Il est apparu, dans les dernières années du
XXesiècle, que le vieillissement immuni-
taire était probablement moins important que
les études l’avaient rapporté, du moins si l’on
étudiait des animaux non obèses ou des
humains en bonne santé (1, 2). En effet, il a
été montré que certaines réponses immuni-
taires ne diminuaient pas (3) mais, au contrai-
re, augmentaient avec l’âge (1, 2, 4). Notre
conception du vieillissement immunologique
en est modifiée : on ne parle plus aujourd’hui
de déclin immunitaire progressif et irréver-
sible (3),mais de dysrégulation induite par
l’âge (5) et surtout par la pression de l’envi-
ronnement (6). La nutrition est probablement
le facteur environnemental qui induit les
changements les plus importants dans le sys-
tème immunitaire (6, 7).
Ce n’est que récemment que l’on a défini des
conditions de santé, tant chez l’animal (20 %
de réduction alimentaire par rapport à l’ali-
mentation ad libitum) que chez l’homme (6, 8)
permettant de séparer le vieillissement normal
et le vieillissement pathologique dans l’étude
du vieillissement immunitaire. Parmi ces cri-
tères de sélection (6),l’état nutritionnel
est très
important. En effet, la simple présence
d'une
subcarence nutritionnelle en un seul micronu-
triment peut entraîner une diminution des
réponses immunitaires chez les personnes
âgées (6, 7).
Cet article approche successivement :
Le vieillissement immunologique en soi :
celui qui est étudié chez les sujets âgés présen-
tant tous les critères de bonne santé (6, 8).
Le vieillissement immunitaire lié à des
influences nutritionnelles : celui qui peut être
mesuré chez des sujets âgés en apparente
bonne santé présentant des modifications de
leur statut nutritionnel, notamment en micro-
nutriments.
Le déficit immunitaire observé chez les
sujets âgés présentant des carences nutrition-
nelles, notamment en protéines.
Le vieillissement immunitaire
en soi : déficit immunitaire
primaire dû à l’âge
Ce vieillissement est celui que l’on peut obser-
ver chez les sujets âgés en excellente santé,
c’est-à-dire ne présentant aucune pathologie
évolutive, ni aiguë ni chronique, et comparable
biologiquement à des adultes plus jeunes (6, 8).
Immunité à médiation cellulaire :
fonction des lymphocytes T
Diminution de la genèse et de la matura-
tion des lymphocytes T
(tableau I)
La genèse des prélymphocytes T, à partir des
cellules souches de la mœlle osseuse, ne
semble pas diminuer avec l'avance en âge,
tandis que leur maturation et leur prolifération
clonale se ralentissent. Les modifications hor-
monales induites par la vie sexuelle, notam-
ment les grossesses, ralentissent le vieillisse-
ment (9). De plus, l’involution thymique à par-
tir de la puberté entraîne aussi une diminution
de différenciation et de maturation (10). Il en
résulte une modification des sous-populations
lymphocytaires T du sang périphérique, avec
diminution des CD3+ (lymphocytes T ayant
subi toute la maturation thymique) et augmen-
tation compensatrice des lymphocytes CD2+
CD3- (non totalement matures) ayant de
moins bonnes capacité de multiplication (pro-
lifération lymphocytaire) (11). Cette difficulté
de maturation des lymphocytes T est partielle-
ment compensée par la genèse de lympho-
cytes T, là aussi non pleinement matures, hors
du thymus, notamment dans le foie (12). La
conséquence en est une incapacité de renou-
vellement des lympho
cytes T périphériques,
quand ceux-ci sont détruits en périphérie
(infection, par exemple),
avec apparition d’une
lymphopénie transitoire,
l’intensité de celle-ci
ayant une valeur pronostique au cours des
infections (13).
