DES TEMPS EXIGEANTS POUR L'INITIATION
CHRÉTIENNE.
Lettre pastorale de Mgr Claude DAGENS
La force du don au milieu des violences du monde
La force du don est à l’œuvre au milieu des violences du monde. Les moines de
Tibhirine en témoignent, à leur manière, qui est exceptionnelle. Mais vous aussi, qui
participez au travail de l’initiation chrétienne, vous faites l’expérience de cette force qui a sa
source dans le mystère du Dieu vivant. C’est pourquoi je n’hésite pas à mettre cette lettre
pastorale sous le signe de ces « sept vies données », il y a plus de quatorze ans, en 1996, du
côté de Médéa. Et si l’on me disait que je rêve en évoquant cette force du don, alors je vous
demande d’aller voir ce film étonnant qui a pour titre : « Des hommes et des dieux ». Et je
vous demande aussi de regarder près de vous : des hommes, des femmes sont et sans avoir
des mots pour le dire, ils se donnent, même si, à certaines heures, ils sont capables de douter
des autres et de Dieu, et d’eux-mêmes.
L’initiation chrétienne n’a pas d’autre but : elle nous ouvre au mystère de Dieu qui se
donne pour que nous vivions de Lui en ce monde. Je voudrais, par cette lettre, témoigner de
ce don et encourager à cet engagement.
I DES HOMMES EXPOSÉS À LA MORT
« Vous êtes des dieux, des fils du Très Haut, vous tous !
Pourtant vous mourrez comme des hommes. »
Ces paroles du psaume 81 ouvrent ce film qui retrace la vie et la mort des moines de
Tibhirine. Il faut regarder et écouter ces hommes désarmés devant la violence qui les entoure.
Ils s’interrogent : « Faut-il rester ? Faut-il partir ? Faut-il quitter ces hommes et ces femmes
dont nous partageons les peurs ? »
Ces moines réagissent différemment : le jeune frère Christophe est en proie à
l’hésitation et au doute, il sent que sa foi en Dieu est ébranlée. Le vieux frère Luc, lui,
continue d’accueillir et de soigner des malades et des blessés, d’où qu’ils viennent. Quant au
frère Christian, leur prieur, il ne se laisse intimider ni par les autorités algériennes, ni par les
islamistes. Il écoute, il réfléchit, il se livre à Dieu avec ses frères dans le silence et la prière, à
travers le chant des psaumes.
Ces hommes si différents sont intimement liés les uns aux autres. Ils l’ont été jusqu’à
la dernière heure. Et cette communion transparaît sur leurs visages, au cours d’un dernier
repas. Alors pas besoin de paroles, ils savent ce qui les relie au plus profond : leur abandon à
Dieu et leur confiance mutuelle sont déjà plus forts que la violence qui va les emporter.
Ce film nous laisse au seuil du mystère de la foi. Mais il est bouleversant par sa
sobriété. Car il ne joue pas sur les émotions, ni sur les situations extrêmes. Il cherche plutôt à
révéler : ces hommes ne désirent pas le martyre, ils sont simplement fidèles à leur vocation
monastique, jusqu’au bout. Leur histoire est celle de leurs « sept vies données pour Dieu et
pour leurs frères en Algérie », comme le dit l’inscription de la stèle dressée à leur mémoire,
en 1997, à la périphérie d’Angoulême.
II INITIATION CHRÉTIENNE, VIE FRATERNELLE ET ÉVANGÉLISATION
L’Église est au service de la rencontre entre Dieu et les hommes
Je ne peux évidemment pas me contenter de vous dire : « Allez voir ce film ! » Et
pourtant, ce film m’a confirmé dans l’intention qui était la mienne, bien avant de le voir,
depuis des mois.
Durant l’année qui vient (2010 – 2011), nous allons élaborer des orientations
diocésaines pour la catéchèse. Je tiens à motiver ce travail, en le situant sur son terrain
primordial : celui de l’initiation chrétienne au mystère de Dieu avec nous et parmi nous.
