Page 1 sur 5 Chap. 5 LA CONFERENCE DE BERLIN (1884-1885) ET LE PARTAGE DE L’AFRIQUE - Présenter les circonstances de la tenue de la conférence, Présenter les résolutions adoptées et leur impact sur les conquêtes coloniales. INTRODUCTION Ce qu’on a appelé conférence1 de Berlin n’est qu’une conférence internationale, tenue de novembre 1884 à février 1885, qui a consacré les règles du partage colonial en Afrique centrale. Cette conférence se distingue du Congrès de Berlin qui est une conférence diplomatique tenue à Berlin, du 13 juin au 13 juillet 1878, par les représentants des puissances européennes et de l'Empire ottoman, réunis pour amender les termes du traité de San Stefano signé en mars de la même année. Cette conférence commença le 15 novembre 1884 à Berlin et finit le 26 février 1885. La conférence de Berlin marqua l’organisation et la collaboration européenne pour le partage et la division de l’Afrique. Une conférence antérieure2 fit débuter le débat sur la conquête des Congos3 et amorça ainsi le début des luttes coloniales. La conférence de Berlin aboutit donc à édicter les règles officielles de colonisation. L’impact direct sur les colonies fut une vague européenne de signature de traités. I- CONTEXTE Pendant de longues années, l'intérieur du continent africain, souvent difficile d'accès, n'a pas intéressé les puissances européennes qui se contentaient d'y établir des escales ou des comptoirs de commerce. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'appétit des puissances Européennes est stimulé par la découverte de richesses insoupçonnées, à l'image des mines de diamants du Transvaal découvertes en 1867. Durant les années 1880, les visées colonisatrices européennes en Afrique s'intensifient jusqu'à créer des tensions entre les différentes puissances. En 1881, la France occupe la Tunisie4, froissant au passage la susceptibilité de l'Italie, pose ses premiers jalons dans les territoires constituant l'actuelle République du Congo et s'empare de la Guinée en 1884. En 1882, le Royaume-Uni s'empare de l'Égypte, une province de l'Empire ottoman avant de se tourner vers le Soudan et l'actuelle région du Somaliland (que les colonisateurs dénommeront en 1884 Somalie britannique). En 1885, l'Italie prend possession d'une partie de l'Érythrée, alors que l'Allemagne déclare en 1884 avoir pris possession du Togo, du Cameroun, du Sud-Ouest africain (l'actuelle Namibie) et de l'Afrique orientale allemande en 1885. La concurrence engendrée par l'exploration du bassin du Congo (1874-1877) par Henry Morton Stanley, qui efface l'une des dernières terra incognita de la carte du continent5, conduit à l'organisation de la conférence de Berlin. En 1876, la conférence de géographie de Bruxelles (12-19 septembre 1876) avait été convoquée par le roi des Belges Léopold II afin d'envoyer des expéditions au Congo pour les motifs présumés d'y abolir la traite des Noirs maintenue par les arabes et, selon ses propres termes, de « civiliser » le continent africain. 1 Réunion au cours de laquelle les participants discutent et exposent des points de vue (sur un même sujet) pour essayer de définir un cadre commun d'action ou de réflexion [Remarque d'usage: parfois suivi d'un complément de détermination introduit par la préposition "sur"] être en conférence 2 La Conférence géographique de Bruxelles (1876). 3 Le pays du Congo fut divisé en trois parties, précisément : le Congo Léopoldville pris par les Belges, le Congo Brazzaville pris par la France et l’Angola qui appartenait historiquement au Portugal. Toutes ces régions formaient l’ex-royaume du Congo. 4 Le 12 mai, le traité du Bardo fait de la Tunisie un protectorat français. 