Dans le sang périphérique, changement
des sous-populations de lymphocytes T
(tableau I)
Le nombre de lymphocytes périphériques
diminue faiblement avec l’âge (10 à 15 %
chez les nonagénaires) (2, 6). L’âge, quant à
lui, induit des changements importants des
sous-classes de lymphocytes T :
diminution des lymphocytes T matures
(CD3+) et augmentation des lymphocytes T
immatures (CD2+ CD3-) (11) ;
Mise au point
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 4, juillet-août 2001
146
Nutrition, immunité et vieillissement
B. Lesourd*, M.F. Mathey**
* Département de gérontologie, hôpital
Nord, CHU de Clermont-Ferrand, Cébazat.
** Département de gérontologie, faculté
de Médecine, CHU de Clermont-Ferrand,
Clermont-Ferrand.
I
diminution des lymphocytes T naïfs
(CD45RA+) et augmentation des lymphocytes
T mémoires (CD45R0+) (6, 14) ;
diminution des lymphocytes CD8+ sans
diminution des lymphocytes CD4+, avec aug-
mentation du rapport CD4/CD8 (6, 15).
On a vu que le premier type de changement
des sous-populations de lymphocytes T –
diminution des CD3+ et augmentation des
CD2+ CD3–, est dû au vieillissement intrin-
sèque (ceux de la mœlle osseuse et du thymus)
(9, 10). Il s’agit d’un vieillissement immunolo-
gique induit par notre horloge interne et donc
provoqué à distance, après 60 ans, par l’arrêt
de la phase de maturation de l’organisme.
À l’inverse, les deux autres changements
(commutation lymphocytes naïfs [CD45RA]
en lymphocytes mémoires [CD45R0] [14] et
diminution des CD8+ [15])apparaissent plus
tôt au cours de la vie, dans les trente premières
années pour le premier (14),au cours de la vie
adulte active pour le second (15). Ils sont dus
aux pressions exercées par les stimulations anti-
géniques répétées sur le système immunitaire
(16).
La commutation lymphocytes naïfs en lym-
phocytes mémoires est majeure pendant la
phase de maturation du système immunitaire –
phase d’acquisition de nouvelles réponses anti-
géniques – mais elle se prolonge, à bas bruit,
pendant toute la vie (14). Elle est aussi respon-
sable d’une diminution de fonction (proliféra-
tion lymphocytaire et sécrétion d’IL-2) des
lymphocytes T du sang périphérique, les lym-
phocytes mémoires étant moins proliférants
que les lymphocytes naïfs (6).
La diminution des lymphocytes CD8+ (20 à
25 % entre 20 et 75 ans) est partiellement res-
ponsable des moindres réponses de l’immuni-
té à médiation cellulaire (moindre fonction
cytotoxique) observées chez les sujets âgés.
Elle résulte, elle aussi, de modifications
induites par les stimulations immunitaires au
cours de la vie entraînant une diminution de la
fonction TH1 (17).
Fonctions des lymphocytes T
(tableau I)
Les capacités prolifératives des lymphocytes T
diminuent régulièrement au cours de la vie
adulte (18). En revanche, les sujets de 80 ans
en très bonne santé ont des réponses proliféra-
tives comparables à celles des adultes plus
jeunes (2, 6). Ce n’est que chez les sujets en
très bonne santé très âgés (> 90 ans) que l’on
observe une diminution des capacités prolifé-
ratives (2, 6),alors que ces réponses sont
moindres dès qu’il existe une altération de
l’état de santé (19),et ce, plus tôt au cours de
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 4, juillet-août 2001 147
Jeunes adultes Jeunes vieux Vieux vieux Jeunes vieux
en très bonne santé en très bonne santé en très bonne santé en bonne santé apparente
(25-34 ans) (65-85 ans) (> 90 ans) (70-85 ans)
Nombre de sujets n= 57 n = 41 n = 19 n = 51
