Le doigt de Jean-Baptiste L’accompagnement spirituel Je voudrais commencer par rendre grâce au Seigneur pour les accompagnateurs qu’Il a mis sur mon chemin et qui m’ont désigné le Christ…Jacques, Etienne, Edouard, Blaise, Denis, Henri…oui quelques frères qui ont été pour moi des Jean- Baptistes me montrant le Christ à suivre et à aimer. Sans eux je n’aurais sans doute pas franchi certains ravins de ténèbres, sans eux aussi je me serais engluée dans le rêve ou l’illusion tant il est facile de confondre notre désir et l’exigence évangélique. L’accompagnateur spirituel pour moi évoque le guide en montagne : tantôt devant, lorsqu’il faut signaler les difficultés ou les voies sans issue, tantôt à côté lorsque le chemin est large, tantôt derrière lorsqu’il s’agit simplement de confirmer le bon chemin. Je reste en effet marquée par une expérience : à un moment très difficile de ma vie, dans une traversée tragique, mon accompagnateur qui était aussi un montagnard chevronné m’a emmenée en montagne pour permettre à mon corps et mon cœur de décharger tensions et angoisses. A un moment de la course, dans le massif du Pelvoux, nous sommes arrivés devant un mur qui ne pouvait se descendre qu’en rappel. Je n’avais jamais fait de rappel. Etienne m’a dit alors « N’aies pas peur, je t’assure » ! Et ce petit mot « assurer » est devenu pour moi définition même de l’accompagnement, définition même de la présence de Dieu à qui, depuis, je dis dans le Notre Père « Assure-moi dans la tentation ». J’aime aussi évoquer pour imager l’accompagnement ce verset du livre des Proverbes « Un frère aidé par un autre frère est une place forte », une place forte que ne peut détruire aucune attaque. L’accompagnement prend trois dimensions essentielles : il éduque à la liberté, apprend à discerner, dans une relation particulière. Si nous parlons d’accompagnement spirituel c’est qu’il y a vie dans l’Esprit La vie dans l’Esprit est un chemin de croissance comme notre vie physique et psychique. C’est un long chemin qui me conduira, comme dit saint Paul, à passer « du lait de la petite enfance à la nourriture solide des hommes spirituels » (1 Cor 3,1). Le risque que souligne Paul est de demeurer au plan spirituel comme au plan psychologique dans un infantilisme incapable de vivre dans la liberté des enfants de Dieu, liberté qui engage bien au-delà des préceptes à suivre ou de règles à observer, liberté qui est prise de risque, responsabilité, acte de foi comme Abraham allant de campement en campement….La croissance spirituelle n’est jamais achevée, elle passe comme notre croissance humaine par des étapes, des inattendus de l’Esprit, des ravins de ténèbres à l’image de Jésus lui-même. La manière dont Jésus a appris la liberté devient notre chemin : se livrer à l’Esprit qui est amour, dans la fidélité à l’Evangile. C’est cet itinéraire que Jésus a fait parcourir à ses disciples, de passage en passage. Et nous savons combien ce chemin a été pour eux difficile, obscur, lent…jusqu’à la Pentecôte où leur intelligence est éclairée et leur cœur affermi pour sortir du doute et de la peur : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant quand il nous parlait en chemin » (Lc 24,32). L’Esprit les a fait passer de la peur à l’audace et au dépassement de soi, des commandements à la liberté d’inventer, du souci de « bien faire » à l’apprentissage du risque en se recevant d’un autre. C’est cette expérience de l’Esprit que nous sommes tous appelés à faire. Au baptême, à la confirmation, nous avons été « baptisés dans l’Esprit » événement de Pentecôte par lequel le Christ nous a remis en partage le don le plus précieux qui lui appartient en propre. Depuis lors, l’Esprit est devenu « notre vie », et il nous appartient de nous laisser « conduire par l’Esprit » (Galates 5, 25). Encore faut-il en avoir le désir ! Le désir de Dieu, ce lieu, « plus intime à moi-même que moimême » comme en a fait l’expérience St Augustin, qu’il me faut protéger, nourrir, entretenir. Comme le psalmiste, suis-je capable de cette prière : « Dieu toi mon Dieu je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi » (ps 62)? Ou cet appel de l’Esprit est-il mon cri : « Viens Esprit-Saint » ? Je ne peux rien sans l’Esprit Saint : vivre l’Evangile devient alors un effort à la force du poignet qui décourage et désespère….tout comme vivre de l’Esprit sans l’ajustement à la Parole conduit aux débordements de l’imaginaire et aux rêves inconsistants. Je pense à Yves prenant l’évangile au pied de la lettre et s’imposant un rythme de vie épuisant ou à Marie, si sûre d’un appel du Seigneur à la vie consacrée alors qu’elle ne pouvait assumer l’ordinaire des jours…. Je sais aussi d’expérience que je vis dans ma chair et mon quotidien une incapacité à vivre de l’Esprit tant pèsent mes limites, mes refus, mes pauvretés, mon péché…tout ce qui me retient, que ce soit un fil de nylon ou un câble d’acier. Comme l’oiseau pris au filet je ne peux m’élancer. De fait la vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille mais un combat, un combat spirituel si bien décrit par Paul : « Le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas je le fais » (Ro 7,19). Le combat spirituel Arrêtons-nous un moment sur ce combat spirituel. La foi, le désir de Dieu, m’engagent dans un combat entre la chair et l’esprit, comme dit saint Paul, entre l’accueil du royaume et sa réalité au quotidien. Pour entrer dans cet invisible du Royaume, la tradition chrétienne parle de l’usage de nos « sens spirituels ». Comme nos cinq sens nous font goûter, sentir, voir, entendre, toucher le monde, nos sens intérieurs nous font sentir et goûter l’invisible, la présence de Dieu. Et par eux nous portons un regard différent sur le monde, nous- même, les autres, Dieu. C’est comme cela que je comprends cette parole du Christ : « Je te bénis Père car ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25). Oui, pour reconnaitre Dieu dans nos vies il faut certes des savoirs mais il faut surtout la foi pour interpréter les signes de Dieu. Ou comme le dirait Ignace « ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie l’âme mais de sentir et goûter les choses intérieurement » (Ann.2). Et ce sera une des tâches de l’accompagnateur d’aider à repérer ces « sentis » qui nous traversent. C’est la raison pour laquelle Jésus a tant parlé en paraboles. Il faut certes dans le champ voir l’ivraie qui pousse mais pour Jésus ce qui compte c’est la bonne semence qui va donner l’herbe puis l’épi. L’ivraie vient après. Les serviteurs sont plutôt tournés vers l’ivraie mais le Royaume c’est le semeur, la semence, le champ. C’est une conversion du regard que les disciples n’ont pas encore faite : ils restent fixés sur l’ivraie. Et Jésus les recentre sur celui qui sème et sur le bon grain. Nous savons d’expérience que l’ivraie est en nous mais la sagesse de l’évangile nous invite à ne pas nous livrer à la violence de l’arrachement mais au discernement, au tri, à la patience et surtout à faire des choix de vie qui nous font ressembler au Christ « pauvre et humble ». Il ne s’agit pas d’ignorer la chair car « qui veut faire l’ange fait la bête »…il s’agit d’apprendre à aimer en elle, par elle. Le combat va donc toucher ma manière de vivre et non la chair qui est don de Dieu. Ce sera essentiellement ma manière de vivre ma relation aux autres, aux biens, à la nature, au pouvoir…Il y a une manière avide, possessive, cumulative, dominatrice de vivre ma relation à l’argent, à mon conjoint, mes amis, mes collègues de travail, au pouvoir qui s’oppose au style de Jésus qui trouve sa joie dans la partage, la pauvreté, le respect, le pardon, le don de soi, le service dont il nous invite à revêtir le tablier comme il l’a fait lui-même le soir du jeudi saint dans cette scène magnifique que nous raconte saint Jean (Jn 13,1 et ss). C’est cette tension que nous décrit Paul de manière fort réaliste dans l’épitre aux Galates : « La chair s’oppose à l’esprit et l’esprit à la chair ; entre eux c’est l’antagonisme ; aussi vous ne faites pas ce que vous voulez. Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi. Marchez sous l’impulsion de l’Esprit » (Ga 5,16) Le combat est donc à situer d’abord contre le désir d’appropriation et de jouissance « Qu’as-tu que tu n’aies reçu » nous interpelle l’Apôtre. Jésus lui-même nous montre ce qu’est ce combat dans la triple tentation au désert : tentation de l’avoir, du pouvoir, de se faire soi-même. Nous sommes bien loin du mépris ou de la mutilation de la chair dont certains nous font croire que là est le combat à mener. Une ascèse mal comprise, nous le savons, peut mener à l’orgueil et à la suffisance ! Notre combat n’est rien d’autre qu’une libération de notre liberté. Et à la suite du récit des tentations au désert nous pouvons nous poser la question aujourd’hui : « Si tu es fils, fille de Dieu, comment combles-tu tes faims ? Comment affirmes-tu ta puissance ? Comment fais-tu grandir la vie ? Pourquoi as-tu peur du regard de l’autre ? Du jugement de l’autre ? ». Le travail de l’Esprit est de nous rendre libres, libres pour aimer, pardonner, partager, pour chanter. Car la joie et la paix sont les fruits de ce combat….et je rends grâce pour les beaux témoignages que nous ont confiés chacun avec son charisme propre Sr Emmanuelle ou l’abbé Pierre par exemple. Rien donc à la force du poignet mais dans la douceur de l’Esprit se laisser transformer – corps, âme, intelligence – par l’action de grâce, la louange, la contemplation du Christ dans l’évangile. Contempler c’est devenir, c’est laisser peu à peu le Christ prendre chair en nous, nous devenons des Christs selon la belle expression de saint Cyrille de Jérusalem. Contempler le Christ c’est à force de le regarder, de l’écouter me laisser transformer par la connaissance intime et amoureuse : la prière dans ce rythme lent conduit à la ressemblance. L’expérience spirituelle Il s’agit bien là d’une expérience, une expérience de l’Esprit qui