Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable | N° 48 septembre 2012 Veille météo et climat Depuis plusieurs mois les médias du monde font état de nombreux incendies de forêts. Ainsi le sud de la France, l’Espagne y compris les Canaries, le Portugal, les pays des Balkans, l’Italie, la Russie notamment en Sibérie avec des feux de tourbe souterrains, Israël et le Maroc, mais aussi les Etats Unis, le Canada, le Chili ont vu leur territoire ravagé par les flammes. Début septembre la période à risques est loin d’être terminée et partout le bilan est déjà lourd. Ce numéro 48 de la Lettre de veille météo et climat du CGEDD fait le point sur les méthodes et les pratiques mises en œuvre aujourd’hui par les services de Météo France pour la prévision des feux de forêt et aborde l’impact potentiel du changement climatique sur ce risque. La prévision des feux de forêt et les choix méthodologiques en France Source : Adaptation des indices de danger d’incendies de forêts à La Réunion - Yves Grégoris, Janvier 2012 La notion de risque d’incendie ou de feux de forêt recouvre une diversité de facteurs, de la facilité d’allumage à la difficulté de contrôle sur toute l’étendue des conditions de brûlage. Dès le début des années 1930 les services forestiers ont étudié ces phénomènes avec l’objectif de déterminer au mieux les zones à fort risque d’incendie, les prévisions d’occurrence, la gestion de l’extinction des feux et les activités de sécurité en période de crise. Les Etats Unis, le Canada et l’Australie ont particulièrement développé ces recherches en raison de leur forte exposition à ces risques (le Canada possède à lui seul 10% de la forêt mondiale avec en moyenne 7500 incendies de forêts et 1,9 millions d’hectares brûlés chaque année). Les principales méthodes d’évaluation du danger de feux de forêt utilisées de par le monde sont : − «Mc Arthur Grassland and forest fire danger index» développée et utilisée en Australie, − «US National Fire Danger Rating System» développée aux Etats Unis, utilisée également en Afrique du Sud et en Asie, − Méthode canadienne de l’indice forêt météo (IFM), voir schéma ci-dessous, développée au Canada, adaptée également en Nouvelle-Zélande, Indonésie, Malaysie, Nouvelle-Calédonie, France métropolitaine, Italie, à La Réunion et au Portugal, Température humidité relative vent pluie Vent Température humidité relative vent pluie Calédonie depuis 2009 à la suite d’une étude portant sur sept indices couvrant dix neuf zones, sur neuf ans de 2000 à 2008 et plusieurs centaines d’incendies documentés. Pour La Réunion, le nombre beaucoup trop faible de feux historiques documentés ces dix dernières années et approchables des données météorologiques, n’a pas permis le même type d’étude. Cependant compte tenu de son adaptabilité l’IFM a également été retenu pour l’île. L’organisation de la prévision météorologique des feux de forêts en France Historiquement, c’est à l’échelle régionale que les assistances météorologiques aux risques de feux de forêt avec expertise humaine ont été mises en place, d’abord dans la direction inter-régionale (DIR) sud-est de Météo France, puis dans celle du sud-ouest. En 2005, le service central (direction de la production) met en oeuvre la chaîne de traitements qui permet : − la production automatisée de la prévision de risque feu sur toutes les régions, − la cohérence de la production des IFM sur tout le territoire, − la production spatialisée à maille fine (2,5 km) valorisant les meilleures données possibles. Les produits finaux sont disponibles pour les services nationaux et Température pluie Observations météo pertinentes Indices de combustibles Indices du comportement de l’incendie Indice du combustible léger Indice du combustible profond Indice de l’humus Indice du combustible disponible Indice de propagation initiale Indice forêt-météo (FM) − «Modified Fosberg Fire Weather Index» développée aux Etats Unis et notamment utilisée en Floride. Toutes ces méthodes sont basées sur des indices d’humidités des combustibles calculés à partir de données biologiques et météorologiques (température de l’air, humidité relative, précipitations, vitesse du vent).Une étude (Viegas et al., 1999) de comparaison de cinq indices dans six régions européennes en France, en Italie et au Portugal a permis de conclure au meilleur comportement de l’IFM canadien et à son adaptabilité à des forêts de natures différentes de celles des forêts boréales pour lesquelles il avait été développé. Ainsi l’IFM est utilisé opérationnellement par Météo France pour la métropole depuis le début des années 1980. Il a également été retenu pour la Nouvelle- locaux impliqués dans la gestion du risque sur un extranet dédié. Cette chaîne utilise les données issues du modèle à maille fine Arome et des données produites par la fusion des observations pluviométriques in situ et tirées des données radar (méthode Antilope). L’évaluation du niveau de risque reste de la responsabilité des DIR sur leur territoire, mais nous sommes bien dans une logique de convergence à terme des chaines de production. L’action est coordonnée au niveau national par la direction générale de Météo France qui assure le Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l’Énergie www.developpement-durable.gouv.fr Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable | N° 48 septembre 2012 dialogue avec le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC). Localement, un prévisionniste assure quotidiennement en charge cette assistance (soit dans les locaux de la DIR, soit au centre opérationnel de zone - COZ) pendant la période estivale. Il élabore des bulletins spécifiques et divers indices selon un zonage spécifique à chaque région. Hors cette période, l’extranet local diffuse les observations météo et l’IFM calculé automatiquement pour chaque station, ainsi que des bulletins