Moyenne écart-type Moyenne écart-type Moyenne écart-type Moyenne écart-type
Âge (années) 29,1 3,2 79,6 5,3 94,3 3,2 78,9 6,2
Albumine (g/l) 43,5 2,8 42,4 4,1 41,7 3,7 37,2 3,9
Lymphocytes (/mm3)2 248 456 1 993 568 1 817* 598 1 705** 434
CD2+ (/mm3)2 014 321 1 794** 397 1 586** 434 1 511***‡ 427
CD3+ (/mm3) “matures” 1 897 264 1 565** 311 1 323**‡ 356 1 207***‡ 299
CD2+ CD3- (/mm3) “immatures” 117 105 214* 224 254* 242 283** 241
CD4+ (/mm3) “auxiliaires” 1 267 209 1 136* 243 997* 264 812***‡‡ 271
CD8+ (/mm3) “cytotoxiques” 672 144 437*** 174 378*** 211 387*** 196
CD45RA (/mm3) “naïfs” 1 234 314 658*** 228 404***‡‡ 197 464***‡ 213
CD45 R0 (/mm3) “mémoires” 846 201 1 222*** 365 1 192*** 462 1 057* 497
IL-2 (ng/l) 2,01 0,35 1,84 0,34 1,21***‡ 0,44 1,11***‡ 0,38
(stimulation 5 µg PHAp/106cellules)
IL-6 (ng/l) 1,37 0,16 1,82* 0,22 1,99*** 0,34 1,48 0,40
(stimulation 5 µg PHAp/106cellules)
Prolifération lymphocytaire 152 40 114 35 75** 32 54**‡ 34
(103cpm pour 1 µg PHAp/106 cellules)
Tableau I. Sous-populations et fonctions des lymphocytes T du sang périphérique dans des populations en excellente santé et chez des sujets âgés fragiles.
Différences statistiquement significatives entre les sujets jeunes et âgés en très bonne santé : *p < 0,05 / **p < 0,01 / ***p < 0,001.
Différences statistiquement significatives de celles des Jeunes vieux en très bonne santé : ‡p < 0,05 / ‡‡p < 0,01.
Les sujets jeunes et âgés en très bonne santé ont été recrutés en respectant tous les critères additionnels que nous avons rapportés au protocole SENIEUR
(6,8)
.
la vie (15). Chez les souris, les souches vivant
le plus longtemps présentent des phénotypes
génétiques (liés au complexe majeur d’histo-
compatibilité) particuliers et ont de plus fortes
réponses prolifératives que les souches à plus
faible durée de vie (20). Chez l’homme, les
sujets très âgés, ayant de meilleures réponses
prolifératives ont un profil génétique différent
pour le système majeur d’histocompatibilité
(21). Il semble donc qu’il existe un avantage de
longévité lié aux capacités prolifératives et
partiellement déterminé par le background
génétique.
L’avance en âge se traduit aussi par un chan-
gement des sécrétions des cytokines lympho-
cytaires : diminution de sécrétion d’IL-2 (20,
22)
et d’IL-12 (23) et augmentation de celles
d’IL-4,
d’IL-5, d’IL-6 et d’IL-10 (1, 4).
L’avance en âge se caractérise par une com-
mutation de
lymphocytes auxiliaires TH1
(sécréteurs d'IL-2
et d'IL-12) en lymphocytes
auxiliaires TH2 (sécréteurs d'IL-4, d’IL-6 et
d'IL-12) (24). Cette commutation serait la
conséquence des présentations antigéniques
répétées au cours de la vie, ainsi que cela a été
montré dans la maladie VIH (25). Elle
entraî-
nerait, avec l’âge, une diminution de l’immuni-
té à médiation cellulaire et une relative préser-
vation de l’immunité humorale (16).
Les stimulations antigéniques répétées au
cours de la vie font progressivement vieillir le
système immunitaire : commutation du lym-
phocyte naïf en lymphocyte mémoire, de TH1
en TH2. Elles entraînent progressivement une
dysrégulation immunitaire : moindre immuni-
té à médiation cellulaire avec plus grande sus-
ceptibilité aux agents infectieux intracellu-
laires, et relative préservation de l’immunité
humorale avec conservation des défenses
contre les bactéries extracellulaires. Les pro-
grès de l’hygiène, en diminuant les pressions
antigéniques au cours de la vie, auraient donc
été un facteur important de l’augmentation de
l’espérance de vie observée au XXesiècle.
