Mgr Lafont
Catéchèse du jeudi 18 août. Thème : "Rencontrer le Christ dans l’Eucharistie"
Mgr Lafont, Evêque de Cayenne [18/08/2005]
Introduction : l’adoration des Mages
a. La quatrième adoration.
Lorsque les mages arrivent devant l’enfant nouveau-né, ils ne sont certes pas les premiers à se
prosterner pour adorer. Saint Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites, invite toujours ceux
qui font les exercices spirituels à consacrer une méditation sur la première adoration offerte à
Jésus dans la crèche. Savez-vous qui l’a faite ?
La Vierge Marie.
Il me suffit de fermer les yeux, comme Ignace me le propose, et de m’imaginer présent,
discrètement, au fond de la grotte où Marie vient d’accoucher. La voilà qui prend dans ses
mains ce petit être, Jésus, et qu’elle le contemple. Comme toute maman, elle savoure la paix
et la joie inexprimable de voir celui qu’elle aime depuis si longtemps, celui qui suçait son
sang avant même qu’elle puisse le regarder. Elle se laisse remplir de cette béatitude qui lui fait
oublier les douleurs de l’enfantement, l’angoisse aussi. A cela, Marie ajoutait les sentiments
qui se mêlent dans une maman qui enfante pour la première fois. Mais il y a plus encore. Ce
petit qu’elle tient, là, si fragile et dépendant d’elle, c’est le Fils de Dieu ! C’est celui dont en
fait elle-même tient la vie… Elle se trouve totalement enveloppée dans le mystère de cette
conception dont Dieu seul connaît le secret, mais dont elle a été constituée le creuset. Elle
s’est ouverte, comme un tabernacle, le premier tabernacle de Jésus, et son amour, son bonheur
sont indicible. « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
A l’école de Marie, j’apprends l’adoration !
C’est si simple : c’est une histoire d’amour, tout simplement.
Les mots n’ont pas d’importance. Leur nombre importe peu.
Il ne s’agit pas de beaucoup penser, mais de beaucoup aimer.
Etre là, dans le silence du cœur… tout simplement.
La deuxième adoration, chers amis, c’est celle des anges ! L’Ecriture nous apprend que toute
la cour céleste s’est rassemblée au dessus de la crèche. Les innombrables créatures de cieux,
ces messagers de Dieu qui viennent d’avertir les bergers se rassemblent et laissent éclater leur
joie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». La
cour céleste sait bien ce que fait Dieu. Ils savent le sens de l’événement de Bethléem. Ils sont
chargés de l’annoncer. Mais cette annonce les réjouit au premier chef. Ils accomplissent leur
devoir, admirable chœur des anges !
La troisième adoration vient alors, en la personne des bergers. « Allons jusqu'à Bethléem et
voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître ». (Lc 2, 15). Ces hommes
sont considérés par les prêtres du Temple comme des pécheurs. En effet, seuls dans leur
champ avec leurs troupeaux, nul ne sait comment ils se comportent, s’il chouravent du lait, du
fromage, voire même des animaux… leur métier est considéré comme impur, impropre en
tout cas à leur ouvrir les portes du parvis du Temple. Et voilà que Jésus commence dès cet
instant sa mission étonnante : dire aux pauvres et aux pécheurs la Bonne Nouvelle que Dieu
leur fait grâce et leur redonne la vie, l’espérance et la joie ! L’adoration de ces gens représente
celle des milliards de petites gens qui, partout sur la terre, s’inclinent avec respect et gratitude
devant le Seigneur de l’univers. Ils réalisent l’action de grâce de Jésus : « Je te bénis, Père,
Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir
révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21).
Vient enfin l’adoration des mages, ces sages venus d’Orient. Leur science de la nature, et la
droiture de leur cœur leur ont permis de reconnaître dans l’étoile l’annonce d’une naissance
unique par son importance. Et ils se sont mis en route, eux aussi. Comme Joseph et Marie, les
anges et les bergers… « Nous sommes venus l’adorer ».
