ECRITURE ET POLITIQUE CHEZ AUG UST
?IN CHAHO ELÉMENTS POUR
UNE ...
vie d'une
maniere contradictoire,
dls
.
) suce(nt) la corruption avec le lait
(Ph. R.
p. 111). Parlant de ]'origine des inégalités sociales, le Voyant est appelé á se
demander comment on passe d'une situation de misére, de ]iberté, d'harmo-
nie, á une situation de barbarie, de corruption et de méchanceté.
Si l'on tente de prospecter le territoire du po]itique, on découvre
facilement que l'espace basque en constitue l'épicentre. II est fasciné par ce
peuple basque qu'il considere comme la
race antique du soleil
ou la
nation des
voyants
(V. N. p. 288). Nation, race, deux concepts employés indifféremment
par Chaho qui traduisent á la fois les incercitudes terminologiques et le
systéme d'appellation de populations, courants en cette période du XIXe
siécle. On peut légitimement se demander pourquoi Chaho a pris la défense
d'un pays, selon ses expressions, dépourvu de littérature nationale, aux
structures politiques laminées par le centralisme, doté d'une langue mori-
bonde, étouffé par le cléricalisme. Ce n'est pas simplement parce qu'i] était
basque lui-méme, mais probablement parce que le pays basque représentait á
ses yeux le meilleur exemple d'une société mutilée dans son histoire, sa
culture, sa personnalité, par des siécles d'oppression politique, religieuse,
militaire (la guerre carliste apportant la preuve manifeste de la tentative
d'étouffement et l'illustration des visées centra]isatrices des libéraux). La
véhémence des critiques á l'encontre des pratiques politiques du pouvoir
madriléne contraste avec une surprenante indulgence á l'égard par exemple
des mesures centralisatrices imposées par la Révolution Fransaise. Oubli?
Prudence dans l'analyse? La question mérite d'étre posée.
Quand
le Bizkaien interpelle les
sophistes-libéraux de Madrid,
quand
Chaho légitime l'action de Zumalacarregui, quand le voyant décrit ses
intuitions sur le devenir de la société (Socrate, Zoroaste, ]e Christ ont été eux
aussi des voyants dans la mesure oil ils ont été en avance sur leur époque et
donc non écoutés par leurs concitoyens), le ton est celui de ]a tragédie, de ]a
cause perdue. L'histoire est une succession d'événements tragiques au cours
desquels la ]umiére cesse d'étre lumineuse, la justice juste, la vérité vraie. Le
passé de la société basque est á cet égard exemplaire. L'origine des basques
se
rattache au monde social détruit en Occident par 1'invasion celtique á des
civilisations éteintes et
á
des áges historiques ensevelis dans un profond oubli sur
lequel planent aériens quelques vagues souvenirs de genre humain type et primitif,
de lumiére pure et de parfaite liberté
(Paroles d'un Bizka:ien, P. B. p. 29). Il s'agit
pourtant de renverser le cours de l'histoire qui s'est fait jusqu'ici l'écho de la
voix des puissants, de faire triompher la raison sur l'obscurantisme, la vérité
sur l'erreur, la justice sur l'injustice. Le devenir de la société basque doit
témoigner de ce renversement du cours de l'histoire,
le Bizkaien est indompté
et indomptable. Sa nationalité ne périra pas
(P. B. p. 17).
Le territoire du politique est fondamentalement un lieu de conf]its
permanents oil les forces d'oppression s'opposent aux aspirations démocrati-
ques, qui porte les marques du passé mais oú se dessine également le devenir
[31
207