nous conduit à la Source. Pour certains le sentiment de cette présence s’est fait d’une façon forte et inattendue, pour d’autres elle s’inscrit dans le temps, dans une lente transformation de l’être mais il s’agit toujours d’une « connaissance » intime bien différente de tous nos savoirs sur Dieu. Il s’agit d’une révélation ! Et les chemins sont bien variés. Je pense en souriant à Chantal qui a reçu dans un éblouissement sa vocation à la vie religieuse en faisant la vaisselle ou au chemin peineux de Jean pendant une longue retraite sans consolation et qui a débouché tout à coup sur la lumière. L’évangile de Jean nous montre combien ont été variés les chemins de la reconnaissance du Ressuscité : par l’intelligence qui comprend les Ecritures pour Jean devant le tombeau vide, par le cœur et son amour fou pour Jésus chez Marie de Magdala dans le jardin, par le doute chez Thomas….mais c’est toujours le fruit de l’ouverture à une rencontre. Où l’on parle d’accompagnement spirituel ! Vous l’avez compris, la vie dans l’Esprit n’est pas alors sans risque : les dangers de l’illusion sont fréquents et seul on ne peut les discerner. C’est le chemin des « égarés » qui prennent leur rêve pour la réalité, leur imaginaire pour la volonté de Dieu, leur sur-moi pour la parole de Dieu. Ceux qui s’enferment et ignorent la liberté de l’amour, ceux qui pensent que Dieu prend plaisir aux sacrifices, ceux qui sacralisent à l’excès lieux et rites, ou ceux qui pensent que dire suffit, inutile de faire, ceux qui sont dévorés par le scrupule…d’où la nécessité d’être accompagné. C’est une longue tradition ecclésiale que l’on trouve dès le IVe siècle dans les débuts du monachisme en particulier en Egypte autour des pères du désert qui apprenaient aux débutants à vivre selon l’Esprit – dans une conversation spirituelle où le disciple s’ouvre à l’ancien qui - luimême expérimenté dans les voies de Dieu - peut comprendre le travail de l’Esprit dans son compagnon. C’est en quelque sorte une conversation triangulée par l’Esprit à qui chacun est soumis. La figure de l’accompagnement est ici une « paternité spirituelle » qui se vit en compagnonnage et dans le dialogue. Grégoire le Sinaïte nous avertit : « celui qui voit quelque chose dans sa pensée, dans ses sens, même venant de Dieu et l’accueille sans prendre l’avis des experts se trompe facilement ou il se trompera parce qu’il est trop complaisant à accepter ». La tradition se continue dans l’Eglise d’Orient. Ecoutons le père Matta El Meskin du monastère égyptien de St Macaire que j’ai visité : « Le père spirituel est celui qui aide chacun à développer sa propre personnalité, selon la liberté intérieure de l’Esprit. Le moine pourra quitter le monastère pour s’enfoncer dans le grand désert quand il aura appris à distinguer la volonté propre de l’inspiration ». Je repère l’importance de la parole dite à quelqu’un qui peut l’entendre, une ouverture dans la confiance pour éviter illusions généreuses ou pièges de l’imaginaire. Déjà Grégoire de Nysse soulignait le danger de se fier à son propre jugement : « Certains en effet, avec les meilleures intentions dans leur désir de vie parfaite et après l’avoir choisi et en avoir approché la perfection, ont succombé par l’orgueil à une chute étrange, étant tombés dans l’illusion par un égarement d’esprit qui leur a fait estimé bon tout ce vers quoi leur pensée se portait » Au Moyen- Age et début du XVIe nous assistons à un élargissement de ce ministère dans l’Eglise avec la naissance des frères mineurs autour de François qui mettra l’accent sur la fraternité comme lieu d’accompagnement et de croissance, l’intelligence de la grande Thérèse qui eut besoin pour elle-même et ses sœurs de « conseillers spirituels », Charles Borromée, plus tard François de Sales mais surtout Ignace de Loyola sur qui je reviendrai. Appuyés sur les écrits des pères du désert ces maitres spirituels ont insisté sur la façon d’exercer ce service: écoute et ouverture d’âme sur les états intérieurs, apprentissage de la prière, relecture, discernement par la connaissance des chemins de l’Esprit de lumière et les ruses de l’ange des ténèbres comme les décrivent les apophtegmes des Pères du désert. Et aussi l’enseignement, en particulier la lecture de l’évangile car la vie spirituelle, c’est la vie même de Jésus-Christ. Cette tradition est restée vivante dans l’Eglise. Nous-mêmes nous vivons depuis plusieurs décennies une intense recherche spirituelle qui traverse toutes les confessions, toutes les religions, recherche d’intériorité et de repères pour vivre « mieux » en unité avec soi-même et avec les autres. Le souffle puissant du renouveau charismatique qui a traversé les Eglises par exemple a fait réapparaitre le désir « d’être accompagné » en particulier pour se « laisser conduire par l’Esprit » au quotidien, pour relire sa prière ou prendre des décisions après un travail de discernement. Le changement de vocabulaire est d’ailleurs intéressant : ni directeur, ni