5 Le Rwanda ne sera découvert par les Européens qu'en 1894 Page 2 sur 5 Elle aboutit à la création de l'Association internationale africaine. Dès 1878, le roi Léopold II saisit l'occasion de la traversée du continent par H.M Stanley pour l'inviter à se joindre aux travaux de la nouvelle association. En 1878, la Belgique créé aussi l'Association internationale du Congo qui présente des objectifs plus explicitement économiques ; elle reste toutefois en relation avec l'Association internationale africaine qui lui offre un paravent philanthropique. Stanley est chargé de retourner au Congo avec la mission secrète d'établir un État, le futur État indépendant du Congo, dont il serait le chef au nom de l'Association internationale africaine. Dans le même temps, la France affirme son intérêt pour la région : l'officier Pierre Savorgnan de Brazza remonte le bassin du Congo pour fonder Brazzaville en 1881. Le Portugal, qui s'appuie sur des traités antérieurs signés avec l'Empire Kongo, revendique une souveraineté sur ces mêmes territoires. Il passe le 26 février 1884 un accord avec le Royaume-Uni pour bloquer l'accès de l'océan Atlantique à l'Association internationale du Congo. Le Portugal conçoit alors l’idée d’une conférence internationale pour le partage de cette région. L’idée fut immédiatement reprise par l’Allemagne avec le chancelier Bismarck qui convoqua la Conférence de Berlin le 14 novembre 1884. L'Afrique coloniale en 1913 : la partition d'un continent. Allemagne Belgique Espagne France Grande-Bretagne Italie Portugal États indépendants (Empire d'Éthiopie, Liberia) II- LA CONFERENCE Bismarck se pose en médiateur de la crise, profitant de l'occasion pour affirmer un peu plus le rôle central de l'Allemagne dans le concert des nations. Quatorze puissances participent aux débats : Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Empire ottoman, Espagne, ÉtatsUnis, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Russie, Suède. Les peuples et les rois africains sont tenus à l'écart de toutes les discussions. La conférence présente un ordre du jour plus important que la simple question congolaise. On y parle principalement de la liberté de navigation et de commerce ainsi que des modalités d'installation sur les côtes. Page 3 sur 5 Deux conceptions s'opposent. D'un côté, Bismarck entend garantir la liberté de navigation et de commerce dans toute la zone. De l'autre, le Portugal, soutenu par le président du conseil français Jules Ferry, conçoit les colonies comme un monopole commercial détenu par la métropole. Au final, la conférence établit une liberté de commerce étendue dans les bassins du Congo et du Niger, mis à part dans le domaine du transport d'armes. Le 23 février 1885, les États participants édictent, dans un « acte général », deux principes essentiels de la colonisation. Le premier proclame la liberté de navigation sur le Niger et le Congo et la liberté de commerce dans le bassin du Congo ; le second, aux objectifs plus vastes, développe la théorie des zones d’influence : chacune des puissances contractantes peut revendiquer l’annexion de territoires occupés en reculant indéfiniment ses frontières jusqu’à ce qu’elles rencontrent une zone d’influence européenne voisine. Cette extension territoriale suppose une occupation effective et une notification immédiate des accords conclus avec les dirigeants autochtones aux autres puissances contractantes. Les frontières du nouvel État sont fixées : au total, Léopold II de Belgique reçoit, à titre personnel, deux millions et demi de kilomètres carrés qui deviendront plus tard l'État indépendant du Congo6. Au nord-ouest de l'État ainsi formé, 500 000 km2 reviennent à la France (bientôt baptisé Congo-Brazzaville). La France se voit aussi attribuer la partie intérieure du Niger dont le Royaume-Uni contrôle le delta. Du côté allemand, on espère que les concessions territoriales faites à la France atténueront le ressentiment né de la perte de l'Alsace-Lorraine à la suite de la guerre franco-prussienne de 1870. Le Portugal abandonne ses prétentions au nord de l'estuaire du Congo, sauf en ce qui concerne l'enclave de Cabinda. III- REGLEMENTATION Acte général Son « acte », le 23 février 1885, établit les points suivants : 6 Toute puissance européenne installée sur la côte peut étendre sa domination vers l'intérieur jusqu'à rencontrer une « sphère d'influence » voisine. Mais le traité exclut le principe de l'hinterland qui permet l'annexion automatique de l'arrière-pays par un État maîtrisant son littoral.