Les éléments initiaux dans les énoncés à sujet inversé : une étude

Corpus
13 | 2014
Eléments initiaux dans la phrase : approches inter-
genres et inter-langues
Les éléments initiaux dans les énoncés à sujet
inversé : une étude sur corpus
Catherine Fuchs
Édition électronique
URL : http://corpus.revues.org/2436
ISSN : 1765-3126
Éditeur
Bases ; corpus et langage - UMR 6039
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2014
Pagination : 61-78
ISSN : 1638-9808
Référence électronique
Catherine Fuchs, « Les éléments initiaux dans les énoncés à sujet inversé : une étude sur corpus »,
Corpus [En ligne], 13 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2015, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://
corpus.revues.org/2436
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Corpus n°13 « Eléments initiaux dans la phrase : approches
inter-genres et inter-langues » (2014), 61-78
Les éléments initiaux dans les énoncés à sujet inversé :
une étude sur corpus
Catherine FUCHS
Lattice, CNRS/ENS (Paris)
Introduction
L’étude présentée ici1 porte sur les éléments initiaux dans les
énoncés le sujet est dit « inversé », c’est-à-dire se trouve
placé à droite du verbe (et non pas à sa gauche).
Dans le corpus de départ considéré2, 9 745 énoncés
comportent un sujet ; parmi ceux-ci, seuls 171 (soit moins de
2 %) ont un sujet inversé : c’est mon corpus d’étude. Ce faible
nombre ne permet pas de faire des calculs statistiques réelle-
ment significatifs. Je donnerai néanmoins certaines indications
chiffrées (rassemblées dans un tableau final) qui reflètent des
tendances générales de la langue concernant les types d’inver-
sion du sujet en français ; je préciserai également, au fil du
texte, les affinités éventuelles entre types de structures et genres
discursifs liés à telle ou telle discipline scientifique.
Conformément à la définition adoptée (cf. note 1), les
éléments initiaux dans les énoncés à sujet inversé sont les
constituants qui, en surface, précèdent le verbe (ou le sujet
nominal, dans le cas particulier de l’inversion pronominale
1 Cette étude s’appuie sur un travail collectif de réflexion et d’annotation ac-
compli au sein du groupe EIOMSIT (Eléments Initiaux, Ordre des Mots,
Structuration Informationnelle et Textuelle) du laboratoire LATTICE de
2010 à 2013. Les éléments initiaux (définis comme l’ensemble des élé-
ments précédant le sujet) y étaient étudiés dans les énoncés assertifs
correspondant à des propositions indépendantes ou à des « principales ».
2 Ce corpus de départ est constitué d’articles scientifiques publiés dans 13 re-
vues et relevant de diverses disciplines des sciences humaines et so-
ciales (littérature, linguistique, anthropologie, droit, économie, histoire,
information et communication) ; il est repris du corpus Chambers
Le Baron : http://ota.ahds.ac.uk/desc/2527.
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complexe). Pour caractériser ces éléments et leur combinatoire,
il serait inopérant de rester au niveau de la seule surface de
l’énoncé : en effet, les constituants qui précèdent le verbe
peuvent, selon les cas, participer ou non du noyau prédicatif
constitué autour du verbe ce qui leur confère un statut dif-
férent du point de vue de la construction de l’énoncé. Il est
donc besoin de pouvoir se référer à une théorie de la structu-
ration de l’énoncé.
J’adopterai ici la perspective théorique de la macro-
syntaxe (cf. Blanche-Benveniste, 2008 et 2010 ; Le Goffic,
2008) qui analyse l’énoncé en termes de « noyau » (prédicatif)
et de « périphériques » (préfixés, infixés ou suffixés), ce qui -
cessite de distinguer la « place » d’un élément (en surface) et sa
« position » (du point de vue de la structuration de l’énoncé) : la
position est une place fonctionnellement étiquetée.
Dans les études sur l’inversion du sujet en français mo-
derne, il est traditionnel de distinguer deux grands types. D’une
part, l’inversion considérée comme grammaticale et obligatoire ;
elle est liée à la suspension ou la modulation de l’assertion (on
la trouve dans les questions et après certains adverbes modaux)
et concerne l’inversion (simple ou complexe) du sujet prono-
minal (Guimier, 1997). D’autre part, l’inversion réputée stylis-
tique et facultative ; elle se rencontre dans les énoncés assertés
et concerne l’inversion du sujet nominal après des verbes -
néralement mono-actanciels (intransitifs, réfléchis ou passifs)
(Lahousse, 2003). Ce second type se subdivise lui-même en
deux sous-types : l’inversion nominale complète (où, dans le
noyau, le verbe est précédé d’un constituant intra-prédicatif) et
l’inversion nominale absolue (où il n’est précédé d’aucun cons-
tituant intra-prédicatif). Le plan du présent article suivra cette
tripartition : j’étudierai les éléments initiaux, d’abord dans les
énoncés à inversion pronominale 1.), puis dans les énoncés à
inversion nominale complète 2.), et enfin dans les énoncés à
inversion nominale absolue (§ 3.).
