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A l’écoute des animaux
empire, et que lorsque le ara y était
enfermé, il criait abominablement,
ce qui lui causait des ennuis avec
sa régie… Bref il voulait que je le
rembourse et reprenne le perroquet
dans les plus bref délais. Je tâchai de
lui expliquer qu’un perroquet n’est
ni un bibelot, ni un objet virtuel, si
beau soit-il dans un intérieur empire!
Comme n’importe quel animal, il a
besoin de se défouler, il a besoin de
présence, d’attention… il n’aime pas
être seul; d’ailleurs aucun être vivant
n’apprécie la solitude. Un perroquet
a aussi besoin de s’exprimer et, pour
s’exprimer, les aras sont maîtres dans
cet art. Ce sont peut-être les moins
doués pour l’imitation, ils se conten-
tent de prononcer quelques mots
d’une manière inarticulée et criarde,
mais leur ramage limité est strident,
tonitruant et les décibels sont élevés!
Malgré mes arguments je ne réus-
sis pas à faire descendre le prix qu’il
l’avait payé. Mais j’avais déjà décidé
de reprendre ce perroquet auquel
je m’étais attaché dès le premier
contact. J’avais eu des atomes crochus
avec lui. J’avais été inquiet sur son
avenir dans un appartement empire,
perché sur un bâton empire avec une
nourriture empire ou plutôt non em-
pirique pour qu’il ne fasse pas trop de
saleté en mangeant…
Un jour plus tard, la somme néces-
saire était empruntée, l’oiseau était
racheté, et je repartais très er avec
mon perroquet sur le bras. Comme les
anciens propriétaires avaient coupé
quelques plumes à une aile, il ne
risquait pas de s’envoler si par hasard
quelque chose l’erayait. Mais cet
oiseau était conant et il entra sans
problème dans ma voiture, nullement
erayé par mes deux bouledogues,
Babar et Pénélope. Il t le voyage sur
le dossier de ma citroën 2CV puis sur
mon épaule, ce qui n’était pas très
confortable, car les gries du ara sont
assez aiguës, surtout lorsqu’il doit se
cramponner dans les virages ! Babar
reniait de temps en temps les plu-
mes de la queue qui lui chatouillait le
museau lorsque ce coquin de Zéphyr
bougeait… Je lui avait trouvé un nou-
veau nom : dorénavant, il s’appellerait
Zéphyr, par une analogie subconscien-
te avec un de mes livres d’enfance : Le
Roi Babar, qui avait comme copain un
singe, ce coquin de Zéphyr qui faisait
mille bêtises !
C’est donc avec mon magnique
oiseau que je rentrai le soir à Carouge,
pour faire une surprise à ma femme.
Celle-ci ne fut pas aussi enthousiaste
que moi de cette acquisition, mais
elle fut tout de même séduite par la
beauté de Zéphyr au corps bleu azur
et au ventre jaune. Son regard malin
souligné en pointillé par de petites
plumes noires sur ses joues nues à la
peau blanche, qui rosissaient lorsqu’il
était content ou excité, puis sa gen-
tillesse, estompèrent toute réserve
à son égard. Pendant les premiers
temps, Zéphyr m’accompagnait dans
tous mes déplacements, car il redou-
tait la solitude d’une part, et d’autre
part j’étais très er de l’amitié que
l’oiseau me témoignait! L’après-midi,
Zéphyr et mes deux bouledogues
rentraient normalement avec moi à
Carouge où j’avais une galerie au rez-
de-chaussée de mon domicile, avec un
petit jardin. Très vite, Babar et Zéphyr
devinrent très copain. Zéphyr allait
jusqu’à chaparder dans la gueule de
Babar les os qu’il rongeait! Cepen-
dant, après une semaine, je renonçai
d’amener Zéphyr à Carouge l’après-
midi, lorsque je devais y travailler, ou
essayer d’y travailler! Si je le laissait à
l’extérieur, perché sur la balustrade de
la galerie ou dans un arbre de notre
jardinet, pour attirer mon attention
il se mettait à crier à tue-tête, et
ses vocalises perçantes et rauques
résonnaient dans les jardins et cours
alentours, attirant tout le voisinage à
la fenêtre. A l’intérieur, dès qu’on ne
lui prêtait plus attention, ce coquin de
Zéphyr faisait mille bêtises. Il vériait
la solidité des dossiers des chaises,
coupait le l du téléphone… Je com-
mençais de comprendre les anciens
propriétaires de Zéphyr! Ainsi, pour
ne pas habiter une ruine, progressi-
vement, je laissai Zéphyr de plus en
plus à Vernier. Le matin, alors que je
m’occupais de mes
pensionnaires, je le
laissais se balader en
dehors des volières.
Il me suivait en
marchant sur le toit
de celles-ci ou grim-
pait dans un arbre.
Lorsque je devais
m’absenter l’après-
midi, je le mettais
à l’intérieur des
volières : comme il
y avait beaucoup
d’oiseaux, ainsi que de branches
d’arbres à casser, il était assez oc-
cupé pour ne pas avoir trop l’ennui.
Lorsque je l’appelais, il arrivait en se
dandinant, marchant sur le sol ou en
sautant d’une branche à l’autre. Ses
plumes coupées n’avaient pas encore
repoussé et durant les premiers mois
il ne pouvait pas voler, ou que sur de
courtes distances, ratant son but, dé-
séquilibré par les plumes manquantes
à une aile. Le soir, il rentrait avec moi
à mon domicile de Carouge.
Peu de temps après l’arrivée de Zéphyr,
Pénélope la chienne bouledogue eut
des petits, six. Chaque fois que nous
arrivions à la maison, Babar, le mâle
bouledogue, accompagné de Zéphyr,
allait dire bonjour à Pénélope et à
sa progéniture. Si au début, le per-
roquet se méait un peu des bébés
nouveaux-nés, après un mois il prit
plaisir à jouer avec les chiots, les
saisissant même délicatement dans
son gros bec noir, sans jamais les
blesser! En contre-partie, il se lais-
sait tirer les plumes bleues et jaunes
de sa splendide queue de perroquet.
S’il fut très délicat avec ses copains
animaux, il n’en fut pas de même avec
nos meubles, dont certains gardent
encore des traces de son passage. Le
bec d’un perroquet peut accomplir des
taches délicates, comme dévisser un
petit écrou, dessertir une pierre sur un
bijou, sans l’abîmer. Ce bec peut aussi
développer une force énorme, lui per-
mettant de casser des noix, des pièces
de bois ou de plier du métal. Ce bec
est en quelque sorte une troisième
main, pleine de délicatesse et de dex-
térité, qui peut aussi se transformer
en terrible cisaille. J’en ai d’ailleurs
gardé un souvenir cocasse...
Un jour que j’ai occupé à soigner des
souris que nous détenions dans un
Domino et Zéphyr.