père spirituel, ni coach à la mode aujourd’hui, mais simplement accompagnateur spirituel. Le lien qui se crée ni autoritaire ni paternaliste est basé sur l’écoute ensemble de l’Esprit, la recherche de la vérité, le discernement. Une telle relation particulière aura quelques exigences : - De la part de l’accompagné, un désir de s’engager à la suite du Christ, un souci de vérité, d’ouverture, de foi surtout en l’action de Dieu en chacun, de confiance en soi, en l’accompagnateur : sans la confiance il ne peut y avoir accueil d’aucune parole extérieure ou intérieure. Je suis moi-même souvent bouleversée de la confiance entière que me font les personnes qui entrent en retraite spirituelle…cela leur demande du courage mais donne des ailes à l’accompagnatrice ! Ni simple rencontre amicale, ni lieu thérapeutique, la rencontre n’est pas juste pour parler ou trouver des solutions à ses questions mais désir de créer sa propre vie avec Dieu. - De la part de l’accompagnateur, comme pour tout ministère : du goût pour cela, un appel de la communauté, confirmé par la pratique. Une sagesse spirituelle acquise par l’expérience des façons de faire de Dieu dans la prière : « il doit être prudent, je précise donc qu’il ait un esprit sûr et de l’expérience, et si à cela il ajoute la doctrine, c’est un très grand bien » précise Thérèse d’Avila et d’ajouter « les deux premières sont les plus importantes….Les commençants tirent peu de profit selon moi des savants qui ne sont pas adonnés à l’oraison ». (Vida de Santa Teresa de Jesús ch 13). Qu’il sache écouter ce qui n’est pas si « naturel » qu’on le pense, « Ecouter, c’est faire, comme écrit Bonhoeffer dans De la vie communautaire, ce que Dieu a fait pour nous : son amour ne se borne pas à nous parler mais aussi à nous écouter ». Une écoute sans a priori, un accueil sans limite car l’action de l’Esprit est toujours dans l’inattendu, et surtout avec une grande foi et espérance car en Dieu aucune situation n’est jamais définitivement bloquée : l’accompagnateur est comme le jardinier de l’évangile devant le figuier stérile qu’il ne peut se résoudre à couper. Homme et femme de prière, il a acquis la connaissance des mouvements de l’Esprit, il sait s’émerveiller, il sait qu’il peut se tromper mais aime le risque. Il sait parler mais aussi se taire, ne pas juger, respectueux du temps qu’il faut pour grandir, il sait porter avec, compatir…. Le fruit de l’accompagnement est la croissance de notre liberté intérieure pour n’être plus « des enfants à la dérive » comme dit St Paul. Et pour « apprendre de ta propre démarche que tu es sur la bonne route » comme conseille Augustin. Sinon c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Si notre vie spirituelle ne fait pas de nous des « hommes et des femmes vivants » gloire de Dieu comme dit Irénée, c’est que nous stagnons ; si l’accompagnement crée en nous un infantilisme psychologique, une dépendance spirituelle ou s’il ne diminue pas nos scrupules, nos peurs, nos liens c’est que quelque chose n’est pas dans l’ordre. Si l’accompagnateur n’a jamais à décider pour l’autre (car il ne « sait » pas) il l’aidera à reconnaitre les mouvements de l’Esprit en lui, les forces qui le travaillent et le font vivre (l’important à entendre n’est pas seulement le discours pieux qui peut masquer la réalité). Je pense à ce conseil d’Ignace à l’accompagnateur de retraite : « Si le directeur voit que le retraitant se trouve consolé et plein de ferveur il doit le mettre en garde contre toute promesse ou vœu inconsidéré ou précipité. Plus il lui connaitra un tempérament léger, plus il devra le mettre en garde…Il faut faire grande attention au tempérament propre du retraitant et à ses aptitudes ». L’accompagnement sera toujours du sur mesure (jamais des recettes à appliquer) qui demande un minimum de connaissances psychologiques, et surtout une connaissance intérieure de la « façon de faire » de Dieu acquise par la lecture de l’Ecriture, des écrits des grands spirituels et de leur témoignage. La façon de faire de Jésus avec ceux et celles qu’il rencontre est une pédagogie de l’accompagnement : le but de Jésus : conduire à la foi ! Il ne retient personne, n’oblige personne, n’engage aucune conversation inutile, ose dire la vérité…Je pense à quelques beaux épisodes comme la femme qui a des pertes de sang, ou la cananéenne, sans parler de tous les récits de guérison…signes donnés pour laisser jaillir et grandir la foi. Ah ! Cette façon de Jésus de poser des questions, inattendues, percutantes toujours dans le respect et la douceur ! C’est le chemin qu’Il fait faire aux disciples d’Emmaüs : c’est d’abord une relecture des événements à la lumière des Ecritures, non que l’Ecriture dise ce qu’il faut faire mais elle éclaire ma vie, donne sens, permet d’interpréter…et c’est plus tard que je me rends compte, oui que mon cœur était brûlant ! Le père de Lubac soulignait « L’âme et l’Ecriture s’éclairent mutuellement. Ce sont deux livres qu’il faut