Immunité humorale :
fonction des lymphocytes B
L’immunité humorale est peu touchée par le
vieillissement (20). Les deux modifications
importantes observées sont une diminution
des cellules CD5+ avec une augmentation des
CD5- (26),et une augmentation avec l’âge
des anticorps anti-idiotypes (27). En consé-
quence, les réponses immunitaires humorales
deviennent moins spécifiques avec l’avance
en âge. Elles sont plus orientées vers des anti-
gènes publics que vers des antigènes privés
(plus spécifiques). Les réponses anticorps
deviennent progressivement moins adaptées
(20).
On observe aussi, avec l’avance en âge, une
augmentation de certaines classes d’immuno-
globulines (IgA et IgG) (20). De même, les
auto-anticorps sont plus souvent positifs,
quoique à taux non pathogènes, et les immu-
noglobulines monoclonales sont plus fré-
quentes (28). Tous ces changements, sans
grande importance fonctionnelle, sont dus
aux pressions antigéniques répétées qui
induisent, avec le temps, une diminution des
réponses immunitaires spécifiques et une
hypertrophie relative des réponses immuni-
taires non spécifiques (16, 20).
Immunité non spécifique :
fonctions des monocytes-
macrophages
(tableau II)
Les fonctions des cellules présentatrices
d’antigènes (monocytes et macrophages) sont
conservées lors de l’avance en âge (7, 16). La
présentation de l’antigène est augmentée chez
les souris âgées (29). La capacité de synthèse
d’IL-1, activatrice des lymphocytes T, n’est
pas diminuée chez les souris, même très
âgées, ni chez les hommes de 80 ans en bonne
santé (30).
De plus, il existe, chez les animaux et les
humains âgés, une augmentation de produc-
tion de PGE-2 (31) et des radicaux libres
(32). L’augmentation des fonctions macro-
phagiques avec l’âge a des effets délétères sur
les lymphocytes T. En effet, les fonctions des
lymphocytes T, surtout ceux des sujets âgés,
sont influencées par cette sécrétion de PGE-2 :
d
iminution des capacités prolifératrices et des
fonctions NK (31-33). De même, l’hyperpro-
duction de radicaux libres, phénomène clas-
sique du vieillissement, a aussi des effets
délétères. L’augmentation des fonctions
macrophagiques liée au vieillissement (adap-
tation pour compenser les changements des
fonctions des lymphocytes T ou stimulation
permanente ?) est elle-même un facteur de
vieillissement par son effet de diminution des
fonctions des lymphocytes T et ce, même
chez les sujets âgés en bonne santé (33).
Ce déséquilibre (dysrégulation monocyte-
lymphocyte T) joue certainement un grand
rôle dans le vieillissement lié aux maladies :
au cours d’une agression, quel qu’en soit le
type, c’est le macrophage qui déclenche, par
ses sécrétions de cytokines, l’activation des
cellules impliquées dans les mécanismes de
défense (lymphocytes, phagocytes) ou de
réparation (fibroblastes) de l’organisme (34).
De surcroît, ce sont les mêmes cytokines (IL-1,
IL-6, TNFα)
qui sont responsables de la réor-
ganisation métabolique du syndrome d’hy-
percatabolisme : mobilisation des réserves
nutritionnelles de l’organisme et réorganisa-
tions métaboliques, afin de fournir aux tissus
agressés et aux cellules activées les nutri-
ments nécessaires pour leur hyperfonctionne-
ment (34). Ce processus central de défense
est délétère chez les sujets âgés (7, 35). En
effet, il survient chez des sujets qui ont déjà :
– une diminution de leurs réserves nutrition-
nelles (ostéoporose, sarcopénie, …) ;
– des modifications métaboliques (trouble de
la régulation glycémique, déséquilibre du
métabolisme au niveau du corps entier, …) ;
– une synthèse accrue de cytokines monocy-
taires pour stimuler suffisamment des lym-
phocytes aux fonctions plus affaiblies que
celles des cellules stimulantes (macrophages).