[réf. nécessaire] Il ne peut y avoir annexion que par l'occupation effective du terrain et les traités conclus avec les populations indigènes doivent être notifiés aux autres nations colonisatrices. Liberté de navigation sur les fleuves Niger et Congo et liberté de commerce dans le bassin du Congo. Interdiction de l'esclavage. La Conférence a, enfin, pris acte de l'existence de l'État indépendant du Congo en tant que puissance souveraine7, territoire appartenant en propre au roi Léopold II de Belgique (et qui deviendra une colonie belge en 1908). La France obtient la reconnaissance de son autorité sur la rive droite du Congo et de l’Oubangui. Toutes charges et toutes responsabilités sont déclinées par la Belgique, comme le confirmera l'article 62 de la Constitution votée, les 28 et 30 avril 1885, par la Chambre des représentants belge. Léopold II lèguera toutefois ce territoire à la Belgique en 1908. 7 La reconnaissance de l'AIC est le produit d'une série de traités bilatéraux signés entre le 22 avril 1884 et le 26 février 1885 entre celle-ci les différentes puissances coloniales. Pour la question de la "reconnaissance" de l'AIC en tant que puissance souveraine, voir J. STENGERS, Congo, Mythes et réalités, Bruxelles, Racine, 2005, pp.93-96 Page 4 sur 5 La Conférence de Berlin rappelle l’interdiction de la traite et invite les signataires à contribuer à son extinction. La notion de « sphère d'influence » apparaît pour la première fois dans un traité international à cette occasion.[réf. nécessaire] Découpages bilatéraux Portugal - Royaume-Uni : le gouvernement portugais présente un projet connu sous le nom de « Carte rose » dans lequel les colonies de l'Angola et du Mozambique étaient réunies sur un axe est-ouest. Tous les pays réunis, à l'exception du RoyaumeUni, sont prêts à entériner ce projet. En 1890, le gouvernement britannique, en violation du traité de Windsor et du traité de Berlin lui-même, lance un ultimatum demandant que les Portugais se retirent de la zone située entre les deux colonies. Cet espace sera une dizaine d'années plus tard occupé par la Rhodésie de la BSCA britannique. France - Royaume-Uni : une ligne courant depuis Say au Niger jusqu'à Baroua, sur la côte nord-est du lac Tchad, détermine la zone dévolue à chacun des deux pays. La France se voit doter du territoire situé au nord de cette ligne et le Royaume-Uni la zone au sud de la limite. Le bassin du Nil reste la propriété des Britanniques. De plus, entre le onzième et le quinzième degré de longitude, la frontière passera entre le royaume du Ouaddaï, qui sera français, et le Darfour au Soudan, qui sera britannique. En réalité, une zone tampon de 200 kilomètres est mise en place entre le vingt-etunième et le vingt-troisième parallèle. Le contentieux sera levé en 1898 à l'issue de la crise de Fachoda. France - Allemagne La zone située au nord de la ligne formée par l'intersection du quatorzième parallèle et Miltou est considérée comme française, celle située au sud-est allemande. Royaume-Uni - Allemagne La ligne de démarcation entre les colonies des deux pays est formée par une ligne passant par Yola, sur la rivière Bénoué, Dikoa, en remontant jusqu'au lac Tchad. France - Italie L'Italie se voit attribuer la zone comprise dans le quadrilatère formé par le Tropique du Cancer, le quinzième parallèle et les dix-septième et vingt-etunième méridiens. IV- CONSEQUENCES La conférence de Berlin n'a pas partagé l'Afrique entre les puissances coloniales, elle ne fait qu'établir les règles de ce partage. Mais elle n'a pas pu empêcher les conflits entre colonisateurs, comme le montrent la crise de Fachoda en 1898 et les crises marocaines de 1905 et 1911. CONCLUSION Page 5 sur 5 Bien que n’ayant pas partagé l’Afrique, la conférence de Berlin fut le signal du « scramble » de la « mêlée »- pour le partage de l’Afrique considérée comme terre vacante. C’est ainsi que les puissances européennes se lancèrent dans la course à la conquête de ce continent. BIBLIOGRAPHIE Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold - La terreur coloniale dans l’État du Congo, 1884-1908, Tallandier, 2007 Henri Wesseling, Le partage de l’Afrique - 1880-1914, Folio Histoire Gallimard, 2002