lire et commenter l’un par l’autre » (Histoire et Esprit : L'Intelligence de l'Écriture d'après Origène, Les Editions du Cerf) Et je pense ici à cette belle icône copte de Jésus accompagnant l’abbé Mina en posant délicatement son bras sur ses épaules. Je disais tout à l’heure qu’un des buts de l’accompagnement était de nous aider à repérer les mouvements qui traversent et affectent notre sensibilité, notre raison, nos comportements et d’apprendre à les nommer, les trier, les interpréter, bref à discerner….Mais qu’est-ce que discerner ? Ecoutons Saint Paul : « Pour discerner le meilleur » « Que votre amour augmentant de plus en plus s’épanche en connaissance et en tact affiné qui vous donneront le discernement des choses les meilleures, afin que vous soyez purs et irréprochables pour le jour de Christ, remplis du fruit de justice que nous portons par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu. » Phil 1,9-10 Il s’agit de laisser l’évangile purifier notre intelligence et notre affectivité pour pouvoir choisir les choses les meilleures. Car Dieu veut pour nous le bonheur, il nous aime et veut pour nous la vie. Au cœur de l’expérience spirituelle il y a un bon goût de vie. Oui le bonheur, celui des Béatitudes est « l’état normal » du chrétien ! Mais le réel n’est pas tout noir ou tout blanc, les situations sont souvent floues, ambigües, il faudra faire un travail de tri pour reconnaitre les mouvements qui me traversent, reconnaitre leur origine pour « mener ma vie selon l’Esprit ». Discerner en effet c’est séparer, sortir de la confusion, comme un travail de création. Et le plus difficile ne sera pas pour le disciple de Jésus de choisir entre le bien et le mal mais entre le bien et le mieux, « un discernement plus subtil » selon le titre d’un petit ouvrage du père Gouvernaire. Je vais ici dégager quelques lignes directrices pour aider au discernement, m’appuyant sur l’Ecriture, la Tradition et surtout les Règles que donne saint Ignace dans les Exercices Spirituels. Et ce, pour plusieurs raisons: - parce que je les ai pratiquées pour moi-même et éprouvées pour d'autres. - parce que dans les Exercices, ces règles s’appuient sur une « expérience spirituelle», celle même d’Ignace qui sur son lit de convalescent suite à une blessure au combat prend conscience qu’il est traversé par des mouvements intérieurs de joie et de force quand il lit la vie des saints et de plaisir très éphémère voire triste lorsqu’il lit des romans de chevalerie….Il s’aperçoit ainsi qu’il est agité par divers esprits et son génie sera de pouvoir en écrire les Règles - ensuite parce que, appliquées à un moment d'expérience spirituelle, en particulier pendant une retraite, elles nous donnent de mieux nous connaitre: cette connaissance de nousmêmes permet alors d'utiliser ces règles dans le courant de la vie. - enfin et surtout, pour ce qui est pour moi le plus important, le plus vrai, le plus universel : ici la connaissance n'est jamais purement intellectuelle, faite de propositions abstraites : c'est une connaissance « sentie ». Pour Ignace en effet, Dieu se fait connaître quand « il se passe quelque chose, quand nous L'éprouvons, quand nous le « comprenons » sans mot, dans le silence, dans une résonnance émotionnelle : connaissance paradoxale de l'ordre du senti, « sentir une connaissance intérieure », dit-il. Nous rejoignons St Paul : connaissance et affectivité. Pour Ignace donc, la connaissance de Dieu embrasse à la fois le champ du sensible et de l'intelligence, et c'est sur ce terrain qu'il va poser le repérage des « motions spirituelles », des mouvements des esprits dont nous sentons les flux et les reflux: ce n'est pas que du psychologique, c'est le lieu fondamental où Dieu se donne à connaitre. Nous avons tous cette expérience : tressaillement de joie comme Jésus ou Marie sous l’action de l’Esprit Saint ou enferment dans la tristesse et la peur comme l’homme riche ou les disciples dans la tempête par exemple. À partir de là nous parlerons de discernement dans ce sens très précis: attentifs au SENTI, on apprendra à reconnaitre les impulsions qui nous poussent à agir et en même temps à nommer l'origine de ces impulsions, de ces motions. Et nous parlerons de critères affectifs et de critères intellectuels, les uns les autres se confirmant. Nous garderons le plan que nous propose Ignace en distinguant un discernement élémentaire et un discernement plus affiné. Je veux juste vous donner quelques points de repère : encore une fois l’accompagnement n’est pas une fin en soi mais le lieu où j’apprends à me diriger seule. Un discernement élémentaire « Discernez ce qui plait au Seigneur et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres. » Eph. 5,10. « Vois, je mets devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur….Tu choisiras la vie… » (Dt 30,19) L’Ecriture pose les fondements d’un discernement objectif : apprendre à reconnaitre le vital et le mortifère, non seulement avec nos sens physiques