Ils ne viennent pas sans rien. Les offrandes qu’ils apportent disent le don qu’ils font de tout
leur être à celui dont ils annoncent la grandeur et le destin. Si l’encens vénère en Jésus le Fils
unique de Dieu, l’or rappelle sa dignité royale, et la myrrhe annonce sa mort sur la croix. Ils
se donnent ainsi en professant leur foi au Fils de Dieu : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
b. Adorer Celui que l’on reconnaît comme le Sauveur
Marie, les Anges, les Bergers et les Mages, tous ont adoré l’enfant-Dieu à la suite d’une
révélation divine. Aucun n’aurait découvert, tout seul, la dignité et la gloire de cet enfant. Il
est né comme tous les autres, en réalité dans une précarité plus grande que beaucoup d’autres.
Mais Dieu a pris lui-même l’initiative de leur révéler l’identité de Jésus. L’archange Gabriel
est venu vers Marie. Les anges ont réveillé les Bergers, l’étoile est apparue aux mages. Bref,
ni la chair ni le sang ne nous révèlent qui est Jésus, mais Notre Père qui est aux cieux (cf. Mt
16, 17).
Nous n’échappons pas à cette loi. Notre religion, chers amis, est une religion « révélée », en
ce sens que ce qui était invisible à nos yeux et à notre intelligence a été rendu visible pour
nous, par pure grâce, en vertu de la décision souveraine de Dieu de se faire connaître, de venir
à nous et de nous parler. La Parole de Dieu peut prendre diverses formes, orale ou écrite, elle
est incontournable si l’on veut proclamer avec certitude l’identité de Jésus.
Pour nous aussi, cette adoration est possible. Car le Christ ressuscité est vivant, présent au
milieu de nous. Il est présent de bien des manières, comme le rappelle le concile Vatican II :
Pour l'accomplissement d'une si grande oeuvre, le Christ est toujours là auprès de son Eglise,
surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe(20), et dans
la personne du ministre, "le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s'offrit
alors lui-me sur la croix" et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est
présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ
lui-même qui baptise(21). Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit
dans l'Eglise les Saintes Ecritures. Enfin il est là présent lorsque l'Eglise prie et chante les
psaumes, lui qui a promis : "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au
milieu d'eux » (SC 7).
Il est présent enfin dans les pauvres, celui qui a faim et soif, celui qui est en prison, malade ou
étranger, dans celui qui est nu : « Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont les
miens, nous avertit le Christ, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25, 40).
De toutes ces modes de présence de Jésus, la plus étonnante toutefois est la présence
eucharistique.
Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de
son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu'à ce
qu'il vienne, et en outre pour confier à l'Eglise, son Epouse bien-aimée, le mémorial de sa
mort et de sa résurrection: sacrement de l'amour, signe de l'unité, lien de la charité(36),
banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l'âme est comblée de grâce, et le gage de la
gloire future nous est donné(37) » (SC 47).
En effet, dans l'Eucharistie, par la transformation du pain et du vin en corps et sang du
Seigneur, elle jouit de cette présence avec une intensité unique. Depuis que, à la Pentecôte,
l'Église, peuple de la Nouvelle Alliance, a commencé son pèlerinage vers la patrie céleste, le
divin Sacrement a continué à marquer ses journées, les remplissant d'espérance confiante »
(EdE 1).
« Tout, dans l’Eucharistie, provient d’un maximum d’amour. Tout résulte d’une volonté
illimitée du don. C’est l’amour divin qui, pour avantager les hommes et leur assurer la
destinée la plus haute, s’est fait inventif de la manière la plus insurpassable dans les gestes et
les paroles de Jésus qui ont institué l’Eucharistie lors de la dernière cène. Comme notre
surprise est considérable, nous devons faire sans cesse effort pour mieux saisir les intentions
de cet amour ».