mensuels sur l’état de la sécheresse. En métropole et en dehors du sud-est et du sud-ouest, l’assistance est assurée par zone de défense et de sécurité, et par département (IFM seulement) et existe depuis mi 2010. En complément, des cartes d’indice de risques météorologiques de feux, réalisées après étude pour corréler les valeurs d’IFM avec l’activité réelle incendie de forêts, pour les zones de défense et de sécurité ouest et sud-est sont réalisées respectivement depuis 2010 et 2011. A noter qu’en zone sud et sud-ouest, les dispositifs spécifiques existants restent la base opérationnelle de l’assistance feux de forêt. Des cartes d’IFM sur les zones frontalières (Espagne, Italie, Suisse, Allemagne, Bénélux et sud Grande Bretagne) sont mises à disposition du COGIC depuis l’été 2011 via un autre extranet. Il existe un produit semblable (IFM + carte risques feux) pour la Nouvelle-Calédonie. À la Réunion un produit est expérimenté depuis 2011 et sera opérationnel en 2012. Cependant, il ne donne que des indices météorologiques qui devraient certes s’améliorer quand le deuxième radar hydrométéorologique sera opérationnel. Toutefois, cet indice de danger qui ne repose que sur des éléments météorologiques devra être complété en tenant compte de l’impact de ces éléments sur la végétation. 20) est en augmentation sur l’ensemble du territoire français (+ 22 %) entre les périodes 1961-1980 et 1989-2008. La probabilité d’occurrence de feux de forêts a nettement augmenté dans le sud de la France et devient significative dans le Centre, en Poitou- Charentes, en Pays de la Loire, en Bretagne et même en Îlede-France. En 2010, la mission interministérielle (intérieur, agriculture, écologie) a travaillé sur l’impact du changement climatique sur les incendies de forêts. Elle classe les massifs forestiers en trois niveaux de sensibilité au feu, en se référant à des travaux réalisés par MétéoFrance, l’Inventaire forestier national (IFN) et l’Office national des forêts (ONF). Aux Antilles et en Guyane, comme en Polynésie, le risque est très exceptionnel. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC ) n’y a pas recensé de besoin. Le classement des massifs prend en compte le paramètre de sécheresse, issue de l’indice de forêt météo (IFM) et des caractéristiques des forêts. La surface sensible aux feux de forêts, estimée à 5,5 millions d’ha en 1989-2008, devrait s’élever à 7 millions d’ha à l’horizon 2040. La modélisation obtenue pour les années 2031-2050 montre que la surface des massifs forestiers à risque élevé ou très élevé devrait augmenter en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, au sud de Rhône-Alpes, en Corse et Aquitaine et deviendrait significative en Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Centre, Bretagne et au nord de Midi-Pyrénées. Le sud de l’Île-de-France et de la Basse-Normandie devrait également faire partie des territoires à risque élevé. La Corse et les Alpes-Maritimes, devraient quant à elles, profiter d’une pluviométrie plus abondante (selon le modèle de climat retenu pour la modélisation) et ainsi voir leurs surfaces à risque élevé diminuer. L’impact du changement climatique sur les incendies de forêt en France métropolitaine Les prévisions saisonnières pour septembre, octobre et novembre 2012 ( h t t p : / / f ra n ce . m e t e of ra n ce . co m / ) Source : MEDDE/CGDD/SOeS, Études & documents n°45 août En métropole, comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, pour les températures comme pour les cumuls de précipitation, aucun scénario ne se dégage. Aux Antilles, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon les températures moyennes devraient être supérieures aux normales de la saison. Les températures seront normales à Wallis et Futuna. La mission interministérielle (intérieur, agriculture, écologie), dans son rapport intitulé « Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts » rendu en juillet 2010, a évalué les coûts annuels consacrés par l’État, l’Union européenne, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et les collectivités locales ainsi que les partenaires privés à la prévention et à la lutte contre les feux de forêts en France. En 2008, ces coûts se sont élevés à 536,5 millions d’euros dont 60 % supportés par les collectivités territoriales et les SDIS, 35 % par l’État, 2 % par les partenaires privés (associations syndicales agréées, gestionnaires de réseaux, propriétaires) et 1 % par l’Union européenne. Ce coût pourrait augmenter avec l’impact du changement climatique. En effet, les territoires à risque d’incendie de forêt devraient s’étendre significativement vers les régions du nord de la France à l’échéance de 2040, en raison du changement climatique. D’après Météo-France, le nombre annuel moyen de jours avec risque d’incendie (IFM supérieur à Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable Tour Pascal B 92055 La Défense cedex Collège Gestion Intégrée de l’Eau, Collège Energie et Climat Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Les cumuls de précipitation devraient être inférieurs aux moyennes saisonnières en Guyane et Wallis et Futuna. Partout ailleurs sur le territoire national aucun scénario ne se dégage pour le cumul des précipitations. 2012 France métropolitaine Antilles Guyane Réunion Mayotte Nouvelle-Calédonie Wallis et Futuna Polynésie St-Pierre et Miquelon A-S-O T ? > > > > ? = > > S-O-N RR ? < < ? ? ? ? < ? T ? > > > > ? = ? > RR ? ? < ? ? ? < ? ? T : température RR : précipitations Gris : pas de scénario privilégié Orange : chaud ou sec Bleu : froid ou humide Vert : normal Responsable de la publication : Dominique Marbouty Rédacteur en chef : Philippe Boiret Comité de rédaction : Henry Boyé, Daniel Burette, Bernard Flury-Hérard Assistance mise en page et PAO : Françoise Crémona, SG/SPSSI/ATL2 Benoit Cudelou www.developpement-durable.gouv.fr