ou notre intelligence mais en développant un « sens intérieur » qui perçoit la présence de Dieu qui se vérifie aux « effets » de son action, aux fruits portés dans la vie en particulier l’amour « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaitra pour mes disciples » (Jn 13,35). Cette étape concerne le temps de la conversion, de démarrage spirituel. Ignace nous fait repérer: - le sens du combat et sa dynamique - et deux types de situation: ceux qui vont vers la vie que Dieu propose et ceux qui lui tournent le dos. a) Dans ce deuxième cas nous sommes dans une dynamique de péché. Le processus est celui de l'enchainement automatique, total, sans issue semble-t-il. L'accompagnateur devra bien repérer cet esclavage, ces automatismes qui s'enchainent (intellectuels ou sensibles)... et interpréter ce que vit la personne car dans ce cas: le bon esprit « ronge et aiguillonne », secoue et travaille alors que le mauvais esprit cherchera à maintenir cet état (en mettant dans la quiétude, le contentement, la fausse paix « ce n’est pas grave » ou le désespoir). Alors si ça ne va pas, si la personne est troublée, c'est bon signe, c'est que le Seigneur est à l’œuvre et veut la faire sortir de son esclavage. A lui d'encourager, d'armer pour le combat. Par contre, si la personne est tranquille, contente d'elle-même, c'est que le mauvais esprit la tient sous sa coupe et qu'il faudra lutter en sens inverse. b)Dans le premier cas, les mouvements s'inversent. Lorsque la personne se décide à suivre le Christ et que l'accompagnateur remarque un désir de liberté, un désir de ne plus subir la servitude, il pourra interpréter les actions des esprits : - c'est le propre du mauvais esprit de COMPLIQUER, de décourager, d’embrouiller, de faire douter. Il donne tristesse et fatigue, met dans la peur. Il conduit à la désolation comme dit Ignace. La désolation c’est la stérilité, l’enfermement en soi. - c'est le propre du bon esprit d'ENCOURAGER, de fortifier, de donner la paix et la joie, la louange. Il fait grandir la foi, l’espérance, l’amour au travers même des épreuves que nous pouvons traverser. C’est la consolation. A chacun sa « climatologie » comme dit le père Odilon de Varine : la désolation peut s’exprimer en déprime, en raideur, en pessimisme, en colère, en boulimie ou en doute, rejet de tout, enfermement, dégout…N’oublions pas que cet esprit est « père du mensonge » ! Ces critères aident l’accompagnateur : où trouve-t-on du goût ? C’est important de parler des difficultés rencontrées mais combien plus de la présence et de la saveur de Dieu ! La consolation est don de Dieu on ne peut se l'attribuer à soi-même ni se la procurer comme on ne peut se découvrir pêcheur qu’en accueillant la miséricorde. Il s’agit alors de ne pas fermer les mains et retenir la consolation, mais vivre dans la joie cet accroissement de force, de foi, espérance, amour et d’avancer à la suite du Christ, encore plus près, dans une plus grande liberté. C’est aussi un temps où 1'on prend des forces pour les moments moins favorables car notre vie est faite d’alternances qu’il nous faut repérer. . Dans les temps de désolation, que faire ? La reconnaitre et s'en servir pour progresser et s'ouvrir davantage à la grâce. La discerner dès ses premiers effets pour éviter l'enchainement, la détérioration spirituelle. Aider à voir les complications auxquelles on donne prise, les obstacles qu'on rajoute, la mauvaise fatigue, les scrupules qui paralysent, les fausses raisons qui troublent et attristent. « Si, dit saint Ignace, l'Esprit de Dieu donne ALLEGRESSE et JOIE SPIRITUELLE, le propre du mauvais esprit est de lutter contre cette consolation en proposant de fausses raisons, des sophismes, des subtilités de raisonnement, des scrupules qui nous troublent, nous attristent, nous divisent en nous-mêmes par les contradictions qu'il provoque ». Ignace donne quelques règles de sagesse et de bon sens que l'accompagnateur veillera à faire respecter: - ne pas faire de changement ou prendre de nouvelles décisions, mais s'en tenir aux décisions prises avant la période de désolation et conformes au désir de Dieu. - mais SE CHANGER soi-même dans la prière, l'action évangélique, la pénitence. - demeurer dans la PATIENCE et l'HUMOUR, la CONFIANCE; s'apaiser en prenant le temps d'examiner sa vie. Ici le rôle de 1'accompagnateur n'est pas seulement d'écouter (et de se laisser piéger par les histoires qu'alors on se raconte), mais d'aider à renverser la problématique et provoquer à l'espérance car le Seigneur ne nous fait jamais combattre au-delà de nos forces; et même la désolation peut être avertissement du Seigneur: négligence dans la prière, tiédeur dans le service peuvent faire s'éloigner la consolation! La désolation nous éprouve : que sommes-nous privés du soutien des consolations ? Et nous pouvons ou pas prendre conscience que la consolation est don de Dieu, qu'il n'est pas en notre pouvoir de faire naitre la paix, la joie, l'ardent amour du