démontré que 75 % des espèces de primates ont
des populations en décroissance et que 60 % de ces
espèces sont menacées d’extinction. Enfin, nos plus
proches parents des genres Pan, Gorilla et Pongo,
voient également leur milieu naturel se réduire et
bientôt viendra le moment où, en dehors des parcs
zoologiques, plus aucune de ces espèces ne subsistera
dans son milieu naturel: nous serons alors les seuls
Hominidae survivants; c’est tout de même assez
poignant, ne pensez-vous pas?
Si on se tourne vers ce que l’on appelle souvent la
biodiversité ordinaire, c’est-à-dire les espèces com-
munes qui nous entourent, le constat est le même.
Les insectes, par exemple, ont payé dans nos pays un
lourd tribu à l’usage intensif des pesticides et il n’est
plus nécessaire aujourd’hui de s’arrêter régulièrement
pour nettoyer son pare-brise comme on devait le faire
il y a 50 ans lorsque l’on traversait la campagne fran-
çaise; c’est assez illustratif d’un déclin qui touche
toute une communauté animale et dont on perçoit
encore mal les conséquences à long terme.
Dépassant le niveau des populations et des espèces, si
on regarde l’état des écosystèmes mondiaux, la même
inquiétude devrait nous saisir, face notamment aux
pressions qui s’exercent sur les derniers grands massifs
forestiers de la planète menacés par l’activité minière,
certaines formes d’agriculture et les plantations de
palmiers à huile. Et là, l’étonnante proposition de la
FAO de considérer les plantations comme des forêts,
une certaine manière de casser le thermomètre, ne
changera rien au constat. Les pertes de biodiversité et
notamment l’altération du fonctionnement complexe
des écosystèmes, via des processus de rétroactions,
influent sur les climats locaux et peuvent accentuer
les effets du changement climatique conduisant à
des changements environnementaux majeurs, aux
lourdes conséquences sur les populations humaines.
Si le constat est clair, pourquoi la mobilisation n’est-
elle pas au rendez-vous, ou ne s’impose t-elle pas dans
toutes les sphères de la société comme pour le climat?
Peut-être pour une large partie à cause de l’amnésie
environnementale, ce processus qui fait que chaque
génération voit le monde vivant tel qu’il est et non
tel qu’il a été à la génération précédente. Les seuils
changent et comme on n’a pas pour la biodiversité,
à la différence des climatologues, une référence abso-
lue telle que la température, qui puisse servir à éva-
luer facilement l’état du monde vivant au cours des
siècles passés, le grand public et les décideurs évaluent
et perçoivent mal les pertes de biodiversité et donc
s’en préoccupent moins; à l’exception bien sûr les
scientifiques qui s’efforcent de mesurer et de quan-
tifier l’importance des changements qui ont eu lieu,
surmontant ainsi l’amnésie environnementale.
Comme exemple des incohérences extraordinaires
auxquelles nous devons faire face, je me référerais à
un récent rapport américain de la Dogwood Alliance,
qui insiste sur le besoin de protéger les forêts améri-
caines pour contribuer au stockage du carbone, tout
en relevant que le sud des États-Unis est devenu le plus
grand exportateur mondial de granulés de bois pour
les chaudières européennes, ce, au prix d’un accroisse-
ment considérable des coupes dans des forêts écologi-
quement importantes. On voit ainsi qu’une évolution
dans les comportements pouvant être perçue comme
positive a des conséquences catastrophiques sur la bio-
diversité 5000 km plus loin.
Le constat étant établi, il y a là matière à agir, aux
USA comme en France, où nous pourrions également
relever d’autres types de politiques dommageables à
la biodiversité et incompatibles entre elles.
Non seulement, il ne faut pas altérer la biodiversité
existante, mais il faut ici être vigilant quant à l’inci-
dence sur la biodiversité des solutions qu’il convient
de mettre en place pour augmenter la sécurité ali-
mentaire, lutter contre le réchauffement climatique,
réduire la consommation des énergies fossiles.
Vous l’avez compris, il est urgent de se préoccuper
du devenir de la biodiversité, la protéger et en com-
prendre les dynamiques pour insérer nos activités et
nos sociétés dans les écosystèmes et non contre eux.
La communauté scientifique, les grandes organisations
et ONG internationales et les gestionnaires d’espaces
soulignent, dans le même temps, l’importance
de la biodiversité comme partie prenante des
solutions qui peuvent être proposées pour réduire
le changement climatique ou en réduire les