AVOUER

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AVOUER
« N’avouez jamais ! » On la connaît cette phrase, cette formule toute faite un peu trop figée pour avoir
beaucoup de sens, mais qui a eu du succès.
C’était le conseil donné aux criminels qui passaient aux assises. Malgré toutes les preuves, les indices
accablants, l’évidence de vos crimes, ne les avouez pas. N’avouez jamais… Il restera toujours une
minime possibilité de doute dans l’esprit des jurés, dont vous pourrez bénéficier.
Il faut croire que les jeunes francophones d’aujourd’hui ne se sentent pas concernés par cet avis
bienveillant : inévitablement on les entend dire « j’avoue, j’avoue… »
C’est un tic de langage qui n’est pas bien gênant. Et j’avoue même (vous voyez, je suis contaminé)
qu’il ne me choque pas : il n’a rien d’inconvenant, rien d’arrogant, et n’est certainement pas menaçant
pour l’intégrité de la langue. Simplement il peut faire sourire par sa fréquence.
Il succède un peu au « c’est clair » qu’on a entendu à outrance depuis quelques années : une façon
donc de dire « oui » en insistant un peu… Pas trop d’ailleurs : c’est une insistance douce, une façon
de s’investir légèrement dans l’acquiescement.
En même temps, c’est comme une reconnaissance de l’intelligence de l’autre : dire à quelqu’un
« j’avoue » c’est lui dire « tu as vu juste, tu as raison ». Ce n’est pas seulement dire « je suis d’accord
avec toi ! » C’est dire « je ne peux faire autrement que d’être d’accord avec toi… tu m’obliges à dire
oui ».
Ce verbe « avouer » appartient souvent au vocabulaire juridique, et même à celui de la justice
criminelle : le juge essaie de faire avouer celui qui a peut-être commis des actes répréhensibles !
Dans ce cadre, l’opposé du verbe « avouer » est souvent le verbe « nier », c’est-à-dire ne pas
reconnaître avoir fait telle ou telle chose, alors même qu’on soupçonne que vous les avez faites, alors
même que vous êtes accusé. Vous niez, c’est-à-dire, vous dites « non ». C’est une réponse à une
accusation. Avouer, c’est faire la réponse inverse, et dire « oui », donc reconnaître que vous avez bien
fait ce qu’on vous reproche d’avoir fait…
Mais on le voit, l’inverse d’avouer n’est pas « désavouer ». Ce dernier verbe a un tout autre sens !
Désavouer signifie non pas nier, mais plutôt renier, désapprouver l’attitude de quelqu’un. Avec l’idée
qu’on ne le soutient pas, qu’on s’en désolidarise.
Le mot s’emploie en général lorsque quelqu’un est attaqué, et qu’on pense que vous auriez pu être de
son côté. Si vous le désavouez, c’est que vous refusez de le soutenir. Ainsi, on désavoue plus
facilement ceux qui sont de votre camp que les autres : pour les autres, c’est évident, donc pas besoin
de le dire !
Ce sens du mot « désavouer » s’explique très bien par le premier sens du mot « avouer », le sens qu’il
avait au Moyen-Âge et qui s’est totalement perdu aujourd’hui.
Avouer quelqu’un, en droit féodal, signifiait reconnaître quelqu’un pour seigneur, accepter d’être son
vassal, d’être sous ses ordres, de combattre à ses côtés, mais en même temps, être sous sa
protection. Puis le sens du mot a évolué et il a voulu dire également approuver, reconnaître pour vrai.
Ce qui explique que le contraire puisse signifier désapprouver, se retirer du camp de quelqu’un.
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