Sur les 171 énoncés à sujet inversé du corpus d’étude,
50 correspondent à une inversion pronominale, 97 à une inver-
sion nominale complète et 19 à une inversion nominale absolue.
Restent 5 énoncés correspondant à un cas très particulier (sorte
Les éléments initiaux dans les énoncés à sujet inversé
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de survivance d’un état de langue ancien) : il s’agit de l’inver-
sion du sujet (aussi bien pronominal en inversion simpleque
nominal) dans les incises après une citation. Exemples :
(1) « Que faire ? », dirait Lénine. (droit)
(2) Que de « droit mou » serait-on tenté de clamer. (droit)
Dans ce cas (que je n’étudierai pas plus avant), le verbe (verbe
de parole ou équivalent) se trouve précédé en surface de la
séquence rapportée, qui fonctionne comme complément d’objet
direct du verbe.
1. Les éléments initiaux dans les énoncés
à inversion pronominale
Sur les 171 énoncés à sujet inversé, 50 (soit moins du tiers)
comportent une inversion pronominale. Les énoncés interroga-
tifs ayant été exclus au départ, il s’agit uniquement de cas
l’inversion du pronom (inversion simple dans 25 cas, et inversion
complexe dans 25 autres cas) est due à la présence à l’initiale
d’un adverbe modulant ou suspendant l’assertion (cf. Guimier,
1997). Le plus fréquent est ainsi ne pas confondre avec le
ainsi de manière dont il sera question plus bas, au § 2.2.3) ; on
trouve également peut-être, aussi, sans doute, au moins et les
tournures figées toujours (est-il), encore (faut-il).
Dans la plupart des cas, l’adverbe (qui fonctionne comme
un périphérique lié) précède immédiatement le verbe (ou le
sujet nominal, en cas d’inversion complexe) :
(3) Ainsi se croit-on entouré d’une multitude d’être invisibles,
qui (…). (littérature)
(4) Aussi mon ambition est-elle triple : (…). (littérature)
Mais il arrive que soit intercaentre les deux un ad-
verbe comme même, en effet ou aussi (lui-même modifieur du
premier adverbe) :
(5) Peut-être même éprouve-t-on un malin plaisir patriotique
à (…). (littérature)
(6) Peut-être en effet ce que je cherchais en Afrique était-il la
capacité à sortir de moi-même (…). (littérature)
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ou bien un circonstant périphérique détaché, de type localisation
spatiale (concrète ou abstraite) ou temporelle :
(7) Ainsi, parmi les pionniers de l’historiographie coloniale des
sources orales, préférons-nous (…). (littérature)
(8) Aussi, dans les semaines précédant le vote de la loi, les
organes diocésains estiment-ils que (…). (histoire)
On observe que, dans la très grande majorides cas,
l’inversion pronominale se trouve dans des articles portant sur
la littérature ou sur l’histoire disciplines qui, contrairement à
d’autres, recourent peut-être plus volontiers à la modulation
nuancée qu’à l’assertion tranchée, positive ou négative.
2. Les éléments initiaux dans les énoncés à inversion
nominale complète
Sur les 171 énoncés à sujet inversé, 116 (soit plus des deux tiers)
comportent une inversion nominale. Et, parmi ces 116 inver-
sions nominales, 97 sont des inversions nominales complètes
(soit près de 57 % de tous les cas d’inversion du sujet, et plus de
83 % des cas d’inversion nominale).
Le verbe est immédiatement précédé d’un élément qui
peut être un complément essentiel ou un complément accessoire
intra-prédicatif. Cet élément fonctionne comme premier terme
du noyau : il occupe la position « normalement » attribuée au
sujet (lorsque celui-ci n’est pas inversé).
2.1 Le verbe est précédé par un complément essentiel
Sur les 97 cas d’inversion nominale complète, 55 (soit plus de
la moitié) ont un complément essentiel (attribut ou complément
régi en à ou de) précédant immédiatement le verbe.
2.1.1 Le verbe est précédé par un attribut
Dans 14 de ces 55 cas (soit plus du quart), le complément
essentiel qui précède le verbe est un attribut.
Les attributs les plus souvent rencontrés sont les ad-
jectifs nombreux, rare et tel (qui expriment respectivement la
quantification et la qualification) :
(9) Nombreux étaient ceux qui croyaient que (…). (histoire)
1 / 19 100%

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