Seigneur. Alors grandissent l'humilité, la reconnaissance, la découverte du mystère de Dieu et la désolation produit un fruit de conversion: le critère essentiel reste bien le sens de notre marche : Dieu nous aime, veut notre joie; tout ce qui agit dans le sens de Dieu facilite et fortifie notre marche, nous simplifie, nous unifie dans la pratique du bien (épreuves comme joie; difficultés comme consolations). Par contre, les mouvements qui nous détruisent, nous abattent, nous compliquent, nous arrêtent, nous angoissent, ne peuvent être de Dieu et font la victoire de l’Adversaire. C’est donc à partir du retentissement de la Parole et des événements dans le cœur de celui que j’accompagne que je pourrai l’aider à discerner. Je ne peux que l’aider à repérer la façon dont Dieu s’y prend avec lui Un discernement plus affiné Dans un état de progrès spirituel, dans un don au Seigneur authentique, les problèmes de discernement seront plus subtils car c'est le lieu des ILLUSIONS POSSIBLES, où l'ange de ténèbres se déguise en ange de lumière et où la tentation peut se présenter sous apparence de bien comme l’a éprouvé lui-même Ignace de Loyola. Ici encore, le discernement se fera au niveau des motions, des mouvements éprouvés, mais l’élément affectif pourra être plus tenu, plus subtil : « Après le tremblement de terre, il y eu un feu, mais Dieu n'était pas dans le feu; et après le feu, le bruit d'un fin silence. Dès qu'Elie l'entendit, il se voila le visage » (1R 19, 12) Il s'agira de reconnaître ce qui vient de Dieu ou ce qui est erreur, perversion de l'esprit. C'est le lieu même du combat spirituel tel que l'a connu Jésus. Celui que décrit Paul dans sa lettre aux Ephésiens au chapitre 6. Ignace nous fait remarquer (et tout accompagnateur devra être attentif à ces remarques) que: - le bon esprit comme le mauvais peuvent « consoler » l'âme ; mais à des FINS contraires : l'Esprit de Dieu pour le progrès, le mauvais pour entraîner vers le mal, car il est prince du mensonge. - le mauvais esprit peut se transformer en ange de lumière, proposer d'abord des pensées belles et justes pour peu à peu amener dans ses filets de façon subtile par l’imaginaire ou le « trop » ! Car le trop est souvent la tentation du disciple. Je pense à Ignace mettant en péril sa santé par un jeûne excessif ou à ce père de famille à qui on demande d’assurer l’animation d’une aumônerie de collège en plus de son travail. Au bout de quelques semaines plus de joie, ni de paix : le trop détruit l’équilibre de vie et plonge dans la tristesse. Surviennent alors mauvaise fatigue, tensions, tristesse, manque de goût…parce que on s’est en quelque sorte « laisser avoir » sous apparence de bien ! je pense à l’interpellation de Paul aux Galates « O galates stupides, qui vous a envoûtés, alors que sous vos yeux, a été exposé Jésus-Christ crucifié ?...Vous qui d’abord avaient commencé par l’Esprit, est-ce la chair maintenant qui vous mène à la perfection ? » (Ga 3,5) Ignace nous propose de faire alors un retour arrière pour voir comment « ça s'est passé », en faisant « grande attention au déroulement de nos pensées» et de leur incidence sur l'affectivité. C’est seulement aux fruits que nous percevons la pertinence de nos décisions. C’est la « relecture » si chère à la spiritualité ignatienne. Deux critères à prendre en compte: - un critère intellectuel : le déroulement de nos pensées pour y reconnaître celle qui nous a égaré, éloigné du bien projeté ; - un critère affectif : à quel moment et pour quelle raison nous avons perdu la paix, nous avons été averti par le trouble ou l'inquiétude. L’accompagnateur devra aider chacun à reconnaitre sa propre trajectoire : d'où cela vient, ou ça mène, par ou ça passe et l'évaluer par rapport à son projet de suivre le Seigneur; et à reconnaitre comment et où on se fait piéger car les tromperies du Malin sont «habituelles », sa façon de faire routinière; à reconnaitre ses propres faiblesses, ses lacunes, ses fausses forces, le poids de l'inconscient ou de l'environnement. Et mieux se connaitre, c'est s'armer pour résister. Ici encore, le génie d'Ignace est d'avoir su articuler la raison et le corps: notre unité est certaine et la raison sans le corps est abstraite, le corps sans la raison est aveugle. Dieu nous parle et la foi d'Ignace est que Dieu ne peut pas ne pas nous avertir en temps opportun, nous toucher pour alerter ou confirmer. Dans tous les cas, l’accompagnateur aura à faire accepter et nommer ces grâces de consolation dans la simplicité des enfants qui ne s'étonnent de la bonté du père. Il sera très attentif à l'interprétation qui en sera donnée, au profit qui en sera tiré car en second temps ce sont nos propres facultés qui interviennent et nous ne restons pas longtemps sous la mouvance de l'Esprit. On évitera surtout de s’enorgueillir ou se glorifier de la grâce reçue, ou de prendre des décisions intempestives…. Ce temps sera mis à profit surtout pour affermir la vie spirituelle, la prière, le