-An, pour
évaluer l’impact de l’anémie et de la
fatigue sur la vie du malade cancé-
reux. Le lien entre la fatigue et les
facteurs psychologiques a également
été démontré. En effet, le stress, l’an-
goisse et la dépression contribuent à
l’apparition du symptôme [23, 25] et
augmentent avec l’avancement dans
la maladie [15].
La fatigue peut perdurer plusieurs
années après l’arrêt du traitement.
Dans une étude auprès de femmes en
rémission, et ayant été traitées par
chimiothérapie entre deux et dix ans
auparavant, Berglund et al. [2] mon-
trent que 68 % d’entre elles souffrent
encore régulièrement du symptôme
de fatigue. Pour Jacobson et Stein
[19], la réaction cognitive et l’attitude
développées à l’égard de la fatigue
pendant le traitement, contribuent à
la perpétuation de la fatigue. Ainsi, ils
estiment que les patients qui réagis-
sent en se focalisant sur leurs symp-
tômes et en ajustant leur mode de vie
exclusivement à leur maladie tendent
à développer une fatigue chronique
persistante. Dans certains cas extrê-
mes, la fatigue peut durer jusqu’à dix,
voire quinze ans après la guérison et
devenir une maladie à part entière
[17] qui nécessite un traitement. Dans
ce cas, la fatigue prend le relais de la
maladie : les malades ne souffrent
plus du cancer, mais d’un état de
fatigue extrême et persistant qui
détériore considérablement leur qua-
lité de vie. Ainsi, avec le temps, le
cancer, en tant que maladie chro-
nique, peut se transformer pour dis-
paraître quasi totalement de la vie
des malades et laisser la place à un
symptôme-séquelle, qui devient la
nouvelle maladie.
La fatigue chez le patient cancéreux
a essentiellement été étudiée dans
une perspective quantitative. Les étu-
des mobilisant la méthode qualitative
sont, en effet, assez rares. Dans le
meilleur des cas, elle est éventuelle-
ment utilisée lors de la pré-enquête
pour faire émerger des hypothèses de
travail et/ou des variables. Face à ce
constat, plusieurs tentatives ont été
entreprises pour renforcer, dans ce
domaine, la méthode qualitative. On
peut citer l’étude de Glaus et al. [11]
qui a permis, grâce à des entretiens
approfondis avec des patients cancé-
reux et des personnes bien portantes,
de rendre compte de la complexité
du concept de la fatigue. Pour les
patients, la fatigue est exprimée en
termes de souffrance physique, affec-
tive et cognitive tandis que pour les
bien portants le symptôme est une
conséquence « normale » de l’effort
physique et nécessaire pour alerter le
corps du besoin de repos. Pearce et
Richardson [22] relèvent également
l’apport de l’approche qualitative qui
permettrait d’accéder à des données
non mesurables concernant le sens,
l’impact et l’expérience de la fatigue.
De nombreux écueils des instru-
ments de mesure de la fatigue pour-
raient être évités si l’on associait sys-
tématiquement la méthode qualitative
à ces enquêtes. Ainsi, l’analyse d’en-
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