Les échanges très positifs que nous venons d’avoir en Conseil épiscopal
m’encouragent dans cette intention, car tous les membres de notre Conseil ont dit, chacun à sa
manière : « Nous avons besoin les uns des autres pour franchir des seuils, pour consentir à
un certain nombre de conversions, afin de vivre de Dieu dans les temps actuels, tels qu’ils
sont. »
Ces mots impliquent des orientations et des engagements sur lesquels je tiens à
insister. Je sais que l’organisation de l’Église et l’existence concrète de nos communautés sont
aujourd’hui en jeu. Je sais que nous sommes appelés à former vraiment le Corps du Christ, en
pratiquant des collaborations effectives, à tous les niveaux. Mais je crois aussi que l’enjeu
essentiel est beaucoup plus profond et beaucoup plus large que le seul aménagement de nos
structures.
Car le but de l’Église, ce n’est pas l’Église : c’est l’Alliance entre Dieu et les hommes,
c’est d’être « dans le Christ, comme le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument de
l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium 1). L’Église
est là, à ce point de jonction, de rencontre, de relations réelles entre Dieu et les hommes.
Elle existe, elle vit, elle s’organise, elle témoigne, en étant elle-même reliée au Dieu vivant et
aux hommes vivants, et en prenant les moyens de cette double relation.
Le terrain essentiel de l’initiation chrétienne
Ces moyens, nous sommes appelés à les mettre en œuvre sur trois terrains :
- celui de l’INITIATION CHRÉTIENNE
- celui de la VIE FRATERNELLE
- celui de l’ÉVANGÉLISATION
Notre Conseil presbytéral et notre Conseil pastoral ont entrepris de mettre en valeur le
deuxième et le troisième de ces terrains : la vie fraternelle et l’évangélisation. Je souhaite, à
cause du travail engagé autour des orientations diocésaines pour la catéchèse, mettre aussi en
valeur le premier de ces terrains : celui de l’INITIATION CHRÉTIENNE.
Je sais que ces trois terrains sont inséparables. Ils se recoupent, ils font ensemble
partie de la pastorale ordinaire. Mais, d’un point de vue pédagogique et pastoral, il est utile de
les distinguer. C’est pourquoi je souhaite que, durant les trois années qui viennent, nous
puissions mettre en valeur chacun de ces terrains :
- Pour l’année 2010 – 2011, celui de l’INITIATION CHRÉTIENNE
- Pour l’année 2011 – 2012, celui de la VIE FRATERNELLE
- Pour l’année 2012 – 2013, celui de l’ÉVANGÉLISATION
Ce n’est pas un programme théorique. C’est une manière d’aller de l’avant, par étapes,
en ne dispersant pas nos efforts et en nous sachant plus solidaires dans un travail commun.
III - CE QU'EXIGE L'INITIATION CHRÉTIENNE
L'heure est au réalisme et à l'initiative
Des catéchistes et des éducateurs, et aussi des parents et des grands-parents, le
savent bien : les temps actuels ne sont pas toujours faciles pour la transmission de la foi
chrétienne. Ce ne sont pas seulement les mots de la foi qui sont ignorés ou incompris, c'est sa
réalité profonde. Il ne servirait donc à rien de changer des mots, si l'on renonçait à susciter le
goût de Dieu, de sa Parole et de sa présence. Tel est le travail de l'initiation chrétienne, et
initier est toujours une initiative, une façon non seulement d'ouvrir des chemins, mais de
faire confiance à la fois au message que l'on annonce et à ceux à qui l'on s'adresse. Jésus
continue à nous avertir, comme il l'a fait pour ses premiers disciples : "Levez les yeux ! les
champs sont blancs pour la moisson !" (Jean 4,35).
L'heure n'est donc pas au découragement, mais au réalisme et à l'initiative. Plus
la Révélation chrétienne est méconnue ou incomprise, plus elle peut devenir nouvelle, à
condition que nous acceptions nous-mêmes de l'accueillir comme une bonne nouvelle et de la
proposer largement. Les temps actuels comportent donc des exigences nouvelles pour
l'initiation chrétienne. Les évêques de France les ont mises en relief dans un texte
d'orientations pour la catéchèse. J'en retiens deux qui me semblent primordiales et j'en
ajouterai deux autres qui me semblent aussi importantes.