témoignage, la vie apostolique… Et surtout pour nous aider à nous décider pour le Christ. Le discernement n’est pas une fin en soi…on peut passer tout son temps à discerner mais si cela n’aboutit pas à la décision cela ne sert à rien ! La vie spirituelle comme la vie physique et intellectuelle est tissée de décisions mineures ou majeures. L’accompagnement est un bon lieu d’aide dans l’écoute de l’Esprit à se décider à suivre Jésus de plus près. Et les toutes petites décisions du quotidien peuvent changer la vie et préparent les grandes: parfois de petites négligences ou des façons de vivre empêchent de reconnaitre le don de Dieu, à aller dans le sens de la vie…question de goût laissé sur les lèvres ou d’arrière goût ! Je le redis encore : la vie dans l'Esprit est essentiellement libération de la liberté et l'accompagnement est un moyen pour nous aider à trouver cette liberté. C'est une aventure qui nous donne le «pouvoir de devenir enfant de Dieu» (Jn 1,12) C'est immense. Et ce n'est pas réservé à une élite mais c'est pour tous, chacun selon sa voie. C'est là que peut être précieux le dialogue avec un accompagnateur spirituel. C'est une proximité qui s'apparente à la relation que décrit Jésus dans l'évangile : « Qui sont ma mère, mes frères? Ceux qui écoutent la Parole ». Cette relation doit conduire à la source de vie, à la connaissance de ce qu'est la liberté dans l'Esprit : capacité de don et d'amour. Alors on peut décider de suivre le Christ, devenir disciple, trouver sa place dans l'Eglise, la société. Qu'est-ce que je retiens de ma propre expérience d'accompagnatrice? En vérité je serais bien en peine de donner un « savoir faire » car chaque rencontre, chaque dialogue est comme une première fois. Je suis toujours émue devant le désir fort de suivre le Christ, de mettre de l'ordre dans sa vie, de grandir dans la foi qui anime ceux et celles que je rencontre. Quel courage et quelle confiance ! Quelle ouverture de cœur ! Alors devant cet « amour de préférence» pour Jésus le chemin se trace, chemin de vie, d'existence véritable. Le dialogue ainsi permet de ne plus rêver sa vie, d'entrer vigoureusement dans le réel, de s'accepter tel qu'on se découvre, d’accepter son histoire .... Car la vie dans l'Esprit n'est pas exercice de piété mais relation à Dieu qui met en œuvre toutes nos capacités: physiques, psychologiques, affectives, intellectuelles. C'est un itinéraire de croissance, avec des avancées et des reculs et qui exigera d’être dans la vérité Soyez exigeants avec vos accompagnateurs : ainsi Thérèse d’Avila estimait qu’elle « avait souffert beaucoup et perdu beaucoup de temps faute de savoir comment se diriger » mais insistait aussi sur toutes les calamités que pouvait déclencher un mauvais accompagnateur « J’ai buté sur des âmes traquées et affligées par l’inexpérience » et ajoute-t-elle « choisissez en un entre mille! » « Entre dix mille, ajoute François de Sales, car il s’en trouve moins qu’on ne saurait le dire capables de remplir cet office Il le faut plein de charité, de science et de prudence : si une de ces trois parties lui manque, alors il y a danger. Mais je vous le dis : demandez-le à Dieu, et l’ayant obtenu bénissez sa divine majesté, demeurez ferme et n’en cherchez point d’autres, mais allez simplement, humblement et avec confiance car vous ferez un très heureux voyage » (L'Introduction à la vie dévote - Philothée ). Pratiquement comment faire ? J’ai envie de dire « Cherchez et vous trouverez » selon votre famille spirituelle : une carmélite n’accompagnera pas comme un jésuite, une dominicaine ou un franciscain. Et je m’émerveille de la richesse de notre Eglise ! Rencontrez votre accompagnateur une fois, sans vous engager tout de suite : vous avez compris que beaucoup de choses se jouent dans la relation…Soyez attentif au cadre proposé. Et puis cela dépendra aussi de là où vous en êtes : il y a des accompagnateurs « accoucheurs » qu’il faudra quitter pour une figure plus paternelle ou fraternelle…l’intuition du changement sera donnée, elle est à prendre en compte ! C’est la grâce que je vous souhaite ! Je terminerai en écoutant Marcel Légaut « Ils étaient deux. Serait-elle bien utile celle amitié spirituelle pour celui qui marche avec la foule au milieu de la route large ? Mais elle m’est indispensable mon Dieu, pour vous atteindre. Toute âme vivante a besoin d’un témoin dans sa vie qui puisse la faire se découvrir en l’écoutant. Toute âme donnée sur la voie montante a besoin d’un entraîneur qui lui révèle sa force et réveille son ardeur. Et l’espérance ne s’incarne en ma chair que par la parole dite un ami qui sait en vivre. » Pour aller plus loin : - Revue Tychique N° 26 et 49 L’accompagnement spirituel - Revue Christus Hors série N° 153 L’accompagnement spirituel - Jean Gouvernaire Mener sa vie selon l’Esprit et Un discernement plus subtil Vie Chrétienne - Adrien Demoustier Vers le bonheur durable Vie Chrétienne - Jean Laplace Passeur de l’autre rive Vie Chrétienne