1. L’Eucharistie commence avec le repas de la dernière scène
Comprendre la présence de Jésus dans l’Eucharistie, et ce qu’il a voulu ainsi nous donner
nous demande de revivre avec lui le dernier repas pris avec ses disciples. Trois gestes
successifs nous introduisent dans ce mystère.
a. Jésus a voulu, avant de mourir, « manger la Pâque » avec ses disciples. Manger la Pâques
est un rituel juif unique, vécu chaque année au début du printemps. C’est un rituel familial,
présidé par le Père. J’ai eu la chance de participer une fois à ce repas pascal, « Pessah »,
comme l’appellent nos frères aînés, les Juifs. Ce repas commémore la libération des esclaves
hébreux, leur sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse. Ce soir là, ils prirent leur repas à la
hâte, avant que le pain n’ait eu le temps de lever. Ce soir là ils ont bu le vin de la joie, car ils
recouvraient la liberté. Ils ont mangé l’agneau pascal, dont le sang, répandu sur les linteaux de
leur porte avait éloigné l’ange exterminateur chargé de frapper les premiers nés des
Egyptiens. Au cours de ce repas, la famille juive partage tous ces aliments, avec des herbes
amères qui rappellent la dureté de l’esclavage, des herbes trempées dans l’eau salée pour
commémorer le passage de la mer Rouge. En bref, ils revivent la sortie d’Egypte. C’est pour
eux le moment fondateur de leur peuple, celui où Dieu s’est révélé à eux comme le Dieu
sauveur, Yahweh, le Dieu de Moïse.
En revivant le repas de Pâque avec ses disciples, Jésus assume la libération commencée à la
sortie d’Egypte, et s’inscrit dans l’espérance de son peuple.
b. Mais voilà qu’au terme du repas, il quitte la table, et, prenant la position du serviteur, il se
met à laver les pieds de ses disciples. Il accomplit, se faisant, ce que nous appelons un geste
prophétique, un symbole qui annonce une réalité plus haute. Il annonce le sens de sa mort :
comme l’accomplissement de son amour pour nous, donnant sa vie pour nous rendre la vie.
Prenant sur lui la mort pour la retirer de nos épaules. Il invite à l’avance ses disciples à
donner, comme lui, leur vie pour leurs frères :
« Vous m'appelez Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé
les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux
autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait » (Jn 13,
14-16).
c. Et voilà que, de nouveau assis au milieu de ses disciples, il reprend le pain azyme du repas
pascal. Mais cette fois-ci, il lui donne un sens nouveau, totalement inédit et inouï. Désormais,
il fait de son pain son propre corps, celui qui sera livré pour nous tout à l’heure, sur le bois de
la croix. Désormais, la coupe de vin sera l’alliance dans son sang, répandu sur la colline du
Golgotha. Jésus ne prendra plus d’agneau grillé, parce que, désormais, l’agneau de Dieu, c’est
lui ! Le pain et le vin sont l’agneau lui-même. Désormais, on ne fera plus de sacrifice, pour
accomplir le repas pascal, car le sacrifice unique de Jésus sur la croix nous a sauvés une fois
pour toutes. L’Eucharistie n’est pas un sacrifice, c’est le mémorial de l’unique sacrifice de la
Croix. Jésus fait de son corps le symbole de son don total :
« Je suis le bon pasteur; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Jn 10,11
« c'est pour cela que le Père m'aime,
parce que je donne ma vie,
pour la reprendre.
Personne ne me l'enlève;
Mais je la donne de moi-même.
J'ai pouvoir de la donner
et j'ai pouvoir de la reprendre;
tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père. » Jn 10,17-18.
En devenant lui-même l’agneau unique, qui fait qu’il n’y a plus d’agneau dans le sacrifice
chrétien, mais mémorial du sacrifice unique, « une fois pour toutes »
« Oui, tel est précisément le grand prêtre qu'il nous fallait, saint, innocent, immaculé, séparé
désormais des pécheurs, élevé plus haut que les cieux, qui ne soit pas journellement dans la
nécessité, comme les grands prêtres, d'offrir des victimes d'abord pour ses propres péchés,
ensuite pour ceux du peuple, car ceci il l'a fait une fois pour toutes en s'offrant lui-même. » He
7,26-27
Jésus assume ainsi toute l’histoire de son peuple et la porte à son accomplissement définitif. Il
ne nous sauve plus seulement de l’esclavage d’Egypte, ni même de l’esclavage du péché, il
nous sauve de la mort même.
