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I. Originalité
L‘originalité du christianisme, c‘est avant tout son caractère de révélation, suivant
un long processus de manifestations divines qui passe par des étapes progressives où il y
a à la fois continuité et rupture, suivant une pédagogie divine, pour reprendre
l‘expression d‘Irénée de Lyon18. J‘aimerais signaler trois points: Dieu parle dans le
silence ; Dieu appelle ; cet appel ne retire pas du monde l‘immense majorité des élus.
1) L’originalité de Dieu qui parle dans le silence : la prière
« Donc le christianisme est une religion révélée19 ». Telles sont les dernières
paroles de Chateaubriand dans son Génie du christianisme. Cette révélation de Dieu se fait
dans le silence selon deux perspectives : le silence de Dieu et le nôtre. Nous lisons au
premier livre des Rois que Dieu parle non pas tant dans un « grand ouragan », mais dans
une « brise légère », dans la « voix d‘un fin murmure » (1 R 19,12). C‘est ici l‘intimité de
l‘entretien plutôt que sa douceur qui est exprimée. Elle est rendue possible parce que
Dieu s‘est fait petit, à notre portée : un enfant, « infans », littéralement celui qui ne sait pas
parler. Le mystère de l‘incarnation du Verbe éternel est exprimé ainsi par l‘idée que la
Parole s‘est abrégée afin d‘être à notre portée20. Le Seigneur, dit Ignace d‘Antioche, se
connaît dans son silence21. Nous trouvons un écho de cette attitude dans le silence du
Christ lorsque la femme adultère est accusée devant lui, ou lorsqu‘il est face à Hérode ou
à d‘autres, et refuse de leur répondre, ce que saint Josémaria dénomme « un silence
divin22 ».
Mais c‘est aussi notre silence qui est nécessaire pour que nous puissions percevoir
le divin. Mon évêque, Mgr Xavier Echevarría, aime rappeler les temps de silence qui
invitent l‘assemblée eucharistique réunie dans la charité à « écouter les conseils
intimes23 » de l‘Esprit Saint. Une dimension essentielle de la nouvelle évangélisation c‘est
18 Cf. par exemple s. Irénée, Adversus haereses, 3, 20, 2 ; cf. CEC 53, 1964. Sur continuité et discontinuité
entre religions, cf. Jean Daniélou, Dieu et nous, Grasset, Paris 1956.
19 Chateaubriand, Génie du christianisme, 1093. La première édition s‘achevait en revanche par une prière,
supprimée dès la seconde édition Ballanche (1809) : cf. 1918.
20 Cf. Benoît XVI, VD 12, qui renvoie à Origène, Péri Archon, I, 2, 8: Sources Chrétiennes [SCh] 252, p.
127-129.
21 Cf. S. Ignace d‘Antioche, Aux Éphésiens, XIX,1: « Le prince de ce monde a ignoré la virginité de
Marie, et son enfantement, de même que la mort du Seigneur, trois mystères retentissants, qui furent
accomplis dans le silence de Dieu » (SCh 10bis [1998] 75). Cf. aussi Aux Éphésiens XV, 1 ; Aux
Magnésiens, VIII, 1, in SCh 10 bis, Cerf, Paris 19984, 71, 87. Cf. commentaire de Pierre Thomas Camelot
in ibidem, 75, note 4 : le thème du silence est familier à la pensée religieuse des premiers siècles mais
aussi congruent au mystère paulinien et à la génération du Verbe chez saint Jean : « Les œuvres de Dieu
s‘accomplissent dans le silence, et les faits humains de l‘histoire de Jésus sont l‘éclatante manifestation
de ces secrets desseins de Dieu ».
22 Saint Josémaria, Quand le Christ passe, Le Laurier, Paris 20093, 72; cf. Sillon, Le Laurier, Paris 19872,
485; cf. Chemin de Croix, Le Laurier, Paris 20044, 1, 4. Cf. Mt 26, 62.
23 Xavier Echevarría, Vivre la Sainte Messe, Le Laurier, Paris 20133, 70; cf. aussi 25, 106, 186. Cf.
Ordination générale du Missel Romain, 45, 55-56. Cf. Benoît XVI, Exh. ap. Verbum Domini, 66.