Les agressions ont donc, chez le sujet âgé, des
effets délétères qui vont le fragiliser. Certes, il
est capable de se défendre aussi efficacement
que l’adulte plus jeune, mais cela au prix de
sécrétions plus fortes des cytokines monocy-
taires et donc d’un syndrome d’hypercatabo-
lisme plus intense. Le prix à payer est une
mobilisation plus importante de ses réserves
nutritionnelles – réserves qu’à l’inverse de
l’adulte plus jeune, il ne sait pas entièrement
reconstituer. Il sort de tout épisode d’agres-
sion (maladie) avec des réserves nutrition-
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 4, juillet-août 2001
148
Mise au point
nelles moindres, donc fragilisé, puisqu’il aura
moins de réserves pour se défendre lors d’une
agression ultérieure.
Le déséquilibre entre fonctions monocytaires
préservées et fonctions lymphocytaires dimi-
nuées (dysrégulation monocyte-lymphocyte T)
est donc un élément important du vieillisse-
ment tant normal, tel qu’il est rencontré chez
les sujets en très bonne santé, que patholo-
gique, tel qu’il est observable chez le sujet
âgé malade.
V
ieillissement immunitaire
secondaire:
influence des facteurs
environnementaux : exemple des
facteurs nutritionnels (7, 20, 33, 36)
La caractéristique principale du vieillisse-
ment nutritionnel des populations est l’appa-
rition de subcarences puis de carences nutri-
tionnelles (37). Celles-ci sont fréquentes
chez les sujets âgés en bonne santé vivant à
leur domicile : un tiers d’entre eux présentent
une carence en au moins un micronutriment
et de 2 à 4 % une malnutrition protéino-éner-
gétique, ou MPE (7, 37). Plusieurs travaux
ont montré, au cours des dernières années,
qu’elles étaient associées à un déficit immu-
nitaire et qu’elles portent sur des carences
majeures (en macronutriments) ou mineures
(en micronutriments).
Dès 1987, Talbott avait montré, dans un pro-
tocole en double aveugle versus placebo, que
la supplémentation en vitamine B6 permet-
tait de restaurer les déficits immunitaires des
sujets âgés autonomes présentant des taux
bas de vitamine B6 sérique (38). Depuis,
plusieurs études, en double aveugle versus
placebo, ont établi que des supplémentations
en micronutriments permettent de corriger,
partiellement, les déficits immunitaires
observés chez les sujets âgés autonomes, par-
fois en bonne santé. Cela a été montré soit
par des supplémentations en un seul micro-
nutriment, comme pour le zinc, la vitamine
B6, l’acide folique, la vitamine E, soit par
des associations de quelques micronutri-
ments, notamment de micronutriments anti-
oxydants, soit encore par des cocktails asso-
ciant de très nombreux micronutriments (7,
36). Nous-mêmes avons mis en évidence que
des valeurs basses de folates, sans déficience
nutritionnelle, étaient associées, chez les
sujets âgés uniquement, à des réponses
immunitaires plus basses (2, 6),et qu’une
supplémentation corrigeait ce déficit (publi-
cation en cours). Certaines études ont même
révélé que de telles supplémentations pou-
vaient avoir des conséquences cliniques en
réduisant la fréquence et la durée des infec-
tions, tant chez les sujets âgés autonomes,
vivant au domicile (39),que chez les sujets
malades en institution (40).
Il est important de noter que les sujets âgés,
même en très bonne santé, présentent une
plus grande sensibilité de leur immunité à
médiation cellulaire (IMC) aux facteurs
nutritionnels que les adultes plus jeunes (2,
6). Cette susceptibilité, associée à la grande
fréquence des carences nutritionnelles chez
les sujets âgés (7, 37),même en très bonne
santé, est certainement la cause de défi-
Les sujets de référence ont été sélectionnés sur des critères de très bonne santé (6,8), ou d’autonomie (fragiles et/ou dénutris) et comparés à des sujets âgés très
profondément dénutris et malades (atteints de MPE par malnutrition d’apports avec inflammation faible : CRP < 30 mg/l).
Différences statistiquement significatives par rapport aux sujets âgés en très bonne santé : *p < 0,05 / **p < 0,01 / ***p < 0,001.