Ainsi, l’Eucharistie manifeste la profondeur de l’incarnation, comme le signifient les paroles
du Christ : « Ceci est ma chair », la même racine que celle d’incarnation : « Le Verbe s’est
fait chair ».
L’incarnation trouve son aboutissement dans l’Eucharistie. Elle y trouve une ampleur que ne
pouvait donner le simple fait de la venue du Christ. Elle permet à la chair du Fils de Dieu de
rayonner sur ceux qui la reçoivent. Elle élargit au maximum la puissance transformatrice de la
chair de Jésus.
L’Eucharistie, instituée par Jésus pendant le repas pascal, achève la Pâque de la première
alliance et toute libération ;
En même temps, l’Eucharistie est le fruit de la Pâque nouvelle du Christ
De plus, en instituant l’Eucharistie comme signe et mémorial de sa mort, Jésus fait de son
sacrifice une « Action de grâces » !
Car toute la vie de Jésus s’est déroulée dans cette atmosphère d’action de grâce, c’est à dire de
gratitude pour les merveilles que Dieu fait ! Il admire tout ce que Dieu donne à l’humanité, Et
dans son élan de gratitude, il aspire à répondre à l'amour du Père par la plénitude de son
amour filial.
« On le voit dans l’hymne de jubilation : Lc 10,21 : « A cette heure même, Jésus tressaillit de
joie dans l’Esprit saint et il dit : ‘Je te rends hommage, Père, Seigneur du ciel et de la terre
d’avoir caché ces choses aux sages et aux habiles, et de les avoir révélées aux tout-petits’ ».
« on le voit dans la résurrection de Lazare, Jn 11,41 : « Père, je te rends grâce de m’avoir
exaucé »
« Au moment de l’institution de l’Eucharistie, Jésus rend grâce. Mais Jean nous introduit dans
les dispositions personnelles de Jésus au moment du repas : « Jésus, sachant que son heure
était venue de passer de ce monde au Père, lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le m
onde ,les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1).
Il dit sa conscience d’avoir tout reçu du Père. Il a conscience aussi de retourner vers ce Père.
La prière d’action de grâces, lors de l’institution de l’Eucharistie a été le suprême
aboutissement d’une disposition fondamentale de Jésus, qui n’avait cessé de se développer au
cours de sa vie terrestre. Elle exprimait sa conscience d’avoir tout reçu du père et sa volonté
de retourner à lui par l’offrande de son sacrifice. C’est dire la puissance de cette action de
grâces.
« Cet élan filial d’action de grâces avait son origine dans le mystère éternel de la Trinité. La
prière eucharistique jaillissait de l’amour du Fils pour le Père.
« Ce n’est donc pas sans raison que dans l’institution de la cène nouvelle les chrétiens ont
reconnu l’importance essentielle de l’action de grâces et ont désigné par le mot eucharistie le
repas donné par le Christ à ses disciples. Ils ont discerné dans l’élan d’action de grâces du Fils
vers le Père la puissance secrète qui transformait pain et vin en corps et sang du Sauveur.
On doit discerner la présence de l’Esprit saint dans cette action de grâces : cf. Lc 10,21.
Cf. He 9,14 : « le Christ s’est offert lui-même sans tache à Dieu par un Esprit éternel ».
« Aussi bien dans l’offrande que dans l’action de grâce le trajet qui va du Fils au Père passe
par l’Esprit Saint.
« Les rapports entre Dieu et l’humanité ont besoin d’un esprit d’action de grâces pour se
développer harmonieusement. Au moment où Jésus était engagé dans l’épreuve la plus
pénible, qui alliait lui faire sentir toute la douleur d’une condamnation injuste et lui infliger
les humiliations et les souffrances du supplice de la croix, il a voulu donner à l’action de
grâces toute sa valeur. Au lieu de mettre en accusation le Père qui lui envoyait cette épreuve,
il l’a expressément remercié pour tout ce qu’il avait reçu et recevait de lui… On ne peut
douter que dans sa clairvoyance Jésus avait pleinement raison de se livrer à l’action de grâces
dans l’intention d’entraîner l’humanité sur cette voie. .. Il développe un regard ‘eucharistique’
.
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