Quatre exigences fondamentales
1 - L'initiation chrétienne n'est pas un domaine réservé à des spécialistes. Elle est
un engagement de l'Église entière, à tous les niveaux. D'où l'urgence de relier tout ce qui
s'accomplit sur ce terrain, et non seulement de relier, mais d'appeler inlassablement. Voilà la
première exigence : celle qui consiste à relier et à appeler.
2 - L'initiation chrétienne ne doit jamais perdre de vue son but essentiel :
encourager des enfants, des jeunes et des adultes à aller à la rencontre de Dieu, et dans ce
but, les accueillir tels qu'ils sont, avec leurs demandes informulées ou mal formulées, et leur
ouvrir des chemins ils puissent progresser et découvrir peu à peu Celui qui vient à notre
rencontre. C'est la seconde exigence : celle qui consiste à accueillir et à ouvrir des chemins
vers Dieu.
À ces deux exigences primordiales, j'en joindrai deux autres, qui concernent
l'expression de la Révélation chrétienne de Dieu et le climat dans lequel elle a des chances
d'être comprise et reçue.
3 - Il ne s'agit pas d'opposer le contenu de la foi aux thodes d'initiation. Il
s'agit de laisser la Révélation chrétienne passer par toutes les voies qui l'ouvrent à nous,
comme le fait le Catéchisme de l'Église catholique : la Parole de Dieu et le Credo, la liturgie
et les sacrements de l'Église, l'apprentissage de la vie chrétienne et de la prière. Telle est la
troisième exigence de l'initiation chrétienne : celle qui consiste à déployer largement la
Révélation chrétienne de Dieu, selon la grande Tradition de l'Église.
4 - Et puis, nous savons tous que le climat dans lequel on travaille a des
répercussions sur notre travail. Ou bien on se laisse aller au découragement et à l'amertume,
ou bien on refuse de se résigner et l'on cherche, avec d'autres, à aller de l'avant, à faire
confiance, à encourager des initiatives.
C'est la quatrième exigence : celle qui consiste à reconnaître et même à admirer les
signes que Dieu nous donne et à cultiver l'espérance chrétienne, en des temps marqués
par l'incertitude.
IV RELIER ET APPELER
« Il y a trop de cloisonnements parmi nous »
C’est ce que disait récemment cette femme qui participe avec son mari à la préparation
au mariage. Et elle expliquait aussitôt : « Il serait bon que nos dialogues avec ces hommes et
ces femmes que nous accueillons soient connus de toute la communauté chrétienne. Car,
après un premier moment de silence et de surprise, ces hommes et ces femmes semblent entrer
en contact pour la première fois avec la Parole de Dieu et l’Église réelle. C’est vraiment un
temps d’initiation chrétienne. L’Église doit être présente dans ce domaine si sensible de la vie
conjugale et familiale. »
Une demande analogue peut venir aussi de ceux qui sont engagés dans l’éveil à la foi
des tout-petits, dans la catéchèse des enfants, dans le catéchuménat des adultes, dans la
pastorale des jeunes ou dans bien d’autres initiatives de formation, qui permettent de
découvrir et de comprendre la Parole de Dieu et les grands textes du Concile Vatican II.
Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de travailler à côté les uns des autres. Le
terrain de l’initiation chrétienne est un terrain commun : que chacun puisse y faire part
de son expérience, de ses découvertes et aussi de ses dialogues avec des personnes qui ne
sont pas familières de la Tradition chrétienne, mais qui sont souvent d’autant plus
heureuses d’en découvrir la nouveauté.
« Venez et voyez ! »
C’est pourquoi il ne suffit pas de relier ce qui existe déjà. Il faut aussi oser appeler et
inviter. Oui, appeler « à venir et à voir », comme des enfants le font avec leurs camarades.
Nous nous considérons parfois comme des « habitués » de l’Église qui se connaissent déjà.
Quelle erreur ! Il y a presque toujours des personnes nouvelles parmi nous ou des
personnes qui attendent de pouvoir confier leur expérience de Dieu. À nous de regarder,
d’écouter, et de nous laisser nous-mêmes renouveler par ces rencontres. Dieu n’en finit pas de
nous surprendre. Comme au début de l’Évangile, quand les gens de Bethléem s’étonnent et
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