Différences statistiquement significatives par rapport aux sujets âgés fragiles en bonne santé apparente : ‡p < 0,05 / ‡‡p < 0,01, ‡‡‡p < 0,001.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 4, juillet-août 2001 149
Jeunes vieux Jeunes vieux fragiles Jeunes vieux dénutris Jeunes vieux très dénutris
en très bonne santé en bonne santé apparente mais autonomes et hospitalisés
(65-85 ans) (70-85 ans) (70-85 ans) (70-85 ans)
Nombre de sujets n = 41 n = 51 n = 25 n = 17
Moyenne écart-type Moyenne écart-type Moyenne écart-type Moyenne écart-type
Âge (années) 79,6 5,3 78,9 6,2 78,7 5,9 79,6 6,4
Albumine (g/l) 42,4 4,1 37,2 3,9 29,4***‡ 3,2 22,3***‡‡ 2,8
CRP (mg/l) < 6 7,1 4,2 16,8**‡ 12,6 26,4***‡‡‡ 9,6
IL-1 (ng/ml)
Spontanée ND ND 1,4 1,5 0,5 1,1
(stimulation 25 µg LPS/106cellules) 2,6 2,2 2,4 2,1 1,2*‡ 1,6 0,7***‡‡ 1,0
IL-6 (ng/l)
Spontanée ND 0,1 0,1 0,35 0,18 0,24 0,26
(stimulation 25 µg LPS/106cellules) 1,7 0,3 1,9 0,4 0,98**‡‡‡ 0,41 0,31***‡‡‡ 0,25
Tableau II. Fonctions des monocytes du sang périphérique dans des populations âgées présentant des états de santé et des statuts nutritionnels différents.
ciences immunitaires chez nombre d’entre
eux. Elle peut expliquer beaucoup de publi-
cations déjà anciennes montrant que le
vieillissement s’accompagne d’un déficit de
l’IMC (3),en apparente contradiction avec
les publications les plus récentes semblant
montrer, au contraire, une certaine préserva-
tion des réponses immunitaires jusqu'à un
âge avancé chez ceux restés en très bonne
santé (2, 4, 6, 19). Il est probable que de
nombreux travaux observant une baisse des
réponses immunitaires chez les sujets âgés,
même en apparente bonne santé, ne tradui-
sent pas l’influence du vieillissement sur les
réponses immunitaires mais plutôt l’influen-
ce de subcarences nutritionnelles chez les
sujets âgés. Les études futures portant sur le
vieillissement immunitaire devront intégrer
cette dimension nutritionnelle et quantifier
de nombreux micronutriments.
Il faut considérer avec une attention toute
particulière les travaux sur la vitamine E du
groupe de Symin Meydani (Tufts University,
Boston, États-Unis). Ce groupe a montré que
des supplémentations en vitamine E permet-
tent d’augmenter les réponses d’IMC des
sujets âgés autonomes, alors même que ces
sujets ne présentent pas de carence (ni d’ap-
ports ni biologique) en vitamine E. Cet effet
immunitaire est associé à la diminution de
production de radicaux libres et de PGE2 par
les monocytes des sujets âgés traités (41),
c’est-à-dire à une réduction des effets biolo-
giques du vieillissement.
Ainsi, une augmentation des réponses immu-
nitaires peut être obtenue chez des sujets en
bonne santé et ne présentant pas de subca-
rence pour le micronutriment en question.
Les doses efficaces pour un tel effet sont lar-
gement supérieures aux apports nutritionnels
conseillés (ANC) pour cette vitamine. Elles
sont de 4 à 80 fois celles des ANC. La ques-
tion posée par ces travaux est celle de la
valeur réelle des recommandations actuelles
faites pour les personnes âgées en ce qui
concerne les ANC en certains micronutri-
ments. Si des supplémentations importantes
en vitamine E permettent d’amplifier les
réponses immunitaires des sujets âgés auto-
nomes et réduisent en même temps les mani-
festations biologiques du vieillissement, cela
ne veut-il pas dire que les besoins des per-
sonnes âgées en ce nutriment sont plus
importantes que ce qui est préconisé ? En
corollaire, ne faut-il pas prendre en compte
les travaux concernant les effets des supplé-
mentations en micronutriments sur les
réponses immunitaires des personnes âgées
pour déterminer des ANC plus valables, per-
mettant de définir des niveaux d’apports suf-
fisants pour ralentir ou prévenir le vieillisse-
ment chez les personnes âgées autonomes ?
La réponse est venue récemment de la com-
mission de la CEDAP travaillant à une nou-
velle définition des ANC, et elle est positive.
Cette commission, qui établissait des recom-
mandations particulières pour les personnes
âgées, vient de publier récemment de nou-
veaux apports nutritionnels conseillés, et ce
pour la première fois pour les sujets en bonne
santé de 60 à 80 ans (42-43). Contrairement
à ce qui est observé entre les ANC de 1992 et
de 2001 pour les adultes plus jeunes – dimi-
nution des ANC en certaines vitamines –, il
est préconisé, pour les sujets de plus de
60 ans, non pas une diminution mais une
augmentation, parfois même très importante,
comme pour la vitamine E (qui passe de 12 à
20-50 UI/j), des ANC en certains micronutri-
ments. Les micronutriments, pour lesquels
les apports conseillés sont plus importants
chez les sujets âgés, sont tous des micronu-
triments ayant une influence et sur les
réponses immunitaires et sur certains fac-
teurs biologiques associés à un vieillissement
accéléré :
micronutriments à activité antioxydante (et
immunostimulante) ;
vitamines du groupe B, dont les déficits se
traduisent par une augmentation de l’homo-
cystéine et des déficits immunitaires.
Cette prise de position de la commission des
ANC, si elle est logique, reste tout du moins
encore assez théorique, puisque très peu
d’études ont montré que des apports plus
élevés permettaient un réel bénéfice clinique
et un ralentissement des phénomènes de
vieillissement. Quoi qu’il en soit, il apparaît
aujourd’hui évident que la prévention du
vieillissement et de ses conséquences (bais-
se de l’IMC) passe par des apports en micro-
nutriments plus importants que ce qui était
préconisé jusqu'à aujourd’hui. Comme les
niveaux qui commencent à être préconisés,
surtout pour la vitamine E, sont difficile-
ment couverts par des apports alimentaires,
on peut se demander si l’on n’entre pas
aujourd’hui dans la prévention du vieillisse-
ment par des “pilules nutritionnelles”,
comme on est entré
dans la prévention du
vieillissement osseux par les traitements hor-
monaux de la ménopause.
Le niveau des réponses d’IMC dépend du
statut nutritionnel non seulement en micro-
nutriments mais aussi en macronutriments,
et ce, même chez les sujets âgés autonomes,
en apparente bonne santé, vivant à leur
domicile et menant une vie active. Nous
avons vérifié, chez de tels sujets, avec mal-
nutrition protéino-énergétique (MPE) débu-
tante (ingesta < 20 kcal/kg/j avec < 1 g/kg/j
de protéines, index de masse corporelle < 21
kg/m2,et albumine sérique comprise entre
35 et 39 g/l), que leurs réponses immuni-
taires étaient comparables, en niveau et en
profil, à celles décrites comme typiques du
vieillissement immunitaire normal : diminu-
tion des lymphocytes T matures (CD3+) et
augmentation des lymphocytes T immatures
(CD2+ CD3-), diminution de la prolifération
lymphocytaire et des synthèses de cytokines,
notamment d’IL-2 (2, 6, 15, 33)
(tableaux I
et II)
. Nous avons pu ainsi montrer qu’il
existait un effet cumulatif entre le vieillisse-
ment dit “normal ” et le degré de MPE sur
les réponses d’IMC des sujets âgés auto-
nomes (6, 33, 36). Cet effet additionnel de la
carence nutritionnelle protéino-énergétique
sur les réponses immunitaires des sujets
âgés existe même chez ceux qui ne sont pas
considérés comme atteints de MPE (albumi-
ne sérique > 35 g/l) (2, 6). On peut donc se
poser la question de l’importance de ces
“pré-MPE” sur les réponses immunitaires
des sujets âgés et donc sur le vieillissement
immunologique per se. Plus encore, on peut
se demander quelle est leur influence sur le
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 4, juillet-août 2001
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